Unions - Partie 3

Base américaine ouest, au même instant, 2 octobre 852

« Kenny n'est pas en état de se battre, trancha Wilson. Ça nous fait un ennemi de moins.

— Soit, posa Magath, dont la face ridée reflétait un sérieux tombal. Dans ce cas, il nous reste Isaac, Ymir, Annie Leonhart, Antoine Chaillot, Livaï Ackerman, Eren Jäger, Mike Zacharias, et Mikasa Ackerman à contrer. Nous avons vous, Peak Finger, Hannah Steel, Reiner Braun, Porco Galliard, et Gaby Braun. S'ils attaquent avant nous, qui doit s'occuper de qui ? »

Ces mots tombèrent comme des rocs sur les combattants ici présents. Tous les nommés étaient réunis autour d'une longue table de bois, dans une longue pièce aux longs murs de béton, éclairés par les rayons gris de ce matin-ci.

Mais alors que les visages de ce petit monde tournaient au sombre, celui, court et triangulaire, de Peak, retrouva alors son fameux air profondément pensif. Elle releva la tête, dégageant ses longues mèches noires au passage. Dans ses yeux tombants, et tout aussi sombres, mille idées : elle n'en choisit que quelques-unes.

« Ils ont certes beaucoup d'ennemis de taille, mais Reiner ne peut être battu que par un autre titan du même acabit... soit, Annie ou Eren. Il est bien plus probable qu'Annie s'y colle, puisqu'elle peut créer de la fluorine solide, et donc trancher les membres de Reiner.

« Nos titans, à moi et au capitaine Wilson, ne pourraient être attaqués que par Ymir ou Isaac : cependant, notre corpulence les déboussolera. Ils ne pourront pas se battre au meilleur de leur capacité, surtout si nous restons sur un terrain plat. De plus, le capitaine Wilson peut durcir sa peau, ce qui leur rajoute un désavantage. En bref, nous devrons faire face à deux élites en équipement tridimensionnel. J'image, Mikasa Ackerman, accompagnée d'Antoine Chaillot.

« Il leur reste donc Isaac, Ymir, Livaï Ackerman, Mike Zacharias, et Eren Jäger. Capitaine Steel, votre titan Forgeron est puissant, et demande un adversaire rapide et efficace. Un titan comme Isaac ou Ymir n'est pas adapté. À mon sens, Livaï Ackerman vous attaquera. Plus que Mike Zacharias, Ymir, Isaac, et Eren Jäger.

« Parlons de Porco et de Gaby. Porco est trop vif pour Mike Zacharias, je me trompe ? Donc, il affronterait Gaby. Ainsi, restent Ymir, Eren, et Isaac... Mais ces bougres encadreront pour sûr Marion, afin qu'ils trouvent notre machine à voyager dans le temps. Ainsi, Ymir s'occuperait de Porco.

« Voici le plan qu'ils établiront certainement. Le combat paraît serré, si ce n'est déjà perdu pour certains d'entre nous... mais n'oublions pas que nous avons des hommes armés bien plus lourdement qu'eux. Nous pouvons mettre Mikasa, Mike Zacharias, Antoine Chaillot, et Livaï Ackerman en difficulté. Là sommes-nous à notre avantage, quelles que soient les capacités soufflantes de Marion, et Hansi Zoe, pour établir des stratégies. »

Pendant un instant, tout le monde resta soufflé. La jeune femme, elle, passa ses iris sombres sur tous ses camarades, et s'attarda sur sa figure rectangulaire de Porco. Il pesait manifestement le pour et le contre. Puis, il fronça son nez pointu.

« Certes. Nous pouvons les écraser. Ils n'ont que des fusils de campagnards et des lames, contre nos M6. Et nous sommes protégés par des gilets pare-balles : eux se les prendront en plein torse.

— En effet, admit Hannah Steel. Wilson ?

— Elle a raison.

— Comme attendu de Peak..., songea Magath. »

Et, de nouveau, quelques secondes, durant lesquelles Wilson réfléchit encore. « Organisons notre défense de cette façon, dans ce cas », décida-t-il. « Je souhaite ajouter que, même si Carla Griffonds et Rebecca Stewart leur donnent des indications sur le fonctionnement de notre base, nous avons changé les postes. Cela les déconcertera. Il n'y a plus qu'à en décider avec Armin. »

Peak ne le manqua pas, l'air lugubre de Reiner.

Armin ne décrochait plus un mot depuis le départ de Marion, Carla et Isaac. Avant cela même, il avait commencé à être bien moins bavard une fois Eren au loin. Est-ce qu'il va au moins nous être utiles... ? songea-t-elle.

Il y avait encore ses parents pour l'aider. Cependant, cela faisait des mois qu'il ne faisait plus rien. Il avait attendu que sa jambe guérisse, et arrivait désormais presque au terme de sa rééducation. Peak avait excusé cela sur le coup de la fatigue, puisqu'on semblait lui faire confiance sur le plan stratégique et intellectuel. Elle ne voulait simplement pas qu'on le condamne à mort.

« Mais il ne fait rien depuis le dernier assaut, dit Porco. Il n'a plus que ses parents à protéger. Je doute qu'il y mettra du sien.

— C'est pourquoi nous nous contenterons de lui demander son avis, contra Magath. Du reste, Arlert est encore un atout.

— Un atout ? intervint Hannah Steel.

— Comme otage. »

Reiner et Gaby se raidirent ; Porco entrouvrit les lèvres ; Peak resta muette. Il a raison. Même si ce n'est pas éthique... Nous sommes en guerre. Les Murs le font pour Bertolt, après tout. L'absence de celui-ci leur mettait aussi un sacré coup au moral. Ils s'étaient entraînés ensemble, après tout... Et elle ne pouvait pas même se permettre de s'y attarder.

« Et le torturer pour obtenir des informations ? proposa Wilson.

— Non..., murmura Hannah Steel. Il ne lâchera rien si on le maltraite de cette façon. Et il ne nous en appendra pas plus sur les Murs que Reiner. En comptant les éléments que nous ont rapportés nos espions, nous connaissons assez leur fonctionnement. Il en est de même pour eux : désormais, ils savent de quelle manière nous faisons les choses. Encore heureux qu'ils ne savent pas quelle machine est où. »

Là-dessus, tout le monde était sur le même bateau. Seul le commandant Reiss et ceux qui s'occupaient des machines en question connaissaient l'emplacement de la machine numéro sept. Les autres, on leur ordonnait juste de garder farouchement chaque base. Cela montre bien que la machine numéro sept est notre arme ultime...

« Soit, lâcha Wilson. Otage, dans ce cas. Et en parlant de machine, il faudra récupérer Marion. On fait comment, face à Isaac ? Le prendre par les sentiments ? On en a tous été témoins, c'est une mauvaise idée. On a dû abattre tous nos géants pour ne pas qu'ils détruisent les quartiers généraux. Et notre usine est à plat !

— C'est à voir en fonction de la situation. Tous, ici, martela Magath. Si vous le rencontrez, soyez souples.

— Il ne voit pas si bien que cela, n'est-ce pas ? demanda Peak. À cause de son albinisme.

— Non, la corrigea Magath. Il a une vision plus mauvaise que la moyenne, mais ses réflexes compensent largement. Cela fait de lui un soldat d'autant plus impressionnant. Il portait des lentilles, auparavant. Je doute qu'il en ait, dans les Murs.

— Mais il a bien une faiblesse..., souffla alors Hannah Steel. Ses yeux sont très sensibles aux fortes lumières. On peut utiliser ça contre lui.

— Si on le croise, il faudra donc braquer une lampe-torche sur lui ? grommela Wilson.

— Nous avons des tachymètres, et des lampes puissantes, lui rappela-t-elle. Nous pouvons même refléter la lumière du soleil sur un miroir. Pourquoi est-ce qu'on n'y a pas pensé plus tôt... ? »

Car cela était bien loin d'être évident. Ils le mettaient tant sur un piédestal que dénicher des faiblesses chez lui paraissait impossible. Et pourtant... Pourtant, ils avaient peut-être bien trouvé le moyen de le battre pour de bon. « De la lumière, hein... », énonça un Wilson satisfait. Il releva la tête vers sa collègue, l'œil plissé.

« Passez le mot : quiconque arrivera à l'aveugler devra l'abattre pour de bon. »

***

Armin se retint, les dents serrées, à une rampe de bois le suivant de près. De la sueur gouttait de son carré blond, ses yeux bleus étaient plissés sous le labeur, ses dents se serraient convulsivement. Il marchait sans béquille depuis une bonne heure... Mais, au beau milieu de sa fatigue, un sentiment indescriptible lui mordait estomac. Le sol de béton sur lequel il marchait, il le sentait.

Il avait perdu la moitié de sa jambe droite, en tranchant le talon du titan Forgeron. C'était peu cher payé, en échange de la survie d'Annie. Alors, lorsqu'on lui avait amputé tout jusqu'en bas du genou, lorsqu'on lui avait rendu visite plusieurs fois par jour afin de voir dans quel état il était, il n'y avait apporté que peu d'importance. Il avait seulement récolté une infime fraction de ce qu'il avait semé en trahissant les Murs.

Au moins Eren était-il retourné auprès du Bataillon. Au moins quelques vies avaient-elles été sauvées par ce petit acte de rien. Mais à côté de cela, que valait-il ? Il se l'était demandé, encore et encore, coincé dans la même infirmerie que Marion, qui avait perdu son œil pour Carla. Leurs actes, à elle et lui, s'étaient ressemblé là-dessus... Et c'était tout. Marion était brave, là où il avait agi tel un égoïste.

C'était du moins ce qu'il avait pensé, jusqu'à ce qu'elle s'enfuie. « Prépare-toi à ce que le Bataillon revienne... et je mènerai peut-être aussi leur stratégie. On t'attend, tu sais. Ah, et fais gaffe, le mur va exploser. »

Ils l'attendaient, avait-elle dit. Vraiment ? Comment pouvait-elle en être si sûre, sans côtoyer les explorateurs après sa traîtrise ? Non, elle était intelligente. Elle avait vécu la même chose. Il l'avait lu, dans son œil vert.

Il braqua ses pupilles turquoise sur le mur de béton lui faisant face. Mais il y a plus que ça. Elle a appris quelque chose, j'en suis certain. Enfin, il se détacha lentement de son appui, le souffle court. Elle se sent plus coupable que quiconque d'autre. Elle a fait quelque chose de hideux, et elle ne me l'a pas caché. Lorsqu'il se reconcentra sur les alentours, il remarqua que la lumière du matin était grise : l'automne naissait déjà.

À côté de Marion, même si ce que j'ai fait relève de la pacotille... Nous sommes dans le même bateau, elle et moi. Mais on ne la jette pas. Et elle se rachète. Face à cela, face à un tiers vivant le même cauchemar que lui, il avait aussi décidé de faire son possible. Ces longs mois lui avaient permis de choisir entre ses parents et les Murs entiers.

Les premiers, c'était ceux qu'il allait laisser derrière lui.

Alors, lorsque son père, Orris, lui servit un sourire lumineux, au milieu de sa face ronde au nez pointu et rouge, Armin le lui rendit dans un beau mensonge.

« Comment fonctionne ta prothèse ? s'enthousiasma le quinquagénaire.

— Bien. Je peux me repérer. Mais je ne pourrai pas reprendre la manœuvre tridimensionnelle, n'est-ce pas... ? »

La docteure présente ici leva son regard brun sur lui.

« En effet, mais tu as fait de gros progrès. Tu peux marcher sans béquille. Nous allons endurcir ces exercices au fur et à mesure, puis tenter la course.

— Comment réussissez-vous à faire ça... ? murmura l'adolescent. »

Sa longue face, dégagée de sa chevelure blonde grâce à un chignon strict, refléta une grande surprise.

« Faire quoi ?

— Cette prothèse. Pourquoi est-ce que j'arrive à ressentir mon environnement ?

— Oh ! C'est un nouveau modèle. Des capteurs au niveau de la plante du pied et des articulations envoient des indications à tes nerfs grâce aux électrodes placées sur ton moignon. Ils communiquent avec ton cerveau : donc, il interprète ces signaux électriques comme des sensations. Nos ingénieurs médicaux ont drastiquement amélioré cette version... Je suis heureuse si cela fonctionne. Et, si ta cuisse est assez musclée, tu pourras peut-être même te repérer en manœuvre tridimensionnelle. Mais je ne promets rien.

— Je crois qu'il n'a pas compris le quart de ce que vous avez dit..., rit nerveusement le père de l'estropié.

— Non, contra illico celui-ci. Non, c'est intéressant. Merci beaucoup. »

De nouveau, de la surprise. Elle fut néanmoins brutalement coupé par Peak, qui venait d'entrer dans la pièce. Ses larges pantalon et haut verts n'arrangeaient en rien sa petitesse. Elle posa ses yeux sombres, cernés et tombants sur lui. Sa petite face triangulaire s'étira en un léger sourire.

« Arlert. Nous avons établi une stratégie de défense contre les Murs... » Elle s'avança jusqu'à lui, et lui tendit une feuille. « Est-ce que tu peux nous donner ton avis là-dessus ? Docteure, est-ce que je peux vous l'emprunter cinq minutes ? » L'intéressée hocha simplement la tête.

« Tu auras besoin de ta béquille ? demanda-t-elle au soldat.

— Au cas où. »

Il boitilla avec une grande difficulté, dans les longs couloirs mornes de la base. Chacun de ses pas résonnait dans un affreux bruit métallique : les gardes postés ici le fuirent du regard, mal à l'aise. Mais Peak, elle, avançait tranquillement. Au rythme du blond, sans montrer une once d'agacement.

« Là », indiqua-t-elle. Elle lui ouvrit un battant de bois : au final, l'éclair de douleur qui tortura sa cuisse le poussa à s'appuyer sur sa quille. Le premier siège de bois qui se présenta à lui, il s'y assit dans l'instant, presque ahanant. Reprendre la manœuvre tridimensionnelle comme ça... ? Je sors certes d'une heure de marche, mais voler dans les airs relève d'un autre niveau...

La semi-géante prit place en face de lui. Cette pièce-ci était étroite, certainement réservée pour les réunions en petit comité. Seule une fente éclairait ses cloisons éternellement souris. Il n'y avait que la table de bois carrée et mal poncée les séparant pour ajouter une touche de chaleur du tout.

Pour lui rappeler un peu, juste un peu, la vie qu'il avait voulu laisser derrière lui.

Cette fameuse feuille glissa sur la surface de pin. Armin en étudia un instant ses notes. Leur calligraphie était bancale, même si leur allemand était correct.

« Je suis désolée si l'écriture de Gradub est peu lisible, s'excusa ostensiblement Peak.

— Gradub... ?

— Porco, pardon. C'est un vieux réflexe... Il risque de m'en vouloir un peu de l'utiliser.

— ... Oh.

— Enfin. Je te laisse lire ça. Tout le monde y a ajouté sa petite touche. »

Il s'y pencha donc de nouveau. Son estomac se serra en constatant que l'anticipation des actions du Bataillon et leur plan de défense étaient plus que corrects. Peak a dû grandement y participer. Elle était capable de faire preuve d'une intelligence plus que louable, après tout.

Mais, désormais, une seule question s'imposait dans l'esprit d'Armin. Comment est-ce que je vais détruire leur formation... ?

Lien vers l'image : https://www.zerochan.net/2242139, par Dreamxxdream sur Tumblr

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top