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ACHLYS | CHAPITRE 30



































































































Royaume de Chô-Seon,

ancienne Corée réunifiée,

19 Décembre 1488 : 11 jours avant l'arrestation d'Ae-Cha.

















































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Ses pupilles prirent le jour.

Et les pommettes rougies par maints efforts, Ae-Cha se contorsionna dans ces draps souillés de sue et de sperme. Les bras de Yeonsan-Gun se fermèrent en étau à son entoure, elle se sentit étrangler. Cependant, silence demeurait de mise après une nuit si agitée. La suivante pâtit des humides caresses du monarque sur la peau de sa nuque. Tendrement. Impitoyablement... Les amants restèrent à la nudité malgré le froid limitrophe. Elle était là, Ae-Cha ; elle durait auprès de lui en dépit de sa folie naissante. L'aurore ruisselait de rayons dorés au travers de la baie ; ici, l'amant ne songeait au levé. L'amante, elle, ne pensait à rien d'autre que cela. Fuir. S'enfuir. Ne jamais revenir.

Lorsqu'elle essayait, elle terminait à la rampe aux bottes de son roi comme il le prédisait à chaque fois. Cette emprise prenait ampleur. Un piège. Un infinissable guet-apens duquel il n'y avait nulle issue. Au mieux un gouffre, tout de noir visible. Sa joie accoutumée n'était plus qu'épave ; Ae-Cha souffrait de cet amour outrageux, souffrait du roi et de ses excès. Succinctement, elle eut une pensée pour Il-Nam et son infinie bonté. Plus longuement, elle garda une pensée pour ses enfants, Jeong-Guk et A-Ra, qui lui manquaient jusqu'à la fin des temps. Et enfin vint Tae-Hyung. Victime première des abondances du père. Cet enfant, elle l'aimait comme s'il était le sien. Or, si souvent, il arrivait qu'elle s'impose contre le vieux Kim, violent envers son fils. L'effroi continuel de Yeonsan-Gun pour lui restait irrationnel, le rendait paranoïaque jusqu'aux coups. Et davantage, il ne supportait pas que sa favorite prenne parti du plus juvénile.

- Tout va bien, ma douce ? N'ai-je pas été trop brutal ?

Il l'avait été, si bestial.

La dite efforça un sourire, répondit un non presque inaudible. La noire de jais se mit entre ses bras, n'osant jamais plus croiser son regard. Les années filaient depuis que les souverains avaient recueilli Tae-Hyung. Ils jugeaient son arrivée en aubaine pour la reine qui peinait à enfanter. Or, cela fut antan qu'ils ne croisèrent le chaman à la renommée royale. "Cet enfant précipitera votre chute." Ses mots. Sa prophétie.

Elle tintait encore en Yeonsan-Gun. Elle ne le quittait pas, il n'en dormait plus. Et depuis, il épiait l'aube où Tae-Hyung viendrait à bout de son pouvoir sans savoir que ce jour-là de ses paroles, un petit Jeong-Guk gambadait proche et qu'il jalousait déjà la frêle main de l'héritier dans celle de sa mère. "Cet enfant est destiné à régner et il est possible qu'il soit meilleur que jamais vous ne l'aurez été." Choe Sang-Pil se leurrait dans sa vision, à la confusion des deux jeunes garçons. Bouillon de rage. Fulmination. Il était trop tard pour espérer l'abandon. Le monde savait le prince, héritié ; le faire disparaître alors souleverait des mutineries incontrôlées.

Le petit Tae-Hyung n'avait que faire de ce trône, de cette couronne, de cette coupole. Il restait un heureux marmot à la droite de celle qu'il nommait noona, sa seule véritable figure de mater. La reine, son Altesse, ne témoignait que de regrets quant à sa relation avec son petit : ils n'étaient pas proches du fait de leurs rangs respectifs.

- Où as-tu laissé le Prince héritier ? quémanda l'homme à sa belle.

- Il fait sa leçon avec Maître Young-Nam.

- Bien.

- Yi Yung... Son Altesse, votre fils, n'est qu'un enfant. Si vous passiez du temps à nouer des liens avec lui, il n'aurait aucune raison de vouloir vous tuer.

- Assez. Le maître chaman m'a révélé que c'était une chose inévitable, ne sois pas si naïve.

Naïve, certainement pas. Seulement terriblement empathique. Et plus lorsque cela affectait ses précieux enfants. Elle se tût, un malaise l'empoigna. Une nausée, après. Son mal réiterait. Les quelques semaines précédant l'instant avaient été joutées par de perpétuels vomissements, de répétés évanouissements et une fatigue intensément dense. Les épidémies étaient courantes.

Ae-Cha n'en avait averti personne, certains l'avaient deviné. Yeonsan-Gun vitupérait sans qu'elle ne l'écoute. Une même parole se renouvelait : il évoquait la mort rêvée du Kim infantile mais jamais, il n'oserait.

- Tu sembles ailleurs.

- Pardon, je suis exténuée... Vous disiez ?

- Que je t'aime tellement que je pourrais t'embrasser jusqu'à ce que tu te meures dans mes bras.

Cette déclaration la fit grincer puis rire de contrainte. Le funeste de ses mots lui causa peur.

Tae-Hyung, Jeong-Guk, si la personne que vous aimez dit vous aimer à la mort, c'est qu'elle ne vous aime pas, pensa la mère.

Doucement, elle tint la distance et se leva, drap enserrant son buste. Le gris la contempla faire, ne la quitta de ses iris nuancés lorsqu'elle se revêtit. Couverte de sa robe de tradition, elle revint alors à son bourreau monarchique et déposa un baiser sur le haut de sa tête.

- Qu'y a-t-il, Ae-Cha ? Tu me laisses déjà ?

- C'est l'heure à laquelle votre reine passe dans vos appartements pour prendre le thé.

- Tu te moques ou je rêve ?

- Jamais je n'oserai enfin.

De concert, deux rires. Nouvelle nausée.

- Allez, va-t'en, insolente !

Et les deux se quittèrent. Au sortir du palais, la dame se maintint contre la paroi battante. Si soufflante. Bien trop essoufflée. Sa respiration s'écourtait, son estomac jouait de sa chair et bientôt, Ae-Cha tomberait. La trentenaire, à l'idée, se releva alors ; son rendez-vous ne pouvait attendre. Elle se hâta à la vue lointaine de Soo-Ah dans son infinie grâce. La reine ne tarda à la remarquer et à marquer un arrêt duquel elle observait d'où sortait la nourrice de son fils et surtout, le lieu où elle se rendait avec tant d'empressement. Ae-Cha n'en fit pas état. Et dès lors, elle parvint à la dépendance, endroit de mystères dans lequel personne ne se rendait jamais sans permission préalable. Yeonsan-Gun ne la savait pas à cette pièce ; cela interpella la souveraine qui, secrètement, la suivit. À la précipite, la première entra mais ne referma pas assez derrière elle. Ses pas la conduisirent à son fond de séjour, puis au-dessus d'une palanche qui se mariait avec le bois humide de l'habitation. Au sol, elle se rua, et relevant ses cheveux défaits vers les cieux, elle régurgita le peu que contenait sa satiété. Un acide remonta et s'éleva. Sa toux, virulente et progressive. Autant que la reine s'en finit pleine de dégoût certain dans l'entrebaîllement de la porte. Sa bouche, aussi rose que le grenat à l'habitude, se décharnait et incendiait la nourrice toute entière. Son souffle glapissait et sursauta lorsque la seconde entrée, à l'arrière, claqua.

Un fil de salive coulait du coin de sa bouche. La mère gisaeng, si belle et pénétrante, fondit sur la plus jeune et ne perdit de temps pour examiner la température de sa souffrante. Toutes deux s'échangèrent une complice oeillade tandis que d'une jambe à l'avant, la mère Jeon dévoya ses forces et faillit s'écrouler au par-terre.

- Restez avec moi, Ae-Cha, articula le doucereux timbre de l'âgée qui soutint le poids de sa cadette.

À la délicatesse, elle l'accommoda sur une natte. La tête de l'indisposée reposa sur le support peu confortable, mis là, le temps que viennent de quoi soigner ses maux.

- Mun-Seong... geignit la plaignante.

- Calmez-vous, je suis là.

- Ce n'est pas ce que je pense... Pas vrai ? Dis-moi que ce n'est rien, que c'est tout mais pas ça...

Elle larmoya ; la dénommée soupira. Cette gamine, pensa Mun-Seong, n'en était guère à son premier et celui-ci ferait d'autant plus mal. La courtisane glissa une serviette imbibée d'eau sur le front de sue de sa patiente. Son mutisme demeurait de tourmentes ; et de son oeil à la couleur de l'ambre, Ae-Cha l'interrogea. D'autres parts, Soo-Ah tendit à l'écoute pour flatter ce que les deux amies ne se disaient pas. Son fils la rejoignit, interpellé par l'intriguante manière de sa mère qui restait à l'entrée du bâtiment. Tae-Hyung se pria de la questionner ; elle le pria, lui, de se taire.

À l'intérieur, Mun-Seong s'affairait à offrir des prévenances à son amie si irresponsable. Ses lèvres pincées, elle acheva de les ouvrir et prononça ces quelques dires qui finirent d'écarteler la soignée.

- Vous êtes enceinte, Ae-Cha.

De son enfant quatrième ; tous eurent entendus la nouvelle.

- M'avez-vous entendu ?

Tous eurent entendus la nouvelle, y compris elle. Mère, déjà de Jeong-Guk et A-Ra, s'enlisa dans une assourdissante torpeur. Soo-Ah resta à l'abasourde ; Tae-Hyung, effaré. Les signes maladifs, les seins gonflés et sensibles, et le cycle menstruel ne tromperaient pas même le plus sachant des médecins.

- Seigneur... finit la future accouchante.

- Seigneur ? Vous devez vous en débarrasser, immédiatement, petite inconsciente ! Vous ne pouvez pas porter l'enfant du roi alors écoutez bien, je ferai appeler un médecin qui vous retirera ce truc qui pousse dans votre corps.

Un plaisir de crapule naquit sur le faciès de la reine. Des propos de son père, le ministre Jang, elle médita. Cet homme gris et vaniteux qui lui rappelait tellement de fois qu'elle ne serait jamais à la hauteur d'Ae-Cha, qu'elle ne pourrait jamais égaler ce lien qui unissait la famille Jeon à la Kim dynastie, qu'elle ne serait jamais rien de plus qu'un rien, une pustule indésirable, méprisée par le monde. La jalousie alors la prit férocement, la rongeait encore et lui fit exécuter le pire. Chose dont elle nourrirait des regrets toute sa vie. Sa couronne se baissa vers son adopté fils et d'une succincte caresse sur le haut de sa tête infantile, elle acquit son attention ingénue.

- Mère ?

- Tae-Hyung, mon trésor... Va annoncer la bonne nouvelle au roi, veux-tu ?

- Que Dame Jeon a un bébé ? se rassura-t-il.

- Oui. Allez, file.

Le garçon à la drue chevelure acquiesça vivement et trottina vers le palais de son père, le roi. Ses frêles jambes contournèrent l'habitation et son corps tout complet bouscula la gisaeng qui récupérait un peu d'eau au-derrière de la dépendance. Le châtain prit peur ; la femme comprit sitôt qu'il se trouvait là où il ne devrait pas. Or, elle n'en dit rien qu'il était déjà loin. Un pli creusa ses sourcils ; elle s'en voulut de ne pas s'être assuré de son silence princier.

À présent, il était tard. Si tard. Et elle le prédit à nouveau, au plus profond d'elle : ce Prince héritier causerait la perte de Jeon Ae-Cha.






















































































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