Prémices d'une pluie de sang - Partie 6

Quelques instants plus tôt

Qu'est-ce que je suis en train de faire... ? Reiner bloqua un coup de pied d'Annie, saisit son mollet et l'écrasa contre les arbres. C'est la dernière membre de notre trio. Chaque coup de poing qu'il lui asséna, chaque revers avec lesquels elle répliqua, l'écrasait un peu plus sur lui-même. Pourquoi est-ce que je dois la combattre, elle ? Je suis censé... agir autrement...

Puis on se transforma, derrière le titan de Grisha. Au bout d'un laps de temps indéterminé à batailler, lui comme un automate, elle telle la combattante qu'elle était, le seul membre de sa famille s'apprêtait enfin à passer à l'action. Cet éclair ayant foudroyé la neige le secoua brutalement.

Il jeta un coup d'œil affolé à Gaby. Qui allait se dresser contre elle ? Mike ? Si c'était Mike, elle pouvait s'en sortir. Mais Eren se terrait toujours quelque part. Où est-ce qu'il se trouve ?! Porco, Peak, personne ne semblait avoir besoin de lui. Il ne servait qu'à contenir la Annie qui venait de cristalliser son coude. Mais la jeune fille qu'était sa sœur...

Le soulagement l'envahit d'un coup dès qu'il vit la silhouette encapuchonnée qui surgit des buissons blancs. Soulagement qui ne dura pas bien longtemps : l'armure de sa joue explosa brutalement. Reiner chancela : le coup de la blonde l'avait sonné.

Il n'avait pas fait attention. Il devait se concentrer sur leur affrontement, se rappela-t-il. D'autant plus car elle enchaînait avec un violent uppercut. Et tandis qu'il titubait en arrière, alors que ses talons écrasaient bien des alliés et ennemis, son second plan lui revint laborieusement en mémoire.

Armin. « Reiner ! » Il écarquilla subitement les paupières. Armin était là, sur le toit, à l'opposé de Magath, et plus aucun sniper ne l'entourait. Mais les Murs le considèrent comme un ennemi ! Leurs tireurs risquent de l'abattre sur place ! Sasha n'était pas même là pour les tempérer, puisqu'elle faisait face au titan de Grisha. Le blond devait donc agir vite, très vite, le plus vite possible.

Il poussa puissamment Annie en arrière, la laissa déraper avec agilité et prit dans sa géante main le stratège. La géante se figea dès qu'il lui tendit l'adolescent, dont le visage rond se tordait sous la douleur. Elle le scruta un instant, pantoise. Alors, il ouvrit d'autant plus sa paume. Prends-le avant qu'on ne me repère. « Quelqu'un », articula enfin la voix déformée de la géante. Une jeune exploratrice aux courts cheveux châtains arriva dans l'instant, obéit avec docilité et repartit dans les fourrés. Une recrue ?

Non, peu lui importait. Désormais, il devait... Il devait. Que devait-il ? Gaby venait d'écraser son opposant dans sa main, et bien du sang gicla. C'était définitif : il n'avait plus rien à faire ici. Mais même de l'autre côté de la base, Reiner reconnut les longues mèches brunes sortant entre ses doigts sanguinolents. ... Eren ?!

Une explosion tonitruante explosa l'abdomen de sa seule parente, et le titan musclé de l'adolescent écrasa son poing sur la mâchoire de la plus jeune. Celle-ci s'affala au sol, les paupières écarquillées. Elle roula sur le côté pour esquiver les prochaines attaques, il lui arracha violemment un bras. Un bras.

L'urgence frappa Reiner de plein fouet. Lui aussi s'arracha violemment un bras, pour le balancer en flèche sur Eren. Celui-ci se le prit en pleine face : sa tête vola au passage. « Gaby », tonna Magath, « cristallise-toi ! » Mais l'intéressée rugit et ceintura le genou de son ennemi. Elle était trop fière pour battre en retraite si tôt, comprit Reiner. Peut-être à raison, elle avait des chances de gagner ; elle avait cristallisé son avant-bras et fauchait désormais le mollet du jeune homme.

Ils s'écrasèrent tous les deux dans un épais nuage blanc.

Armin est sorti de là, Gaby est en sécurité, je peux... Un éclat l'aveugla soudain. Annie durcit son tibia, puis lui asséna un violent coup de pied. Il ne l'avait pas vue venir. Sa tête de mastodonte vola bien plus loin. Sa forme humaine se retrouva à découvert ; tout rapetissa bien trop subitement autour de lui.

Il regarda, les yeux écarquillés et la bouche béante, le mastodonte de son ancienne alliée le surplomber. J'ai encore le contrôle sur mon titan... Mais à quoi cela servait-il ? Il n'avait pas assez de temps pour régénérer son crâne. Elle allait le tuer avant. Le tuer avant. Le tuer. Elle. Son ancienne alliée.

Comment les choses ont-elles tourné ainsi... ?

Une vapeur opaque émana de son cou tranché. Derrière, sa figure s'effondra sur le versant ouest. Au milieu de la vapeur, personne ne pouvait le voir, il ne voyait personne ; mais il était affreusement vulnérable. Comment les choses avaient-elles tourné ainsi ? La guerre. Celle qui l'avait forcé à se tourner vers, puis contre, ses camarades.

Néanmoins, Annie ne bougeait pas. Il leva les pupilles avec surprise : il discernait tout juste sa silhouette immobile, en face. Hésitait-elle ? Sa garde s'amollissait et ses jambes restaient figées. Alors qu'il restait béat face à sa merci, des bruits de câbles s'élevèrent derrière lui. À peine eut-il le temps de se retourner qu'on dressait vivement deux lames. « Crève ! » hurla une jeune inconnue.

Elle le trancha là-dessus.

***

Eren émergea de la nuque de son titan, les dents serrées. Ses longs cheveux tombèrent devant sa face : il put parfaitement voir la géante de son ennemie, une Annie version brune, se redresser avec labeur. Ses yeux ambre se posèrent sur Reiner... et s'écarquillèrent d'un coup. L'explorateur suivit brièvement son regard.

Son ancien camarade s'effondrait sur lui-même. Une vapeur à l'épaisseur extrême dissimulait tout de lui... et parlait à sa place. Son titan se décompose. Une jeune fille surgit alors de tout ce bazar et se posta en rappel contre un tronc. Du sang dégoulinait de ses lames. Elle l'a tué ?

« Reiner ! » s'égosilla la voix déformée de Gaby. Elle cristallisa son poing restant et le planta rageusement dans le monstre d'Eren. Celui-ci contracta les mâchoires, pour déchiqueter les lambeaux rouges le reliant à son pantin. Il se mordit une seconde fois le pouce : cette seconde déflagration, ce second souffle immense d'énergie, crama pour de bon son ennemie.

L'absence de réaction de la part de Reiner confirma sa théorie. Il aurait de nouveau lancé un bras, ou une jambe, s'il avait vu Gaby ainsi. Il aurait agi. Mais désormais, la seconde Braun était tristement entre les mains d'Eren et rien n'allait la protéger de la mort.

Elle ne devait pas dépasser les treize ans. Être balancée dans une guerre aussi tôt faisait hideusement écho chez le brun. Elle ressemblait au lui d'avant. C'est une enfant. Mais au milieu de toute cette violence, il ne pouvait pas laisser la place à la pitié, ou c'était leur fin.

Alors que l'excuse de mastodonte féminin de son opposante tentait de se relever en tremblotant, il lui explosa le crâne d'un brusque coup de pied. Une marée de sang gicla sur les troncs et la neige alentours ; la mâchoire de son ennemie ne pouvait plus même rugir. Elle était béante, détruite. Gaby ne bouge plus.

Il se saisit de son bras restant, la plaqua sans merci torse contre terre et ouvrit grand les dents. « Gaby, back up ! » rugit une nouvelle fois son supérieur, là-bas, sur le toit. Eren lui jeta un regard... et se raidit illico. Le large titan de Grisha se tournait vers lui et fonçait tête baissée. Les Rico et Sasha l'assaillant s'en dégagèrent de justesse ; l'estomac de l'adolescent, lui, se contracta sous une fureur subite.

Tu veux encore m'affronter ?! Il leva sa garde, esquiva le coup de boule de son faux père, lui ficha une puissante droite. Le vieux Jäger vacilla, mais resta debout pour mieux retourner à la charge. Et Eren évita par-ci, frappa par-là, enfonça sans merci son coude dans sa mâchoire. Des dents volèrent, Grisha chuta genou contre terre. Sasha venait de filer derrière son talon pour le trancher et remontait désormais le versant.

Deux points vitaux, à découvert, sous lui. Je peux les tuer, pensa-t-il, les poings serrés. Il se saisit des épaules de son faux paternel avec force et s'apprêta à déchirer le haut de son dos... pour hésiter, au dernier moment. Le visage de son vrai père, ses mots, le heurtèrent à la chaîne.

« Eren... J'aimerais te dire tant d'autres choses. Mais le temps m'est compté. » « Eren, mon garçon, je t'aime de tout mon cœur. » « Tu es un garçon très fort, et très brave. » Il contracta les mâchoires. Il allait achever l'alter-ego de son vrai père. Vrai père... Est-ce que le Grisha en face de lui allait changer de camp, revenir dans le passé, et lui offrir la vie ? S'il l'assassinait...

« Il faut que tu venges ta mère et tous ceux qui sont tombés à cause de ces monstres. »

Ces dernières paroles, le ton tremblotant de son parent, le hurlement de sa mère, le foudroyèrent sur place. Il déchira pour de bon la chair de ce Grisha. Ce même Grisha qui en surgit, posa deux prunelles enflammées et tremblotantes sur lui et entailla de nouveau sa paume.

La déflagration qui suivit projeta brusquement l'explorateur en arrière. Il s'écrasa contre les arbres et les roches, le souffle court. Grisha le chargea, les yeux écarquillés ; Gaby se releva difficilement et se tourna vers lui à son tour ; des sifflements stridents s'élevèrent autour de la cuvette. Le signal de retraite.

Je ne peux pas rester étalé ici ! Il s'appuya sur ses coudes en mugissant, se détacha de son géant et fuit en manœuvre tridimensionnelle. Même si le monde tourna à plein régime autour de lui, il zigzagua vivement entre les arbres dénudés. Deux lourdes courses le suivirent à la trace. Ses deux ennemis n'allaient pas le laisser tranquille. Et tandis qu'il rasait la terre, il talon immense manqua de l'écraser. Il sortit ses lames par réflexe, tourbillonna avec vivacité et le sectionna de justesse. Quoi de plus ? Ces deux combats, ces deux transformations, l'avaient épuisé.

« Jäger ! » tonna Rico. Elle fonça juste devant lui, remonta le dos immense d'une Gaby à peine entière, planta son axe dans son épaule, puis partit directement pour sa nuque. Naturellement, ses lames s'écrasèrent sur la fluorine qu'elle avait modélisée. Sasha surgit de l'autre côté de la géante et réitéra l'opération, en vain.

Une lumière aveuglante les ensuite en arrière : cette gamine s'enfermait de nouveau dans son cristal. Grisha, lui, frappa du poing juste sur Eren. Ce dernier se décala de justesse, le cœur frustré. Il n'a pas fini ? Il ne peut pas montrer un peu de fatigue ?! S'ils sortaient le médecin de sa nuque, lui n'allait pas pouvoir se transformer une troisième fois...

Mais moi, oui. Ça a beau être risqué, je n'aurais pas le choix.

Le titan de Gaby tomba entre lui et Grisha. Eren se métamorphosa dans une troisième explosion tonitruante ; si son monstre était plus petit, plus faible, il heurta tout de même l'estomac du trentenaire lui servant de « père ». Celui-ci s'en vit projeté en arrière, s'écroulant sur la base américaine.

« Jäger, retraite ! » ordonna fermement Rico. Sa voix était très proche. Elle alla même jusqu'à le sortir d'elle-même de son mastodonte, sous sa plus grande surprise. Ses iris glace étaient sévères. « On n'a pas le temps pour ça ! » Il inspira un coup, pour hocher de la tête avec approbation. Il regarda une dernière fois le mastodonte certainement inconscient de son paternel, sauta du dos du sien et retourna à la hauteur des hommes, au beau milieu du bois entourant le quartier général américain. J'en ai fait assez.

Sasha et la cheffe d'escouade filèrent à ses côtés. Ses muscles le brûlaient, ses tympans sifflaient. Trois transformations... Cela avait peut-être été de trop. Il s'y était certes entraîné, mais les mettre en application sous l'adrénaline était une autre histoire.

Une œillade au champ de bataille sanguinolent et aux titans fumants et vides de Gaby, Hannah Steel, Annie, Reiner et Peak, lui indiqua que les deux camps désertaient. Certains américains encore debout tiraient dans la foule, en vain. Il repéra ensuite Hansi sur une branche haute ; Rico se dirigea vers elle, le semi-géant et sa camarade de promotion suivirent. La major descendit ses pupilles sur le trio, puis sauta de son perchoir en grimaçant.

Tous quatre dérapèrent dans la neige en se regroupant. Les trois guerriers reprirent un instant leur souffle. « La situation, là-bas ? » questionna Hansi. Un bruit de câbles s'éleva, plus loin, mais Eren n'y prêta pas grande attention. « Grisha est inconscient, et Gaby s'est cristallisée », rapporta Rico entre ses incisives. Il ne nota pas plus que les bruits de câbles s'approchaient d'eux.

La cheffe du Bataillon souffla un coup. « Nous n'avons pas pu les tuer... mais au moins, Wilson et Reiner sont morts. Je donnerai les détails plus... » Cependant, le tremblement qui recouvrit ces bruits de câbles le réveilla d'un coup. Ils se tournèrent en chœur vers... Grisha. Il se relevait encore et galopait vers eux, l'œil rond.

« Il a feint son évanouissement ?! » s'écria Sasha. Elle tira d'autres lames avec précipitation. « Eren », trancha Hansi, « recule ! » Ils se dispersèrent tous. Mais la major, elle, avait un pied en moins : bouger si subitement lui coûta une glissade. Grisha tendit furieusement sa paume vers elle, Eren fit volte-face en hoquetant, Mikasa surgit des buissons. « Major Hansi ! » s'écria-t-elle. Elle passa devant elle à toute vitesse, pour la pousser en arrière avec force.

Le médecin plaqua sa main sur elles l'instant d'après.

L'explorateur regarda, les paupières écarquillées, du pourpre jaillir sous les doigts immenses de leur ennemi. Le vent neigeux qui suivit plaqua ses longs cheveux en arrière, et glaça sa peau, et tordit son estomac. Qui ? Qui venait de se faire éclater, là, juste devant lui ? La silhouette de Hansi se releva avec labeur, plus bas. Si elle hoqueta sous l'horreur, Eren desserra lentement les poings en voyant le corps désarticulé, réduit en bouillie, d'une guerrière dotée du nouvel équipement tridimensionnel.

Sa sœur adoptive n'avait plus de visage.

« Mi... », chevrota faiblement Sasha. « Mikasa... » Les muscles d'Eren s'étaient figés face à cette horreur. Puis, il réalisa ce qu'il venait de se passer. Quelle ironie. L'homme qui avait pris Mikasa sous son aile...

Il leva vivement ses épées et s'éleva en rugissant. Sa haine, son horreur, compressaient le moindre des ses muscles. Ne restait plus que l'immense face de Grisha et sa nuque qu'il ne souhaitait plus que déchiqueter.

« N'y va pas ! » se précipita Rico. Mais déjà le visage hideux de l'autre se tournait vers lui : il esquiva son coup de dents, prit de la hauteur et plongea droit sur son point vital.

Il était aveugle à son environnement. Il ne percevait plus que la rage qui rugissait dans son coffre et battait ses muscles, la chaleur du titan de Grisha, et le sang qu'il arracha de sa nuque. Il en tira sans merci l'homme qu'elle protégeait, pour se saisir de sa tignasse avec hargne.

Sur sa face, de la terreur ; dans les entrailles d'Eren, une douleur sans nom. Une douleur si poignante que le cri qu'il poussa en décapitant son pseudo-père ne l'effleura pas même.

***

Il n'y avait que les foulées des chevaux des explorateurs pour briser le silence pesant sur les plaines enneigées. Ils quittaient leur champ de bataille, et revenaient à la maison comme il se devait. Ils avaient tous repris leur formation – et Marion se retrouvait au centre de celle-ci. Ses genoux tremblaient tant après ses deux phases d'instinct que Weierstrass et Carla l'avaient forcée à s'asseoir dans la carriole...

... d'Isaac.

Le médecin galopait à côté, et lui jetait bien des coups d'œil. Le semi-géant avait certes régénéré ses muscles et la moitié de ses bras ; pourtant, il restait étalé sur le flanc, parfaitement inconscient. Pourtant... Non, après une décapitation, cela était attendu.

« Il va falloir informer Hansi qu'Isaac ne survivra peut-être pas au voyage. » Weierstrass ne l'avait pas encore croisée. Où se trouvait-elle ? Cela faisait près d'une heure qu'ils avaient battu en retraite. Les Annie, Livaï et Antoine entourant le semi-géant et la scientifique, avaient partiellement pu retrouver leur concentration. Seule la blonde faisait exception.

Son visage en cœur était terriblement figé. Reiner était mort devant elle, après tout. Et pas même de ses mains. Lorsqu'elle leur avait annoncé cela, sa voix morte avait manqué de heurter Marion. Manqué, car elle aussi était éreintée. La seule chose à sa portée était d'observer son amie, et l'américain. Surtout l'américain.

Sa face androgyne, plus pâle encore qu'usuellement, était à demi cachée par ses mèches immaculées. Elles étaient détachées et descendaient jusqu'à ses épaules. La borgne redécouvrait leur finesse désormais poussée à l'extrême. Quelqu'un à l'apparence aussi délicate, devenue aussi frêle et faiblarde, capable de se battre avec une rage, une vitesse et une agilité sans précédents ? Si Hannah Steel n'était pas intervenue, si elle n'avait pas pris avantage de son albinisme, il aurait achevé Wilson.

Et Antoine et Livaï n'ont pas pu la tuer. Elle n'eut pas la force de serrer les poings. Elle ne leur en voulait pas. Il était admirable qu'ils soient sortis vivants de ce combat. Mais, Isaac... Elle s'appuya contre le bois branlant de la charrette, et étudia le ciel blanc. Elle revit, elle revécut cet instant où elle avait bien cru que l'albinos y était passé. Sa poitrine se serra avec brutalité.

... Il ne survivra pas au voyage. Pourquoi ? Elle se serait blâmée, il y avait quelques mois de cela. Désormais, elle n'y arrivait plus. Plus depuis qu'elle avait souffert en l'espace de quelques secondes de la vieille joie ressentie face à ses anciennes expériences scientifiques. Celle l'ayant poussée à construire les machines à transfert spatio-temporel. Est-ce que j'ai accepté mes erreurs et vais de l'avant, comme on me dit de le faire depuis... je ne sais combien de temps... ?

La calèche que menait Antoine rebondit sur un caillou. « Pardon », déglutit-il. Elle leva inutilement une main, étudia cette dernière, et laissa échapper un soupir saccadé. Puisqu'elle n'avait pas à monter de destrier, elle se permit de se laisser glisser à côté d'Isaac. Allongée sur le côté. Face à lui. Il va mourir.

« I do really love you, after all... » Sa voix, allait-elle l'entendre de nouveau ? Elle posa sa paume sur la fine joue du jeune homme et la caressa du bout du pouce. Il y avait un peu de terre, sur sa pommette. Elle la balaya doucement, remit ses cheveux derrière son oreille, épousa le creux de sa mâchoire, reposa finalement son bras sur son cou intact.

Je suis... fatiguée. De vous perdre. Je suis fatiguée. Au moins... Livaï, Annie, Antoine... sont vivants... Et Carla. Et... d'autres personnes. Même si on peut encore avoir de sales surprises... Elle ferma ses paupières intactes. La larme solitaire qui y perlait ruissela lentement jusqu'à son menton.

Mais Weierstrass a dit « peut-être ». Il y a une chance que tu survives. Personne ne sait ce que ça donne, la régénération d'un corps entier. Pourquoi a-t-il dit ça, d'ailleurs... ? Je ne m'en souviens plus. Il y a trop de choses... Il faudra que je parle à Kenny... J'ai l'impression que le vingt-et-unième date d'hier...

Un galop parasite s'éleva alors, plus loin. Qui était-ce ? Y avait-il des titans, autour ? Isaac n'allait pas pouvoir les chasser. Elle se releva avec labeur, et posa son œil cerné sur... Moblit. Livaï également se retourna, les sourcils froncés. Il en profita pour jeter une œillade à Marion. Laquelle nota le sombre des traits du bras droit de Hansi, et l'immobilisme parfait d'Annie.

Moblit les rattrapa quelques instants plus tard.

« Il n'y a pas eu de fumigène, l'interpella Livaï. Qu'est-ce qu'il se passe ?

— Hansi m'a envoyé pour résumer la situation, expliqua le brun avec malaise. »

Le caporal-chef plissa les yeux. « Grisha Jäger est mort. » Et un court mutisme de suivre. La chercheuse elle-même ne put faire le lien entre son ton lugubre et cette merveilleuse nouvelle. Antoine aussi se retourna avec curiosité.

« D'accord, finit par conclure Livaï. On verra les détails plus...

— Ce n'est pas tout, le coupa son interlocuteur. »

Ils furent trois à afficher une mine définitivement surprise. « C'est Eren qui l'a tué. Mikasa... est morte juste avant », souffla-t-il.

Et un macabre silence de suivre.

Antoine écarquilla les paupières avec horreur. Livaï bloqua quelques secondes, Marion entrouvrit les lèvres. Annie, elle, se raidit sèchement ; toute sa face s'étirait et blanchissait sous le choc. Cette phrase résonna une fois, deux fois, bien des fois, dans le crâne brumeux de la défigurée.

« Morte... », articula alors le jeune Chaillot. Son ton lugubre réveilla tant bien que mal la française. Ils avaient perdu deux élites. Il a perdu sa demi-sœur.

« Qui d'autre ? laissa tomber Livaï.

— Il n'y a pas eu d'autre perte durant la retraite.

— ... D'accord. Il y a aura une réunion, au campement, j'imagine.

— Exact. Le mot est aussi passé chez les officiers, dont Mike. Et... Armin a aussi été mis au courant, grimaça Moblit. »

Au bout de quelques instants, son collègue hocha la tête. L'autre les étudia un instant, pour faire demi-tour. Il n'y avait aucun mot à ajouter, devinait aisément Marion. Elle n'arrivait pas à être terrassée. « Antoine, la route », posa Weierstrass. Je verrai ça plus tard... Toutefois, les tirs, les rugissements, les déflagrations tonitruantes de cette bataille, explosèrent de nouveau à ses tympans. Elle porta deux mains tremblantes à ses oreilles, les plaqua contre ses temps, se recroquevilla sur elle-même.

Elle est beau tenter encore et encore, rien ne tut le cauchemar qui hurlait dans sa tête.

Lien vers le fanart : https://www.zerochan.net/3245687, par Pixiv Id 7845261 sur Pixiv

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