𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝐎
— A M E A S S E R V I E —
武士は食わねど高楊枝
• S 0 2 E 1 3 •
LA MUSIQUE SE POURSUIT autour de nous, assourdissante. Pourtant, les conversations se sont tues et rires, envolés. Nul n’ose émettre le moindre son, interloqués. La scène se déroulant sous leurs nez les prenant trop de court.
Le gérant du bar, Dan Eseinstein, se trouve présentement étendu sur le sol. Ses membres, tous enserrés par des bandes grises, sont reliées à la silhouette d’un homme debout à quelques mètres de moi, ses longs cheveux noirs relevés en un arc autour de son crâne tandis que ses iris rouges me fixent intensément.
Eraser Head semble furieux.
— On va avoir une sérieuse conversation, (T/P), lance-t-il.
Déglutissant péniblement, je sais mes entrailles se soulever. J’aurais dû me douter qu’il débarquerait ici, tôt ou tard. Mon interdiction de quitter le lycée est particulièrement importante et, durant une période où se négocie mon retour ou non en prison, le mieux serait encore que je me tienne à carreaux.
Alors Eraser Head doit surveiller avec attention les déplacements de mon bracelet électronique.
Mais, de mon côté, je n’apprécie pas le moins du monde qu’il s’en prenne de la sorte à Dan. Mon ami ne faisait rien de mal. Il mettait juste en place une technique très peu habile de séduction.
— Relâche-le, maintenant, je gronde.
Je le vois se raidir et ses yeux se font plus pressants encore. Sans doute pense-t-il que je ne suis pas en mesure de donner des ordres, surtout pas quand je suis celle fautive. Mais, justement, j’ai brisé mon couvre-feu, je suis la seule à blâmer ici.
Dan n’a strictement rien à voir là-dedans.
Eraser Head soutient mon regard durant quelques instants, le durcissant. Mais, au bout d’une poignée de secondes, il semble se ranger de mon côté car, d’un geste technique et rapide, range les bandes enroulées autour de Dan. Celles-ci se replient autour de sa nuque, formant une écharpe épaisse et longue.
Puis, tandis que mon ami se redresse péniblement, aidé par des clients, l’autre me lance simplement :
— Reviens avant que quelqu’un d’autre que moi ne se rende compte que tu fais l’école buissonnière.
J’acquiesce simplement. Je sais que je ne suis pas en position de protester ni de faire une scène. Par ailleurs, aussi insupportable Eraser Head soit-il, il agit présentement pour mon bien.
Si un professeur apprend que j’ai quitté le lycée sans mon chaperon et le relate aux autres membres de l’équipe enseignante, les chances que mon jugement prochain visant à établir si je dois retourner en prison ou non bascule en ma défaveur seront nombreuses.
Je me contente donc de passer à côté de mon ami, me tournant vers lui au passage.
— Salut, je murmure avec un faible sourire.
Dan esquisse un rictus amusé. Autour de lui, deux femmes vérifient qu’aucune plaie ne recouvre ses bras. Je devine que cette mésaventure va lui être profitable du point de vue sexuel, finalement.
Un rire manque de secouer ma poitrine.
— Reviens quand tu veux, me murmure-t-il en retour.
Mes yeux s’écarquillent légèrement, je suis assez surprise. Il a tendance à être extrêmement protecteur envers ses amis et jamais je n’aurais cru qu’il me laisserait filer si facilement en compagnie du héros-assassin Eraser Head.
Lors de mes premières rencontres avec Han, même si mes souvenirs de cette période sont morcelés, j’ai la certitude que Dan essayait chaque soir de m’empêcher de le rejoindre, assurant qu’il n’était pas quelqu’un de bien. Mais, présentement, à ma grande surprise maintenant, il n’agit pas de la même façon envers mon géôlier.
Je me contente d’ignorer cela, acquiesçant simplement à sa phrase avant de rejoindre mon chaperon.
Sans un regard pour ce dernier, je le double. La musique continue de retentit autour de nous, quoi que je réalise que Bumpy Ride a laissé place à Eyes, Nose, Lips de Taeyang — et son ambiance radicalement différente. Qu’importe, je pousse rapidement la porte du bar et me voilà dehors.
Le bruit des voitures et quelques conversations remplace le chant lyrique qui résonnait dans l’établissement. Mon regard se porte sur la nuit illuminée de lampadaires tandis que le froid s’abat sur moi. Dans mon dos, j’entends la porte s’ouvrir.
Mais je refuse de me tourner vers le héros.
Celui-ci s’approche de moi et se poste à ma gauche. Je ne dis rien, me contentant de fixer les voitures allant et venant devant nous, face à l’autre trottoir et ses établissements nocturnes. Ici, nous sommes dans les quartiers festifs de la ville. La fréquentation y est plus élevée qu’ailleurs.
Après un silence bref, Eraser Head prend finalement la parole :
— Tu avais l’air de t’amuser et je n’ai aucune envie de te chaperonner…
— Alors tu aurais dû m’y laisser, je le coupe sèchement.
— Tu sais très bien que, jusqu’à ce que la décision de te renvoyer ou non en prison suite au championnat de Yuei soit prise, il vaut mieux que tu fasses profil bas.
— Mais t’étais obligé de secouer Dan comme ça ? Il n’a rien fait ! je m’exclame, ignorant sa précédente prise de parole pour ne pas avouer qu’il dit vrai.
Il soupire faiblement, visiblement hésitant à l’idée de poursuivre ses propos. Mais il est trop tard pour lui, il a déjà commencé ses idées.
— Tu étais figée, tes yeux étaient écarquillés. Ça ne donnait pas l’impression que tu étais particulièrement ravie de ce qu’il se passait autour de toi. J’ai cru bien faire.
Je me fige, les yeux écarquillés. Ai-je bien entendu ?
J’avoue être surprise. Par le passé, quand Han a pu m’éloigner d’un homme ou en frapper un autre, il était systématiquement furieux contre moi, m’hurlant qu’il n’était pas normal que je me laisse approcher de la sorte.
Alors, entendre une justification autre, une qui laisse penser qu’Eraser Head se soucie en réalité de mon bien-être me saisit quelque peu.
J’ignore sciemment cette discussion mais suis tout de même consciente des vapeurs denses qui grimpent en moi.
— Tu vas me ramener au lycée ? je demande afin de changer de conversation.
Il joue le jeu, à mon plus grand bonheur, et ne fais aucune remarque sur ma flagrante tentative d’éviter de le remercier.
— Même si les stages commencent demain, on va avoir une sacrée journée ensemble en ville donc il vaut mieux que tu ailles dormir, en effet.
Un rire sec et jaune franchit mes lèvres.
— Dormir… Je peux toujours rêver…
— Je peux te procurer des somnifères, si tu le souhaites ? demande Eraser Head en tiquant à ma remarque.
— Oh non, ce n’est pas ça…
Je détourne les yeux des voitures pour le regarder, lui, et remarque qu’il me fixait déjà. Je retiens un faible sourire malgré moi et étaye mon propos :
— Disons que c’est compliqué de trouver le sommeil sur les bancs des vestiaires.
Je vois les sourcils d’Eraser Head se froncer.
— Les bancs des vestiaires ? s’interroge-t-il. Tu dors là-dessus ?
— Où veux-tu que je dorme ? je réponds, perplexe, en entendant la surprise dans sa voix.
Il hausse légèrement les épaules, semblant dument réfléchir à la question.
— Et bien…, lance-t-il en se grattant le menton d’un air songeur. J’avoue que la salle des profs contenant des canapés, je m’imaginais que…
— Elle est fermée à clé la nuit, je le coupe. Les salles de classes, les couloirs contenant des distributeurs et la cantine aussi. Je ne mange quasiment rien et dort mal mais au moins je peux prendre autant de douches que je veux.
Même si ma voix se veut moqueuse et mon ton, humoristique, je sens bien au froncement de sourcils d’Eraser Head qu’il n’apprécie pas grandement ce qu’il entend. La communication est-elle si mal au sein de ce lycée qu’il n’a pas été mise au courant de mes conditions de vie ?
Cela dit, si je n’avais pas fermement refusé de lui adresser la parole jusque maintenant, sans doute aurait-il été mis au courant nettement plus facilement.
— Viens, dit-il simplement en tournant brusquement les talons.
— Où ? je réponds en le suivant tout de même.
— Chez moi.
Là, mes pieds me lâchent et je m’arrête aussitôt. Mes yeux s’écarquillent. Ai-je bien entendu ?
Le héros ne semble pas relever ma surprise car il continue sa marche sans une considération pour ma personne, franchissant les quelques mètres le séparant d’une splendide voiture noire.
Je reviens à moi en voyant les phares de celle-ci s’allumer, signe qu’il vient de la déverrouiller. Je suis abasourdie par ses propos. Vient-il sincèrement de dire qu’il comptait m’emmener chez lui ?
En quelques pas rapides, je le rejoins. Il ne prend pas la peine de s’éterniser devant le véhicule et le contourne pour s’assoir derrière le siège conducteur. Quant à moi, comprenant sa demande implicite, je prends place à côté de lui.
Refermant derrière moi, je me surprends à savourer l’agréable température des lieux et son odeur de cuir apaisante. Après la fraicheur de cette soirée, je trouve réconfort ici. Bien que ma compagnie m’embarrasse.
— Je crois avoir mal entendu, je lance, hésitante. Tu as dit que tu nous emme…
— Chez moi, lâche-t-il en démarrant le moteur, tournant la clé.
Mes sourcils se haussent.
— Comment ça, chez toi ?
— J’ai deux étages et n’occupe quasiment jamais les lieux avec mes emplois. Je préfère te savoir à l’aise et en sécurité chez moi que seule dans le lycée…
Mon ventre se tord. Je ne sais trop pourquoi cette nouvelle me procure quelques frissons. Je tente de me replacer sur mes sièges tandis que la voiture démarre doucement et que le paysage commence à filer sous mes yeux.
Toussotant, je m’éclaircis la gorge.
— Et bien, c’est très généreux et prévenant. Merci, Era…
— Mon nom, lâche-t-il simplement.
Je déglutis péniblement et serre instinctivement les cuisses tandis que quelques bribes de mon rêve me reviennent. J’ai honte d’y songer maintenant.
— Comment ça ?
— Appelle-moi par mon nom. On se tutoie de toute façon.
Mes sourcils se froncent. Je ne m’en étais même pas rendue compte. Naturellement, suite au championnat et à la protection qu’Eraser Head m’a offerte devant Endeavor, j’ai baissé ma garde et me suis laissée aller à me rapprocher de lui.
Ce n’est pas professionnel. Dans le sens que mon seul travail aujourd’hui devrait être de veiller au déclin du noiraud et que je commence à me comporter en bonne collègue avec lui.
Bon sang je ne me suis même pas rendue compte que je le tutoyais ! L’heure est grave.
— Non merci, je réponds simplement, songeant au souvenir de mon rêve de tout à l’heure.
Ses lèvres sur ma gorge, sa main sur mon sein, son corps contre le mien. J’ai honte de me sentir griser par ces sensations fictives.
Il n’insiste pas plus que cela et continue de rouler paisiblement. Je ne dis rien durant de longues minutes, me contentant de fixer le paysage filant au travers des vitres. Puis, je pose ma tête dessus, légèrement embrumée par la fatigue.
— Demain j’aimerais t’emmener prendre vos mesures pour un uniforme de super-héros, lance-t-il.
Sa voix m’apparait lointaine, comme provenant de derrière une vitre. Je ne dis rien, mes yeux luttant contre le sommeil.
— Vous allez devoir supporter une journée en ma compagnie, ajoute-t-il de son habituel ton morne et inexpressif.
Je ne rétorque rien, les yeux déjà clos. J’entends ce qu’il dit et je compte lui répondre, mais pas de tout de suite. Car je suis bien, là. Je me sens en sécurité, veillée.
La façon qu’a eu Eraser Head de s’imposer à Dan dans le bar, l’éjecter dès lors qu’il a cru qu’il franchissait les limites sans se poser de questions, la douceur avec laquelle il m’a expliqué son geste plus tard… Disons que tout cela est inédit pour moi, mais plaisant.
Alors, même si ma mission, mon devoir envers mon défunt époux est d’occire cet homme qui m’a ravie l’amour de ma vie, j’avoue que présentement, assise à côté de lui, bercée par sa voix chaude, je me sens enfin libre de baisser ma garde sans craindre un réveil dans des cris et des larmes.
Aussi étrange cela puisse-t-il paraître, je me sens en sécurité aux côtés de l’ennemi de Han. Bien plus veillée que durant notre mariage.
La voix de cet homme me parvient d’ailleurs :
— Tu dois êtes fatiguée, dors.
Et, à l’instant où je chute dans les bras de Morphée, je jurerais avoir sentie sa main presser gentiment le sommet de mon crâne.
Oui, je me sens bien avec lui. Et là est le problème.
武士は食わねど高楊枝
2057 mots
pas trop de moments caliente
dans ce chapitre mais un gros
pas en avant puisqu'ils vont
maintenant vivre ensemble
j'espère qu'il vous a quand
même plu malgré sa faible
longueur et le peu
d'interactions croustillantes
:)
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