Prémices d'une pluie de sang - Partie 2
« Foncez ! » tonna puissamment Hansi. Cette plaine enneigée, précédant les pins et les chênes, seuls les Murs y étaient familiers : les Divisions, elles, la découvraient en temps réel. Tous les archers s'étaient déjà aventurés sur les côtés et tiraient en hauteur ; la forêt qui allait suivre allait être une nouveauté pour Astrid.
Néanmoins, ni elle, ni ses camarades n'hésitèrent lorsque l'escouade de Gelgar et bien d'autres muraux s'y ruèrent.
La jeune femme talonna d'autant plus son fin cheval élancé, les dents serrées. Leurs armures, à son destrier et à elle et à tous les autres camarades du Moyen-Orient et de Piirissaar, claquaient à chaque foulée. Les lourds sabots frappaient le sol avec violence : au Diable leur discrétion, car la violence passait désormais avant tout.
Les yeux d'Astrid, au travers de son casque, parcoururent rapidement les troncs qui les attendaient. À l'exception de quelques aiguilles de pins, les branches se dénudaient tant qu'elles avaient glacé. La jeune femme aussi avait froid jusqu'aux os. Son coeur battait la chamade contre son épais plastron de fer : dans quelques instants, elle allait tuer ses premiers ennemis.
Les premiers arbres sombres défilèrent soudain autour d'elle et de ses camarades, et l'obscurité tomba sur leurs épaules. « Suivez-nous ! » s'écria Gelgar, plus bas. Elle étudia la pente blanche se présentant à eux avec frénésie. « Certains se déplacent en manœuvre, soyez attentifs ! » Comme pour lui faire écho, des bruits de câbles s'élevèrent à droite et à gauche.
Elle chopa illico l'arbalète pendant à ses hanches, dégaina une munition, et visa un américain à la tenue kaki et moulante. S'il ouvrit le feu dans des bruits tonitruants, elle tendit la corde de son arme avant, et tira en criant d'une voix déjà déchirée.
Sa flèche se planta profondément dans sa trachée. Une pluie vermeille plus tard, sa cible tomba à terre avec lourdeur. La scène d'un cadavre rougissant le névé était familière. Auparavant, ils avaient dû en tuer, des soldats adverses. Peut-être Astrid reprenait-elle simplement le flambeau de leur guerre. Peut-être vengeait-elle tous leurs compagnons forcés à partir, ou éclatés juste sous leurs yeux. Elle en avait été témoin dès son enfance.
Désormais, seule une furie belliqueuse ébouillantait ses veines. Entre tuer et être tuée, le choix était vite fait.
« D'autres, à gauche ! » cria un explorateur. Il s'éleva de terre, lames en main ; la juge et ses acolytes, eux, visèrent chaque silhouette à la tenue verdâtre. Des égosillements suivirent. Elle vit des ennemis et des alliés chuter ; puis, sa propre cuirasse vrombit sous les balles. Astrid releva derechef le menton vers une trentenaire rousse la visant de sa large arme à feu.
Mais une silhouette passa en un éclair derrière elle, et elle se retrouva à terre en moins de deux. Mikasa, reconnut-elle à sa vitesse ahurissante et son carré noir et fin. Suivaient Livaï et Antoine : trois élites, qui fonçaient droit sur le champ de bataille. La détermination gravée sur leurs faces lui coupa le souffle. Le dernier lui jeta une brève oeillade, pour lever le pouce.
Elle tira illico sur ses rênes, sortit son épaisse épée de son fourreau dans un crissements et les suivit à la trace. Son destrier gris sauta avec agilité par-dessus un tronc mort ; derrière se terrait un américain. Il braqua son canon sur elle, elle le décapita sans merci. Ses chairs à vif de sa gorge et leurs lambeaux pourpres manquèrent de la faire vomir.
Pas maintenant ! s'exhorta-t-elle. Elle débarqua dans un terrain plat, trône de bas bâtiments gris ; un haut titan à l'épaisse cuirasse beige, qui recouvrait sa face même, se tourna vers la ligne qu'elle et les autres écuyers formaient. Si bien d'autres alliés tombèrent sous le feu précipité de ces fusils meurtriers, leurs balles rebondirent sur les plastrons des chevaux des Divisions et de leurs maîtres.
Les adversaires sur lesquels Astrid fonça tirèrent encore, en vain ; mais ses tympans, eux, sifflèrent hideusement. Elle leva sa lourde épée, et l'abattit sur le plus grand. Sa pointe en traversa son épaisse veste, et il s'écroula dans un râle. Son destrier se retourna de lui-même vers l'autre. Elle frappa encore, ne dévia que son M6, attaqua une seconde fois, trancha net son bras. Lui aussi s'égosilla.
Néanmoins, si l'un tombait, d'autres sortaient de l'ombre à sa place. Et peu en fallut-il pour que les camps s'emmêlent dans des tirs et des claquements assourdissants. Astrid sentait la mort la menacer à chaque instant, durant chaque assaut.
Pourtant, elle s'y engagea toujours plus profondément. Qu'elle hurle si elle devait hurler : rien n'allait la détourner de ce combat-ci.
***
Et un de moins, pensa Kenny, l'œil plissé. Il était couché en hauteur, et étudiait en détails le bordel leur servant de champ de bataille. Des gars et des chevaux en armure fonçaient dans le tas, tête baissée ; mais, si des bras et des crânes volaient, certains alliés se faisaient tout autant abattre.
Le quinquagénaire ne comptait pas mourir. Les snipers d'en face, tentant de repérer lui et Sasha au beau milieu de leur ébahissement, n'allaient pas lui ôter sa vie. Il avait des têtes à éclater, et une compétition à gagner.
Les américains se lançaient désormais des indications, noyées par le raffut des combats autour d'eux. L'un d'eux finit par étudier le cadavre de l'un de leurs compères, et se tourna vers un point en hauteur.
La position de Sasha ? Je ne crois pas, non. Kenny appuya sur la détente : son propre coup de feu lui cilla les tympans. Cette fois-ci, sa balle déchira le cou de l'américain, qui s'étrangla dans son propre sang. Et c'était qu'il y en avait, du sang, partout autour : sur la neige, le béton, les plastrons... Seuls les archers et les tireurs y échappaient.
Alors qu'il rechargeait son court fusil et s'apprêtait à tuer encore, Sasha lui coupa l'herbe sous le pied de l'autre côté. La balle qu'elle venait de tirer éclata un front, et une trachée en prime. Deux, elle en avait eu deux ! « Ça ne compte quand même que pour un ! » grogna-t-il. Il se doutait bien que la pauvrette ne devait pas faire la fière, mais lui était désormais poussé dans une compétition à sens unique. Et puis, il fallait bien qu'elle se détache un peu des crimes qu'elle commettait.
Il fronça donc son long nez, choisit le meilleur angle possible, équilibra d'autant plus son canon en le posant sur le crochet lui servant de main gauche... Et explosa une tempe et une épaule ! La chance du débutant, qu'elle a eue, pensa-t-il dans un rictus. Il acheva un con qui se tortillait sur place, pour se figer net.
Un éclair venait de frapper le ciel : il serra les dents dès qu'il vit le titan de Wilson s'élever de terre... pile sur le chemin qu'empruntaient Rebecca, Historia, Isaac, et surtout Marion. Je peux pas viser ce fils de chien de là. Mike, t'as intérêt à carburer. Ce même Mike surgissant des fourrés rabougris : lui, Gelgar et Albert filèrent droit vers le capitaine.
L'ennemi qui tenta de leur tirer dessus, Kenny l'abattit dans la seconde. Là-dessous, tout semblait si palpitant, et énergique, et il ne pouvait en avoir que des échos... Mais il eut beau ronchonner, il devait s'avouer que les choses devenaient sacrément sérieuses. Si Mike passait par là, Annie devait être dans les parages ; on l'avait chargée d'assaillir Reiner, lequel s'était déjà transformé plus loin. Et on sait pas encore où sont les autres. Ils se métamorphosent au compte-goutte. Mes petits neveux peuvent pas encore attaquer... Quel dommage.
Mais l'instant d'après, les semi-géants adverses se dévoilèrent enfin.
***
Des arbres nus, à la neige éclaboussée de pourpre : voici ce qui défilait follement autour de Mike. Son cheval galopait entre les branches et les troncs. Plus haut, Isaac, Marion, Rebecca et Historia filaient, cape sur la tête. Grâce à ce bel accoutrement, à l'ouest, tous les soldats des Murs étaient anonymisés.
Mais un défaut persistait : l'équipement avancé que portaient Isaac, le chef d'escouade, les trois Chaillot, Rebecca, et la Annie avançant juste derrière lui. Cette dernière cherchait son chemin vers un tout autre opposant que ceux de l'équipe de Mike : rien de moins que Reiner.
Il s'était transformé alors qu'ils avaient déjà entamé leur route sur ce versant. Donc, il est de l'autre côté.
« J'ai trouvé », annonça-t-elle alors. Il lui jeta une œillade : ses prunelles turquoise observaient le toit de la base. Il était hors de question qu'elle manœuvre au beau milieu du champ de bataille entre les tireurs et les cavaliers. Circuler entre les snipers semblaient être l'option la plus sûre. Et elle doit agir avant que Reiner ne vienne ici, pensa Mike, les sourcils froncés. Sinon, le chemin qu'on doit éclaircir pour Marion sera complètement obstrué.
Comme pour saupoudrer ses paroles, un éclair frappa violemment la terre juste à leur droite. Il vit Albert et Gelgar frissonner en voyant l'hideux titan de Wilson se métamorphoser. Tous se souvenaient de la mort de Luise comme si elle était décédée la veille.
Mike se tourna vers leur ennemi sans attendre.
« Quittez vos chevaux ! » ordonna-t-il. Ils passèrent tous en manœuvre, et zigzaguèrent jusqu'à la lisière de la forêt. Juste avant que les paupières des flancs du géant ne s'ouvrent, ils surgirent des fourrés figés, et lui tombèrent dessus.
Mike jeta sa cape plus loin, pour dégainer deux lames de ses fourreaux dorsaux. « Vous connaissez la nouvelle formation ! » tonna-t-il. Et il plongea sous Wilson sans attendre, les dents serrées et le coeur farouche.
Ses longues mâchoires claquèrent sous son nez avec vivacité. Il fit une pirouette dans l'instant, planta son axe dans le sol gelé, et leva ses sabres. Dès qu'il frôla la terre, il trancha le premier poignet de l'américain pour enchaîner l'autre. Mais ses épées s'éclatèrent sur la fluorine qu'il avait modélisée... au contraire de ses subalternes. Le roux était passé en un éclair derrière le talon du géant ; son juron fut recouvert par le cri guerrier de Gelgar.
L'un n'avait pas tranché assez profondément, l'autre rattrapa le coup. Et leur adversaire de rouler sur le côté : Mike fit volte-face juste avant de se faire écraser, et sentit, l'œil rond, la chaleur de la chair de Wilson le frôler. Il dérapa à terre, et rechargea ses manettes de commandement. Puis, il fonça vers les côtes du bougre...
« Shoot them ! »
... pour s'arrêter juste avant. Un hoquet s'échappa de sa gorge : deux canons le visaient. « Retraite ! » clama-t-il. Il commença à filer vers la forêt, les coups de feu le rattrapèrent. Mais ce ne fut pas lui qui tomba. Lorsqu'il regarda en arrière, il vit que ces américains chutaient du bâtiment, le crâne éclaté. Kenny et Sasha. « ... On y retourne ! »
Cependant, désormais que Wilson s'étalait sur le flanc, comment pouvaient-ils l'attaquer ? Ses yeux. « Albert ! » tonna-t-il ; celui-ci fila à pleine vitesse dans le dos du monstre, prit de la hauteur et trancha deux des trois orbites latéraux du titan. Celui-ci s'ébroua au même instant : l'explorateur se vit balancé au loin dans un cri. « Albert ! » hurla Gelgar. Lequel se rua sur le monstre avec rage : Mike y arriva avant lui, et perça avant son soldat les globes oculaires frontaux du mastodonte.
Gelgar bloqua un instant, les paupières écarquillées. Il avait peur. Peur de perdre encore l'un de ses camarades, après Viktor et Luise. Mais l'air dont le servit le Résistant fut très clair : il ne devait perdre son sang froid à aucun prix. Wilson est presque handicapé, mais la partie est loin d'être terminée !
Déjà de la vapeur s'échappait-elle des premières entailles du capitaine. Il montra à Gelgar l'arrière du monstre. Le blond acquiesça, et y fonça de nouveau... sans discrétion aucune. Comme prévu, leur opposant se redressa brutalement ; Mike fondit sous sa trachée et déboula au-dessus de sa tête ; ses lames piquèrent droit vers sa nuque. Il vit son subordonné aveugler pour le bon ce côté du monstre.
La seconde d'après, une déflagration tonitruante le souffla au loin. Il manqua de bouler sur le sol, et observa, pris de court, un second quadrupède bien plus simple naître sous ses yeux. « Chef d'escouade ! » hurla Gelgar. L'intéressé raffermit sa prise sur ses manettes de commandement. Les foulées de Peak étaient lourdes. Elles faisaient trembler le sol. Wilson aussi se redressait, réalisa-t-il, malgré ses yeux éclatés. Mike entama une retraite dès que les deux géants ouvrirent grand la bouche. Seulement, il eut beau s'éloigner, leurs ombres le surplombèrent sans arrêt.
Fuir était hors de portée.
Mais Wilson est toujours affaibli..., réalisa-t-il. Les dents de Peak manquèrent de lui arracher un bras : le vent qu'elles produisirent malmenèrent ses mèches. Il vira du côté aveugle et clopinant de Wilson ; et ses épées de trancher son aisselle. Il s'écroula de nouveau, bien plus lourdement qu'attendu.
Albert surgissait de l'arrière du titan intelligent, de la fumée à sa suite. Il lui avait sectionné un autre tendon ; et désormais que le capitaine gisait par terre, son point vital était entièrement à découvert. C'était leur chance, pensa rapidement Mike – mais il n'oublia pas Peak.
Cette Peak même qui balança sa paume sur lui.
Il en éclata les doigts de justesse. Du coin de l'oeil, il vit Gelgar engager le flanc de la semi-géante, et complètement rater sa cible. Elle s'était déjà retournée, même entravée, et tentait un coup de boule. À côté, deux lames étrangères explosèrent sur le cristal de Wilson. Albert est revenu. Mike glissa sur le névé, le souffle court. Albert « était revenu », mais leurs assauts se décousaient ; il chargea encore dans un mugissement. « Coordonnez-vous ! » rugit-il.
Ce combat, trois humains contre deux géants intelligents, était plus qu'inégal. Chaque seconde sonnait leur mort, chaque attaque tournait en esquive, et le gaz de chacun se vidait peu à peu. Mike eut beau entailler Wilson, Peak revenait à la charge. Et Gelgar et Albert avaient beau se charger de Peak, Wilson les menaçait illico.
On ne peut pas les finir comme ça ! ragea-t-il. Il parvint à sectionner l'une des joues de l'homme, et en profita pour assaillir de nouveau son œil droit valide. Le gauche, il n'y parvint pas. L'américaine tenta encore de l'écraser : il lui coupa seulement l'index et le majeur avant de battre en retraite. Ce fut le crâne chevelu du capitaine qu'il rencontra. Juste sous ses pieds...
Une silhouette passa alors à toute vitesse sous son nez ; derrière elle vola une cape, et un bon gros bout de chair titanesque. Isaac planta ses yeux sang et écarquillés dans les siens. « Besoin de dégager le passage ! » cracha-t-il. Gelgar et Albert en bloquèrent, béats. Et ils en bloquèrent salement. Peak les jeta au loin, et se tourna vers l'albinos en rugissant ; celui-ci lança ses lames dans ses prunelles avec vivacité, pour se tourner vers Wilson même. « On échange », criait son regard.
Ils filèrent juste à coté l'un de l'autre. Leurs épaules mêmes se frôlèrent. Mike ne se donna pas le loisir de voir Isaac trancher Wilson de toutes parts, car ses exclamations farouches témoignaient à elles seules de son violent duel. Le Résistant termina donc ce qu'il avait commencé : finir...
Finir Peak, et Mikasa est déjà là ?! Il lui indiqua avec urgence de chercher Marion et son équipe. « Albert, Gelgar, suivez-moi ! » Le second se leva en chancelant ; appuyé sur son épaule, Albert avait perdu connaissance. Au-dessus, les snipers avaient pour sûr déserté dans la foule – le reste, Kenny et Sasha les avait presque tous abattus.
Mais malgré cette paix apparente, il étudia le moindre fusil, écouta le moindre tir, renifla la moindre odeur. Enfin, il identifia celle de Marion derrière des ronces épaisses en marge, et la désigna vivement. Dès que Mike et son équipe les survolèrent, il s'assura que Rebecca et Historia n'étaient pas tombées en chemin.
Elles sont là..., remarqua-t-il. Ainsi assuré que personne ne les avait fauchées, il braqua un regard dur sur les deux quadrupèdes. Il est donc temps que je retourne à ma boucherie !
Lien vers l'image : https://www.zerochan.net/2196177, par Pixiv Id 16523866 sur Pixiv
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top