Le Tribunal - Partie 1

Tome 2 de la trilogie 2 de attack_on_titan&0.7.

Cité de Labdang, Sommet de Labdang, Himalaya, Division des Monts d'Asie Centrale, 12 juin 852

Zayah ne pouvait rien faire d'autre que d'observer les monts s'étendant devant elle. Elle se tenait au bord du bas du bourg, juste derrière la barrière de bois de bouleaux qui la séparait de ce ravin, au fond duquel coulait tranquillement la rivière dans laquelle elle et ses camarades allaient chercher leur eau. Les seuls problèmes étaient les titans qui se promenaient parfois autour... Cependant, ils grimpaient très rarement jusqu'aux villages formant la cité de Labdang, et les aveugler n'était pas une affaire difficile.

Jules et d'autres personnes de la cité de Piirissaar, de la Division des Eaux d'Europe de l'Est, étaient venus il y avait quelques jours de cela afin de rapporter leur rencontre avec des habitants des Murs. Ils avaient longtemps cru que c'était eux qui contrôlaient les titans. Il s'était avéré que cette situation était bien plus complexe que cela.

Ils avaient enfreint beaucoup d'articles de la Charte avec leur gouvernement autoritaire, c'était vrai. Mais paraissait que c'était la seule façon de contrer les géants, pour eux. Et puis, leurs remparts étaient solides. Ils étaient allés jusqu'à démanteler deux bases ennemies sur les quatre les encerclant, malgré leur statut de cible privilégiée des américains.

Du reste, cette histoire de voyage dans le temps l'avait autant perturbée que sa compagne et juge suprême du Tribunal, Kwamboka. Qui l'aurait cru, que ces démons du vingt-et-unième siècle s'étaient rameutés ici ? Il y avait ceux qui défendaient ce monde, et ceux qui tentaient de le détruire. Les premiers étaient certes leurs alliés...

Mais étaient également ceux qui avaient instauré une monarchie, horreur que l'Humanité n'avait plus vue depuis deux mille ans.

Elle tripota un instant ses boucles auburn, le cœur serré. La noiraude n'était pas du genre à faire des concessions. Depuis la trahison des Divisions d'Afrique du Nord, elle était d'autant plus sur ses gardes. Comment allait-elle les juger ? Quelle sanction allait-elle faire tomber ? Zayah était son bras droit. Elle allait avoir son mot à dire, comme tous les autres.

Mais Kwamboka est influente. Trait de caractère à double tranchant. La châtaine, elle, savait le gérer, puisqu'elles habitaient ensemble depuis dix ans maintenant ; mais pour ce qui était des autres, tirés au sort tous les vingt-quatre mois... Enfin, on leur a appris les bases. Et on écoute tout le monde, ici.

Le vent frais de la montagne la ramena à la réalité... Au même titre que la main qu'on posa sur sa taille. Elle sentit la petite poitrine chaude de Kwamboka dans son dos, et se retourna doucement. Elle vit les maisons de pierre s'empilant de façon irrégulière sur le versant vert, les routes sinueuses de terre battue, les quelques brins d'herbe les longeant... Et, surtout, le visage noir et triangulaire de l'autre. Elles s'embrassèrent brièvement en guise de salut.

« Qu'est-ce que tu fais, encore ? la taquina Kwamboka. Tu comptes sauter dans le vide ?

- Non. Je réfléchissais au jugement qui va arriver. »

A ces mots, les prunelles sombres de l'autre retrouvèrent tout leur sérieux. « Jules veut temporiser. Il dit qu'il faut les juger plus tard ; que, pour l'instant, vaincre les américains est la priorité, ou beaucoup de vies y passeront. Mais s'ils continuent ce régime totalitaire... Nos démocraties risquent de chuter. Zayah... »

Elle baissa le menton ; ses courts cheveux tombèrent devant ses yeux. « Qu'est-ce que je devrais faire ? Ils vont aller les contacter dans très peu de temps. » L'intéressée resta immobile un instant, pour poser tendrement sa main sur la nuque de son amante. Influente, hein. Mais là... Elle pinça douloureusement les lèvres. Elle a presque l'air désemparée.

« Je ne sais pas. Il ne faut pas suspendre leurs combats, pour sûr. Et il faudrait se joindre à eux. » Elle tapota son long arc clair, posé contre un poteau.

« Nous aussi, on souffre des titans, fit-elle remarquer. Et, à plusieurs... On est bien plus forts, n'est-ce pas ?

- C'est très épineux... Mais tu m'inspires, rit légèrement Kwamboka. Il faudra tout faire pour ne pas qu'ils mettent nos régimes à mal. Pour ce qui est des combats, oui, nous nous allierons. La sentence, elle... Ce sera le démantèlement de leur régime, et l'interdiction d'assister aux réunions publiques. Enfin, ça, ils le font depuis déjà un siècle, dit-elle amèrement. »

Court silence. Un homme chauve, aux yeux bleus, passa derrière eux sur le dos d'une mule, arc et longues flèches dans le dos. A sa suite, quelques jeunes, et des vétérans. « Ils vont dégager les zones agricoles... » Zayah souffla un coup, puis s'étira longuement. Ses épaules craquèrent au passage. « Le soleil est haut. Il est temps d'aller déjeuner... Avec Jules, n'est-ce pas ? » L'autre acquiesça, et enlaça ses doigts avec les siens. Elles remontèrent cette route en serpent ainsi.

Des champs surplombés par des maisons passèrent à leur droite. A leur gauche... Cette falaise escarpée, et le vide. « Bonjour, Zayah, Kwamboka ! » leur lança Frank au beau milieu de ses chèvres brunes, et à la fourrure si épaisse qu'elles paraissaient avoir la même carrure qu'un sanglier. Typique de leur race, les thars. Elles firent un signe de la main au grand dadais de quinze ans, et arrivèrent enfin à ce virage en épingle qui allait les mener aux dortoirs des invités.

Et c'était qu'il y avait un préau aux larges poutres claires et autres plafond de paille. Et c'était que sous ce plafond de paille, une caisse de pain et du riz les attendaient déjà. Jules était assis sur l'un des bancs de pierre collés à la devanture grise, basse, et vieille de la bâtisse. Pas de table, ici : ils mangeaient assis, avec leur bol, c'était tout.

Le bougre passait sa main sur sa face ronde et hâlée, et dans ses longues mèches noires également. Signe de son impatience, peut-être. Puis, il posa ses prunelles noisette sur elles, et afficha un air faussement désenchanté. « Eh bien. Il est midi trente-six, vous savez. »

La juge suprême raffermit sa poigne sur la paume de Zayah, celle-ci lui tapota affectueusement la tête. Elles le rejoignirent sans attendre, et se servirent tranquillement leur ration de riz et leur miche sèche. Une fois leurs fesses sur le sol, ils purent discuter sérieusement.

« Les autres juges vont se rameuter, c'est ça ? Tes potes sont partis chercher ceux d'Asie de l'Est, et du Sud.

- Oui. Uniquement ceux-là, puisque nous n'avons plus de nouvelles de celles d'Afrique...

- ... et rameuter les Océaniens prendrait un temps fou. On ne peut pas les amener ici - là, il y a urgence... Mais les notifier serait bien, même s'ils font un peu leur vie sur leur île géante, loin des Titans.

- En effet, soupira-t-il. »

Il avala une bouchée de nourriture, les paupières basses.

« Je me demande comment ça se passe, dans les Murs. Eha et Leonid sont partis avec eux...

- Eha et Leonid ? demanda la châtaine avec curiosité.

- Ma sœur, et... un ami qui m'est cher. J'espère qu'il ne leur est rien arrivés sur le chemin. Enfin, au vu de l'équipement des Murs... »

Il mâcha un moment. « Il est largement supérieur aux nôtres. Vous, vous utilisez des flèches, puisque vous êtes en hauteur. Nous, des sabres, des dagues, et nos chevaux, à cause de nos plaines. Eux... Ils ont des câbles et du gaz comprimé qui leur permettent de s'élancer dans les airs. Leurs mouvements sont rapides, il paraît. Et leurs lames, tranchantes. »

Petit silence.

« De bons alliés, en somme, trancha la noiraude. Mais ça ne me détournera pas de ce qu'ils ont commis.

- Ça, je le sais..., murmura-t-il. A vous, au Tribunal, de voir ce que vous faites d'eux. Mais prenez en compte la gravité de leur conflit... »

Une pause. « Et puis, vous avez des semaines pour y réfléchir. Eha me racontera ce qu'il se passe là-bas, et leurs... supérieurs viendront ici pour le jugement. J'espère que rien ne leur tombera dessus entre-temps. »

Kwamboka baissa sa cuillère un instant, et plissa ses paupières sombres. « Les Murs se trouvent à plus de sept mille kilomètres d'ici. Cela leur prendrait un mois pour nous rejoindre. Peut-être qu'on devrait se réunir à Piirissaar... Ce serait moins dangereux pour eux, et ça ferait un entre-deux. Non pas que je les apprécie », jeta-t-elle, « mais leur demander de se ramener à Labdang serait stupide. »

Jules réfléchit un instant. « Oui. Et on a notre amphithéâtre pour le Jugement. Enfin, il va falloir attendre l'avis des autres juges pour ça ! Une dizaine, c'est ça ? Vous avez quand même une place privilégiée, Zayah, Kwamboka. Ce n'est pas très démocratique », railla-t-il.

La seconde lui mit un vigoureux coup de poing dans l'épaule, et retourna à son déjeuner, le menton haut.

« Ouille, grommela le jeune homme. Tu sais ce que c'est, l'humour ?

- On peut rire de tout, mais pas avec n'importe-qui, fit remarquer Zayah. »

Elle se prit un regard mi-boudeur, mi-attendri de sa fiancée. Elle dégagea ses boucles châtain, et lui fit un rapide bisou sur la joue. « N'est-ce pas, chérie ? » L'intéressée ne la gratifia que d'un léger rictus, certainement pour tempérer le rouge qui pointait sur sa peau noire.

« Bon, en attendant... Zayah, il va falloir qu'on relise la Charte de long en large. Tu es prête à t'y mettre ? » La trentenaire acquiesça. Elles finirent leur repas là-dessus, et se levèrent en chœur. « Jules, à plus tard », sourit Zayah. « Tu peux aller t'entraîner au tir à l'arc, si tu veux. » Il acquiesça d'un air approbateur.

Elles le quittèrent donc là-dessus. « Direction mon bureau », soupira Kwamboka. Elles gravirent encore cette montagne à la pente plus ou moins douce. Au moins les chemins, eux, avaient été creusés de façon à faciliter la marche. Ainsi, le chariot que tirait cette mule grise, menée par sa propriétaire un peu rabougrie, ne se faisait-il pas la malle jusqu'au prochain virage... Malgré ses bûches de bois de bouleaux. Zayah la salua joyeusement, pour retrouver sa gravité.

Les tâches qui vont suivre ne vont pas être de tout repos. Elle eut un sourire mitigé. Des centaines de pages, quand même...

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