— A M E A S S E R V I E —
武士は食わねど高楊枝
LES ENTRAINEMENTS SE SONT succédés depuis hier, m’épuisant et me drainant. Mes muscles me tiraillent, des courbatures parcourent mes membres. Je ne parviens même plus à faire le moindre mouvement sans que mes nerfs ne se crispent.
Aizawa a su drainer jusqu’à la moindre goutte d’énergie en moi, tant et si bien que, au retour, il a carrément dû enrouler un bras autour de ma taille pour m’aider à marcher. Son expression était alors neutre, impassible, ne laissant rien deviner de ce qu’il pouvait penser.
Mais j’étais, pour ma part, enivrée par sa main sur ma taille.
— Vous ne vous entrainez pas avec les enfants ? retentit une voix dans mon dos.
Mes sourcils se froncent et, me retournant, je me retrouve face à deux yeux bruns sertis de cheveux auburn. Ceux-là sont coupés en-dessous de ses joues, enjolivant son visage. Je reconnais sa tenue rouge et la clochette accrochée à hauteur de son cou.
Elle est l’une des Wild Wild Pussy Cats. Ambre, je crois.
— Ah, salut ! Non, Aizawa m’a donné une période de congé. Je crois qu’il a eu un peu pitié quand il m’a entrainé jusqu’à l’épuisement, hier.
Elle rit légèrement en guise de réponse.
— Oui, je vois ! Vous faites donc une balade pour vous ressourcer ? me lance-t-elle.
J’acquiesce dans un sourire.
— C’est un peu ça. J’essaye de me dégourdir les jambes.
— Vous faites bien, les jours à venir seront extrêmement musclés. Nous allons augmenter de plus en plus la cadence des entrainements.
Elle n’a pas tort. Même ici, en plein milieu de la forêt, j’entends encore les hurlements des élèves se battant avec hargne. Ils se montrent brutaux, prêts à repousser leurs limites, se dépasser. Je ne sais pas à quel point ceci va évoluer, dans quelques jours.
Autour de nous, les arbres s’élèvent et l’odeur de pétrichor embaume les environs. Je respire à plein poumons. Bientôt, le soleil se couchera. Il me faudra retourner m’occuper du repas avec les élèves, mettre la main à la pâte.
Cependant je n’ai pas envie d’y penser maintenant.
— Vous mettez souvent en place des camps d’été ? je demande.
— Ce n’est pas la première fois qu’Aizawa fait appel à notre aide pour aider à la formation de ses étudiants, oui.
Mes sourcils se froncent. Elle n’a pas vraiment répondu à ma question. Mais sa prise de parole m’intrigue suffisamment. Comment ça, Aizawa a déjà fait appel à elles ? Il les connait beaucoup ? Les aime bien ?
Malgré moi, un étrange sentiment d’inconfort me prend.
— C’est votre ami ? je demande, suspicieuse.
— Pas vraiment. Il nous arrive de prendre un café à l’occasion mais…
— Seuls ? En tête-à-tête ?
Je mords ma lèvre dès lors cette question la franchit. Aucune subtilité, ma jalousie est explicite. Le pire est que je ne sais même pas pourquoi je suis gênée à l’idée de « partager » Aizawa. Qu’importe les relations qu’il noue autour de lui, il demeurera à jamais mon géôlier, ne s’écartera pas de moi.
Il en est légalement contraint. Cependant une gêne persiste.
La femme devant moi n’a pas répondu, perplexe. Ses sourcils se sont haussés face à mon déferlement de questions, elle est visiblement très surprise de ma ténacité. Sans doute se dit-elle qu’il n’est pas normal que je traite comme ça mon collègue.
— Comment ça, en tête-à-tête ? Vous voulez savoir s’il est déjà sorti avec l’une d’entre nous ? demande-t-elle.
Je ne sais trop quoi répondre. Oui. Je veux le savoir. Mais ma demande ainsi que ma curiosité sont déplacées. Je ne suis pas sa femme — contrairement à ce qu’il peut prétendre. Et ne peux sûrement pas me permettre une telle intrusion.
Seulement depuis l’épisode des bains publics, je ne sais réellement pour quelle raison, mon envie de le garder pour moi, quoique malsaine, se fait de plus en plus présente.
— Et bien j’ai cru comprendre que sa petite-amie actuelle n’était pas bien jalouse mais jamais nous ne nous sommes permis de diner seules avec lui.
Sa phrase me fait l’effet d’une claque. Sa quoi ?
Le temps d’un instant, je nie. Mon esprit me crie qu’il s’agit forcément d’une erreur, que je n’ai simplement pas bien entendu. Il ne peut en être autrement, si ? Aizawa n’a jamais laissé sous-entendre qu’il était en couple. De plus, il prétend moi-même que je suis sa femme.
Ce doit être cela. Sans doute ne connait-elle pas mon nom et croit-elle que la « (T/P) » qu’il a épousé est une autre. Oui. Cela est forcément la raison.
Je ressens une pointe de soulagement à cette idée.
— Il n’est pas en couple, je réponds dans un rire. Vous avez du mal comprendre !
— Emi m’a pourtant certifié du contraire, lance-t-elle. Selon elle, elle l’a même déjà demandé en mariage.
Un autre faible rire me prend.
— Et bien je ne sais pas qui tient informé Emi mais la soi-disant petite-amie d’Aizawa est juste sa colocataire et…
— Colocataire ? elle fronce les sourcils.
Je fais de même avec les miens. Quelque chose me dit que nous ne parlons pas de la même personne, depuis tout à l’heure.
Les traits de mon visage retombent. Je me redresse, abasourdie et tentant de composer avec moi-même. Mais un pincement au cœur me prend. Différent de tous ceux liés à ma relation avec Han. Non. Là, ma douleur est plus vive.
Je suis réellement peinée.
— De qui parlez-vous, Amber ?
Celle-ci penche la tête sur le côté.
— Et bien de Emi, Miss Joke ! Je travaille souvent avec elle, c’est la professeure principale d’une classe à l’Académie Ketsubutsu ! Madame Fukudado, c’est comme ça que ses élèves l’appellent !
Mon cœur semble se broyer dans ma poitrine. Mes nerfs se tendent. Miss quoi ? Mais de quoi parle-t-elle, bon sang ? Aizawa ne m’a jamais mentionné qui que ce soit ! Et puis cela va faire plusieurs mois que je suis chez lui, hébergée à ses frais, jamais il n’a ramené qui que ce soit.
Même pire, il me fait passer, moi, pour sa compagne. Une colère sourde m’envahit. Comment a-t-il pu me cacher une telle information !?
— Et depuis combien de temps ? je lâche, tentant de maitriser ma voix.
— Oh, je sais pas… Mais ça fait bien un paquet d’années qu’on entend parler de leur projet de mariage. La première fois que je l’ai rencontrée, elle était toute heureuse à l’idée de le voir l’après-midi même !
Mes mains tremblent. Je n’arrive pas à saisir la raison du vide se créant en moi. Je crois que je me sens trahie. Pourtant, ce sentiment n’a pas lieu d’être. Aizawa a tout à fait le droit d’avoir une vie privée. Je n’ai pas à intervenir dedans.
Alors pour quelle raison mon cœur me tiraille tant ?
— Je vous pris de bien vouloir m’excuser, je lance, la gorge serrée.
Sans même lui laisser le temps de riposter, je la contourne. Surprise, elle ne laisse entendre qu’un très léger cri de surprise en me regardant faire, abasourdie. Mais je ne prête pas attention à ses états d’âmes.
Mes pieds se succèdent avec rapidité sur le sol. L’herbe s’écrase sous eux, les arbres défilent sous mes yeux, ne devenant que de longues lignes de couleur m’englobant tant je marche rapidement.
Quelle garce.
Non. Je m’égare. Je dois cesser de penser comme Han voulait que je le fasse. Momo, Ochaco, Mina et même Midnight que je ne connais pas forcément me l’ont montré : il avait tort, la gent féminine n’est pas là juste pour me rendre jalouse, elle n’est pas mon ennemie.
Mais putain je hais cette pétasse.
Je ne sais même pas pourquoi ? Je ne la connais pas et Aizawa est celui en tort : il m’a fait passer pour sa petite-amie alors qu’il est en couple avec elle. Il ne s’est jamais exprimé à son sujet, je viens littéralement d’entendre le nom d’Emi Fukudado pour la première fois.
Mais je la hais tout de même.
— AIZAWA !
Mon cri fait retourner les dizaines de têtes étalées au pieds de la falaise, dont celle de l’intéressé. Il est présentement à côté de Momo, évaluant le nombre d’objets qu’elle a pu produire. Non loin d’elle, Bakugo s’énerve tout seul, poussant des beuglements.
Mais il s’est tu à mon arrivée, se tournant vers moi comme tous les autres, abasourdis. Car mon arrivée est des plus remarquables.
— Oui ? répond simplement le noiraud de son habituel ton ennuyé.
Il s’est à peine tourné vers moi, ses longs cheveux étalés sur ses épaules ne bougeant même pas dans son mouvement tant celui-ci est lent.
Alors, lorsque je fonds sur lui, mes bras accompagnant ma marche rapide et mon visage est déformée par une sorte de colère réprimée. A sa hauteur, je ne perds pas une seconde et empoigne fermement son bras.
— Viens avec moi.
Il n’émet aucune résistance et se laisser trainer à ma suite. Un instant, mon cœur se serre en songeant à la brutalité de mon geste alors qu’il semble tout à fait apte à me parler. Mais ma culpabilité fond comme neige au soleil au souvenir de ces deux mots que je vais apprendre à correctement haïr, je le sens.
Emi Fukudado.
— Je peux savoir où nous allons ? résonne sa voix.
— J’en sais rien, je veux pas d’oreille indiscrète.
Bientôt, nos pas sur le gravier nous amènent jusqu’au bâtiment où nous logeons. Son architecture grecque se dessine devant nous, impressionnante. Je ne perds pas plus de temps et me pose entre les deux colonnes marquant l’espèce de perron sur l’entrée, juste devant la double porte menant au hall.
Quand je m’arrête, il se pose devant moi. Visiblement pas alarmé par ma colère, il me regarde simplement.
— Tu comptais m’en parler quand !? je demande d’ores et déjà, observant soigneusement sa réaction.
Mais il se contente de me fixer en retour, imperturbable.
— Te parler de quoi ?
— Arrête de faire l’innocent ! Emi Fukudado, ce nom te dit rien ?
— Si, il me dit quelque chose. C’est une consœur, lance-t-il.
— Une consœur ? Sœur ? T’es originaire d’Alabama !? je m’exclame avec fureur.
Ses sourcils se froncent légèrement.
— Je ne suis pas sûr de saisir l’analogie.
Aussitôt, mes poings se ferment. Sa capacité à jouer l’innocent m’emplie d’une rage sans pareille. Évidemment, qu’il comprend l’analogie ! Il ne va pas me faire croire qu’il n’est pas au courant qu’il est en couple avec cette « Joke ».
— Tu comptais me dire quand que tu étais en couple ?
Là, sa réaction est franche.
— Et je peux savoir en quoi ça te regarde ?
Ma colère retombe brutalement tant sa phrase me prend de court. Son ton est calme mais ses mots ne sont pas anodins. A vrai dire, il m’a simplement remise brutalement à sa place.
— Bah, je…
— Je vais mettre les choses au clair, (T/P), lâche-t-il en s’approchant de moi, sa voix se faisant plus ferme. Tu es sous ma tutelle, c’est tout. Je ne te dois rien, aucune explication. Tu peux te mettre en colère à propos de l’incapable qui te servait de mari et du fait que grâce à moi, il n’est plus de ce monde mais ne te permets plus jamais de t’en prendre à moi sur ma vie privée car c’est ma vie privée. Pas la tienne.
Mes yeux sont écarquillés. Je ne sais pas à quoi je m’attendais. Mais je n’étais définitivement pas convaincue qu’il se monterait aussi ferme et furieux. Je crois qu’une partie de moi espérait qu’il m’assure que je me trompais sur toute la ligne.
Que cette Emi était juste une abrutie s’inventant une vie.
— M… Mais je croyais que…
— Tu croyais mal.
Puis, sans me laisser l’occasion de poursuivre, il tourne les talons. Prise de court, je le laisse faire. Abasourdie, je me contente d’observer sa silhouette tandis qu’il retourne auprès de ses élèves sans un mot de plus.
Mes épaules tremblent. Je crois que j’ai honte de moi-même. Mon comportement.
Mais je suis aussi convaincue que je suis profondément blessée par le fait qu’Aizawa ne soit pas célibataire.
ꕥ
Mes pieds se succèdent sur le sol de la forêt. La nuit est tombée depuis longtemps. Les étoiles brillent dans le ciel. Je ne rentrerais pas à l’auberge, ce soir. Je n’en ai ni l’envie, ni la possibilité.
Car faire de nouveau face à Aizawa, après la conversation plus que brutale de tout à l’heure, m’est vraiment impossible. Je ne pourrais pas demeurer devant lui. Je crois même qu’il serait possible que je m’évanouisse.
Qu’importe, je n’ai de toute façon pas la tête à réfléchir à cela.
Il fait froid. Dès que le soleil pointera ses premières lueurs, j’irais me laver, revêtir des uniformes disponibles dans la buanderie commune et m’en irait petit-déjeuner. Puis, me réenfonçant dans la forêt, je continuerai ainsi jusqu’à la fin des vacances.
Bien sûr, Aizawa pourra me retrouver à tout moment grâce à mon bracelet électronique. Mais, tant qu’il ne tente pas réellement de le faire, je m’en contrefiche.
Et si jamais il me suit, je pourrais sans doute me trancher la cheville en créant une lame de verre.
L’idée ne m’enchante pas mais j’ai trop donné. Soit, je suis aller trop loin en parlant à Aizawa de cette façon. Mais la façon qu’il a eu de me répondre ne fait que me conforter dans le fait qu’il faut que ceci trouve son terme.
Je vais enfin être libre, après tant d’années.
Soudain, la fraicheur de la soirée se réchauffe. Brutalement, l’air s’épaissit et une violente bourrasque se presse à mon cœur. Une odeur de cramer empli mon nez.
Du feu. Un feu vient de s’allumer.
Me retournant, je laisse mes yeux s’écarquiller quand, au loin, des violentes et hautes flammes bleues brillent. Immenses, elles avalent déjà certains arbres, terrifiantes. Et, quand bien même plusieurs dizaines de mètres m’en séparent, je ressens sa chaleur d’ici.
Mon cœur rate un battement.
Ce feu n’est pas naturel. Il s’agit d’un alter. Nous nous faisons attaquer. Je dois prévenir Aizawa.
Mais je n’ai le temps de faire le moindre pas. Une voix familière résonne soudain, dans mon dos :
— Tiens, tiens, tiens. Que fais la pute d’Han ici ?
武士は食わねど高楊枝
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hey ! on attaque
une partie assez
importante
j'espère que ça
vous plaira
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