Recherche - Partie 3

Ce n'était plus Traute qui menait la danse. Si l'ancien père restait immobile, la rousse, elle, ne desserrait pas sa prise... bien que celle-ci se fit tremblotante. L'espionne, en plus de contracter les dents, se permit se froncer les sourcils. Bien... Comment est-ce que je vais me sortir de ce pétrin, maintenant ?

« Comment... savez-vous... ? » siffla Iris. Et la menace pesant dans le moindre de ses mots électrisa définitivement la Résistante. Le sang battait sourdement à ses tempes. Urgence. Il y avait urgence. Elle devait se tailler d'ici, peut-être les assassiner au passage, peu importait, ils étaient probablement des traîtres, elle n'avait qu'à faire son boulot. Alors, elle dégaina son fusil de sa main libre, et le pointa sur le bonhomme Pfund. Un cliquetis plus tard, plus une syllabe ne fut échangée.

Lourd silence. Uniquement brisé par la respiration sifflante de la mère de Petra et d'Alma. « J'ai une main de libre », articula donc la plus grande. « Vous êtes dans mon champ de vision. Je peux tirer. Alors, Iris Ralle, je vous conseille fortement de me libérer. » Quelques secondes. Les paumes de l'intéressée tremblaient toujours, mais sa poigne ne faiblissait pas.

« Vraiment ? répliqua-t-elle sourdement. Si vous tirez, le voisinage sera alerté... et je vous trancherai la gorge avant que vous n'ayez eu le temps d'encaisser le recul de votre arme.

— Votre fille... est déjà morte. Vous ne voudriez pas que votre mari y passe aussi. Relâchez-moi, et...

— Ferme-la ! hurla Iris d'une voix brisée. »

Elle laissa échapper un hoquet stupéfait, puis douloureux. Son adversaire avait raffermi sa clé de bras, et une souffrance aigüe se propageait dans son os. « Vous ne savez pas ce que ça fait », débita l'autre. « De perdre sa famille. Vous devez être seule, vous, vous n'avez pas eu à impliquer qui que ce soit... » La lame de son couteau lui piqua la jugulaire. « Vous n'auriez jamais dû venir ici », chevrota-t-elle. « Nous n'aurons qu'à déménager, nous, et on ne nous retrouvera plus, et on nous foutra enfin la paix ! N'est-ce pas, Albert ?! »

Ce dernier recula simplement. « Non », murmura-t-il avec horreur. « Ne fais pas ça. » Des instants pesants sonnèrent. La quadragénaire se releva lentement ; Traute ne pouvait pas voir son expression, mais devinait sans mal que ses yeux bruns devaient être particulièrement exorbités.

« Ce sont les ennemis qui ont tué Petra. Pas la Résist...

— Tu as perdu l'esprit ?! cria-t-elle. Anna ne nous aurait pas foutus dans cette merde qu'on aurait pu vivre tranquillement au vingt-et-unième !

— Iris, tu as choisi de t'engager ! Elle a essayé de te dissuader durant des années, elle s'est même éloignée de toi, et...

— ... et si j'avais su que les ordres de Bern avaient été de sacrifier ses enfants pour sa ô noble cause, je me serais barrée dès la première seconde ! Anna n'a même pas... »

Un sanglot s'échappa de sa gorge. « Elle n'a même pas contesté... et a disparu à son tour... »

Un ange passa, et il fut singulièrement cruel. Cependant, c'était l'occasion rêvée. Traute roula brutalement sur le côté, balança l'arme de la mère, et la frappa en plein bide du talon de sa botte. L'endeuillée boula jusqu'au pilier, et se rattrapa juste à temps sur la pointe des pieds. Des larmes inondaient ses joues tailladées par les années.

La blonde visa de nouveau le dénommé Albert, dont la face rectangulaire et creuse refléta une énième peur. Iris, elle, serra sèchement les dents. « Ne bougez pas », lâcha Traute. « Répondez à mes questions, et je ne tirerai pas. »

Bon sang... Heureusement qu'ils n'entendent pas que sa clé de bras me fait un mal de chien, pensa-t-elle, tendue comme une corde à linge. L'atmosphère qui s'installait dans cette pauvre cuisine simplissime, et éclairée par de jolis rayons de soleil, gagna en instabilité. Je ne vais pas devoir les abattre, quand même ?!

La réponse vint rapidement. Iris leva les mains, le regard à la fois noir et détruit. Son mari fit de même. « Bien. J'ai reçu une lettre de Tickles. » Les lèvres gercées de la mère de Petra béèrent un moment.

« ... Tickles ? murmura-t-elle. Non... Notre fille...

— Petra Ralle faisait partie de leur groupe ?

Leur ? balbutia monsieur Pfund. »

Ils ont l'air vachement au courant.

« Il y a plusieurs membres dans chaque sous-groupe, et...

— On le sait, ça, jappa la quadragénaire. On en connaissait au moins deux... et elles sont mortes.

— Qui ?

— Leah Dainsborth, et Petra. »

Petra faisait partie de Tickles ? C'est un groupe créé pour surveiller Mikasa, Eren, et Armin. Marion, ensuite. Mais Petra... Elle écarquilla légèrement les paupières. ... s'est trouvée chargée d'encadrer Eren au Bataillon. Il n'est pas rare que des membres changent de groupe selon les circonstances.

« Dans quelle section était-elle avant ?

— Meaty. Infiltrer les Murs, murmura-t-elle.

J'en fais également partie... Est-ce que j'ai déjà conversé avec elle... ? Non, elle n'en avait aucune idée. Elle avait seulement ouï dire que Mike, ouvertement Résistant, était passé de Meaty à Tickles après la mort de Leah. Du reste, Le Postier faisait trop bien son travail pour que Traute ne puisse élaborer une quelconque théorie sur ses interlocuteurs épistolaires.

« Et vous deux ? » posa-t-elle donc, les yeux plissés. Brève hésitation. La jeune femme chargea donc son arme à feu ; les deux autres se figèrent d'autant plus.

« Division Indéterminée, infiltration des ennemis, débita Albert. Puis, Meaty.

— Meaty également, compléta Iris dans un chuchotis.

— Vous êtes inactifs ? »

On hocha simplement la tête. Une légère irritation piqua l'estomac de Traute. Des membres manifestement importants, déserter de la sorte ? Avaient-ils seulement conscience de la merde dans laquelle baignait la R2.0 ?

Le groupe Meaty comptait certes encore pas mal de vivants ; grâce au dédoublement d'Antoine dans cette ligne d'univers, Stéphane Bern et sa base à Iekaterinbourg avaient survécu à l'attaque des américains, au printemps 2019, juste avant de transférer de nouveau Marion. Mais Tickles s'effondrait. Cela pouvait se voir ne serait-ce qu'aux enlèvements de leur espoir de l'humanité numéro un. Et la Division Indéterminée, elle, est quasiment déserte, puisque Kenny a quitté le navire, ragea-t-elle intérieurement. Il ne reste plus qu'Elle, aux dernières nouvelles.

« Pourquoi ? » parvint-elle à énoncer d'une voix plate. Cette fois-ci, Iris planta ses prunelles brunes dans les siennes, un faible sourire étalé sur son visage triangulaire. La douleur qui y flottait chassa presque la colère ayant commencé à l'envahir. « Car j'ai perdu trop de monde », souffla-t-elle. « Trop de personnes de ma propre famille. Je n'ai plus... il n'y a plus que quelques survivants. »

Elle baissa le menton. Sa frange retomba devant les verres de ses lunettes.

« J'ai souvent pensé... que la mort serait préférable à cet enfer, articula-t-elle.

— Iris..., laissa tomber son compagnon avec horreur.

— J'ai souvent songé à me jeter du Mur, ou à me pendre en catimini. Car cette douleur est insupportable. C'est trop. Trop. J'ai fait n'importe-quoi, Caven. J'aurais dû me terrer comme une lâche au fond de la France, et de ne plus y bouger. Quoique..., rit-elle nerveusement. Je n'aurais jamais supporté de laisser ma sœur venir seule ici.

— Votre sœur ? la coupa Traute. »

L'intéressée la regarda si directement que la plus grande manqua de baisser son pistolet.

« Puisque nous sommes dans la mouise jusqu'au cou, autant tout déballer avant que vous ne nous descendiez. N'est-ce pas, Albert ?

— Madame Caven..., hésita celui-ci. Que comptez-vous faire de nous ? »

Elle prit une courte inspiration. Ce qu'elle trouvait ici, chez les Ralle, n'était pas de la lâcheté ni de la trahison, mais un profond désespoir.

« Cela dépend, répondit-elle avec méfiance. Les ordres sont les ordres. Si vous êtes un danger pour notre organisation, vous serez morts d'ici une heure. Cela n'arrivera pas dans le cas où vous reprendriez vos postes.

— Une heure, songea Iris. »

Ses épaules se baissèrent sous un poids que Traute fut incapable d'imaginer. Et son interlocutrice de remettre son gilet en place, l'air sombrement résigné. « Je crains que les choses ne prennent plus de temps que cela. » Elle se leva en ignorant l'épée de Damoclès que la Résistante maintenait au-dessus de sa tête. Résistante dont les traits tournèrent à l'interloqué lorsqu'elle vit la mère Ralle mettre une bouilloire à chauffer.

« Traute... Auriez-vous le loisir de m'entendre raconter notre histoire ? »

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