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ACHLYS | CHAPITRE 25
































































Royaume de Chô-Seon,

ancienne Corée réunifiée,

29 Avril 1498 : presque 10 ans après l'arrestation d'Ae-Cha.














































- J -

Le Prince héritier à la chevelure drue avait été doué de ses mains dès lors qu'il atteignit l'âge de raison. Sa passion était prétentieuse, à point que nombre de ses compagnons d'armes avaient cessé de le suivre dans ses entraînements journaliers. Jalousie régnante puis gagnante ; quatorze ans, désormais, et brillant davantage. L'adolescent avait rapidement fait de se concentrer sur le maniement de l'épée, sur la maîtrise de l'arc qu'il brandissait avec une arrogance harcelante. Son habituel sourire ne le quittait pas : Tae-Hyung restait fier et ne manquait guère de prouver ses compétences d'exception à qui désirait l'entendre. En revanche, seul Dae-Ho, son cadet, en demeurait fin admirateur. En dépit des deux années les séparant l'un et l'autre, le plus jeune adulait ce frère tombé de bonne grâce et du ciel. Telle était la manière dont il le percevait même si ce sentiment ne se partageait que difficilement chez l'aîné. Le petit suivait le grand partout où il se rendait : dans ses appartements, aux bois, même lorsqu'il allait jouer seulement dans les montagnes d'archives royales. Tae-Hyung préférait Eun-Hee, Dae-Ho étant si collant.

Ses fesses cognèrent à la dureté du par-terre ; il se morfondit. Son cortège s'enquit alors de son état, mais il les renvoya d'un revers de la dextre. La frustration était requise : sa flèche n'avait frappé sa cible. Sa déception fût telle qu'il accusa le vent capricieux qui venait en rafales. La fois suivante, le soleil se rendit fautif, jugé trop éblouissant pour le jeune prince qui ne manquait jamais son objectif...

- Votre Altesse... Sa Majesté, votre père, vous réclame dans son palais, déclara un héraut, tout de noir vêtu.

- Quoi ? Encore ?

Il ne gagna nulle de réponse. Le nombre de reprises où ce pernicieux monarque l'avait convoqué dépassait l'entendement. Or, sa folie, bien souvent, gardait raison de sa bravoure.

Imprévisible. Impitoyable. Tous pouvaient s'attendre à rien. À tout. Tae-Hyung le craignait seulement, peut-être autant que Yeonsan-Gun lui-même avait la crainte de son fils adopté. Le châtain s'y rendit malgré cette boule formée au creux de son estomac juvénile. Il entra après qu'on l'eût annoncé. Sa Majesté était installée à sa place à l'habituel, au-derrière de son bureau de bois. À ses côtés, son épouse cocue se tenait. Et en présence, le fils second, prince de Chô-Seon, Dae-Ho, et une jeune femme dont il n'avait jamais fait la connaissance auparavant. Ses opalines étaient pareilles à une porcelaine qu'il n'oserait caresser ne serait-ce que par peur de la fêler. Ses grands marrons tombèrent dans les ambres de l'arrivant et alors, elle croquit un sourire de complaisance.

Tae-Hyung rosit.

Voilà une fille, une vraie fille. Pas comme elle aurait pu être dans ses fantasmes les mieux enfouis. Elle venait du dehors et Dieu ce qu'elle était sublime...

- Vous voilà enfin, mon cher Prince héritier, clama la matriarche en dépit du silence mortuaire de sa moitié.

L'apostrophé s'inclina comme celle-ci lui avait durement appris les premières années de sa vie. Et il le remarqua enfin ; un homme d'âge mûr se tenait là, non trop loin du couple royal.

- Tae-Hyung, nous vous avons fait venir pour vous présenter une des plus importantes familles de la noblesse. Rhee Ki-Hyun et Rhee Ah-Reum, son unique fille.

Yeonsan-Gun apposa ses billes insipides sur la frêle figure de son aîné qui n'osa pas rétorquer aux présentations de Soo-Ah, sa mère agacée. Intimidation et colère, le plus ébène des bruns demeurait plein lorsqu'il faisait face à son roi. Sa langue glissa sur ses lèvres avant qu'il ne daigna bouger pour témoigner son respect à la famille de l'érudit Rhee qui riait à gorge ouverte.

- Eh bien, vous n'êtes pas très loquace, mon petit.

- Et vous, vous semblez pleins de préjugés, osa-t-il sans le souci de ses parents renfrognés.

La susnommée Ah-Reum esquissa un amusement sur ses ourlets. Son père, lui, exprima une surprise et une satisfaction dépravée qui triompha au malaise.

- Vous avez de l'esprit à un si jeune âge. Je suis certain que vous saurez vous entendre avec ma fille adorée.

Le concerné en restait sûr, pareillement. Cette jeune fille lui était semblable à une orchidée. Brute douceur, brute splendeur, beauté, passion suprême. Ce serait elle qui vivrait au sein de la cour lors de quelques temps. Les deux enfants se plaisaient mais personne ne leur avoua jamais la raison pour laquelle elle allait occuper les appartements de la petite Eun-Hee, si fort jolie aussi. Sa résidence fut accablée d'arums tachetés, plantes de jardin pestilentielles et toxiques ; Ki-Hyun craignait à tort que sa précieuse en ingère par une mégarde idiote. Elle vivrait là, dans l'attente des travaux des employés de maison pour s'en défaire. Dae-Ho restait présent, il n'en sut le pourquoi mais le petit se ravit à la vue de son grand. Il l'approcha par trottinements maints et témoigna de sa dentition large et immaculée.

- Elle est jolie, non ?

L'ambré acquiesça, passablement ennuyé.

- Tae-Hyung-ah... Tu m'avais promis de m'aider avec mon apprentissage...

- D'accord mais je ne comprends toujours pas ce que j'y gagne là-dedans.

Le cadet riota et haussa de ses épaules, peu certain de savoir ce que voulait ce garçon qui avait déjà tout. Dae-Ho approxima et vint pour une étreinte qui fut objectée sans attendre. Il ne s'en blessa pas, trop accoutumé.

- T'es vraiment méchant parfois mais au fond, je sais que tu es un tendre... Et que tu m'aimes !

- Vraiment pas, non.

Le second s'esclaffa de plus belle à la rétorque de son premier. Délicatement, Dae-Ho apporta la main de Tae-Hyung au haut de sa tête pour une caresse forcée qui tira une grimace au contraint.

- Tu verras... Un jour... Ce sera différent. Tout sera différent.

Sur ces non-dits ponctués d'un oeil entendu, le Kim le laissa quitter la pièce alors que les trois plus grandes personnes se lancèrent dans de frauduleuses négociations dont il ne comprenait un mot. Ah-Reum suivit. Tae-Hyung, de près. Celui-là s'essaya à un dialogue avec elle mais échoua misérablement. Or, il le savait ; il le voyait : sa nouvelle convoitée ne demeurait de marbre, tantôt pompette, tantôt gloussante. En somme, elle était conquise.

Le sourire béat que montrait l'héritier trahissait sa joie amoureuse. Le bonheur était insouciant, innocent et presque trop brutal, à point que la chute en fut foudroyante en apercevant la charmante en compagnie de Dae-Ho. Tae-Hyung devint plus sombre. Et de plus belle en prenant conscience de cette proximité entre elle et le petit. Elle riait aux éclats, pas autant que ce fut le cas avec lui-même puisque son cadet possédait ce charisme enviable et la faculté agréable de rallier le monde à ses bonnes humeurs. Un lugubre sentiment se forma, tordit l'estomac du Kim adolescent, lui opprima le coeur. Il haïssait son ressenti. Un futur roi se devait d'être inflexible... Le rêche timbre de sa mère lui revint. À cet instant, il souhaita qu'Ae-Cha fut là pour le tout et son contraire... Inflexible oui, mais jamais avec ses propres sentiments.

Le Kim ne s'apaisa pas, cette jalousie le dévorait. À cela, lorsque Dae-Ho admit à Ah-Reum qu'il l'aimait, il aurait désiré le voir mort. Ses mains se serrèrent jusqu'au blanchiment. Il éprouva l'envie de laisser une flèche lui filer en plein coeur mais ce fut un souhait qu'il réprima sitôt puisqu'il aimait son frère dans une faible mesure, puisque Tae-Hyung n'était pas un meurtrier. La jouvencelle aimée baisa la joue de son déclarant. Et cette fois, le souvenir de la tendre Ae-Cha ne changea rien au furibond du royal. Elle était son ancrage, sa bouée au milieu de l'océan sélacien, son attache, celle qui lui permettait de canaliser son émotivité accrue. Or, Ae-Cha n'était plus et elle n'avait qu'à demeurer s'il lui était interdit de penser ainsi, se répétait l'héritier. Au mépris de son exécution d'il y a des années, il continuait de lui en vouloir... Il avait grandi. Grandi sans elle et c'était certainement ce qu'il y avait de plus douloureux. Et voilà qu'un autre de sa prétendue famille désirait lui enlever son unique chance de bonheur. Il le refusait alors tournant les talons, Tae-Hyung rebroussa route de vive allure.

Le paternel demeurait accompagné de son invité. La reine, elle, déserta les lieux mais qu'importait. Le Kim ne se fit pas claironner et attira ainsi les foudres de la Majesté qui considérait son fils d'un oeil mauvais. Sa détermination ne le fit faillir bien qu'en réalité, il s'agissait surtout d'un sérieux dépit.

- Votre Majesté, j'ai à vous parler.

- Et de quel droit ? haussa l'interpellé.

La forte voix de Yeonsan-Gun retentit dans la pièce et dans le tout-entier du plus jeune qui priait ses jambes de ne point se dérober.

- J'ai une requête.

- Plus tard, fit-il en se laissant servir une coupe par la dame Song, tremblante.

- Votre Altesse, venez boire quelques verres avec nous, invita le vieux Rhee, saoul.

Sa tignasse se secoua frénétiquement, son père ricana et Tae-Hyung se sentit un peu honteux. Il était si jeune, Ae-Cha lui apparut encore pour le réconforter avec sagesse.

- Je veux épouser Ah-Reum.

Il déclara de vif timbre. L'érudit exulta, le monarque sourit d'un calme bizarre et pesant.

- Ah, tu m'en diras tant... il railla, le tutoyant à la soudaineté. J'imagine que ton frère est d'accord pour te laisser épouser la fille dont il est amoureux depuis longtemps.

- Non, Votre Majesté. Cela m'est égal.

- Je te trouve bien présomptueux, Tae-Hyung.

Ces paroles souveraines n'étaient que compliments de sa bouche. L'espièglerie de l'audacieux fit qu'il ne doutait pas que ces pères accepteraient cette union. Il était Prince héritier, un bon parti pour la famille de la fiancée. Bien entendu, ils acceptèrent. Quatorze ans, et déjà fiancé.

- De toute façon, il fallait bien que l'on te trouve une future épouse... argumenta Yeonsan-Gun en ayant une pensée pour la sienne.

Le châtain dodelina du chef sous les prunelles curieuses et enivrées de Ki-Hyun. Son dos se courba mille et une fois avant qu'il ne sortit du palais, ravi à l'idée de pouvoir avouer une pareille nouvelle à sa bien-aimée. En chemin, il croisa Chul, son précieux pense-bête qu'il félicita pour sa promotion laborieusement acquise. Ne le voilà plus apprenti-eunuque, quel honneur était-ce que de pouvoir servir personnellement ce prince qu'il voyait grandir au fil du temps. Néanmoins, il ne réitéra pas ses songes lorsqu'il lui rappela gaiement qu'il avait une leçon, aujourd'hui, avec Maître Cha Young-Nam. Une plaie, pesta-t-il.

Ses chaussons foulèrent le sol pavé de grès. Ses deux billes ambres filèrent, cherchèrent le rose de la robe d'Ah-Reum. Rien n'y faisait avant un temps où l'excitation du moment se dissipa. De longues minutes passèrent et il acheva d'investiguer. La jeune femme quittait, à présent, une étreinte de Dae-Ho qui, il l'avait saisi, semblait fou de sa personne. La châtaigne vint à lui, et l'interrogea en silence.

- Nos parents sont d'accord pour que l'on se marie.

Une surprise habilla les doux traits de la concernée. D'une façon qu'il ne put s'empêcher de trouver adorable, elle inclina rien qu'un minima la tête de côté.

- Ai-je déjà mentionné que je souhaitais épouser Son Altesse ?

- Tout le monde veut m'épouser. Même toi, j'en suis certain.

La douce confirma. Il fallait l'admettre : ce garçon était follement charmant. Et pour couronner ses attraits, il restait le futur roi de Chô-Seon ; elle serait sa future reine... C'était alléchant, presque trop beau pour paraître réel.

- C'est que je suis déjà avec Son Altesse, votre frère.

- Eh bien, rompez. C'est un ordre.

- Si tel est votre désir...

Pas de sincères oppositions. Cette opportunité était trop grande, si nécessaire afin de combler les attentes familiales.

Un songe pour Dae-Ho qui, au plus loin, assistait à cette inattendue scène. Tae-Hyung l'aperçut et se satisfit de constater du torrent de larmes qui se déchaînait sur les pommettes rebondies du plus jeune. Une chose en lui se brisait et toute confiance, toute admiration portée à son plus grand s'évapora comme neige au soleil. De son côté, le prince capricieux pensait que cela lui servirait de leçon et qu'il s'abstiendrait de le suivre en petit chien. Du seul haut de ses douze années, le Dae-Ho conçut que son frère avait agi sciemment, soûl d'arbitraire. Il n'en voulut pas à Ah-Reum malgré sa frivolité et son versatile. Après tout, lorsque Tae-Hyung voulait, Tae-Hyung l'obtenait.

Celui-là même ouvrit les bras, invitant sa fiancée à venir s'y confondre. Elle ne tarda pas et se jeta à sa nuque dans quelque éclat de gaieté qui fissura un peu plus l'amour-propre de son amoureux trompé. Leurs lèvres se touchèrent chastement, ils n'en avaient pas le droit mais ils le désiraient... Ae-Cha serait tellement déçue.




















































ACHLYS | CHAPITRE 25

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