Chapitre 30
Jimin n'était pas retourné dans les bureaux de la criminelle lorsqu'il était descendu du toit. Il n'avait pas envie de voir Jungkook et ne voulait pas non plus voir Lian. Sans vraiment savoir pourquoi, il se sentait honteux. Il était donc descendu voir ses collègues officers. Il avait besoin d'un ordinateur pour faire ses recherches afin d'avancer sur son enquête et il savait déjà à qui il allait demander.
— Officier Cho, appela ce dernier pour attirer l'attention de l'homme qu'il cherchait.
— Monsieur Park, que faites-vous ici ?
— Est-ce que je peux emprunter un de vos ordinateurs ? Le mien est dans mon bureau, mais le commandant Jeon est occupé, je ne veux pas le déranger, mentit le blond avec un sourire gêné sur les lèvres.
— Bien-sûr, prenez le mien. Je dois m'absenter pour aller faire une patrouille. Prenez votre temps.
Le médium le remercia et s'installa derrière l'écran. Il ouvrit rapidement une page internet et commença ses recherches. Si le Fibonacci avait réellement été vendu, il devait bien y avoir une trace quelque part et il devait la trouver.
Qu'est-ce que tu fais ? résonna soudainement une voix dans le creux de son oreille.
Surpris par cette présence, Jimin sursauta et regarda sur sa droite pour voir son ami assis sur le bureau d'un des agents qui continuait de travailler sur son ordinateur. Pourquoi Min Yoongi avait toujours le chic de s'asseoir là où il ne fallait pas ? Voulant éviter d'éveiller les soupçons et passer pour un fou, le blond sortit son téléphone et le posa contre son oreille.
Ah d'accord, tu joues la carte de l'appel téléphonique.
— Oui, je suis un peu occupé, on peut parler plus tard ? fit le médium en regardant l'écran de son ordinateur.
Tu crois vraiment que je vais m'en aller après que tu m'aies ignoré pendant une semaine ?
— Je sais, je suis désolé, mais là, je suis au travail.
Jimin détestait jouer la comédie, mais à cet instant précis, il n'avait pas le choix.
T'es un connard, tu le sais ça. M'expédier, je ne sais où, quand ça t'arrange. Je commence à en avoir ma claque, cracha le mentholé, visiblement remonté contre son meilleur ami.
— Je... je n'ai pas fait exprès cette fois. S'il te plait, est-ce qu'on peut en parler plus tard.
Cette fois, ce n'était pas un mensonge. Jimin n'avait réellement pas renvoyé Yoongi volontairement. Il s'était rendu compte de son absence, mais il pensait que c'était son ami qui ne voulait pas le voir. Il était vrai qu'il n'avait pas cherché à l'appeler parce qu'il avait besoin d'être seul, mais à aucun moment, le médium ne l'avait tenu volontairement à l'écart.
Comme tu voudras, mais cette conversation n'est pas terminée !
Sans rien ajouter, le fantôme disparut, laissant derrière lui une traînée de fumée.
— Fais chier, murmura le médium en posant son téléphone sur le bureau.
Dans un soupir, Jimin tenta de mettre de côté ce qui venait de se passer et se concentra sur ses recherches. Il voulait se rendre utile, il voulait aider à trouver celui qui avait assassiné ce grand pianiste qu'il avait eu la chance de voir dans son enfance.
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À l'autre bout du bâtiment, Taehyung quitta la salle d'interrogatoire. Il s'était entretenu pendant plus de deux heures avec l'employée de monsieur Dubois et avait appris beaucoup de choses sur lui. Après avoir raccompagné la jeune femme jusqu'à la sortie, il se dirigea vers l'escalier qui le menait à son bureau lorsqu'il reconnut une tête blonde parmi ses collègues en uniforme.
— Qu'est-ce que tu fais là ? demanda-t-il en s'arrêtant devant le bureau de l'officier Cho.
— Je cherchais des informations sur l'éventuelle vente du Fibonacci, répondit Jimin, surpris par la présence de son ami.
— Pourquoi tu n'as pas utilisé ton ordinateur qui est dans le bureau ?
— Je hum... je-
— Tu t'es encore disputé avec Jungkook ? supposa Taehyung face au bafouillage de son colocataire.
— Non, mentit ce dernier.
— Jimin, répliqua le lieutenant d'un ton réprobateur.
— Ok, ça va. Oui, on s'est pris la tête, mais on s'en fiche, ça ne change pas de d'habitude.
— D'accord, céda le châtain en remarquant que son ami se refermait comme une huitre. Bon, tu as trouvé quelque chose ?
— Non. J'ai fouillé partout, mais je n'ai rien trouvé sur l'éventuelle vente du Fibonacci. Pourtant, on trouve des traces de ses propriétaires jusqu'à sa vente à un Américain il y a plus de vingt ans.
— Peut-être que notre victime l'a acheté en secret. Tu l'as toi-même dit, ce piano vaut une fortune, peut-être que Dubois ne voulait pas qu'on sache qu'il l'avait en sa possession.
— Oui, tu as sûrement raison, soupira Jimin en fermant la page internet.
— Allez viens, allons voir si Jungkook a eu plus de chance que toi.
Le médium hocha la tête et se leva. En silence, il suivit son ami à travers le bâtiment pour rejoindre les bureaux de leur unité. À l'étage, le silence régnait en maître et l'ambiance était des plus pesantes. Au fond de la pièce, près de la table tactile, Jungkook et Lian tenaient une conversation et à en croire par leur visage dénué d'expressions, cela concernait leur affaire.
— J'ai du nouveau ! lança Taehyung, fier de lui.
Les deux hommes posèrent leur regard sur les nouveaux arrivants et Jimin croisa celui de l'inspecteur. Ce dernier lui offrit un sourire des plus affectueux qu'il lui rendit sans hésiter. À côté de lui, le tatoué laissait ses prunelles noires voyager entre ses deux amis, désirant établir un contact visuel avec le plus jeune, mais sans succès.
— Je t'écoute, fit le commandant en portant son attention sur son meilleur ami.
— J'ai discuté longuement avec madame Chang et elle m'a appris pas mal de chose sur notre victime, commença le lieutenant en pianotant rapidement sur la grande vitre tactile.
Il afficha des photos du pianiste décédé et les balaya sur les trois écrans qui se trouvaient devant eux. Certaines venaient des réseaux sociaux, d'autres d'articles de magazine où on pouvait le voir sur scène lors de concerts. En regardant ses clichés, Jimin se rappela la première fois qu'il l'avait vu.
— Monsieur Dubois est venu vivre en Corée il y a sept ans. D'après madame Chang In-soon, notre victime était un homme des plus sympathique. Il faisait du bénévolat dans les banques alimentaires, les foyers et les hôpitaux. Il avait même donné des cours de piano gratuitement dans les orphelinats et les écoles. Nous avons également fait le tour de ses fréquentations et madame Chang ne lui connaissait aucun ennemi.
— Le parfait mécène quoi, lança Jungkook dans un soupir. Depuis quand travaillait-elle pour lui ?
— Un peu plus de quatre ans.
— Tu lui as parlé du piano ?
— Oui et elle m'a dit que les seuls pianos qu'elle avait vus étaient ceux qui étaient dans la maison.
— D'accord, elle t'a appris autre chose ?
— C'est une information à vérifier, mais d'après elle, Dubois prenait un traitement depuis quelques années. Elle n'a pas su me dire à quoi il servait, mais apparemment, il ne pouvait pas manquer une seule prise.
— Alors les médicaments que Kaya a trouvés dans la salle bain servaient probablement à ce traitement, supposa le commandant.
— Oui.
— Est-ce que le labo à appelé ? questionna le tatoué.
— Non pas encore.
— D'accord. Tu as vérifié l'alibi de madame Chang ?
— Bien-sûr, elle était chez elle avec son mari et leurs trois enfants.
— Ok, soupira Jungkook. Est-ce qu'il avait d'autres employés ?
— Oui, un homme venait chez lui une fois par mois pour s'occuper du jardin et il avait une assistante qui s'occupait principalement de ses réseaux sociaux. Et oui, avant que tu poses la question, j'ai vérifié leur alibi. Son assistante est à Deagu pour des vacances depuis une semaine déjà et pour le jardinier, j'ai envoyé Rose et Chul lui rendre une petite visite.
Taehyung marqua une pause dans son monologue, regardant son coéquipier qui semblait ordonner toutes ses informations dans son esprit.
— Et vous ? Vous avez du nouveau ? demanda le châtain.
— J'ai fait quelques recherches sur la victime de mon côté. Je n'ai pas beaucoup plus d'infos mis à part que ce mec était adulé par beaucoup de monde et considéré comme l'un des meilleurs pianistes.
— Parce qu'il l'était, intervint Jimin d'un ton neutre. Personne ne savait transmettre des émotions comme il le faisait. Beaucoup de jeunes pianistes rêveraient d'avoir un quart de son talent.
— Toi, tu l'as. On a eu un petit aperçu ce matin, lança Taehyung, un sourire fier sur les lèvres.
— Non, je ne lui arrive même pas à la cheville, répondit le blond, les joues rougies par le compliment.
— Attendez, quoi ? Vous l'avez entendu jouer ? demanda Lian en regardant ses collègues à tour de rôle.
— Oui, on a eu le droit à un petit concert privé, annonça le lieutenant.
— Ce n'est pas juste, je n'étais pas là ! pesta le brun, une moue boudeuse sur les lèvres.
— C'est bon, pas la peine de pleurer, je jouerais pour toi un jour, gloussa le médium.
Jungkook qui se tenait au bout de la table, leva les yeux au ciel avant de se racler la gorge pour mettre fin à ce moment entre son colocataire et son ami.
— J'ai également fait des recherches sur la salle de vente qui a établi la facture, reprit le tatoué. Apparemment, ça leur arrive souvent de réaliser des ventes aux enchères d'objets d'Art et d'instruments de musique. Par contre, tout le monde ne peut pas y entrer.
— Comment ça ? demanda Taehyung, confus.
— Disons qu'on ne joue pas dans la même catégorie. Nous, ce qu'on pourrait y faire, c'est servir leur champagne hors de prix, et encore. En revanche, lui, il pourrait y entrer, expliqua Jungkook en désignant Jimin.
— Quoi ? Pourquoi moi ? s'étonna le médium sur la défensive.
— Ton père est député, ça t'ouvre toutes les portes, surtout celle-là, argumenta le brun.
— Donc, seule les personnes aisées ou importantes peuvent y assister, comprit le lieutenant.
— C'est ça. J'attends que le juge Cho m'envoie le mandat pour qu'on puisse aller leur rendre une petite visite.
— Toi, tu as demandé un mandat ?
Le ton de Taehyung démontrait tout son étonnement. S'il y avait bien quelqu'un dans ce poste de police qui n'avait que faire des mandats, c'était Jungkook.
— Ces gars sont des trous du cul qui ont des billets qui leur sortent par tous les orifices. On n'en tirera rien alors, autant prévenir que d'y aller et de perdre notre temps. Ça me ferait chier de devoir en torturer un pour avoir les réponses à mes questions.
— D'accord, on attend le mandat alors, pouffa le châtain.
— Et toi, tu as trouvé quelque chose ? demanda Jungkook en regardant Jimin.
— Non, j'ai essayé de trouver des informations concernant l'achat du Fibonacci par monsieur Dubois, mais il n'y a aucune trace sur internet. Ce qui est étrange étant donné qu'on trouve des renseignements sur les anciens acheteurs.
— Donc, tu n'as rien, grommela le commandant avant de porter son attention sur Lian qui se tenait près de lui.
— Jungkook ! le réprimanda Taehyung d'un ton dur.
— Ça va Tae, ce n'est rien, le rassura Jimin avec un sourire forcé.
Même s'il restait de marbre, les paroles de son colocataire, l'avaient blessé. Il avait fait de son mieux, mais visiblement ce n'était pas assez, ou peut-être que c'était simplement une attaque gratuite parmi toutes les autres.
— J'ai peut-être quelque chose qui pourrait vous intéresser, fit l'inspecteur, voulant mettre fin au duel de regard entre le lieutenant et le tatoué.
Il pianota rapidement sur la table tactile et transféra ce qu'il avait trouvé sur les écrans devant eux.
— J'ai fouillé les comptes en banque de notre victime et il s'avère qu'il était fauché.
— Comment c'est possible ? lança Taehyung confus.
— Eh bien d'après ses relevés bancaires, en plus de la somme exorbitante pour le piano disparu, Dubois effectuait, depuis quatre ans maintenant, un paiement trimestriel à un laboratoire de Séoul. Comme tu peux le voir, c'est plus que ton salaire annuel et le mien réunis. Il a également fait plusieurs déplacements à l'étranger. Paris, New-York, Tokyo, Londres, Amsterdam, Berlin et j'en passe. À côté de ça, les rentrées d'argent se faisaient de plus en plus rares alors, il a rapidement épuisé ses économies.
— On dirait bien que notre pianiste vivait au-dessus de ses moyens, pensa Jungkook, s'attirant le regard dur du plus jeune.
— Est-ce que les paiements pour le laboratoire pourraient avoir un lien avec les médicaments trouvés dans sa salle de bain ? questionna Jimin.
— Peut-être bien. Il faudrait qu'on sache de quoi il souffrait. C'était ton idole non ? Tu ne savais pas qu'il était malade ? demanda Jungkook d'un ton dédaigneux.
Cette fois, ce fut la goutte de trop.
— Je l'ai vu une fois ! Tu crois que j'ai pris le thé avec lui ou quoi ? Je le connaissais de vue et par sa musique, on n'était pas ami ! répliqua brutalement le blond, excédé par le comportement de son colocataire. Tu me tapes sur les nerfs ! Démerde-toi avec ton enquête ! J'en ai ma claque de ton agressivité et de ta mauvaise humeur ! Je me casse !
D'un geste colérique, Jimin poussa la chaise à roulette à travers la pièce et se dirigea d'un pas rageux vers le bureau. Il y récupéra ses affaires et se précipita vers la sortie malgré les protestations de Taehyung qui l'appelait.
— Va t'excuser, ordonna le lieutenant en pointant du doigt la porte qui venait de claquer.
— Quoi ? Tu rêves ! refusa Jungkook.
— Jeon Jungkook, tu es le mec le plus insupportable de cette planète, tu le sais ça ? Ce gamin donne tout ce qu'il a pour nous aider et toi, tu le remercies en étant le plus détestable possible avec lui ! Mais putain, qu'est-ce qui vous arrive à tous les deux ? Il y a trois semaines, vous passiez vos soirées à vous rire comme des gosses devant des jeux vidéos et maintenant vous vous tirez dans les pattes comme si vous étiez devenus les pires ennemis ! Il s'est passé quoi entre temps ? Explique-moi parce que là, je ne comprends pas ! C'est pire que lorsqu'il a emménagé chez nous !
Le commandant ne disait rien, il se contentait d'encaisser les paroles de son meilleur ami.
— Va le chercher ! Démerde-toi comme tu veux, mais dépêche-toi de le ramener ici !
Cette fois, Jungkook s'apprêtait à prendre la parole, mais le ton implacable du châtain le devança.
— Ne m'oblige pas à me répéter Jungkook. Je te jure que si tu ne bouges pas immédiatement, je vais t'en mettre une, le menaça Taehyung le visage dur.
Terminant sa phrase, le lieutenant vint attraper la manche de son pull et le tira pour l'obliger à se déplacer. Dans un soupir las, le tatoué se résigna et se mit en marche vers la sortie. Ok, il allait chercher Jimin, mais qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir lui dire ?
Après avoir descendu les marches en courant, Jungkook arriva devant le bâtiment et vit au loin, sur le parking, la tête blonde qu'il devait rattraper s'il ne voulait pas mourir dans d'atroces souffrances.
— Jimin ! appela ce dernier.
Le concerné continua sa route sans tenir compte de la voix qui l'appelait. Il ne voulait pas s'arrêter, il ne voulait pas qu'il le voit comme ça. Il ne voulait surtout pas qu'il voit les flots de larmes qu'il avait une nouvelle fois réussi à déclencher.
— Jimin !
— Laisse-moi tranquille ! cingla le médium, la voix tremblante.
— Eh, attends !
Tandis qu'il s'apprêtait à quitter le parking par l'entrée des employés, Jimin sentit une main attraper délicatement son poignet.
— Lâche-moi ! cracha ce dernier en se libérant de sa prise.
— Arrête-toi putain ! ordonna Jungkook.
Le blond s'apprêtait à répliquer lorsqu'il vit un homme en uniforme passer à côté de lui. Gêné que ce dernier assiste à cette scène, il s'inclina poliment en détournant le regard. Il pensait que sa présence dissuaderait Jungkook de le suivre, mais ce ne fut pas le cas. Subitement, Jimin sentit des bras puissants s'enrouler autour de son corps avant que ses pieds ne quittent le sol.
— Lâche-moi putain ! Ne me touche pas ! cria le médium en se débattant comme une furie.
Ignorant totalement les exigences de l'homme qu'il gardait contre son torse, Jungkook le fit passer par-dessus son épaule comme un vulgaire sac de pomme de terre. Au loin, deux officiers en uniforme les regardaient, confus et prêt à intervenir pour venir sauver la vie de ce garçon qui semblait être sur le point d'être kidnappé.
— C'est bon les gars, on a simplement un petit désaccord à régler. Promis, il reviendra en un seul morceau, lança Jungkook à l'attention de ses deux collègues.
— Laisse-moi descendre, sale con ! beugla Jimin en frappant le dos du commandant de toutes ses forces.
— C'est bon microbe, détends-toi. Il est temps qu'on ait une petite discussion toi et moi.
Bien que son prisonnier se débattait de toutes ses forces, le tatoué parvint à l'emmener dans le local à clés qui se trouvait au fond du parking. Il entra le code d'accès et ce ne fut qu'une fois à l'intérieur qu'il libéra Jimin en le déposant avec précaution sur le sol. Ce dernier n'osait pas le regarder, tentant désespérément de passer pour quitter cet endroit.
— Eh, calme t-
— Non ! Ne me touche pas ! Dégage ! s'emporta Jimin en repoussant violemment ses mains.
Son visage était inondé par les larmes qui coulaient de ses yeux rougis. Son corps tout entier tremblait comme une feuille et durant une fraction de secondes, Jungkook se demanda s'il avait peur de lui.
— Laisse-moi sortir, ordonna le blond d'un ton tranchant.
— Non, si je te laisse sortir maintenant, tu vas t'en aller.
— Bien-sûr que je vais partir ! C'est ce que tu veux non ? ALORS DÉGAGE !
Jimin ne criait presque jamais. Il détestait les voix fortes, il détestait ce que les gens dégageaient lorsqu'ils élevaient la voix. Cela lui rappelait aussi son passé. Le nombre de fois où son géniteur l'avait battu en lui hurlant à quel point il le méprisait. Cela lui rappelait les voix de ses fantômes qui ne cherchaient qu'à se faire entendre. Mais à ce moment précis, il était désespéré et aveuglé par sa peine et sa colère. Il avait envie de hurler à Jungkook à quel point toute cette situation était néfaste pour lui et son cœur.
— Non, confessa enfin Jungkook d'un ton plus bas sans quitter ses yeux noirs.
— Alors pourquoi tu t'acharnes sur moi !? Ça fait des jours que j'essaie de t'ignorer pour ne plus avoir à subir tes sautes d'humeurs, mais tu continues de me traiter comme si j'étais un moins que rien ! J'en ai ma claque ! Je n'en peux plus de tous tes piques, de tes attaques. Je ne supporte plus que tu joues avec moi comme tu le fais depuis des semaines ! Je ne sais jamais sur quel pied danser avec toi ! Pourquoi tu me fais ça ? Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter un tel traitement de ta part ! Si tu me détestes à ce point, pourquoi tu n'as pas laissé mon père m'emmener ? Si tu me méprises autant, pourquoi tu ne m'as pas laissé sauter de ce putain de toit ?! Pourquoi tu n'as pas laissé cette maudite fièvre m'emporter ? Si tu l'avais fait, je ne serais plus là ! Tu n'aurais plus à supporter ma présence qui t'est si insupportable !
Alors qu'il déversait toute sa colère, Jimin frappait le torse de son vis-à-vis avec toute sa rage, comme si ces mots n'étaient pas assez forts pour exprimer sa détresse. Face à lui, Jungkook encaissait sans rien dire. Ce qui était le plus douloureux, ce n'étaient pas les coups qu'il recevait, mais la tristesse et le désespoir que lui crachait le plus jeune.
— Pourquoi est-ce que tu continues de jouer avec moi comme tu le fais ? Je... pourquoi tu ne sors pas de ma tête. Putain, laisse-moi sortir d'ici !!
Cette fois, le médium cria encore plus fort en poussant plus violemment le tatoué qui se heurta brutalement contre la porte en métal, mais le choc ne fut en rien comparé à ce qu'il ressentait à l'intérieur de sa cage thoracique. Son cœur était en morceau devant la peine de cette tête blonde qui extériorisait toutes ses émotions. Il ne pouvait plus supporter de faire face à cette souffrance qu'il avait provoquée alors, sans hésiter une seconde de plus, Jungkook vint saisir le visage de son vis-à-vis et fondit sur lui.
Leurs lèvres se rencontrèrent ainsi pour la deuxième fois et durant les premières secondes, le brun crut qu'il venait de guérir tous leurs maux, mais ce qui se passa ensuite le ramena brutalement à la réalité.
Face à lui, collé contre son corps, Jimin mit une fraction de seconde à réaliser ce qui se passait. Contrairement à leur premier baiser, ce ne fut pas un frisson de plaisir qui le traversa, mais une vague de colère encore plus grande. Il repensa à leur échange le jour où il s'était réveillé malade. Il se rappela tout ce qu'il lui avait dit et il réalisa avec déception qu'une nouvelle fois, Jungkook ne l'avait pas écouté. Encore une fois, le brun agissait à son bon vouloir sans prêter attention à ce qui l'entourait, prenant de nouveau le risque de blesser ce garçon qui tentait d'oublier.
Sans qu'il ne puisse contrôler sa rancœur, le médium repoussa à nouveau le policier et cette fois, sa main frappa brutalement sur sa joue. Lorsque sa paume vint s'abattre contre la peau hâlée de son vis-à-vis, un bruit sec résonna dans le petit habitable de métal.
— Je t'interdis de me toucher ! Tu... n'as pas le droit de recommencer ! Pas si c'est pour ensuite me jeter et m'ignorer ! Je ne pourrais pas le supporter encore une fois ! Je ne suis pas ton putain de jouet !
Les yeux du brun devinrent subitement plus brillants. Ce n'était pas la claque qui lui fit mal, comme tout le reste, c'était ce qu'il venait d'entendre, mais il savait qu'il le méritait. Jimin lui avait reproché de lui avoir volé son premier baiser et voilà qu'il recommençait.
De longues secondes passèrent durant lesquelles les deux hommes se regardèrent droit dans leurs yeux. Leurs respirations saccadées démontraient leur état émotionnel. La distance entre leurs deux corps était minime, car, même s'il l'avait repoussé, le médium n'avait pas reculé.
— Je te déteste, murmura finalement Jimin comme si la colère l'avait subitement quitté. Je te déteste tellement ! Je déteste ce que tu fais naître en moi à chaque fois que tu me touches ! Je déteste le fait que tu ne sortes pas de ma tête, même après tout ce que tu m'as fait et surtout, je déteste ce que tu me fais ressentir quand tu m'embrasses !
— Moi aussi, je te déteste microbe, répondit Jungkook sur le même timbre de voix.
Avec prudence et hésitation, la main droite de Jungkook approcha la joue de son cadet et avec douceur, il essuya celle-ci à l'aide de son pouce. Jimin tenta de ne pas bouger, de ne pas aller à la rencontre de son contact et se surprit à y parvenir. Pourtant, lorsqu'il leva la tête pour croiser ses prunelles noires qui le dévisageaient déjà, il sentit une nouvelle chaleur le traverser. Ses yeux descendirent sur sa bouche entrouverte et cette fois, il ne put rien faire contre cette pulsion qui le traversa. Se hissant légèrement sur la pointe des pieds, il agrippa brusquement le pull de son colocataire et vint prendre ses lèvres en otage.
Le médium savait qu'il regretterait sûrement ce qu'il était en train de faire à la minute même où ils quitteraient cet endroit, mais comme ce soir-là au club, il s'en fichait. Il voulait simplement savourer ce moment avant que le mirage ne s'efface et qu'il se retrouve face à la réalité.
Les secondes s'écoulaient, les minutes se suivaient et pourtant aucun des deux hommes ne semblait rassasié. Toujours contre la porte en métal, Jungkook avait emprisonné son cadet contre lui. Ce dernier épousait parfaitement les courbes de son corps et le commandant se surprit à les imaginer nus. Leurs corps seraient-ils comme deux pièces d'un puzzle ? Une seule réponse était possible pour lui et si Jimin le voulait, il comptait bien le vérifier un jour.
Contre lui, le jeune consultant se laissait dévorer et manipuler telle une poupée entre les bras de son propriétaire. C'était dans des moments comme celui-là que leur différence de taille et surtout de corpulence était la plus importante. Face au tatoué, enveloppé dans ses bras musclés, Jimin se sentait en sécurité, comme si ici, rien ne pouvait lui arriver. Bien sûr, il ne se faisait pas de faux espoirs, il savait qu'il n'y avait aucun sentiment entre eux. Une attirance physique certes, mais ce qu'il en était des sentiments, ça ce n'était pas le cas. Il n'aimait pas Jeon Jungkook, du moins pas amoureusement et il savait que ce dernier avait en horreur les relations amoureuses. Il le savait, mais contrairement à ce qu'il pensait, Jimin n'était pas dérangé par cela. Lui non plus n'était pas prêt pour une relation. Il ne savait même pas ce que c'était, il ne l'avait jamais vécu et surtout, il souhaitait soigner ses démons avant d'imaginer être en relation sérieuse avec quelqu'un. Pour le moment, il voulait simplement que Jungkook continue de l'embrasser, du moins jusqu'à ce que le feu qui le parcourait le consume totalement.
Les poumons étaient des organes bien étranges. Pourquoi dans certains moments, ils étaient capables de retenir de l'air pendant d'interminables minutes, tandis que, quand leur propriétaire était occupé à savourer un plaisir duquel il était privé depuis longtemps, ils n'en faisaient qu'à leur tête et hurlaient pour plus d'oxygène ? C'était la question que Jimin se posa lorsqu'il sentit ses poumons se comprimer dans sa cage thoracique. À contre cœur, et les maudissant de l'intérieur, il se recula, laissant ainsi un Jungkook étourdi par le manque soudain de ses lèvres.
Inquiet à l'idée que son vis-à-vis ne réagisse comme la dernière fois, le blond agrippa le revers de son pull et verrouilla son regard dans ses orbes sombres qui le lorgnaient déjà avec envie.
— S'il te plaît ne... ne me-
Il fut interrompu par la bouche de son colocataire qui vint s'entrechoquer avec la sienne, déposant sur ses lèvres brûlantes, un baiser chaste.
Jungkook n'avait pas eu besoin qu'il parle pour comprendre ce que son cadet désirait ni même ce qui l'effrayait. Il l'avait compris à la seconde même où il avait de lui-même provoqué ce troisième baiser. Ses petites mains s'étaient accrochées si fort à son haut qu'il aurait pu croire que ce dernier allait se déchirer. Il savait ce qu'il ressentait. Lui aussi s'était senti ainsi une fois, cela avait été à la fois le plus beau moment de sa vie, mais aussi le plus douloureux.
Alors qu'il regardait au plus profond de l'âme de ce garçon aux cheveux blonds, il se rappela les mots de sa mère. "Cesse de te cacher derrière un masque et sois toi-même. " est-ce que cela marcherait vraiment ? Il n'en savait rien, mais il voulait essayer. Jungkook ignorait dans quoi il s'embarquait. Il ne voulait pas d'une relation, il ne s'en sentait pas capable. Être en couple avec quelqu'un impliquait des sentiments et même s'il appréciait Jimin, il ne l'aimait pas. Il savait à quel point ce dernier avait besoin d'honnêteté et il ne comptait pas se jouer de lui.
— Je ne le ferai pas, promit Jungkook dans un murmure. Je suis désolé. Pour le baiser, pour mon comportement et tout le reste. Je suis vraiment désolé.
— Qu'est-ce que tu vas faire maintenant ? demanda le plus jeune d'une voix toujours basse.
— Je te l'ai dit, je ne te toucherais plus. J'ai déjà manqué à ma parole, alors si tu veux qu'il se passe quelque chose, il faudra que ça vienne de toi.
— Je ne sais pas si... je...
Perdu. Voilà ce qu'était Jimin. Que devait-il faire ? Pour le moment, le mieux était qu'il mette une distance de sécurité entre eux et il le fit.
— Tu me connais Jimin, tu sais comment je suis et je ne changerai pas. Je ne suis pas du genre à changer, à jouer les mecs mielleux. Je ne suis pas quelqu'un qui pourra te donner une relation comme celles que tu vois dans un drama, j'en suis incapable. Tout ce que je peux te donner c'est mon attention, mon temps et si tu le veux plus tard, mon corps. Rien d'autre. C'est à prendre ou à laisser.
Le médium écoutait attentivement ce que le tatoué lui disait, assimilant chaque information. Est-ce qu'il voulait l'attention et le temps de Jungkook ? Oui. Est-ce qu'il désirait son corps ? Il n'en savait rien, mais son bas ventre, lui, semblait déjà avoir son avis sur la question. Ce dernier se tordit délicieusement lorsque les souvenirs du corps presque nu de Jungkook lui revinrent en mémoire.
— Est-ce que tu comprends ? lui demanda le tatoué en le ramenant au moment présent.
— O-oui, bafouilla Jimin, les joies teintées d'un léger rose. Qu'est-ce qu'on va faire maintenant ?
— Eh bien, mon côté raisonnable me dit qu'on devrait retourner à l'intérieur avant que Taehyung ne vienne ne nous chercher.
— D-d'accord.
Jungkook hocha la tête et pivota pour ouvrir la porte. Il s'apprêtait à quitter la pièce lorsqu'il sentit quelque chose attraper l'arrière de son haut.
— S'il te plaît, ne ... ne dit rien aux autres, implora presque Jimin.
Le brun fit volte face pour le regarder et il put voir à quel point il était gêné. Le médium ne voulait pas que Taehyung soit au courant, il ne voulait pas qu'il le regarde différemment, peut-être parce qu'au fond de lui, il savait que c'était mal. Il savait pertinemment qu'il finirait par sortir blessé de cette histoire et pourtant, il ne voulait pas revenir en arrière. Jungkook avait dit que dorénavant, chaque contact devrait venir de lui et c'était une bonne chose. Cela voulait dire qu'il avait le contrôle. Du moins, c'était ce qu'il pensait.
— Je ne dirais rien à Lian si c'est ça qui t'inquiète.
— Q-quoi ? bafouilla le blond, confus et surpris par le changement de ton de son vis-à-vis.
Pourquoi semblait-il subitement agacé ? Est-ce qu'il avait dit quelque chose de mal ?
— Je suis pas aveugle Jimin, j'ai bien vu qu'il te plaisait. Alors ne t'en fais pas, je ne lui dirai rien, mais tu-
— Quoi ? Non ! Lian et moi, on est ami, rien de plus. Il... il ne me plaît pas. Enfin, il est très beau mais-
Le médium s'interrompit lorsqu'il vit la mâchoire de Jungkook se contracter à mesure qu'il complimentait son ami.
— Bref, peu importe. Je parlais de Taehyung en fait.
— D'accord, tu n'as pas besoin de te justifier. Je comprends, je ne dirai rien. C'est promis.
Le ton du policier s'était adouci, un sourire étirait faiblement ses lèvres lorsqu'il fit signe à son cadet de le suivre. Ce dernier hocha la tête en guise de remerciement et prit sa sacoche qu'il avait laissé tomber sur le sol.
Ensemble, l'un à côté de l'autre, mais à une distance raisonnable, les deux hommes rebroussèrent chemin pour retourner dans les bureaux de l'unité criminelle, ou leurs deux amis les attendaient avec impatience.
Alors qu'ils longeaient le couloir, Jimin croisa son reflet dans une des fenêtres et se stoppa. Il ne pouvait pas entrer dans les bureaux comme ça. Pas avec ces yeux et joues rougies. Tout le monde se demanderait ce qui lui était arrivé et il ne savait pas ce qu'il répondrait. D'ailleurs, qu'allaient-ils dire si Taehyung posait des questions ?
— Je vais passer aux toilettes, annonça ce dernier à l'attention de Jungkook qui continuait sa route.
— D'accord, répondit simplement ce dernier. Tu peux que je prenne tes affaires ?
— J-je veux bien.
Le blond parcourut la distance qui les séparait et donna sa sacoche à son aîné, ce dernier lui offrit un sourire et poussa la porte qui menait au QG.
Jungkook avança jusqu'à son bureau et eut à peine le temps de pousser la porte, qu'une tornade lui sauta dessus avant de l'assommer de question.
— Où est-il ? Est-ce que tu lui as parlé ? Tu t'es excusé ? demanda Taehyung.
— Aux toilettes et oui, je lui ai parlé.
— Mais est-ce que tu t'es excusé ?
— Oui Taehyung ! Tu peux arrêter avec tes questions maintenant, soupira le tatoué en posant la sacoche de blond sur bureau. Est-ce que le mandat est arrivé ?
Jungkook voulait absolument changer de sujet. Il ne voulait pas répondre aux questions de son meilleur ami, non pas qu'il ait honte de ce qui s'était passé, mais il avait fait une promesse, et comptait bien la tenir.
— Non, toujours rien.
— Bon d'accord, et ce laboratoire à Séoul, vous les avez appelés ?
— Oui, Lian s'en occupe, mais vu la tête qu'il tire, je ne suis pas sûr que les résultats vont te plaire, pouffa le châtain.
De leur bureau, les deux amis avaient une vue sur celui de Rose et Lian. Ils pouvaient donc voir leur inspecteur batailler au téléphone.
— S'il refuse de parler, on contactera la crim de Séoul, ils pourront probablement nous donner un coup de main, lança Jungkook en s'installant derrière son ordinateur.
— Tu as toujours ton contact là-bas ? questionna Taehyung.
— Oui, James y bosse toujours. Je lui passerai un coup de fil et il ira jeter un coup d'œil pour nous.
James était un ancien militaire que le tatoué avait connu lors de ses années de service. Ils étaient restés en contact et souvent en cas de besoin, les deux hommes se contactaient pour se rendre service.
Dans les toilettes du premier étage, Jimin était toujours immobile devant le grand miroir. Il fixait son reflet, détaillant ses traits qu'il n'avait jamais réellement pris le temps d'observer. Son regard descendit sur ses lèvres rougies et il vint les effleurer. Qu'est-ce qui allait se passer maintenant ? C'était la question qui repassait en boucle dans son esprit, tel un disque vinyle rayé.
Passant une dernière fois de l'eau sur son visage, le médium quitta la pièce pour rejoindre ses collègues. Le cœur battant, il poussa la porte et fut frappé par un silence étrange. Son regard se posa tout de suite sur la cloison en verre qui entourait le bureau qu'il occupait depuis deux mois maintenant. Derrière celle-ci, il pouvait voir Taehyung et Jungkook qui discutaient de manière sérieuse.
Prenant une grande inspiration pour se donner du courage, Jimin alla rejoindre ses deux collègues, priant intérieurement pour que le lieutenant fasse comme si rien ne s'était passé.
— De quoi vous parlez ? demanda le blond en entrant dans la pièce.
Le regard sombre du brun l'effleura quelque seconde avant de reporter son attention sur l'écran de son ordinateur, laissant à son coéquipier le loisir de répondre à la question de leur cadet.
— On parle du commissaire-priseurs. Pour être franc, aucun de nous n'a jamais assisté à des enchères alors c'est un peu l'inconnu pour nous.
— Quand j'étais enfant, mon père m'avait traîné à un de ces trucs une fois. Je me souviens qu'il avait acheté un tableau que j'ai toujours trouvé immonde. C'est un monde à part, mais parfois, c'est intéressant.
— Est-ce que c'est toujours le même gars qui s'occupe des ventes ? questionna Jungkook.
— La plupart du temps oui. Ils peuvent être deux, mais c'est rare.
— Est-ce que ce sont eux qui font les certificats d'authenticité ? s'interrogea Taehyung.
— Non. Si je ne dis pas de bêtise, le certificat d'authenticité est fait par le créateur. En cas de perte du document par contre, je n'ai aucune idée de comment ça se passe.
Les deux policiers hochèrent la tête en parfaite synchronisation, écoutant avec attention les dires de leur cadet.
— Heureusement que tu es avec nous, sinon je crois qu'on chercherait encore comment prononcer le nom de ce satané piano disparu, ricana le lieutenant.
— C'est quoi son nom déjà ? gloussa Jungkook en se laissant tomber contre le dos de son fauteuil.
— Fibonacci, répondit Jimin avec un accent italien des plus parfaits.
Tel un enfant, le tatoué mima le nom qu'il venait entendre, mais il savait qu'il ne le retiendrait pas. L'ambiance dans la pièce était étrangement sereine et même si Taehyung mourait d'envie de savoir comment son meilleur ami était parvenu à calmer la colère du blond, il ne posa aucune question.
— Boss ! appela Lian depuis son bureau.
— Oui ?
— Le juge Cho sur la trois !
— Ok, passe-le-moi.
L'inspecteur hocha la tête et la seconde qui suivit, le téléphone fixe se mit à sonner. Soupirant faiblement, Jungkook décrocha et mit le haut-parleur.
— Bonjour, monsieur le juge.
— Bonjour commandant Jeon. Vous savez sûrement pourquoi je vous appelle ?
— Hum, non pas vraiment, mais je me doute que ce n'est pas pour me demander si j'ai passé un bon week-end, plaisanta le tatoué.
Taehyung écarquilla les yeux, surpris et indigné que son coéquipier puisse s'adresser avec une telle familiarité à un juge du grand tribunal de Busan.
— J'aurais pu, mais non, ricana l'homme. Je vous appelle à titre personnel.
— D'accord.
Voulant conserver la confidentialité de leur échange, le commandant prit le combiné et désactiva le haut-parleur.
— Je vous écoute.
— Eh bien, c'est un peu délicat, mais je connaissais monsieur Dubois, nous étions même de bons amis. Si ce n'est pas trop demander, je vous voudrai que vous restiez le plus discret possible sur cette affaire. C'était un homme bien à qui il est arrivé des choses moches, mais je ne voudrais pas que son image soit entachée.
— Est-ce que vous savez quelque chose que je devrais savoir, monsieur le juge ? demanda Jungkook les sourcils froncés par la concentration.
Près de lui, Jimin et Taehyung écoutaient la conversation sans vraiment comprendre. Le regard du tatoué se posa sur eux et il fit signe au plus jeune de fermer la porte du bureau. Lorsqu'ils furent totalement à l'abri des oreilles indiscrètes, le commandant décida de réactiver le haut-parleur, mettant ainsi ses deux coéquipiers dans la confidence. Après tout, si ce coup de fil concernait leur enquête, il était légitime que ces deux collègues soient mis au courant.
— Je ne sais rien concernant son meurtrier, si c'est ce que vous vous demandez, répondit le juge Cho. Mais je connais quelque aspect de la vie privée de Paul que personne d'autre ne connaissait.
— Si cela peut m'aider à retrouver celui qui a fait ça, vous devez me le dire, exigea Jungkook d'une voix posée.
De longues minutes passèrent avant que la voix du juge ne se fasse entendre.
— Pouvez-vous passez à mon bureau ? Je préfère que l'on discute, de vive voix.
— Bien-sûr, monsieur le juge, je pars tout de suite.
— Merci commandant.
L'appel téléphonique se conclu sur ses paroles. Lorsque la tonalité de fin résonna, Jungkook reposa le combiné et se tourna vers ses deux amis qui étaient aussi perdus que lui.
— Monsieur Dubois avait des amis haut placés, pensa Jimin.
— Oui. Je sens que cette histoire est plus compliquée qu'un simple vol de piano, soupira le tatoué en se levant. Allons-y. On va récupérer le mandat en même temps et on ira à la salle de vente.
— Je peux venir ? demanda le médium.
Tandis qu'il enfilait sa veste, le commandant s'immobilisa et posa ses prunelles noires sur son cadet.
— Depuis quand tu demandes l'autorisation ? En général, tu es plus du genre à monter dans la voiture même quand on te l'interdit.
Le ton de sa voix n'était pas dur, ni froid, il était surtout surpris et amusé de voir la timidité qui avait empourpré les joues du médium. Un ange passa avant que Taehyung ne brise le silence qui avait pris place dans le bureau alors que les deux hommes se regardaient dans les yeux.
— Dépêchons-nous, le juge ne va pas attendre toute la journée.
Sans attendre ses deux collègues, le lieutenant quitta la pièce et se dirigea vers la sortie après avoir prévenu Lian de leur départ.
— Après vous consultant Park, murmura Jungkook d'une voix suave.
Entre les lèvres du commandant, son nom de famille sonna d'une façon délicieuse qui tordit les entrailles de Jimin.
— Merci commandant Jeon, répliqua ce dernier sur le même ton.
⊱⋅ ──────────── ⋅⊰
L'entretient avec le juge Cho n'avait duré qu'une quinzaine de minutes. Jungkook avait écourté leur entrevue afin de ne pas faire attendre ses deux amis qui étaient restés dans la voiture. Le mandat dans une main et l'autre dans la poche de son treillis, le tatoué descendait les escaliers qui devançaient l'immense tribunal de Busan, un sourire fier sur les lèvres.
Dans l'Audi, les deux hommes avaient discuté de musique, principalement de piano et Taehyung était enfin heureux que son protégé ait retrouvé la parole. L'ambiance entre eux était totalement différente de ce matin et il était soulagé.
Pendant qu'il écoutait ce que son aîné lui disait, l'attention de Jimin fut happé par la silhouette athlétique de Jungkook qui descendait les marches à quelque mètres d'eux. Par sa démarche assurée et masculine, cet homme respirait la confiance en soi et dégageait un sex-appeal qui ne laissa pas le médium indifférent.
— Le voilà, lança Taehyung en remarquant enfin son meilleur ami.
Quand il arriva à leur hauteur, Jungkook agita fièrement le mandat et entra dans la voiture.
— Alors ? Qu'est-ce que tu as appris ? questionna le lieutenant en prenant la feuille qu'on lui donnait.
— Eh bien, d'après le juge Cho, Dubois souffrait d'apraxie, annonça le brun en mettant le contact.
— Apraxie ? répéta Jimin comme s'il n'avait pas bien compris. Qu'est-ce que c'est ?
— Selon internet, l'apraxie est un trouble neurologique, rendant le malade incapable d'exécuter des mouvements malgré une volonté et une capacité motrice conservées. C'est le plus souvent provoqué par une lésion cérébrale comme les AVC, traumatisme crânien, tumeur cérébrale ou certaine maladie comme l'Alzheimer, dicta Taehyung en lisant ce que son moteur de recherche avait affiché.
— Mais, si monsieur Dubois était malade, il n'aurait pas pu jouer du piano ?
La voix du médium exprimait sa confusion. Il avait vu le pianiste jouer en personne, et il n'avait rien remarqué d'étrange.
— D'après Cho, le pianiste aurait été victime d'un grave accident de voiture, il y a un peu plus de cinq ans. Il avait été amené aux urgences avec un traumatisme crânien assez important. C'est à la suite de ça que l'apraxie est apparue, expliqua Jungkook.
— Ça coïnciderait avec les virements au laboratoire à Séoul, pensa le châtain.
— Si c'est vrai, pourquoi on n'a rien trouvé sur internet ? demanda Jimin. Monsieur Dubois était connu. On aurait dû trouver des articles qui parlaient de cet accident. Pourtant, j'ai cherché et il n'y a rien.
— Il ne voulait pas que cela se sache. Lorsqu'il est sorti de l'hôpital, Dubois à fait quelques apparitions dans des galas où il a joué, mais c'était du playback. Il n'a plus jamais été capable de jouer après son accident. C'est pour ça que Cho me demande de rester discret, il ne veut pas que les gens sachent que son ami trichait, il ne veut pas salir son image.
Jimin était abasourdi par ce qu'il venait d'apprendre. Il se sentait à la fois triste pour son idole, mais aussi en colère. Pourquoi avait-il menti ? Il n'avait pas de honte à avoir dans le fait d'être malade !
— Ok, reprit Taehyung dans un soupir. Le juge Cho connaissait bien la victime alors, on peut presque être sûr que ses informations sont vraies. Par précaution, attendons tout de même les résultats du labo et de l'autopsie.
Jungkook hocha simplement la tête avant de passer la première vitesse et de quitter le parking. Derrière, assis sur la banquette, le médium assimilait et tentait d'accepter tout ça. Il avait l'impression que l'admiration qu'il avait ressenti pour cet homme n'était qu'un mensonge et cela le peinait. Il avait menti, il avait triché. Il avait été un des plus grands pianistes au monde et aurait pu garder cette image, mais il avait choisi de mentir à la terre entière jusqu'à sa mort.
— Eh microbe, ça va ? demanda Jungkook d'un ton étrangement doux.
— Hum, fit simplement le concerné, affichant un sourire sans joie que le conducteur vit à travers le rétroviseur.
Le brun pouvait voir à quel point son cadet était bouleversé. Apprendre qu'une personne pour qui vous aviez de l'admiration n'était pas aussi sincère que vous le pensiez pouvait être difficile à encaisser. Il le comprenait.
⊱⋅ ──────────── ⋅⊰
Les trois hommes avaient l'impression d'avoir passé une grande partie de la journée dans la voiture à sillonner la ville. Après avoir quitté le tribunal, Jungkook avait pris la direction de la salle des ventes qui se trouvait à l'autre bout de la ville.
— Il est presque dix-huit heures, soupira Taehyung.
— Tu as des trucs de prévu ce soir ? demanda Jungkook en tournant à droite.
— Non, je devais diner avec Lilith, mais elle a annulé. Elle bosse sur un dossier avec Lee.
Le tatoué hocha simplement la tête avant que le lieutenant ne se tourne vers leur cadet qui était assis sur la banquette arrière.
— Tu sors ce soir ?
— Pourquoi ? répondit Jimin perplexe.
— Simple question. J'ai entendu Lian et Rose d'une soirée au bar, j'ai cru que tu irais.
En effet, Lian lui avait parlé de cette sortie lors de leur déjeuner, mais le médium avait refusé. Son regard passa furtivement de son aîné à Jungkook qui le regardait déjà à travers le rétroviseur. En plongeant dans ses prunelles sombre, il y vit quelque chose de nouveau. Une chose qui fit vibrer chaque fibre de son être.
— Oui, il m'en a parlé, mais j'ai refusé. Les bars ce n'est pas vraiment mon truc.
Un soulagement étrange parcourut les veines du commandant.
— Nous y voilà, annonça Jungkook en stoppant le véhicule.
Jimin regarda à travers la fenêtre pour faire face à un bâtiment moderne. Sur la façade qui faisait face à la rue principale, on pouvait y lire l'enseigne de la salle des ventes.
— Vous pensez que c'est encore ouvert ? demanda-t-il.
— On va vite le savoir, répondit le brun en coupant le moteur.
Sans rien ajouter, les trois amis quittèrent le véhicule pour se diriger vers l'entrée. Lorsqu'ils poussèrent la porte, ils furent accueillis par un homme brun vêtu d'un costard bleu nuit. Ce dernier regarda les trois hommes de haut en bas, un air condescendant sur le visage.
— Désolé, nous étions sur le point de fermer, fit ce dernier avec un sourire dédaigneux.
— Oui et bien, vous allez faire une petite exception, lança Jungkook en sortant sa plaque.
Le regard de l'homme se posa sur l'insigne du brun et son expression corporelle changea. Son air supérieur disparut pour laisser place à une mine plus renfermée. Il afficha un air plus dur et moins enclin à la conversation.
— Qu'est-ce que je peux faire pour vous, monsieur l'agent ?
— C'est commandant en fait, rectifia le concerné. On aurait des questions à vous poser sur un piano que vous avez vendu il y a six ans, et on voudrait aussi voir le registre des ventes.
— Est-ce que vous avez un m-
— Un mandat ? le coupa Jungkook, un sourire arrogant sur le visage. Tenez, bonne lecture.
Un sourire amusé prit place sur le visage de Taehyung. Il savait parfaitement que son coéquipier effacerait cet air arrogant de cet homme et comme toujours, il se délectait de voir cela.
— Est-ce que le responsable est ici ? demanda le lieutenant.
— Vous l'avez devant vous.
— D'accord et quel est votre nom s'il vous plait ?
— Im Kang-woo.
Pendant que le gérant des lieux répondait aux questions, Jungkook, comme à son habitude, commença à faire les cents pas, touchant à tout ce qui l'intriguait, ce qui semblait fortement agacer monsieur Im.
— Ne touchez pas à ça, ordonna ce dernier d'un ton dur.
Le tatoué posa ses yeux sur celui qui venait de parler, les sourcils haussés et un rictus insolent sur les lèvres.
— Très bien monsieur Im, si vous voulez bien, nous allons discuter un peu pendant que mes deux collègues consultent vos registres.
— Je suis obligé de refuser votre requête, nos registres ne sont pas ici, lança Kang-woo d'un ton supérieur.
— Oh, tu as entendu ça Tae, une salle des ventes qui n'a pas son registre de vente. C'est un peu étrange non ? ricana Jungkook avec sarcasme. Il se fout de nous là non ?
Jimin qui se tenait toujours sagement près de la sortie, ne put s'empêcher de pouffer en cachant sa bouche derrière sa main. Son colocataire n'était pas patient et cet homme risquait de l'apprendre à ses dépens s'il continuait de se jouer d'eux.
— Écoutez monsieur Im, si vous refusez de coopérer, ce sera considéré comme une obstruction à la justice. Alors s'il vous plaît, faites nous gagner du temps et donnez-nous ces registres, fit Taehyung d'un ton plus calme.
Des deux policiers, le lieutenant Kim était le plus diplomate, c'était un fait avéré qui n'était plus discutable. Un ange passa avant que le gérant ne soupire, résigné.
— Très bien, suivez-moi. Les registres sont par là.
Satisfaits, les deux policiers échangèrent un regard complice et suivirent l'homme au costard bleu nuit qui entra dans une grande salle. Jimin était silencieux, comme toujours, il laissait ses deux aînés gérer ce genre de situation, faisant simplement acte de présence.
La pièce où ils étaient, devait servir de stockage. Le long des murs, dissimulés sous des grands draps, étaient disposés divers objets de tailles différentes. Curieux, Jungkook souleva un tissu pour entrevoir la partie inférieure d'une statue et à en croire par son entrejambe, c'était celle d'un homme.
— Le sculpteur ne l'a vraiment pas respecté, gloussa-t-il tel un enfant.
— Les hommes de la Grèce antique étaient souvent représentés avec des parties génitales minuscules, murmura Jimin près de lui.
— Ce n'est vraiment pas valorisant, répondit Jungkook en posant ses yeux sur lui.
— À l'époque un sexe imposant était vu comme quelque chose "mal". Cela signifiait que les hommes étaient incapables de contrôler leur pulsion et puis ce n'était pas la taille qui compte. La force et le courage ne se mesure pas à la taille d'un pénis, expliqua le médium d'un air innocent.
Il parlait réellement de l'histoire de ses sculptures. La Grèce antique et l'art qui y étaient reliés, étaient quelque chose qui l'avait toujours intéressé. Lorsqu'il était à l'asile, Jimin avait lu plusieurs livres là-dessus et quand il le pourrait, il comptait bien aller dans un musée et voir ces statues de ses propres yeux.
— Il n'y a que ce qui en ont une petite qui dise ça. Crois-moi, la plupart du temps, la taille ça compte, répliqua le brun avec un clin d'œil taquin.
Cette réponse déclencha un incendie sous la peau du plus jeune qui détourna le regard. Jungkook avait compris que son cadet parlait de l'histoire de ces œuvres, mais il venait de lui tendre une perche qu'il n'avait pu s'empêcher de saisir. Le taquiner et le faire rougir était sans doute l'une des choses les plus amusantes pour lui et maintenant que l'ambiance entre eux était plus légère, il n'allait pas se gêner.
Ce fut un bruit métallique qui attira l'attention du commandant et de son cadet. Au fond de la pièce, monsieur Im venait d'ouvrir une grande armoire industrielle qui renfermait plusieurs livres en cuir.
— Quelle année vous intéresse ? demanda le gérant.
— Deux mille dix-sept, répondit Jungkook.
— Vous avez idée des ventes que l'on fait en une année ? pesta l'homme. Vous savez quel mois précisément ?
Le commandant ne se souvenait plus de la date précise qui était inscrite sur la facture. Il regarda son meilleur ami dans l'espoir que ce dernier connaisse la réponse, mais lui non plus ne l'avait pas retenue.
— Janvier deux mille dix-sept, intervint Jimin.
Le tatoué lui jeta un regard surpris et hocha la tête en guise de remerciement. À quelques pas, Kang-woo sortit quatre volumes et les posa sur la table en métal qui se trouvait dans un coin.
— Le mois de janvier est toujours celui où nous avons le plus de ventes. Alors, amusez-vous, fit le gérant.
Son air condescendant commençait sérieusement à taper sur les nerfs de Jungkook, mais il se contenta d'afficher un sourire et s'avança jusqu'à la table. Bien que ces livres n'étaient pas épais, il savait qu'ils allaient y passer encore des plombs.
— Très bien monsieur Im, veuillez me suivre, l'invita Taehyung avant de regarder ses deux amis. Ça va aller ?
— Oui, c'est bon, on gère, soupira Jungkook en tirant l'une des chaises.
Le lieutenant leur offrit un sourire compatissant et quitta la pièce. D'un pas prudent, Jimin vint s'installer à côté de son colocataire et tira l'un des livres vers lui.
— Tu as vu la taille de ses trucs, on va en avoir pour des heures, se plaignit le tatoué, une moue boudeuse sur les lèvres. Pourquoi c'est Tae qui interroge ce type ?
— Parce que c'est lui l'aîné, gloussa le médium en ouvrant son volume. Ne t'en fais pas, en général, ces registres sont classés par ordre alpha... eh merde.
— Tu disais, ricana Jungkook, amusé par la détresse de son vis-à-vis.
Lorsqu'il tourna les pages du sommaire, Jimin réalisa avec déception que rien n'était classé par ordre alphabétique.
— Bon et bien bonne chance, lança le tatoué. Le premier qui trouve, paie une tournée de soju à l'autre.
— Dans tes rêves, depuis mon bizutage, je me suis promis de ne plus boire !
— D'accord, dans ce cas, que veux-tu si tu gagnes ?
— Pourquoi toujours tout transformer en compétition ? demanda Jimin curieux.
— Parce que ça rend les choses les plus ennuyeuses au monde beaucoup plus excitantes, répondit le tatoué d'une voix plus suave. Alors, qu'est-ce que tu veux ?
Le blond fut déconcerté par le regard et la voix de son vis-à-vis. Il savait que ce dernier cherchait à le déstabiliser et il y parvenait avec une facilité surprenante. Il suffisait d'un regard où d'un toucher pour que Jimin sente un frisson agréable le parcourir.
— Si je gagne, tu seras mon chauffeur pendant toute une semaine.
— Je suis déjà ton chauffeur, je te rappelle que tu n'as pas le permis, se moqua le tatoué.
— Non, là, tu seras mon chauffeur personnel, à toute heure du jour où de la nuit, précisa le médium d'un ton beaucoup plus aguicheur.
— Ok, dans ce cas, si je gagne, tu devras faire tout ce que je veux pendant une semaine.
— Hors de question, refusa catégoriquement le plus jeune en examinant la première page de son registre.
— Pourquoi ? s'offusqua Jungkook.
— Parce que je te connais. Si j'accepte, tu vas me faire laver tes caleçons et je vais me retrouver à quatre pattes à récurer le sol de ta chambre à la brosse à dent.
Un court silence suivit la réponse de Jimin. Remarquant que son colocataire ne reprenait pas la parole, il quitta son bouquin des yeux pour le regarder et en voyant le sourire espiègle qui avait pris place sur ses lèvres, il réalisa ce qu'il venait de dire.
— Tu... non ce n'est pas-
— Quoi ? Je quoi ? se moqua Jungkook en voyant son cadet bafouiller et paniquer. Si tu veux vraiment te retrouver à quatre pattes dans ma chambre, ça peut s'arranger, mais ce ne sera pas pour récurer le sol.
Le visage écarlate, Jimin prit son bouquin et vint frapper le policier pour le faire taire et effacer ce sourire suffisant de ses lèvres. Ce qu'il venait de dire était non seulement rempli de sous-entendu, mais surtout, cela avait délicieusement tordu son bas ventre.
— Ça va, c'est bon, je te taquine ! Excuse-moi, supplia le commandant qui était pris d'un fou rire.
— Arrête de dire des trucs comme ça !
— Pourquoi ? Est-ce que quelque chose a bougé dans ton pantalon ?
Le médium s'apprêtait à le frapper à nouveau quand Jungkook attrapa le registre et le tira vers lui, entrainant celui qui le tenait. Un hoquet de surprise quitta Jimin lorsque son visage se retrouva à quelques millimètres de celui du brun. Les yeux de ce dernier descendirent sur ses lèvres et il s'approcha doucement. Son souffle chaud effleura sa peau, faisant frissonner le plus jeune qui ferma ses paupières, attendant de ressentir à nouveau sa bouche contre la sienne.
Pourtant, les secondes passèrent et ce nouveau baiser n'arriva jamais. Confus, il ouvrit les yeux pour croiser les prunelles sombres de son vis-à-vis.
— Ces registres ne vont pas se consulter tout seul, murmura le tatoué, un sourire amusé sur les lèvres avant de se reculer et de reporter son attention sur son livre.
Pour la première fois de sa vie, Jimin se sentit frustré, il avait presque envie de bouder comme un enfant à cause du refus de son colocataire. Alors, Jungkook comptait tenir parole ? Il ne le toucherait plus jamais sauf si le premier pas venait de lui ? Quelque chose dans cette promesse agaçait le médium, car il n'était pas sûr d'avoir, un jour, le courage d'initier un contact.
Perturbé, le blond secoua la tête pour se remettre les idées en place et se concentra de nouveau sur sa tâche.
⊱⋅ ──────────── ⋅⊰
Cela faisait plus d'une heure que Jungkook et Jimin examinaient ces registres. L'organisation de ces bouquins donnait la migraine au médium qui se demandait vraiment comment une salle de ventes pouvait travailler ainsi. Rien n'était classé. Ni par date, ni par ordre alphabétique, ni par thème et encore moins par œuvre.
— Je crois que si je tourne encore une page de ses maudits bouquin, je vais y foutre le feu, pesta Jungkook en se laissant tomber sur le dossier de sa chaise.
Le blond laissa échapper un petit rire avant que la porte ne s'ouvre sur Taehyung.
— Vous avez trouvé ? demanda-t-il.
— Non. J'arrive à la fin de mon registre et toujours rien, répondit le tatoué exaspéré.
— Et toi Jimin ?
— Hum, rien concernant notre piano. En revanche, une chose est sûre, ils n'ont aucune organisation.
Sa réponse fit rire ses deux aînés avant que le lieutenant ne prenne de nouveau la parole.
— On peut toujours emmener tous les registres et les consulter au poste.
— Je crois que c'est ce qu'on va faire, sinon on va y passer la nuit, soupira le commandant en se levant. Tu as trouvé quelque chose toi ?
— Rien de bien intéressant. Le gérant se souvient du piano. Il a envoyé des photos de l'instrument quand il est arrivé des US et du jour de la vente. En revanche, il ne se souvient pas de l'acheteur, ni de qui était le commissaire-priseur présent ce jour-là. Apparemment, ils sont deux à bosser pour eux.
— Tu as leur nom ? demanda Jungkook.
— Bien-sûr, je les ai déjà envoyés à Rose pour qu'elle fasse quelques recherches. Par contre, je ne sais pas si elle est encore au poste à cette heure-ci.
— Normalement, s'il fait son travail correctement, le commissaire-priseur est obligé d'inscrire son nom et son cachet dans le registre, intervint Jimin sans lever le nez de ses pages.
— C'est bon microbe, laisse tomber, tu vas avoir un torticolis, gloussa le commandant. On va emmener ça au poste et on-
— Je l'ai ! s'exclama le médium en se levant d'un bon.
— Tu l'as trouvé ? demanda Taehyung en contournant la table pour venir se placer près de son protégé.
— Là ! désigna fièrement Jimin en posant son doigt sur la ligne correspondante. Vingt janvier deux mille dix-sept. Piano Steinway Fibonacci vendu à monsieur Paul Dubois pour la somme de deux milliards six cent trente million de wons. L'authenticité a été faite le quinze janvier par un agent agréé.
— Tu as le nom du commissaire-priseur ? questionna Jungkook en penchant légèrement vers son cadet.
— Non, soupira le médium. Comme par hasard, celui qui s'est occupé de la vente n'a pas inscrit son nom.
— Ce n'est pas grave, monsieur Im m'a assuré que les deux commissaires-priseurs qui travaillent avec lui sont les mêmes depuis plus de dix ans. On a leur nom, on ira les interroger tous les deux, relativisa Taehyung en voyant la déception sur le visage du plus jeune. Bien joué, Jimin.
— Merci, sourit ce dernier, les joues rougies.
— Au moins, on sait que le piano est arrivé en Corée en toute légalité, lança le commandant en s'étirant tel un félin.
Le lieutenant s'apprêtait à prendre la parole lorsque la porte de la pièce s'ouvrit à nouveau sur l'homme vêtu de son costard bleu nuit. Son visage dégageait cette expression suffisante qui agaçait profondément Jungkook.
— Messieurs, je ne voudrais pas être impoli, mais il est presque vingt-heure. J'aimerais bien rentrer chez moi.
— Oui, nous allons partir, annonça Taehyung.
Les trois amis prirent le chemin qu'ils avaient emprunté plus tôt afin de sortir du bâtiment. Alors que les deux plus vieux passèrent la porte principale, Jimin s'immobilisa et se tourna vers le gérant qui les avait suivis.
— Au fait, votre organisation laisse vraiment à désirer.
Sans attendre une réponse, le blond pivota et quitta la salle des ventes pour rejoindre ses deux amis qui étaient déjà dans la voiture.
— Il a osé. Il est pire que toi en fait, pouffa Taehyung.
— Je te l'ai déjà dit un million de fois, ce gamin est un insolent ! répliqua Jungkook en riant lui aussi.
La portière arrière s'ouvrit et le médium vint s'installer à sa place.
— De quoi vous parlez ? demanda Jimin en bouclant sa ceinture de sécurité.
— De toi, répondit le lieutenant, amusé.
— Bien quoi, il m'a énervé, pesta le plus jeune, une moue boudeuse sur les lèvres. Je trouve que j'ai été gentil, à la base, je voulais lui dire de mettre sa condescendance dans son-
— C'est bon ! le stoppa Taehyung en riant. Je crois qu'on a tous compris où tu voulais mettre sa condescendance.
— Pardon, pouffa le blond.
Ne pouvant retenir son rire, Jungkook mit le contact et démarra.
— Bon, on fait quoi ce soir ? questionna le blond assis au milieu de la banquette arrière.
— Je n'en ai aucune idée. Je vous préviens, je ne cuisine pas. Je vous laisse décider et on commande.
— Pizza ! s'écria Jimin.
— Mexicain ! fit Jungkook en parfaite synchronisation avec son cadet.
Suite à leur désaccord, un duel de regard à travers le rétroviseur central commença.
— Pizza ! Je l'ai dit en premier ! pesta le médium.
— Mexicain.
— Pizza !
— Mex-
— C'est bon ! s'interposa Taehyung faussement exaspéré. On commandera une pizza mexicaine, comme ça tout le monde est content.
Cette proposition mit fin au débat. Ce fut alors dans une ambiance plus légère qu'à leur réveil que l'Audi rouge prit la route, direction cet appartement en bord de mer qui attendait l'arrivée de ses occupants.
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