𝐈
ACHLYS | CHAPITRE 17
INTERLUDE PT.3
Royaume de Chô-Seon,
ancienne Corée réunifiée,
Tae-Hyung, 10 Octobre 1504.
- I -
J'humidifiai son intimité tandis qu'elle n'avait plus l'arrêt de se tortiller, de geindre et gémir à quel point elle adorait cela. Nos corps claquaient sous nos pores demandeurs. Ses pupilles éclairées prirent les miennes asymétriques, triadiques où la chair, le coeur et l'esprit se mêlaient. Les cuisses à nues, ma moitié m'enivra à nouveau de la drogue attablée près de la couche. Et d'un élan de mon insouciance, ma perle masculine cueillit l'intimité-là, allongé et de feu.
Le sursaut m'éveilla. Ce songe aphrodisiaque m'amena à la veille, le neuf octobre, où je commis un crime en ces draps. Une semaine s'épancha et j'apparaissais, le dix, les cinq membres ankylosés à tolérer une migraine locale. Mes orbes papillonnaient de maintes tâches nitescentes comme un étau onirique qui serrait ma tête. Les lanternes palatiales agressaient mes sens alors qu'une intense chaleur m'enveloppait sans arrêt. Mon futon couchage se froissa sous mes manières matinales et à mesure que me revenaient les événements d'hier, mon palpitant cognait dans mes tempes. Je m'habituais au jour, et laissai mon oeil affolé patiner sur mon corps tout entier. Je ne portais que le rien alors qu'un sifflet de vent hérissait mes dermes imberbes. Mon ouïe perçut une jérémiade abrupt et longue, je m'en étonnai. J'obliquai le chef, mes billes se promenèrent sur la silhouette étendue sur ma couche dans ce palais des époux. L'édredon dissimulait ses courbes mais me permit d'observer ses fossettes lombaires puis son dos, gracieux et incurvé. Ses épaules galbées me pétrifiaient par leur splendeur, je les reconnus pour les avoir touchées par deux fois. La stupeur me convoitait et je compris enfin que cette femme à ma gauche était la même que j'épousais, il y a des jours.
Bonté divine, j'accomplis ici une faute au seuil du pardonnable.
Ma main serpenta le long de mon visage, prise d'une panique abrutie. La sue ajoutait à mes tourments froids. L'Ah-Reum gesticula et heurta mon thorax de sa lourde tête afin de m'étreindre de ses bras porcelaines. Mon crâne me lançait, embrumé d'un affre dont j'émettais le regret furieux. Et alors, j'eus une première pensée pour Jeong-Guk dont l'absence se ressentait depuis la cérémonie. Il manquait à mon âme tandis que s'effilochait mon sein avorté de ses battements.
Je lui devais des pardons.
Je me souvenais de la semaine passée où je refusais catégoriquement la consommation du mariage. Les ministres - des Rites et le conseiller - et ma mère insistèrent longuement et persistèrent avec le risible espoir que je cédasse aux charmes de ma reine. Leur objectif restait cet héritier que je ne souhaitais guère. Néanmoins, ils essayèrent encore et sans la cesse jusqu'à la veille où je bus davantage que de raison. L'alcool coulant comme la flotte et le torrent ranimait ma mémoire ainsi que nos peaux amantes et s'aimant toute la nuit. À présent, Ah-Reum se situait tout proche, comblée et conduite telle une sangsue de souveraine. Ses petits yeux bien éveillés ne firent pas un mouvement et me rendirent peu apte au repoussoir. À divers instants, j'ôtais ses doigts délicats de mon épiderme mais elle chargeait toujours en négligeant sa digne morale.
Lorsque je râlais, elle gloussait pareille à une simplette, une sotte à qui je fis l'amour, certes. Cependant, en dépit de ses dix-huit ans, cette femme ne possédait en nul cas le pedigree de la reine.
Ma faute demeurait si grosse.
De la procréation naissait le pouvoir alors je ne serais qu'apaisé si Ah-Reum enfantait prochainement. Le Jeon ne souffrirait pas pour peu et la couronne se porterait bien. Dans mon ébriété récente, ce songe ne me traversa pas en laissant, elle, s'offrir à mon sexe. Aussi vile et manipulatrice, elle méritait - sans aucun doute - meilleur que je ne l'étais. Comment espérer partager une couche si l'aversion se profilait d'elle à moi, de moi à elle ? Je la tenais responsable pour beaucoup depuis six ans, de mes malheurs et mes erreurs. Elle n'avait pas idée de ce que je perdis, à l'époque, à cause de ses vilaineries.
Ma paume taquina ma face tirée par l'épuisement. Ces dernières journées s'enchaînèrent à une allure décadente, je ne m'en accoutumais guère.
La perfection semblait encore bien loin tandis que le plus parfait des gardes me fuyait.
- Votre Majesté, vous êtes réveillée... Je commençais à me demander si le plaisir n'avait pas été trop intense.
Je m'engouffrai dans ma honte. J'ignorais être capable d'affronter l'homme qui obsédait mon esprit alors un doute persistait. L'homme... Me prendrait-on pour fou si j'osais admettre qu'une personne de mon genre m'attirait plus qu'elle ne devrait ?
- Ah-Reum, s'il-vous plaît...
Je l'implorai en tentant de m'extirper de son emprise brachiale. Son oeil auburn se vivifia ; un large sourire s'installa à ses lèvres. Elle s'élança, à la suite, à cheval de part d'autre de ma taille. Je grimaçai tandis que nos intimités se caressaient. Un soupir et je lui demandai ce qu'elle croyait être en train de faire : elle poursuivait les ébats, un mensonge à sa basseur. Son mièvre timbre me collait des fourmillements insupportables, aussi présents que cette tricheuse qui sondait mes désirs les plus enfouis.
- Je cherche vos mots doux de la veille, mon tendre, ironisa-t-elle.
- Du pipeau, je crachai en la basculant sur le côté.
Elle me dévisagea longuement comme si l'absurde s'accrochait à mes paroles. L'intelligence de l'Ah-Reum se masquait sous ses airs idiots, elle comprenait tout bien mais elle paraissait s'amuser à cette chose malsaine que je lui refusais. Un souffle, de nouveau, las avant de me tourner vers mon épouse qui recherchait un voile au sol afin de se couvrir. Je ne pensais plus qu'à m'en aller d'ici au plus vite.
- Vous avez mal ?
La femme de jais ébranla son chef vers la négative en rétorque. J'acquiesçai à la certitude que je pouvais la laisser, désormais, l'esprit tranquille.
Je l'imitai en tâtant de quoi revêtir ma nudité impatiente. Ma robe embrassait le parquet de même que mes bas en lin épousant le ciré. Je me redressai habilement et décidai qu'il me fallait converser avec Park Chul, le capitaine Han, Eun-Hee, les courtisanes ou seulement un tiers quelqu'un qui saurait m'indiquer où disparut mon Jeon tout ce temps-là. Je remâchais mes mots du mariage articulés au hasard de mes sentiments. Je réalisais tout juste que Jeong-Guk ne m'en répliqua rien, cela me contrariait. Ce flou permanent me terrassait d'intérieur et me plongeait dans une léthargie régulière qui inquiétait mes plus proches. Depuis, je m'interreogeais sur mes choix, sur ce qu'aurait préféré mon garde favori même s'il était certain que je n'aurais pas annulé ces pompeuses cérémonies.
Les révoquer serait sacrifier un trône encore si fragile, et il m'était difficile de m'y résoudre.
- Vous le rejoignez ?
- Qui ça ?
Mais oui Tae-Hyung, continuons de feindre.
- Ce garde. J'ignore son nom mais c'est lui que vous cherchez avec empressement depuis quelques temps.
- En effet.
Je me vêtis sans attendre. Apprêté, je revins à la jeune dame qui déchiffrait encore tant bien que mal ce qui traversait mes affres. Quand elle se remit sur pieds, j'élevai mes ambrés et plongeai ainsi dans son sérieux regard.
- Qu'y a-t-il entre vous ?
Je ne restais que peu certain de le savoir. Je haussai les épaules, alors, désireux que l'on ne s'attardât pas davantage. Ma conscience coupable croissait, je me dirigeai vers la sortie mais fus sitôt rattrapé par Ah-Reum qui, impitoyable, souhaitait me faire accoucher ce que je peinais à dissimuler. Je lui offris un sombre coup d'oeil, elle me lâcha en conséquence en plantant sa détermination infaillible dans mes prunelles.
- Votre Majesté, j'ai eu vent de rumeurs au sujet de votre relation avec ce garde.
- À la bonne heure ! je la toisai d'une ricane. Vous croyez aux rumeurs, maintenant ?
- Comment puis-je faire autrement alors que tout le personnel ne cesse de l'évoquer ? Ils racontent que vous deux êtes amants, c'est ridicule.
- Je me fiche de ce qu'ils disent, ma reine. Faites-en autant.
Je n'éprouvais pas le besoin de voiler ce qu'il se passait puisqu'il n'y comptait qu'un baiser et des mots. Aucun de nous ne se montrait limpide sur ses intentions ; nous fuyions à notre manière bien qu'un lien nouveau nous unissait. Quelque chose de doux et affecté. Une émotion idyllique et sulfureuse : nous restions les uniques survivants à ce monde non plus empreint d'amour. Je gardais, malgré tout, ces pensées pour moi. Mes rétorques n'apportaient satisfaction à la femme qui campait sur ses positions. Ses pommettes se teintèrent. D'indignation, de dégoût. D'une petite douleur suffisante à me redresser le poil.
- Il n'a pas assisté à toute la cérémonie et manque à l'appel depuis près d'une semaine alors qu'il devrait remplir ses fonctions auprès de vous. J'ai ainsi cru que je devais demander au capitaine de le chercher.
- Ah-Reum, qu'est-ce que...
La stupéfaction m'arracha à cette initiative qui saupoudrait, sans le doute, une entourloupe.
- Vous devriez songer à être plus gentil avec moi, Votre Majesté. Je suis votre reine et je dois aussi enfanter, ne l'oubliez pas.
- Surveillez vos paroles, grognai-je durement.
Un pli s'inventa entre ses sourcils tandis que ses marrons s'embuaient d'une nostalgie crocodilesque. Elle s'accrocha désespérément à moi sans plus de pudeur. J'exigeai son relâchement sur le champ ; elle s'exécuta en s'étranglant d'un sanglot scandalisé.
- Nous étions proches avant... Tae-Hyung, ne me détestez pas...
- Pour vous, c'est "Votre Majesté". Rien d'autre.
Elle se montra déloyale tant de fois que je ne les chiffrais plus. Ma confiance se faisait plus rare et aveugle, elle demeurait moindre. Je me renfrognai et poursuivis.
- Pourquoi cherchez-vous réellement Jeong-Guk ? À quelle fadaise perverse jouez-vous ?
- Et vous, pourquoi persistez-vous autant à le trouver, mon roi ? Tenez-vous absolument à alimenter ces rumeurs infondées ?
- Je n'ai jamais dit qu'elles l'étaient, croquis-je un fin sourire à ma bouche satisfaite.
Son égocentrisme chancela, quelle jouissance. Le dernier mot, je le détenais et bien entendu, elle n'oserait pas me porter quelconque jugement moral. Elle se para à dire mais ne trouva, finalement, rien à redire. Mes propos inattendus n'avouaient qu'à demi la véracité de ces médisances. Jeong-Guk avait cet autre pouvoir, cette faculté à me rendre spontané, vulnérable puisque lorsque son visage apparaissait à ma pensée, il me revenait ce garçon que je vis, une fois, aux bras d'Ae-Cha au-devant des portes de la cour. Voilà une chose que je ne lui disais pas au sujet de notre rencontre qui datait de plusieurs années. Les détails ressurgissaient encore ; je lui en ferais part le moment opportun. En tout cas, cela expliquait en partie mon intérêt précoce pour lui.
Ah-Reum bredouilla et abaissa la vue. Quant à moi, je ne lui accordais plus aucun crédit.
- Vous vous leurrez gravement, Votre Majesté...
Je me détournai de son corps et le laissai à ses émois sans le sens. Je traversai les battants à ses beuglements soudains ; elle implorait que l'on s'occupât d'elle. Pas en vain puisqu'une horde de dames s'empressa de joindre l'enfant gâtée. Et en voilà une dizaine d'autres à qui elle casserait les pieds si tôt...
💮 💮 💮
Le temps s'allongeait et pas de nouvelles me parvenaient. Je m'isolais dans mon cabinet monarchial où il ne m'était plus capable d'étudier mes doléances. Les aléas de mon esprit me troublaient. Les songes allaient et dansaient d'un lobe à l'autre, et je me pensais fort en peine pour ne plus les ignorer. Ma mâchoire tressautait à l'impatience, mes dextres jouaient de tyrannise sur le bois propre de mon bureau et surtout, ma tête douloureuse s'épuisait à tenter la concentration. Chul, à mes suppliques nombreuses, investiguait en se jurant de ne jamais revenir sans rien à m'offrir. Quelques missives m'informèrent qu'il se rendait chez le garde Jeon mais apparemment, ce n'était pas à domicile qu'il se situait. Alors l'eunuque se hâta au voisinage mais personne ne l'aperçut, le malheureux, depuis deux nuits où on le vit galoper jusqu'aux frontières de la capitale.
Jeong-Guk ne reviendrait pas.
Si c'était bien le cas, j'irais moi-même me porter à son frère le Shin Ga-Ram et leur soeur mais malgré tout, mon palpitant rossait. Mon sentiment similait une poigne arrachant mes entrailles et peu importait ce qu'en dirait cet homme, j'échouais misérablement dans mes promesses pensées pour Ae-Cha.
À la royauté, on racontait, répétait et amplifiait la mauvaise humeur du souverain. C'était une ou deux choses de véritables puisque même le plus antipathique des assassins verrait son amour brisé par une cruelle destinée.
Je réfléchissais au sujet de mon père, aussi, qui disparut de la plus nuisible des manières, emportant sur son sillage un florilège de petits gens innocents ou pas. Son visage pétrifié par l'effroi ne me quittait plus : il se montrait là, profondément enraciné en ma souvenance et dans mes succubes ensommeillées.
Ma Psyché fonctionnait à régime, tel un régiment de rouages métalliques ; j'en venais à me questionner sur les sentiments de ceux m'entourant. Yeonsan-Gun, d'abord, puis Jeong-Guk dont les souffrances me paraissaient si loin de ma connaissance.
Comme un écho, deux coups discontinus retentirent à travers la pièce enténébrée. Je ne laissais pas le menton de ma paperasse et sommai à l'imprévu de s'annoncer. Le battant s'entrebailla et avec la surprise, le Chul de vert vêtu apparut à son seuil. J'achevais de signer les requêtes primaires de mon peuple puis chus mon pinceau sur parchemin afin d'adresser mon intérêt à mon serviteur. L'hésitant s'inclina de respect et désarticula quelques dires signifiants tout ce que je désirais ouïr, même si tard. Il certifiait avoir découvert Jeon Jeong-Guk égaré, assoupi à l'orée des bois. Il décrivait son air adorablement penaud à son éveil et expliquait qu'il dût le tirer par le bras jusqu'ici. Cette fois-ci, un éclair illumina ma face lasse.
Alors doucement, Chul se retira et ouvrit les portes au cadet que je n'espérais plus revoir sur mes pas.
Je contemplais Jeong-Guk dont les pupilles orageuses me happaient tout complet. Son sourire mutin et son sourcil arqué lui seyaient même maintenant qu'il revenait à moi. Quel soulagement de le constater sain et sauvé, et par conséquent, je suivis intensément le chemin de sa main qui bouscula sa frange ébène vers l'arrière de son crâne. Mes cils papillonnaient ; je réalisais qu'avec mal qu'il acceptait si aisément de me revoir. Curieusement, je nourrissais l'impression d'un déjà-vu omnipotent où le Jeon présent ressemblait à celui à qui je parlai la première fois. Néanmoins, j'oubliais qu'il s'agissait bien de lui, mon garde, ma contre-guimauve, et que rien ne semblait arrêter cet homme.
Il avança, pressé, dans son uniforme de coutume. Le coin de mes lèvres se releva au bonheur d'accueillir cet impétueux dont l'absence se faisait sentir et ressentir. Son échine se courba avec une légèreté et ses mains, puissantes et usées, s'appuyèrent, fermes, sur la tranche de mon meuble. Je m'immobilisai sitôt qu'il y déposa ce qui passait pour un fruit.
- Qu'est-ce donc ?
- Une grenade, Votre Majesté, celle qui octroie la vie éternelle.
Je la saisis, perplexe, entre mes doigts de façon si délicatement exagérée que cela ôta un rire mirifique à mon allié.
- Ça se mange, n'ayez crainte... Je suis allé les cueillir à une journée à cheval de la cour, elles sont excellentes.
Je luttais entre la frustration de croire à une hallucination auditive, et la curiosité de cette évoque sur la vie éternelle. On disait d'elle qu'elle faisait envie, j'en rêvais moi aussi mais derrière ces non-sens, je comprenais "Voici votre vie éternelle alors ne mourrez pas, Votre Majesté. Restez à mes côtés". En dépit de cela, je n'appréciais pas qu'il fit des emplettes sans le souci alors que je passai le temps à me tracasser pour lui. Cela restait bien digne de sa réputation. J'ingurgitai ma salive de déception. Après tout, il s'agissait encore de Jeong-Guk et rien ne semblait plus arrêter cet homme.
- J'étais inquiet. J'ai cru devenir malade mais tu as l'air de t'être amusé. Tu peux disposer, j'ai entendu.
- Non, ce n'est pas assez ! Écoutez, moi je... J'ai bu ces derniers jours, et je me suis gavé de grenades à en crever. J'ai vu deux amants et les ai renvoyés sans un baiser parce qu'il n'y a que vous dans ma tête. Vous, et votre reine. La vérité, c'est que vous êtes pénible à vous immiscer dans mon esprit...
Le mensonge se tissait alors qu'il existait, sans le doute, une raison plus obscure de ses réticences. Je devinais qu'il se souciait plus d'autres haines que de ma mariée. Ce n'était pourtant pas ce qu'il exprimait mais Jeong-Guk, pour le côtoyer, ne s'embarrassait jamais des codes. Il les vivait et les tournait en ridicule quand la vilenie le saluait. Je désirais l'embrasser. Son effarouchement reprenait le pas, il se montrait terriblement adorable, il me passionnait. La confusion m'attrapa bien qu'il n'y avait rien de complexe, je le voulais mien.
- Jeong-Guk, ce que je t'ai dit sur l'estrade au sujet de notre baiser... J'en pensais chaque mot.
- Vous recommencez, Votre Majesté. C'en est presque indécent.
Je l'examinais et détaillais criblement chacune de ses manivelles. Il imita cela sans se défaire de ce caractère imperturbable que je lui discernais. L'instant s'éternisa dans un silence précatif comme si les astres s'alignaient et tressaient le fil carmin de nos passions énamourées. Jeong-Guk et moi n'étions que les deux lignes imparfaites sur les plans du destin, deux traits enlacés avec tendresse. Et dès lors que cette pensée pensa, le Jeon non-mien reprit sa distance. Maudite lune.
Maintes interrogations patinaient et le long et le large de son visage bruni par les solaires. Il pinça la bassesse de sa lèvre, il la tyrannisa jusqu'au saignement de sa chair. À partir d'ici, je le pressentis revenir aux préliminaires de nos maux lorsque ses songes limitants propageaient ses idées primaires.
- Est-ce que je me fais des illusions ? Tout cela n'est qu'un jeu pour toi ? J'ai besoin de le savoir, j'ai besoin que tu me le dises, Jeong-Guk...
J'ouvris mon coeur avec un calme céleste en dépit de mes nervosités. Je perçus ses constantes hésitations, certainement causées par mes accrocs récents avec Ga-Ram.
- Vous pensez que je joue et que ça m'amuse ? Je ne fais plus semblant, Votre Majesté. Pas après tout ça ; pas après ce baiser, ces mots échangés et ces maux confessés.
Je ne le jugeais qu'à ce qu'il offrait à ma vue. Aujourd'hui, c'était un homme qui craignait, un homme qui doutait, qui questionnait un avenir, le nôtre possible. C'était un homme qui changeait de celui que je connus plus tôt. Des semaines, et il ne me fallut pas plus de cinq secondes pour tomber fou amoureux de lui.
Je scrutais ses grandes prunelles obscurcies et lui répliquai ce qui suivit.
- Tu sais... Des bruits circulent sur nous et j'ignore quoi répondre. Tu es le seul qui peut m'apporter des éclaircissements. Néanmoins, je ne pense pas être de ces gens qui promettent les monts et les merveilles. Un roi n'a pas l'empathie requise, Jeon Jeong-Guk.
- Vous êtes mariés, Votre Majesté.
- Ta mère l'était.
Les dires dépassèrent ma raison, et je le compris sitôt que son corps se tendit. Il se décomposa graduellement, gravé par un dégoût abrupt de ma présence à son devant. Cela ne le freina pas quand il approcha, si froid, si dur. Mes paupières cliquetèrent, troublées par l'irrespect dont je me rendais coupable que par la sourde violence avec laquelle il battit doucereusement ma joue de façon cyclique.
- Hé. Ne parle pas de ce que tu ne connais pas, me cracha-t-il à la tête. Que dois-je comprendre ? Ma mère était mariée et ne s'est pas empêchée de donner ses charmes à un roi, devrais-je faire de même ? C'est ce que tu veux, Kim Tae-Hyung ? Qu'on baise ?
Sa ricane sardonique me transperça, elle culbutait en mon sein sans jamais l'arrêt tandis qu'il ôta sa dextre de ma pommette sur une caresse. L'amertume suintait de ses pores, une terrible déception, une désillusion fracassante qui ne le laissait pas indemne. Il m'étudia un temps qui me parut long, il me fit dos et se conduisit à la sortie. Quant à moi, je restais statique et stupéfait, je ne m'autorisais plus à formuler la moindre parole quant à la sienne informelle. Je le blessai, et le voici ailleurs.
Je m'élevai dans une précipitation notoire qui voleta mes petits papiers. Quelle importance alors qu'au désormais, je traversais les quatre battants de mon palais et apperçus mon intéressé au bout de la cour, au seuil des lieux de la souveraine, la mienne en sa compagnie.
En coups de jambes, je les atteignis en ignorant le Chul, suiveur à la trace, qui s'empêtrait dans le bas de sa robe ; ainsi que ce soldat aux allures secrètes qui observait au loin cette valse des coeurs. Malgré tout, je m'enlisais dans l'image suicide de venir arranger ce que je détruisais sans exprès. Cet incident, Jeong-Guk me le ferait payer. J'entrai, pieds ancrés fermes au sol, et découvris l'Ah-Reum assise sur le velours, elle servait le thé à mon garde. Cette femme agissait à l'instar d'une plante pestilentielle et pollinisée par les mouches.
- Votre Majesté, je ne vous attendais pas après notre nuit passée ensemble.
Parce que je ne comptais pas lui revenir.
Je ne portais pas un oeil à elle qui enfonçait le glaive dans la plaie. Jeong-Guk serra la mâchoire comme un boulon et riva son attention au parquet : il réalisa que je partageais déjà une couche avec l'épouse ; il laissa sa tasse refroidir entre ses doigts.
- J'ai invité votre garde à discuter autour d'une boisson dès que je l'ai vu rentrer, il a tenu à vous voir avant. Ne vous en a-t-il rien dit ?
Je n'en savais rien. Et il accepta, l'idiot.
- Tu n'es pas obligé, Jeong-Guk... Viens, je tonnai en tendant la main vers lui.
- Je ne suis pas obligé mais je veux rester.
Je détestais le voir ici, je haïssais le voir avec elle. N'importe qui, s'il le souhaitait, mais pas elle. Sa rancune me touchait : il pourrait se venger de tous les possibles mais il choisit celui-ci... La femme de ma vie, celle de ma nuit. Pour quelles raisons l'inviterait-elle si ce n'était pour se liguer contre moi ?
- Jeong-Guk, s'il-te plaît. Je suis désolé, tu pourras me blesser à ton tour autant que tu le désires mais pas maintenant, pas ici.
Sa vue brune se réhaussa, ses yeux me happèrent et je me fis tout petit sous leur poids.
- Tout le monde n'est pas comme vous, Votre Majesté ; je ne cherche plus à me venger. Son Altesse m'a conviée et j'ai accepté, voilà tout.
Je cillai : pas une condescendance dans le ton de son timbre, seulement une mélancolie à l'évocation d'une vengeance, et une attention absente un instant.
Il omit de préciser que cette acceptation demeurait la conséquence du statut royal d'Ah-Reum. Elle, s'en contentait alors qu'elle paraissait voir, là, une opportunité de me faire ravaler ce que je lui refusais, mon amour. L'ébène Jeon n'en ferait que le rien, je m'en persuadais.
L'arriviste contourna le bois et s'assit aux côtés de l'arrivé. Son sourire la trahissait, je m'en méfiais. La reine s'inclina à la nonchale vers son convive qui ne lui accordait qu'une oeillade au profit de sa tasse, plus intéressante.
- Il est vrai que je lui ai demandé de me rejoindre mais ne vous méprenez pas. Je me sentais seule après votre départ ce matin et Dame Park m'a prévenu qu'il était de bonne compagnie. Et maintenant qu'il est si près, je peux également constater de sa beauté. Jeune homme, vous a-t-on déjà dit que vous ressembliez beaucoup à une femme ? Vos traits sont doux et efféminés, c'est séduisant.
Un grand retentissement s'étendit avant que mon ébène n'éclata sa joie soudaine face à l'esprit de sa souveraine.
- Ah, oui ! Sa Majesté me le dit souvent, en effet. Merci pour ces fins compliments, Votre Altesse.
Ladite opina.
- Et qu'en est-il de ces rumeurs, alors ? Est-il vrai que les hommes vous attirent plus que les femmes ? Ne suis-je pas à votre goût ?
- Je crains que l'on me fasse exécuter si je réponds, il plaisanta.
Ah-Reum négativa vivement le chef, rien de tel n'arriverait.
Jeong-Guk mima la méditation, il apposa son regard incendiaire sur le mien puis porta à nouveau l'intérêt sur l'interrogeante.
- Je ne suis sûr de rien... Je prends seulement ce qui vient à moi. J'ai eu des amants et des amantes de toutes sortes et je pense qu'il n'est pas utile de s'attarder sur des choses aussi insignifiantes que des étiquettes. Je suis seulement moi. Jeon Jeong-Guk qui admet sans gêne que Son Altesse est une très belle femme.
Je me doutais qu'il répondrait une chose similaire. Il vantait ses conquêtes mais elles lui importaient peu, fruit d'un vide permanent dans sa vie. La brune lui sourit avec splendeur, il lui rétorqua semblablement. Il ne me regardait pas, il ne me regardait plus, et la colère grimpa. De plus belle lorsque je l'aperçus, elle, glisser, les dactyles sur la joue de mon androgyne. Et de plus belle lorsqu'elle poursuivit son incline et qu'à son lobe, elle lui souffleta des bribes que je n'entendis guère.
Davantage lorsque je le vis, lui, acquiescer à la docilité pour un dessein dont je n'avais certitudes.
- Je vais rester encore un peu, je vous rejoins plus tard, annonça-t-il.
Une moquerie.
J'étais le suprême souverain mais je me privais d'abattre l'ordre sur l'un de mes sujets. Si cela n'avait pas été lui, j'exigerais sa présence tout près sur le champ. Cependant, Jeong-Guk restait un électron libre. Il ne se soumettait à rien d'autre qu'à son vouloir et je l'enviais pour cela bien que je le craignais pour le reste et pour cette flamme mûrissante qui dansait en moi pour lui.
L'Ah-Reum opina, elle réclama mon départ. À mon refus, le Jeon me l'implora d'un oeil supplicieur et j'acceptais malgré tout.
- Quoi qu'elle te demande, ne lui cède rien.
Et ainsi, la porte claqua sur mes dires derniers.
💮 💮 💮
Une heure s'allongea à l'attente sous la radieuse sècheresse de l'automne. Mes eunuques dont le Chul, et les dames de la cour accourraient partout où il restait à faire afin de préparer les assemblées prochaines. Certains me questionnaient sur mes besoins et d'autres m'amenaient de l'eau et autres futilités dont je ne voulais point ; je désirais la solitude. Celle-là me plongeait dans une réflexion difficile et me tirait à me demander ce qui pouvait bien se passer au-delà des murs que je guettais depuis soixante minutes. À tous ces songes s'ajoutaient une migraine de coutume. Ma gorge se laçait, ma viscère jonglait et je crus vomir mes organes. À une distance millimétrée, je fixais mes pupilles fauves à la porte gardée par des hommes uniformés. La répugnance m'attrapa pour moi-même à surveiller les faits de celui que j'aimais profondément.
Jeong-Guk ne me revenait pas, et j'ignorais s'il le ferait. Après tout, Rhee Ah-Reum était futée et elle connaissait parfaitement la loi qui ne la gracierait pas si elle commettait ce péché pire que tout pour une reine, l'adultère. Nonobstant cela, je me rappelais que son impulsivité soutenait ses émotions et que sa sensiblerie la déterminait plus que je ne le serais jamais. Encore à nos jours, je ne savais plus par quel miracle mon père accepta mon désir de ces épousailles. Cela confirmait bien ce que tous savait d'or et déjà : cet homme était fou, je devais l'être aussi.
Un son gratta mon oreille puis un autre le poursuivit à la lisière de mon ouïe. Je détachai mon échine de la colonne attenante au palais et je me remis droit dans mes chaussures. L'ouvrant grinça et accrût mes atroces angoisses. Une chevelure au plumage corvidé apparut d'abord, et enfin la silhouette la portant. Des épaules peu trop larges, une taille correcte, des cuisses fermes, puis un visage hagard. Je froissai mes billes et l'observai rejoindre le parvis où un amical collègue, le garde secret, vint l'aborder. Cela me tendit. Ses doigts rugueux se hâtèrent de ceinturer ses hanches et démêlèrent les mèches ébènes de sa tête échevelée.
Tout de Jeon Jeong-Guk criait au vice, clamait la tromperie. De son lui entier émanait le parfum luxuriant du luxe, une senteur débauchée et traîtresse qui me semblait à la fois familière et inconnue. Je le scrutai qui paraissait proche et si loin de son camarade ; un sentiment peu agréable me captura en otage. À la sortie des appartements de la reine, mon garde débraillé, et je périssais à songer à la raison derrière cela.
ACHLYS | CHAPITRE 17 | INTERLUDE PT.3
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