𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐𝟒















—    A  M  E    A  S  S  E  R  V  I  E    —








武士は食わねど高楊枝












             MA FUREUR EST grande, presque dévorante. Jamais une telle colère ne m’avait envahie auparavant. Et je ne suis pas capable de la refreiner. Ma main me démange, une chaleur brûlante me dévore, mes yeux écarquillés fixent cet homme repoussant.

             Il est là, allongé sur le dos, sous mes pieds. Tout mon poids fait pression sur cet être. Accroupie sur son torse, les mains serrées autour du harpon de verre que j’ai matérialisé, je maintiens celui-ci fermement enfoncé dans son torse.

             Du sang jaillit de la plaie que j’ai formée, recouvrant mes pieds et imbibant mes chaussures. Mais peu importe. Je maintiens ma position, encore enragée.

             Dans mon dos, quatre de mes élèves se tiennent. Et je sais que si j’avais attendu ne serait-ce qu’une seconde de plus avant de m’élancer, créant mon arme à mesure que je courais, il aurait déjà brisé leur corps d’un coup de vent acéré et brutal.

             Similaire à celui qui a perforé ma poitrine, il y a quelques heures à peine.

             La douleur n’est plus que lointaine, à peine perceptible. Ma peau me tiraille à l’endroit où cet étrange inconnu m’a brûlée mais rien d’insupportable. Après tout, j’ai déjà vécu pire. Et ma fureur est si grande que je ne songe plus à grand-chose.

             Là, accroupie sur son torse, mes yeux rivés sur ses paupières écarquillées et sa bouche ouverte si béatement que je ne peux que deviner le cri silencieux qu’il tente de pousser, un sourire étire mes lèvres.

             Il va payer pour ces années de souffrance ainsi que pour la façon avec laquelle il comptait punir mes élèves.

             Ainsi, je ne songe à rien, à aucun code moral ni à la présence des adolescents dans mon dos. Mon cœur bat avec ardeur, l’hémorragie interne imbibe mon palais d’un goût métallique. Tant et si bien que quand j’ouvre la bouche pour le menacer sans perdre mon sourire carnassier, quelques gouttes de sang s’échoue sur son torse :

— Je vais te crever, sale raclure.

             Mes muscles se contractent, je suis prête à retourner l’arme dans sa plaie, lui asséner le coup de grâce en tranchant son organe vital d’une coupure nette.

             Mais soudainement, l’instrument se fait moins solide sous mes paumes. Mes yeux s’écarquillent. Je sens le manche s’effriter, quelques grains de sable courent le long de mes mains. Non. Ce n’est possible. Je suis restée concentrée dessus, elle ne peut pas s’autodétruire.

             Il est impossible que mon alter cesse de fonctionner. Je l’ai minutieusement réfléchi au cours des dernières minutes, pas une seule fois je n’ai laissé mon esprit quitter cette arme que je tiens. Elle ne peut pas s’effondrer.

             Enfin, à moins qu’un autre héros dont l’alter est justement de paralyser le mien n’intervienne.

— Laisse-moi tranquille, Eraser Head, je gronde avec fermeté.

             Je n’oublie rien de la distance qu’il s’est évertué de mettre entre nous au cours de notre dernière discussion. Le nom que j’ai employé me semble donc le plus propice à la situation que son véritable. D’autant plus qu’il intervient là où je ne lui ai pas demandé de le faire — et ne veut d’ailleurs pas qu’il le fasse.

             Les litiges nous opposant, moi et David, lui sont inconnus mais particulièrement vieux. Ce n’est pas à lui de décider comment je peux les traiter, d’autant plus que ce monstre s’apprêtait à s’en prendre aux élèves qu’il a sous sa responsabilité.

             Au lieu de s’en prendre à mon alter, il ferait mieux de me remercier.

— Tu ne peux pas tuer un homme. Tu ne devrais même pas utiliser ton alter et quand bien même tu aurais les mêmes droits que moi, nous n’avons jamais eu le permis de tuer, siffle sa voix grave et dépourvue, en apparence, d’intérêt.

             Un rire jaune me prend.

— Si je suivais les lois, tu crois sérieusement que j’aurais été condamnée à vingt-cinq ans de prison pour homicide !?

             Je ne le regarde même pas, trop occupée à fixer mon arme qui s’effrite lentement. Il n’aurait jamais dû m’entrainer à lutter contre mon alter. A présent, il n’arrive même pas à me désarmer en une fraction de seconde et un regard écarlate.

             Non. Il doit lutter contre moi. Et je paris que c’est la première fois que cela lui arrive.

             Ou peut-être est-ce due à l’affaiblissement de son nerf optique dont nous avions déjà discuté, auparavant.

— Sérieusement, va sortir les gamins d’ici, je veux pas qu’ils voient ça. Et reste avec eux le temps que j’en finisse, t’auras qu’à dire que t’as rien vu.

— Ma morale passe avant quiconque, (T/P). Et si tu crois que je ne te dénoncerai pas si tu commets un autre meurtre sous mes yeux, tu te trompes.

— Tu serais prêt à perdre ta crédibilité ? je nargue sarcastiquement. N’oublie pas que tu t’es porté garant pour moi. Que dira la juge, à ton avis ? Et les autres héros ?

— Ce qu’ils diront est le cadet de mes soucis. Ce que je veux savoir c’est ce que toi tu diras quand on élargira ta peine à un demi-siècle.

             Je tressaille. Mes yeux s’écarquillent. Non. Tout mais pas ça. Je ne pourrais pas survivre à une journée de plus sans ma liberté. Encore moins maintenant que je l’ai retrouvée. Je ne le supporterai pas.

             Sans que je m’en rende compte, mes mains se referment brutalement sur du vide. Des grains de sable filent entre mes doigts avant de s’échouer sur le torse imbibé de sang de David. Eraser Head a réussi son coup.

             J’ai détourné mon attention de mon alter et ai oublié mes pouvoirs, détruisant mon instrument de verre.

             Aussitôt, je tente d’en récréer un. Mais le mouvement de la main que je fais n’aboutit à rien.

             L’alter de cet abruti me paralyse.

— ESPECE DE CONNARD ! je hurle, me retournant aussitôt.

             Il se tient là, devant moi, seul. Les élèves sont paris. Sans doute leur a-t-il fait silencieusement signe de quitter les lieux. Quoi qu’il en soit, nous ne sommes plus que tous les trois, à présent.

             Encore accroupie sur David, je promène un regard empreint de fureur sur le nouveau venu. Il me fixe avec calme, ses iris sombres étant à présent allumées d’une vive lueur écarlate. Au-dessus de celles-ci, comme un arc entourant sa tête, sa crinière ébène s’est soulevée.

             Dans sa main et fermement, il tient une extrémité de l’imposante écharpe enroulée autour de son cou.

— POURQUOI TU PEUX PAS TE MÊLER DE TON CUL, BORDEL !?

             Il ne répond pas, se contentant de me fixer calmement.

— BORDEL DE MERDE, T’AS ETE CLAIR SUR LE FAIT QU’ON DEVAIT PAS SE MÊLER DE LA VIE DE L’AUTRE ALORS POURQUOI T’INTERFERE !?

             Il m’est impossible de savoir quelle émotion l’anime, à présent. Il se contente de me dévisager avec fermeté. Sa mâchoire contractée trahit sa concentration. Mais il ne se défend pas ni n’abonde dans mon sens.

             Cela ne fait que redoubler mon agacement.

— MAIS TU VAS REPONDRE, OUI !? CONNARD !

             Il n’obtempère pas, n’arque même pas un sourcil ou esquisse un coin de sa lèvre. Mon cœur bat avec ardeur tandis que ma voix déchire ma gorge.

             Une journée s’est écoulée. Une seule.

             Nous étions bien, l’un et l’autre, dormant ensemble et nous confondant dans nos étreintes respectives. Le temps de quelques heures, j’ai même cru m’être trouvée un ami, un confident, une épaule sur laquelle se reposer, un torse à enserrer.

             Doucement, la glace que la mort d’Han a forgé autour de mon corps a fondu face à ses délicates attentions, les gestes visiblement anodins qu’il faisait mais qui signifiaient tant pour moi. Qu’il s’agisse de ma sieste sur son torse en venant ici, de la tendresse avec laquelle il m’a rassurée, dans les bains publics ou encore de la légèreté de nos conversations, le simple fait de passer une journée avec lui, ces derniers temps, me remontait le moral et me rendait plus heureuse que je ne l’avais jamais été durant notre mariage.

             Alors que s’est-il passé ? Pourquoi en sommes-nous là ?

— BORDEL DE MERDE, JE CROYAIS QUE TU ME COMPRENAIS ! TU ETAIS LE SEUL QUI NE ME JUGEAIS PAS SUR MON MARIAGE AVEC HAN !

             Une larme roule sur ma joue. Je réalise que mes yeux se sont mis à pleurer. Désarrois. Colère. Traumatisme. Frustration. Détresse. Désespoir.

             Tout se mêle.

             Ma voix se fait soudain plus douce. Je n’ai plus la force de crier.

— Je sais que tu t’en fous. Mais tu étais mon seul ami. Et je croyais que tu comprendrais. Que jamais tu me traiterais comme une criminelle.

             Je ne le regarde même pas. La honte me cuit trop. Je n’ose pas lever les yeux. Je lui ai ouvert mon cœur, à lui, celui qui m’a jeté en prison, par le passé. Mon bourreau mais aussi garant de caution.

             Mon organe vital se fissure. Il ne répond pas. Malgré la sincérité de mes paroles, il reste muet, froid, intransigeant.

             Dans la nuit froide, le silence seulement perturbé par le bruit du vent et le froissement des flammes, loin de nous, sa voix retentit soudain.

             Grave et solennelle.




















— (T/P) Halmes, je vous arrête pour trahison.






































             Jamais je ne me suis sentie aussi furieuse et les ambulanciers le comprennent bien. Attachées solidement au brancard par quatre paires de menottes entourant chacun un de mes membres, je ne peux que regarder le plafond de cette camionnette d’ambulance.

             Il est blanc, entièrement. Je discerne le sommet des armoires fixées aux murs et contenant de quoi attribuer les premiers soins en attendant que je sois amenée à l’hôpital le plus proche afin de traiter ma blessure au torse.

             Edward a été appelé et se déplace en même temps que nous. Nos chemins se croiseront sous peu et, à ce moment-là, il m’aidera à cicatriser.

             Mais je reste furieuse.

             Aizawa croit que je suis responsable de l’attaque de ce soir. Alors que je me suis démenée contre David pour étouffer les oppresseurs et sauver, protéger des élèves, il m’a faite enchainée comme une criminelle avant d’ordonner aux ambulanciers de m’emmener sans un regard pour ma personne.

             La colère demeure en moi. Elle refuse de me quitter, me dévore.

             Il n’a même pas voulu m’écouter, entendre ce que j’avais à dire, me laisser me défendre. Un traitre est forcément dans nos rangs compte tenu que seules les personnes qui se trouvaient dans ce camp était au courant de sa localisation. Alors les regards se tournent naturellement vers celle qui a été condamnée à vingt-cinq ans de prison ferme.

             Mais je suis tout de même affectée qu’Aizawa ne m’ait pas laissée de chance de m’expliquer. Au fond de moi, je crois que je suis même furieuse qu’il m’ait simplement soupçonnée.

             J’ai mal. Une perfusion est plantée dans mon bras mais je suis éreintée par la douleur. Et, à mes pieds, les ambulanciers ne discutent même pas avec moi, se contentant de m’administrer les premiers soins.

             Je ne leur en veux pas. A leur place, je ne voudrais pas non plus me rapprocher d’une potentielle meurtrière d’enfant doublée d’une terroriste.

             Mais je me sens seule. A un point tel que, malgré ma colère contre Aizawa, je donnerai n’importe quoi pour qu’il soit là et me rassure. Qu’il me dise que la douleur va s’atténuer. Qu’il me certifie que je ne retournerai pas en prison. Qu’il atteste qu’il ne restera aucune cicatrice après le travail d’Edward.

— Madame Halmes, étant donné que vous êtes une ancienne prisonnière, vous n’avez pas d’allergie ?

             Une voix féminine me tire de mes profondes pensées. Je lève les yeux vers l’ambulancière assise à côté de moi, un bloc-notes dans la main.

             Elle est habillée de l’habituelle vaste bleu marine des secouristes et sa casquette est de la même couleur. De celle-ci, des mèches châtains et blondes jaillissent en pêle-mêle. Ses yeux clairs me fixent au-dessus de son nez cabossé.

             Elle ne me sourit pas mais ne semble pas hostile non plus.

— Non, je réponds, légèrement désarçonnée par le fait qu’elle ne semble pas aussi froide que son collègue.

             Elle acquiesce avant de reposer son calepin. En prison, chaque nouveau détenu se voit injecter une dose poussée d’épinéphrine qui guérit toutes les allergies. La formule a longuement été développée et plusieurs essais ont été mené.

             Les études sont encore en cours. En d’autres termes, je n’ai pas reçu de la part d’un gouvernement bienveillant un remède à mes potentielles maladies.

             Je n’ai été que le sujet d’une expérience.

— Bien, lance la femme en s’accrochant aux barreaux de métal tendu au-dessus de nous, la camionnette prenant un virage serré, on va passer pas mal de temps ensemble donc autant se présenter maintenant.

             Prenant ma main menottée, elle la serre.


















— Mon nom est Olympe Loreen.















武士は食わねど高楊枝


















2139 mots

hey je reviens
après une semaine de
pause

:)

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