Prologue
Quand je passe dans les rues séoulites, je suis régulièrement prise pour une étrangère ne séjournant ici que pour quelques semaines. Désapprobation ou curiosité, il est parfois difficile de distinguer ces regards insistants auxquels je me suis habituée. Parfois, on me félicite de mon niveau de coréen ou on me présente le menu en anglais au sein des restaurants. Quand je porte mon uniforme, on me demande souvent si je viens d'Afrique ou des Etats-Unis, avoir la peau noire se restreint en effet à ces deux régions. Les marques coréennes de maquillage courent à toutes les rues cependant aucune d'entre elles ne proposent ma teinte. Même si du sang coréen coule dans mes veines, je ne serai jamais pour eux, Coréenne.
Depuis toute petite je me suis toujours demandée pourquoi je devais porter le nom Balla de mon père, non pas par féminisme, mais par honte d'être à moitié congolaise. Ma mère m'a toujours dit que cette différence était ma force, une force qui n'est que minime face au peu que je représente pour certains. Parfois, je rêvais d'être blanche, d'avoir le teint porcelaine éclaboussé de lèvres vermillons ; un idéal coréen. Je rêvais, également, d'avoir une enfance et une adolescence un tant soit peu heureuses et ne pas crouler sous des livres pendant des heures. Ma mère a tout misé sur mon éducation ; les meilleures écoles, les meilleurs professeurs particuliers, les meilleures académies. Ses dépenses sont faramineuses afin d'essayer de me garantir un avenir en Corée.
A trois ans, j'apprenais déjà l'anglais.
A six ans, ma mère m'inscrivit à mon premier cours de taekwondo.
A huit ans, j'assistais déjà à mes premiers cours d'académie du soir après l'école.
A dix ans, je me couchais à vingt-trois heures tous les soirs.
A quatorze ans, j'avais été envoyée aux Etats-Unis durant l'été pour perfectionner mon anglais.
A seize ans, je...
A dix-sept ans, je ne vivais plus.
Alors certes, j'ai voulu m'enfuir. M'éloigner d'un monde pour lequel je n'ai jamais été. Quitter la Corée, un pays que je chérissais tant mais qui me haïssait tout autant. J'ai cru enfin savoir nager à mon entrée au lycée et ce durant une année, jusqu'à ce fameux soir d'été. Le crépuscule m'a enveloppée, le jour et la nuit ne faisaient plus qu'un. Je n'ai plus revu l'aube depuis.
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