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ACHLYS | CHAPITRE 3





































Royaume de Chô-Seon,

ancienne Corée réunifiée,

Jeong-Guk.




































— S —

Un duel de vers et des instants filant à une vitesse ahurissante. Ces dernières heures, je les passais avec Son Altesse le Kim à refaire le monde et l'univers, à redessiner les hommes et les femmes. Tête dans les étoiles pour lui ; la mienne, à la poussière comme si une force nous contraignait à nos statuts. Or, ces temps à l'insouciance me distrairent de mon but le premier : ma mission.

Merde. Concentre-toi, Jeong-Guk.

J'appréciais nos récents partages ; je ne l'aimais pour tant. Pour ma pomme, il ne restait qu'élégante dispersion. Rien de plus, après coup. Son étonnante répartie me plaisait en dépit de mes dépens. Toutefois, mon ressentiment, terrible, revenait au galop et entachait le petiot de nos liens fondés. Ses espiègleries m'horripilaient plus qu'elles ne m'amusaient. Son esprit à l'absence me révulsait plus qu'il ne me rendait curieux. Sa robe dragonesque lui amenait présomption, et Dieu que j'aurais aimé qu'il ne la remît pas...

J'existais de mes contradictions.

Je prisais les moments en sa compagnie mais je haïssais celle-ci et la personne qu'il semblait être. Cela me tourmentait et j'en devins frustré. Avec ces souvenirs d'hier, j'eus l'ébauche d'un sourire débauché en repensant ce reproche déguisé quant à ma sexualité échauffée. Je détenais, à la main, quelques graviers que je lançai par deux et trois et je les rattrapai. Je durais à l'appui contre une colonne contigue au palais du Prince héritier. La lueur journalière me choyait tandis que je pensais à lui, cet homme, et aux autres. Parmi ceux-là, le Shin Ga-Ram que je questionnerais volontiers sur les prévisions du groupe Uimundae. En deçà, je possédais l'information sur les façons dont le roi pourrait mourir. À l'envie de lui écrire, à mon frère, je craignais que cette missive dite ne tombe entre les mains méprisables des dignitaires. Enfin, c'était surtout parce que je ne savais ni les chiffres ni les lettres.

Je m'étirai avec prudence à la vue de mon capitaine Han, le furieusement pénible. Alors je fuyais ses exercices quand je le pouvais puisque je n'étais pas fou à vouloir m'entraîner au combat avec l'enragé. Il ne me ménageait pas, il lui arrivait de mordre. À la suite de ces temps à la cour, je ne croyais autre qu'une rancune personnelle. Je ne me surprendrais pas si, un jour ou la nuit, le tranchant de sa lance me transperce la chaire. Quel effroi.

Je me tenais là, de ce fait.

De tous les côtés, j'apercevais les eunuques au trot et serrant leur habit à bouts de doigts. Et je voyais les dames aussi, pourchassées de courtisanes gloussantes ; sans le doute, celles du monarque Yeonsan-Gun. Quelque chose de l'inhabitude se déroulait. Plus tôt, le rassemblement ministériel évoquait succinctement les préparatifs pour la venue d'un émissaire. On ne m'offrit pas le détail mais même si je songeais déjà à l'éviter, je restais le garde de la couronne. Au titre pareil que le supérieur Han dont la silhouette élancée copinait avec celle d'un collègue. Il pivota, doucereux, vers moi et on me repéra. Je n'attendis plus et dès lors que je freinai mon jet de pierres dans mon poing, je sautai sur mes pieds puisqu'enfin, je devais filer. Au temps de mes heurs, le palais princier situait mon dos. Beaucoup n'y entraient pas et fort heureux, je ne me comptais pas de ces beaucoup.

Je franchissai les lieux à la volée quand l'eunuque rondouillard, le Chul, m'annonça. Mon châtain d'ondules plongeait le nez dans sa colline de papiers. Un léger pli se formait au-dessus de ses sourcils : sa concentration persistait telle qu'il ne releva pas immédiatement la tête à l'écoute du battant grincer sous la rouille. Seulement alors que je l'approchai, je perçus un infime sourire se croquir à ses lèvres.

— Et si vous m'accordiez un peu de temps ? Vous disiez vouloir me connaître, pas vrai ?

Sa chevelure basane se franchisait, bouclée et indocile. L'ikseongwan, couvre-chef de la royauté, logeait au par-terre sans distinction. J'évaluais cette vision rare d'un héritier sans son titre à tête. Or, il ne s'agissait plus du prince à ma face, simplement de Kim Tae-Hyung.

— J'ai eu toute la nuit pour le faire.

— Une nuit n'est jamais assez pour compter toutes les étoiles du ciel, Votre Altesse.

À son regard élevé maintenant au mien, je m'accrochais. Lors de ce temps, il m'envoya une infinité de signaux qui prouvaient un soudain intérêt pour ma personne et mes propos. Ses billes plissées, il me scrutait continuellement sans la gêne. Il ouvrit la bouche de façons diverses mais il n'osa rien à la rétorque. À mon avis le moins humble, la couleur de ses iris me dérangeait comme sa manière de se montrer, menton à paume comme si je devenais le trésor le plus précieux de son royaume.

— Alors... M'accorderiez-vous quelques minutes ?

Je tentai.

— Pas maintenant, il répliqua.

Redescente abrupte et focale : une déception m'enveloppa.

Il présidait l'arrière de sa table basse, ses fesses sur un large coussin de velours vermillon. Notre prince chô-seonine se laissait terriblement désirer, voilà une accablante frustration.

— Vraiment ?

— Oui, sors.

Sa réponse me contrista. Il s'en doutait mais ne bougea pas. Ainsi, la mâchoire frustrée, j'acquiesçai. Que ferais-je d'autre ? L'héritier souverain ordonnait et moi, j'obéissais. Sur ma pointe d'amertume, je rebroussai route et le quittai aussi vite que je fus venu.

Le climat se refroidissait en ce terme de saison estivale. En dépit de ces mauvais soleils, mon corps tout entier brûlait de ce repoussoir, tantôt, qui heurta ma fierté. Je me rendais candide à l'idée de me rapprocher de son coeur pour mieux atteindre ce que je désirais plus que tout. Un défi se dressait de devant ; une véritable aubaine ou une terrible malchance. Ce Kim m'exécrait à disposer de l'autrui comme il le souhaitait et je savais ô combien ceux de son rang n'estimaient mes semblables. Je le compris dès le tendre âge de trois ans où ma mère disparut mystérieusement.

La raison paraissait simple : on l'abattit.

J'anxiais en songeant à elle, à ses beaux dires et à ce qu'elle me conseillerait lors de mes doutes. Je ne me souvenais que peu mais sa beauté frôlait folie, à point que chacun de ses traits n'éprouvaient le mal à s'esquisser en mon esprit, et à point même que le doux tintement de son rire, lorsqu'elle me contait une charade, réchauffait encore mon coeur aujourd'hui. Mes parents adoptants s'exprimaient bien ainsi de cette femme qui existait de douceur si dévote qu'elle finît sur l'échafaud.

Pour quel motif ? Qui donc l'accusait ? Protégeait-elle un anonyme ? Ou tentait-on de la confondre ? Personne ne m'en révéla jamais rien.

Je similais une coquille vide, nonobstant la haine nourrie à l'encontre des plus grands. Mon désir jaillissait de Uimundae, ma famille nourricière. La seule qui me choisit et me prit comme celui que je naquis. La seule qui me vit grandir, qui m'éleva sans m'étouffer. La seule qui comprenait, qui me portait au-delà de mon rêve. Je ne retenais que les noms de ceux m'ayant vus paraître au monde. Les parents de Ga-Ram — les miens au désormais — se montraient en braves gens, en braves samaritains, en cette sorte de personnes qui m'insupporteraient puisqu'ils se présentaient trop altruistes pour être intègres mais que je respecterais pour leur sens naturel de la justice, et leur initiative d'avoir conçu notre unité de la rébellion.

Je cheminais vers mon dortoir où je croisais de nouveau les dames embauchées. J'interrompis l'une dans sa marche hâtée et lui réclamai deux courtes minutes de son attention. Cette femme s'âgeait d'une soixantaine et à sa tenue, je devinais qu'elle dirigeait les troupes de ses accompagnantes. Le visage sévère, elle s'impatientait de se soustraire à cette discussion que je me parais à amorcer.

— Dame Park, pardonnez-moi... Depuis combien de temps travaillez-vous à la cour ?

— Je suis occupée, monseigneur...

Qu'avaient-ils, tous, à être si "occupé", maintenant ?

— Ce ne sera pas long, l'implorai-je à la joigne de mes mains.

Elle soupira. La doyenne, dont les paumes délicates se rangeaient à son ceinturon, approxima résignement.

— Cela doit faire une vingtaine d'année... Sa Majesté venait d'être sacrée roi.

Une vingtaine d'années.

— Vous souvenez-vous de l'exécution d'une dame de la cour ayant eu lieu il y a une quinzaine d'années ?

Ses orbes filèrent, se reposèrent sur moi puis se détournèrent. Elle chercha. Elle cherchait encore. L'attente s'allongeait. Je décelai du miroir de son âme qu'une chose la travaillait. Pourtant, elle se murait dans cette parole à l'agonie, j'en verdoyais de maladie. Je me raclai le fond de la gorge, préparé à ne pas la laisser m'échapper si tôt. Elle finit à l'incline subite, plus bas que la terre, sans que je ne compris tout de suite.

— Votre Altesse...

Une présence au derrière me confirma la prononce de ce titre. Au pivot, je cognai alors la gracile figure de la reine dont les gris transperçaient ma peau. La sienne d'opale n'avait d'égale que sa noblesse. Son nez droit et sa bouche étirée en une expression de mépris me paralysaient sur la place. Elle impressionnait par son éternel air inexpressif et m'incapacitait à réagir.

— Votre Altesse, navrée ! écria la dame.

Sa venue inopinée me donnait des confusions. J'imitai la domestique, témoignant d'un respect hypocrite envers la souveraine. Elle rit de sardonie tandis que des sueurs glaçaient mon échine.

— Allez-vous-en, exigea-t-elle de la cheffe Park.

Si le roi était Méphistophélès ; sa reine n'en demeurait moins Satan en chair.

L'ordonnée se retira, le dos courbé. Je me retrouvais seul, à présent, avec la sinistre matriarche.

— Êtes-vous nouveau, à la cour ?

Opinement léger.

— Bien. Tâchez de rester à votre place et de ne pas montrer trop d'imprudence, monseigneur Jeon.

Je relevais son attitude curieuse quant à mon nom qu'elle déchiffrait du fond de sa mémoire, semblerait-il. Lorsqu'elle acheva son chemin, une horde de petites gens se traînèrent à ses pas. Cette Altesse perpétuait un mystère autour d'elle, je la comprenais peu. Quoiqu'il en soit, je ne ressemblais guère à Ae-Cha pour qu'elle y reconnaisse un lien de filiation. Avec son intervention, je ne repensais pas au prince. Je m'irritais de n'apprendre grande surprise sur ma mère. Enfin, je pressentais que la dame Park se tenait au silence par une chose qui la dépassait, et qui, certainement, m'outrepassait.

Près des jardins, Chul courrait à ma rencontre et se glissa entre les palais pour m'adjoindre. Ses pieds s'entremêlaient à la verdoyance de sa robe, il trébucha tant que je ne retins pas un rire sur lui, si petit.

— Chul ! Fais attention, tu vas te faire mal.

Sa coiffe chancelait de sa tête alors il la maintenait de ses doigts courts et juvéniles. Il releva le menton, à face, et accrocha ses petits yeux nûment étirés aux miens. Je scrutais son apparence amicale : ses pupilles grises s'évaporantes à chacun de ses sourires aux dents, puis les manières dont il gonflait ses joues roses de gaieté, et sa bouche pleine qu'il usait à déblatérer toutes sortes d'indications. Il me persuadait de son âge plus avancé mais je doutais qu'il soit un aîné lorsque j'observais ses façons. Je l'écoutais à demi et m'enlisais dans cette réflexion. Or, les mots qui suivirent suffirent à me happer sitôt entendus.

"Son Altesse, le Prince héritier, réclame votre présence".

Cette fois, je ne prêtais plus l'ouïe. Je ne le laissais pas même finir puisque je me pressais de rejoindre l'homme qui, tantôt, me rejeta. Kim Tae-Hyung me demandait et j'accourais. J'accourais, je courais, je volais, et arrivai à la volée sur le parvis de la cour impériale. Un nombre important d'hommes se réunissait, siégeant sur des chaises surmontées de coussins, en rang. J'agitais la tête à maintes, une fois et une seconde. Ses deux fauves prirent mes plus sombres et tout se bouscula, soudain. À travers cette contemplation, il délaissait un peu de son masque princier, installé seulement au milieu de ses membres. L'Altesse m'invita, d'un signe, à me tenir au plus près de lui. Eun-Hee se présentait là, impatiente, aux côtés d'un garçon plus mûr que je devinais être le complet de la fratrie. La reine Soo-Ah, enfin, aux coudes avec une femme cinquantenaire. Peut-être l'émissaire, je me disais. Quel étonnement car je l'imaginais en homme.

Le monde me toisait de sa supériorité. Les nôtres se confrontaient et se confondaient. Pourtant, je mis le pas sur la haute estrade où se tenait la famille sans leur roi. Je gagnai là où se situait ma place en tant que milicien, et à mesure que je foulais les pavés, l'héritier ne me laissait plus de ses billes ambrées. Cela, jusqu'à ce que je me retirais à son derrière de son trône. Son habit dragon m'éblouissait de l'éclat bleuté aussi bleu que les cieux. Les foules piaillaient entre elles, commentaient l'absence attendue du père royal. Certainement devait-il jouir d'autres plaisirs plus personnels, ailleurs qu'ici.

Un individu se détacha et retint mon intérêt par un objet, similaire à une pipe, et qui lui servait à se faire entendre conséquemment. Alors il annonça, haut, que la vente aux enchères débutait. Une excitation que je ne saisissais pas galvanisa l'assemblée.

— C'est pour divertir l'ambassadrice chinoise de la dynastie Ming afin d'assurer le bon déroulement des négociations, m'informa mon protégé prince, percevant mon égarement.

J'acquiesçai.

— Tiens-toi prêt, des cracheurs de feu sont prévus...

Je n'assistais pas à de tels événements depuis aussi longtemps que je vivais à Chô-Seon. Je m'amusais un leste de voir tant d'émerveillements sublimer cet homme au désir de voir des professionels jouer dans les flammes. De ce point de vue, il ressemblait à un enfant malgré son statut prisant celui de son père. De nombreux nobles se montraient ici : du plus haut des fonctionnaires au plus simple érudit d'une fortune basse. L'huissier allait et retournait et vint avec une peinture colorée valant un minimum de mille milliard de yang. Les riches se remuaient pour la posséder, oeuvre si belle. Les prix grimpaient, les voix scandaient et chacun y allait de son avis, y compris l'émissaire qui s'exclamait à tout-va. Ces mondanités m'offraient la nausée. Ga-Ram et A-Ra se moqueraient bien en taquinant mon dégoût excessif. Ils me répéteraient que je feignais l'être sensible mais que je restais un loup redoutable et rusé. Ils ne me complimenteraient de vives vocalises ces flatteries dernières mais m'offriraient une tendresse que je leur connaissais bien. Je rougirais de cette mise en valeur, et je rirais si nerveusement que je m'étalerais au sol, fou.

Remarquablement futé, mais visiblement pas le plus adroit de ses sentiments.

— Et adjugé vendu ! Cette peinture revient au numéro 666 !

La partie reprit, les lots s'enchaînaient : de vieux bibelots, de vieilles babioles dont j'ignorais la nomination et, en nombre, des esclaves. L'atmosphère avait le coeur en fête. Les affronts fusaient pour impressionner la cour et acquérir l'objet convoité. Sans ma volonté, je baillai et dès lors que l'émissaire m'aperçut, elle m'adressa un oeil entendu de mon embarras.

Je ne m'en formalisai pas davantage.

Je tentais de plonger en ma concentration sur cette vente qui s'éternisait. Chul m'atteignit au bout de trois heures que mes jambes s'ankylosaient. L'ami se contrariait encore que je le laissasse ainsi pour surgir ici. Des excuses, une dizaine pour qu'il daignât me sourire en retour.

— Ma chère amie, seriez-vous tentée par l'une de nos marchandises ? questionna le ministre des rites, près de l'huissier, à l'invitée.

Un curieux quelque chose patina longuement sur son visage flasque. Elle se tourna à mon égard pour, sans le doute, ne pas me perdre de la vue en rétorquant à la demande.

— À combien estimez-vous ce garde ?

Son Altesse le Kim eut un sursaut. Mon cœur tambourina en mes tempes. La reine exprima un contentement disgrâcieux ; le Chul, un malaise évident et, tiens, c'était fou comme le bois le l'estrade me semblait bien intéressant...

— Il n'est pas à vendre, clama l'autorité du prince. C'est le mien.

Cette démonstration de possessivité me rendait grimaçant, l'enflure. Le ministre Jang, près de sa fille la reine, surréagissait et la sommait d'arrêter le fils dans cet élan d'imprudence. La souveraine se plaignit et s'emporta contre son aîné qui ne cilla pas un seul instant face à la vieille dame de Chine. Le Kim la défiait de le contredire. Les mots le percutaient mais ne l'atteignirent pas. Il était serein au paraître, tellement que je me demandais s'il souhaitait préserver ma dignité ou si, comme son pater, il défendait ses uniques intérêts.

L'émissaire se leva : elle le confrontait et s'approcha. Elle me palpa de ses grandes mains et je la laissai agir, inapte au moindre mouvement pour ma défense. J'entraperçus la fureur sourde de Son Altesse, le châtain, qui égarait son calme d'ordinaire contrôlé.

Mon bourreau glissa le pouce contre ma pommette et profila la satisfaction dans son regard. Mon palpitant frappait mes membres, et la seule chose qui ne devait pas arriver se produisit, causant stupeur et stupéfaction de tous. Kim Tae-Hyung captura le poignet de la dame avec brusquesse. Un pauvre idiot.






























































ACHLYS | CHAPITRE 3

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