Prémices d'une pluie de sang - Partie 5
Jules et son cheval élancé naviguèrent vivement entre des troncs explosés. À ses côtés, Eha et Leonid ; et plus loin... La cousine qu'on va aider. Il amortit sans problème le vif saut de Gugu, son destrier, et sortit ses sabres. Une simple œillade échangée avec Eha leur suffit amplement pour se séparer. L'un fila à droite, l'autre se précipita à gauche. Leonid, lui, attendit plus en haut du versant enneigé.
Plus haut, tandis que plus bas, Ymir bataillait contre Porco.
Leurs mugissements résonnaient avec puissance dans le bois glacé. Lorsque Jules arriva derrière le géant trapu et pâle de leur ennemi, il constata que, tout comme les entraînements contre Isaac, ces deux-là rebondissaient contre les chênes. Il lui semblait que le combat était bien serré. Il lui semblait...
Puis, il vit le bras arraché d'Ymir et l'œil explosé de l'américain.
Son cœur rata un battement douloureux. Elle ne s'agrippait plus qu'avec sa seconde main aux griffes acérées et bondissait de droite à gauche dès que Porco l'assaillait. Cette scène seule était un cauchemar.
Un autre arbre craqua juste devant Jules. Gugu recula de justesse ; la chute du pin balança une neige glacée sur le visage de son maître et plaqua ses longues mèches en arrière. Ymir atterrit en haletant, le regard furibond ; Porco bondit sur elle sans crier gare.
Elle se décala de justesse, mais déjà faisait-il volte-face. Les griffes qu'il lança vers elle labourèrent sa joue et ses paupières en prime : elle poussa un cri déformé, pour battre encore en retraite. Malgré tous ces entraînement ?! pensa Jules, le cœur battant. Elle n'avait que trois appuis, une mâchoire béante et était à demi aveugle ! Porco prend complètement le dessus !
La silhouette d'Eha passa furtivement derrière les deux mastodontes. Elle était minuscule, à côté. Si minuscule que l'épaisse branche qui tomba sur elle souleva assez de névé pour la dissimuler. Il manqua de crier son nom, mais elle se trouvait déjà plus loin. Son visage hâlé frôlait l'affolement, ses prunelles ambre grondaient sa fureur.
Alors, Jules continua de trotter derrière buissons et cadavres d'arbres, les poings serrés sur ses sabres. Le violent combat des deux monstres avait déforesté les environs, au point d'y creuser une clairière. Comment lui et Eha pouvaient-ils s'y immiscer, sans appui en hauteur ?
Son cerveau carbura du mieux qu'il le put. En face de lui, Porco se jetait sur Ymir avec hargne. Elle roula sur le côté de justesse, rugit encore et fonça sans crier gare. Le coup de griffe qu'il lui infligea... ne trancha que quelques-unes de ses courtes mèches noires. Elle lui avait mis un violent revers et le plaquait désormais à terre. À terre.
Il planta brutalement ses talons dans son abdomen et l'envoya balader sur un chêne qui s'écroula sous l'impact. La jeune géante, elle, grogna plusieurs fois avant de se redresser avec faiblesse. Son œil encore intact s'écarquilla dès qu'elle vit son adversaire se saisir d'un arbre et le flanquer vers elle à pleine vitesse.
Elle le bloqua tout juste de son bras valide... lequel craqua sourdement. Tranché en deux. Son reste roula jusqu'à Jules. Il manqua de l'écraser, son destrier galopa sur le côté. Ça, c'est ce que j'appelle un bon pote !
Cependant, rien n'éradiquait la peur battant dans son estomac. Son cœur était fou. Son pouls aussi fou. Les veines de sa tempe se gonflaient au point de chauffer sa face. S'ils ne faisaient rien, Ymir allait y passer. Et alors que Porco sautait de nouveau sur une Ymir handicapée, la retourna et ouvrit grand la bouche, ses actions heurtèrent Jules de plein fouet.
« Non ! » rugit-il. Sa monture fila illico : il la guida jusqu'à l'arbre le plus proche des deux géants, sortit les pointes de ses poignets avec précipitation et grimpa le bois se présentant à lui. Juste en-dessous, la nuque de Porco à découvert. Son ennemi ne voyait pas qu'il était à la merci du membre des Divisions. Mais Jules, lui, discernait ses yeux. Que pouvait-il faire ? Qu'est-ce que je fais ?! S'il me voit, je suis foutu aussi !
Ymir se débattit avec fureur, mugit toujours plus, fit trembler le pin de Jules. À côté de lui, s'élevèrent alors des grincements : Eha avait escaladé le tronc aussi et attendait désormais le moment propice, sabres levés. Elle aussi comptait sauter. Mais Ymir ne sait pas qu'on est là – une mauvaise frappe suffit pour nous écrabouiller. Coup d'œil derrière lui : Leonid attendait toujours, plus sérieux que jamais. Regard à sa gauche : Eha tremblait, mais ne flanchait pas. Oeillade plus bas.
Ymir planta ses dents dans la gorge de Porco et la déchira dans un dernier élan de désespoir.
« Eha », s'écria le noiraud. « maintenant ! » Ils sautèrent en chœur, droit sur la nuque de l'américain ; celui-ci releva son visage dans l'instant, la bouche entrouverte. Jules hoqueta dès qu'il vit qu'il chutait droit entre ses dents. La terreur le frappa de plein fouet.
Cette même terreur se transforma vite en stupéfaction.
La semi-géante plaqua son front contre les incisives de l'américain juste avant l'impact. Il glissa sur son crâne ; la pointe à son bracelet le retint de justesse. Sa tempe était brûlante, ses cheveux parasitait ses gestes, mais il sauta agilement sur la tête d'Ymir. Une fois rééquilibré, il se saisit de ses sabres et plongea sur l'orbite droite de Porco en rugissant.
De l'écarlate en jaillit : le long hurlement de l'américain lui déchira les tympans. Jules vit à peine qu'Eha l'avait imité. Il avait déjà dérapé sur la joue du monstre ennemi et bascula dans un cri. « Gugu ! » héla-t-il alors que le sol se rapprochait à pleine vitesse.
Sa monture arriva trop tard. Ce fut sa jambe qui amortit le choc, pour craquer dans un bruit sourd. La vive douleur qui agressa son genou lui arracha un long mugissement.
« Jules ?! » s'écria Eha. Elle avait atterri agilement et courait désormais vers lui. « Bordel de merde ! » Juste au-dessus d'eux, Porco plaqua sa main au sol : la jeune femme les jeta sur le côté de justesse. Un peu plus, et ils se seraient fait écraser. La terre trembla, un souffle terrible malmena leurs chevelures, Ymir arracha un énième bout de chair de la trachée de son ennemi. Puis, elle le projeta plus bas d'un violent coup de talon.
Il roula jusqu'au pied du versant ; elle sortit de sa nuque, planta son axe dans un arbre et glissa à côté d'eux. « Vous êtes tarés ! » cracha-t-elle. « Je me taille ! À ce rythme, je vais crever ! » Elle prit Jules par la taille sans merci, pour voler entre les troncs. « Et toi », siffla-t-elle, « t'es plus con qu'un manche ! »
Des bruits de sabots derrière eux lui apprit que Eha et Leonid suivaient. On bat en retraite... ? songea-t-il. La souffrance malmenant son tibia, la violence avec laquelle Ymir manœuvrait, secouèrent sa cervelle dans tous les sens. Il ferma les paupières, serra les dents, tenta de s'accrocher fermement à elle. En vain. Sa force le quittait. Aucun membre des Divisions n'était habitué à de tels combats.
« Où est Historia ? » entendit-il tout juste l'adolescente pester. Tout juste, car sa tête tournait furieusement, la nausée remontait sa gorge, et son corps chutait il-ne-savait-où. Et là le monde s'évanouit-il autour de lui.
***
Mikasa tourbillonna rageusement, lames dressées ; mais une nouvelle fois, le titan de Peak esquiva de justesse son coup. Elle n'érafla que sa cuisse et se retrouvait acculée contre le mur de béton de la base, essoufflée et le visage ensanglanté.
Depuis combien de temps bataillait-elle ? Ses muscles la brûlaient. Le quadrupède se retournait déjà ; elle fonça sur l'asiatique, les mâchoires grandes ouvertes et son œil valide écarquillé ; l'asiatique roula sur le côté de justesse. Les dents de la géante frôlèrent dangereusement son équipement.
Mais ses poignets sont à moi ! Elle planta son axe dans son flanc, plongea avec vivacité et trancha l'un d'eux. Elle glissa ensuite sur la neige derrière la géante. Celle-ci chancelait tant qu'elle avait failli l'écraser. Il ne lui reste que trois appuis, repéra Mikasa, paupières plissées.
Elle dérapa du côté aveuglé du monstre... lequel fit encore volte-face. Elle grinça des dents sous la frustration. Ce n'est pas bon. Il ne me reste qu'un jeu de lames et mon gaz s'épuise ! Toutefois, elle en était persuadée, elle pouvait toujours gagner. Sous ses yeux se présentait une occasion en or. Je peux la prendre au dépourvu.
Alors, elle s'éleva dans les airs. Le mastodonte manqua de trancher sa jambe, elle explosa son orbite intact, il rugit puissamment, elle sectionna l'une de ses joues dans un cri, il lança sa main vers elle en un éclair, elle en trancha deux doigts de justesse, il s'affala lourdement sur l'épaule, elle écarquilla les yeux.
Là, sous elle, la nuque de son ennemie était à découvert. C'est ma chance ! C'était sa chance... sans compter le lourd galop qui s'éleva derrière elles. Mikasa s'appuya derechef sur le crâne de Peak, pour hoqueter dans l'instant. Le titan de Porco se jetait sur elle avec furie.
Deux contre moi ?! L'urgence la frappa de plein fouet. Elle sauta juste avant qu'il ne l'attrape et se mit en rappel contre une cloison grise, haletante. Derrière, au nord de la base, elle entendit sans y prendre garde la déflagration d'une transformation.
Si Peak était invalide, l'américain, lui, semblait bien en force. Je ne peux pas tenir longtemps comme ça, pas avec si peu de ressources... Et pourtant, elle raffermit sa prise sur ses manettes de commandement, le regard noir. ... mais il est à son désavantage. Il ne peut que courir de droite à gauche et sauter sur la base. Si je le coince, c'est gagné.
Il se rua sur elle. J'ai déjà affronté Isaac ; tu n'es rien, à côté ! Chacun de ses muscles battait sous l'urgence. De celle-ci, elle allait s'en servir. Elle fila juste à côté de ses molaires à découvert et coupa profondément sa pommette. Il béa à moitié. Si je peux trancher ses doigts... Il se tenait encore au toit : alors, Mikasa remonta en un éclair. Elle les sectionna bien plus facilement que chez Peak. Ce nouvel adversaire chuta enfin au sol en grondant. Maintenant...
Alors qu'elle rechargeait ses dernières épées, des coups de feu l'éraflèrent de part en part. La tête du tireur l'ayant visée vola juste après. Astrid, reconnut-elle ; la même Astrid qui se plongea de nouveau dans la bataille. Combien de fois Mikasa venait-elle de frôler la mort ?
Un geste subit de Peak l'électrisa sur place. Elle avait retrouvé une prunelle et sa bouche. Ils furent désormais deux à l'assaillir en choeur. Deux, en même temps. Deux, le bec patent au possible. Ils la poussèrent à remonter sur les toits. Porco gambada à sa suite : suivit une folle série d'esquives. Ils attaquaient, elle évitait la mort. Et chaque seconde, son gaz se vidait un peu plus.
Ce fut lorsqu'elle boula derrière des arbres qu'on tonna un puissant « Marion ! ». Les deux géants se figèrent : le cœur de l'élite rata un battement dès qu'elle vit Livaï et Mike sortir de la base. Le premier dégaina ses sabres à l'instant où il vit ses ennemis, et le second tira une grenade d'urgence. Ils l'ont perdue de vue ?!
« Vous l'avez paumée ?! » s'écria ensuite... Antoine. Il passa en flèche : les yeux de Porco explosèrent au passage, et le Chaillot atterrit plus loin en ahanant.
« Qu'est-ce que vous avez foutu ?!
— Elle, Historia et Rebecca ont dû éviter Peak et Porco, ragea Livaï. Aide Mikasa, on s'occupe de les chercher ! »
Antoine acquiesça et engagea l'américain dans la seconde. Il laissait la cible la plus facile à Mikasa, réalisa-t-elle – c'était-à-dire, Peak. La plus facile... C'était bien beau, mais il ne lui restait qu'un jeu de lames. Comme si cette situation n'était pas assez catastrophique, un autre éclair frappa la terre, au sud-ouest. Le titan Forgeron s'éleva à l'instant où une lourde tête s'écrasa dans la forêt. Reiner vient d'être décapité ?!
« Et merde ! » jura Antoine. « Trois contre deux ! » Il fondit illico vers Hannah Steel. « Mikasa, bats en retraite ! » Elle s'apprêta donc à fuir dans les bois, les dents serrées. Naturellement, naturellement, le duo ennemi la suivit à la trace. Ils brisèrent bien des arbres au passage. Alors que la noiraude jonglait entre les chênes et les pins, elle marqua un temps d'hésitation. Ils sont sur mes talons... et je suis dans un milieu propice au combat. Qu'est-ce que je fais ?
« Ils ont paumé Historia ?! » Cette réplique ressemblait bien à celle d'Antoine, mais venait d'être crachée par Ymir. Elle avait refait son stock. Des marques rouges modelaient encore son long visage ; cependant, elle paraissait hors de ses gonds, bien loin de se soucier de sa transformation précédente. Elle posa ses prunelles acérées sur l'asiatique. « Occupe-toi de ce connard de titan mâchoire », siffla-t-elle. « Je défonce la tronche de Peak ! »
Mikasa avait beau la déprécier, ce scénario s'avérait être le moins catastrophique. Au milieu de ce chaos, elle se retourna agilement et se posta sur une branche haute, pour sauter droit sur le « connard de titan mâchoire ». Il venait de régénérer un œil, elle y planta une lame avant qu'il ne puisse réagir. La détonation du monstre d'Ymir, elle, projeta Peak en arrière.
La roue tournait enfin en leur faveur. Le temps de la retraite sonnait. Annie avait certainement vaincu Reiner. Antoine devait certes peiner ; toutefois, Hannah Steel était pour sûr aussi fatiguée. Le temps de fuir... Le temps de fuir, ils devaient tenir. Tandis qu'Ymir déchirait la chair de Peak de droite à gauche et que celle-ci la mordait de gauche à droite, Mikasa pirouetta une dernière fois.
Si chaque seconde sonnait sa mort, elle les rapprochait de leur survie.
***
Quelques instants plus tôt
« Où est-ce qu'on se fout ?! » s'écria Rebecca. Sa voix précipitée vainquit tout juste le raffut qui les étouffait.
Si aucun soldat ne s'était mis au travers de leur retour au sein de la base, elles avaient été joliment séparées de Mike et Livaï dès leur sortie. Voici comment Marion, la biologiste et la Historia inconsciente que tenait cette dernière couraient désormais dans ces bois jonchés de cadavres sanguinolents, éclatés, désarticulés.
Au moins Rebecca avait-elle vu que Mikasa était en train de se battre contre Peak et Porco. Est-ce qu'elle va survivre ? pensa-t-elle, les dents serrées. Hannah Steel ne s'était pas retransformée, Annie et Reiner n'avaient pas cessé de se battre... Tout le monde devait être à court d'énergie, elle et Marion comprises.
Celle-ci s'appuya d'ailleurs contre un tronc. Son visage défiguré était recouvert de sueur. « Il faut... remonter... vers Weierstrass et Carla », s'étouffa-t-elle. Puis, elle posa brièvement son œil vert sur la noiraude, laquelle plissa les paupières, le cœur battant.
Qu'avait-elle vu, dans la pièce à transfert spatio-temporel, pour avoir hurlé de la sorte ?
« ... Rebecca », commença-t-elle d'ailleurs. Mais un galop furieux les sépara soudain. Un cheval musclé, tout en armures, déboula le bas du versant avec folie. Son maître, lui, pendouillait à son étrier : tous deux laissèrent un sillage vermeille sur leur passage. Il y a des ennemis là-haut ?! La borgne prit fermement le poignet de Rebecca et la tira à sa suite.
Elles remontèrent avec peine le versant enneigé. Elles glissèrent, trébuchèrent, se rattrapèrent à des branches glacées. Jamais Marion ne la lâcha-t-elle. Qu'est-ce qu'elle a redécouvert, bon sang... ? Se souvenait-elle d'elle et de Historia ? La blonde frémit d'ailleurs, dans ses bras. Sa mère contracta d'autant plus les mâchoires.
Elle avait certes bandé son épaule, mais voir sa face délicate pâlir de la sorte... Même si Rebecca se faisait renier, même si Historia la considérait comme une mauvaise mère, pour rien au monde allait-elle la laisser dans un état pareil. Elle aurait préféré se prendre cette balle à la place. Elle était même prête à mourir, si cela pouvait l'aider. Qu'avait-elle à perdre, après tout, si plus personne ne voulait d'elle ?
« Putain de merde ! » siffla une voix familière. Ymir ? Elle avait commencé à se battre contre Porco... Est-ce qu'elle a battu en retraite ? Pourquoi est-ce qu'elle y retourne ? Sa silhouette élancée filait plus bas. Elle semblait scruter les environs avec frénésie. Elle nous cherche. Néanmoins, le trio n'avait pas le temps de se manifester. Si l'inquiétude qu'elle portait pour Historia pouvait la pousser à se battre, autant la rendre utile. Et nous faire repérer serait la pire idée du siècle.
Si les ennemis ne les trouvaient pas, elles pouvaient tomber dessus : tout était si chaotique, autour d'elles, entre les fusillades et les claquements d'épées et les hurlements furieux et le sifflement d'un boulet filant droit sur elles.
Rebecca se tourna d'un bond vers... la tête du titan de Reiner qui tombait droit sur elles. La terreur la frappa de plein fouet. On va se faire écraser sur place ! Non. Non, la pupille de Marion s'enflamma d'un coup. Elle tira mère et fille contre elles, planta son axe dans un arbre et les balança brutalement plus loin.
Le crâne du géant s'écrasa derrière elles avec fracas, elles roulèrent dans la neige sous l'impact. Des craquements sourds suivirent : Historia poussa un cri dès que des chênes commencèrent à s'effondrer sur elles. À ce stade, seules la chance et leur réactivité pouvaient les sauver. Autour de l'américaine, le temps coula au ralenti.
Ses yeux noirs étaient ancrés sur les épaisses branches chutant vers elles. Le « Mütter ! » affolé de l'adolescente résonna interminablement dans ses tympans. Puis, Marion les étreignit avec précipitation. Elle les fit rouler plus loin en criant, pour heurter un rocher dans un hoquet. Rebecca se figea dès qu'elle les lâcha ; Historia, elle, se redressa en chancelant.
« L'armée l'a forgée », avait dit Mike. Là en était la preuve. Ses traits étaient tordus sous la douleur, ses genoux flageolaient, mais elle fut la première à se remettre sur ses pieds. Elle passa deux prunelles au glace acéré sur elles deux... et recula de quelques pas, la bouche entrouverte. Sa mère écarquilla les yeux.
Mütter. Elle nous a appelées Mütter. « Historia, Rebecca », débita furieusement Marion. « Ne tirez pas cette tronche, on n'a pas le temps ! » Elle se remit sur ses pieds, une paume plaquée sur son front. « On y est presque ! » Plus loin, un éclair foudroya la terre ; Historia jeta un regard derrière elle. « Ymir... », chevrota-t-elle.
C'en fut manifestement trop pour Marion. Elle jeta Historia dans les bras de la noiraude et reprit sa course. La première se raidit dans l'instant. Elle parut s'apprêter à pousser sa parente ; pourtant, elle marqua un arrêt. Puis après l'avoir fusillée du regard, ou scrutée, ou que savait-elle, elle expira un coup.
« Je ne peux pas courir », siffla-t-elle. « Et-ce que vous pouvez me porter à la place ? » L'estomac de l'intéressée se contracta douloureusement. Elle me vouvoie toujours... et ce n'était pas car Historia l'avait considérée comme sa mère, une demi-seconde, que les choses s'étaient arrangées comme par magie. Alors, elle la porta comme demandé et décampa à la suite de Marion.
« Marion ! » tonna alors Livaï en contrebas. Il les rattrapait enfin en manœuvre tridimensionnelle, puis s'appuya contre un tronc, juste au-dessus de la scientifique. Dans ses mains, deux lames fraîchement tirées. Il balaya ensuite le trio de ses iris clairs et atterrit auprès d'elles, sur un espace moins escarpé que le reste. « Vous pouvez encore courir ? » lâcha-t-il.
La défigurée resta muette. Elle transpirait le soulagement : Rebecca le sentait, même un roc plus bas. Le caporal-chef fit donc volte-face. « Superbe. On se grouille. Tout le monde tente de tenir avant la retraite. »
Ils n'échangèrent pas une œillade. Ils fuirent simplement, dans un mutisme aussi lourd que les galops et les courses persistant encore. Puis, le bois s'éclaira enfin. Les ronces mortes et blanches s'éclaircirent, les arbres nus s'espacèrent, de vastes plateaux gelés se dévoilèrent sous leurs yeux ; et surtout, la calèche d'infirmerie de Weierstrass se présenta à leur droite.
Si bien des blessés étaient étalés sur leurs paillasses respectives, et que Carla se penchait avec souci sur une Kwamboka inconsciente, le médecin n'était concentré que sur Isaac. Les autres soldats étaient déjà bandés, ou surveillés par la sœur Griffonds. Du reste, la logique voulait qu'on sauve l'élite avant les guerriers communs.
Après une dernière inspection minutieuse de l'état d'Isaac, elle trottina vers Historia, Rebecca, Livaï et Marion. Elle s'arrêta devant cette dernière et échangea quelques mots en français ; ensuite seulement s'intéressa-t-elle à Historia. « Allongez-la là-bas, s'il-vous-plaît », énonça-t-elle en remettant en place sa basse couette brune. Rebecca déposa sa fille sur des draps blancs. Fille qui grogna, sans jamais retirer sa paume de sa blessure.
Tandis que Carla sortait de quoi recoudre la plaie, que Rebecca observait le tout de plus loin, et qu'un soldat envoyait le signal de retraite en-dessous de la cime des pins, les mots finaux de Weierstrass lui parvinrent aux oreilles. Ils lui glacèrent le sang.
« Livaï... », soupirait-il tout bas. « Il va falloir informer Hansi qu'Isaac ne survivra peut-être pas au voyage. »
Fanart par Yun-Afezeria sur deviantart : https://www.deviantart.com/yun-afezeria/art/Shingeki-no-Mikasa-391645883
PV super ultra trop classe du prochain chap :
https://youtu.be/hTMnd_DVt-A
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