Fondation - Partie 2

Europe Centrale, 17 février 712

Longtemps. Iris observa le plan étalé devant elle, sur une table à tréteaux installée entre deux arbres. Bien trop longtemps. Sina, qui venait d'atteindre ses quatre ans, était assise sur ses genoux ; elle avait hérité de ses lunettes, mais ses courts cheveux bruns et ses yeux bleus, eux, restaient un mystère. Neuf ans... La brise du parc des quartiers de Mitras – une cité dans laquelle le sang de ceux n'ayant pas adhéré aux idéaux de ses fidèles avait coulé en abondance – secouait doucement son carré roux.

... que je suis ici.

Cette ville sans murailles, ouverte aux vents des plaines l'entourant, avait ensuite été vidée de ses cadavres. Les rues luxueusement pavées et les maisons de vieilles pierres surplombées de leur toit d'ardoise avaient retrouvé leur tranquillité. Mitras. Allaient suivre, aux bords du futur Mur Sina, Orvud au nord, Stohess à l'ouest, Ehrmich au sud, et Yarckel à l'est. Elle ne parlait pas des Trost, Karanes, Utopia et Krolva du Mur Rose, puis des pauvres Shiganshina du Sud, Ludia de l'Est, Erfurt de l'Ouest, et Ruolal du Nord. Belle liste préparée au vingt-et-unième, avant son transfert. Les générateurs aléatoires de noms type fantasy sont décidément des merveilles.

Et les prénoms de ses trois filles, elles, allaient désigner ces Murs en cercle. Maria, Rose, Sina. Ceux-là, elle les tenait de sa propre tête. Anna, Albert, Petra... En repensant à ces trois-là, une douleur peu supportable cracha encore sur son cœur usé. Comme toujours, elle l'ignora.

Les deux cents cinquante-mille enfants étaient déjà installés, prêts à être transformés en Titans. Leurs parents allaient leur injecter le liquide sur lequel avaient travaillé leurs médecins depuis neuf foutues années. Le dix-sept février allait marquer la naissance des Murs. Quelle belle histoire, pensait ironiquement Iris. Pour une fois, elle s'était accordée une exception : sa descendance allait servir de dirigeants, plus tard. Elle faisait confiance à Joan pour gérer tout cela. Le gars était compétent...

... et se pencha d'ailleurs au-dessus de son épaule. Elle entraperçu sa courte coupe blonde et ses prunelles brunes, mais n'en eut cure. Au moins lui n'avait-il jamais couché avec elle. « Iris », souffla-t-il dans son oreille. Mais on dirait qu'il a quand même bien envie de me sauter. « Dans une demi-heure, lorsque nous lancerons les fumigènes, tous se métamorphoseront comme tu l'as prévu. Et, bientôt ... » Il déglutit avec difficulté. « Tu partiras, c'est cela... ? »

Elle retint une insulte, et parcourut de ses pupilles les murs solides encadrant cet espace verdoyant. Ils allaient également former une barricade autour de cette future capitale, où tous les fleuves se croisaient. Sa Calculette de l'Espace-Temps l'attendait, dans son sac, non loin. Un message à envoyer, « c'est Iris Ralle, ramenez-moi entre janvier et septembre 2006 exclus », et le tour était joué. Il lui semblait presque que quelque chose ne tournait pas rond dans ce plan, mais tout son corps l'urgeait à leur envoyer un signal.

Pourquoi ? Peu importait. Ce n'étaient que des chiffres, ils pouvaient bien la rameuter quelques jours avant. Avant quoi ? Peu importait. Ce n'étaient que des chiffres, ils pouvaient bien être un poil décalés. Par rapport à quoi ? Peu importait.

Peu importait.

Elle se leva, tint Sina par la main, et marcha vers Maria et Rose. Quatre ans. Sept ans. Cinq ans. Iris avait décidément servi de poulinière... et elles aussi ont les gènes requis pour se transformer. Mais elles devront hériter de mon autorité, ou tout ça partira en anarchie. Toute l'Europe de l'Ouest a été décimée ; un scandale pourrait éclater à tout moment. La Charte a encore plus été violée que mon corps. Heureusement que la plupart de ceux qui m'ont suivie observeront les transformations d'un peu trop près.

« Iris ? » hésita Joan. L'intéressée se pencha sur Maria, et brossa sa longue mèche blonde en arrière. Ses yeux verts pétillaient, son visage rond aux nombreuses taches de rousseur lui servait un sourire exempté d'une dent. Le reste de ses mèches était noué en une couette basse. De qui descendait-elle ?

Rose, elle, ressemblait un peu plus à sa mère. Mêmes prunelles, même carré roux. Ses joues potelées étaient toutefois rouges et lisses. Elle allait se ramasser une face rectangulaire, cela se voyait comme son pif pointu fiché au-dessus de ses lèvres retroussées. Qui était son père ?

Sina tira la manche de son gilet blanchâtre. Ses iris bleus l'observaient intensément. Une nouvelle fois, la pseudo-prophète passa ses doigts dans ses épis bruns, et remit sa monture sur son nez tout raide. Les mettrait-on côtes à côtes que personne ne les devinerait demi-sœurs. Maria, Rose, Sina, futures têtes des Murs.

L'adulte laissa échappait un très long soupir, et tâta son ventre usé par ces trois naissances rapprochées. Heureusement, elle n'avait pas oublié de renforcer ses muscles. Et puis, personne n'avait couché avec elle depuis la naissance de la cadette. Elle n'attendait pas d'autre enfant. C'était un soulagement. Un soulagement immense. Elle ne comptait rien cacher à Albert, et espérait du fond du cœur qu'il allait comprendre ces sacrifices. Non, en réalité, cela ne faisait aucun doute.

Pas d'autre gosse. Elle repensa à la technologie bien plus avancée du vingt-et-unième. Elle se retint de pleurer. Elle était si loin. Elle allait bientôt y être rameutée, dans seulement quelques semaines, ou quelques jours, ou quelques heures, cela dépendait, peu importait, elle ne savait plus, peu importait. Elle allait laisser derrière ses trois filles... Pourquoi son instinct maternel la déchirait-il comme cela ? Bon sang, je ne les désirais même pas... et voilà que j'aimerais qu'elles m'accompagnent ?!

« Lancez le signal », murmura-t-elle. Des brindilles craquèrent derrière elle. Joan avait cessé sa marche.

« Maintenant ? balbutia-t-il.

— Ils sont tous en position, non ? Ça serait les torturer que de les laisser attendre. »

Elle amena les trois jeunes filles contre elle, le menton bas. Son rideau roux cacha le lugubre de sa face. « Alors, lancez le signal. Joan, nous, on reste ici. Elles auront besoin de toi... Tu feras un bon dirigeant. Tu as été mon bras droit pendant tout ce temps, après tout », rit-elle nerveusement, la gorge nouée.

Un instant. « Lancez le signal ! » cria-t-il donc. Au beau milieu des bruits d'explosifs, elle l'entendit s'accroupir derrière elle, et poser une main sur son épaule musclée. « Avant que tu ne partes, Iris... » Des détonations tonitruantes les firent sous sursauter.

Ils furent cinq à lever la tête avec stupeur : des éclairs, beaucoup d'éclairs frappaient les périphéries de la ville avec violence. Ils sentirent leur vent chaud de là. Et ils béèrent définitivement en voyant des géants décharnés, aux muscles rouges à découvert, s'élever lentement de toute cette fumée aveuglante, comme s'ils naissaient de la Terre elle-même.

Dire qu'Iris était stupéfaite aurait été un sacré euphémisme. Elle était purement et simplement clouée sur place. Tant et si bien qu'elle fut incapable de réagir lorsqu'une vague de poussière explosa les murs de l'espace vert, et fonça droit sur eux. Elle et ses trois descendantes furent illico plaquées à terre par Joan, qui tenta d'étouffer un cri de douleur. Il y eut des hurlements, des craquèlements, des secousses d'une brutalité inouïes.

Combien de temps dura cet enfer ? Les orbites de la mère la piquaient affreusement, et des larmes en coulaient en abondance. Les pleurs effrayés de Maria, Rose, et Sina sifflaient dans ses tympans. Elle les enlaça un peu plus intensément, sans sentir la terre coller sur leurs habits. Puis, le silence tomba sur eux tout aussi brusquement qu'à son départ.

Lorsqu'ils osèrent regarder le ciel, ils laissèrent échapper des hoquets de stupeur. Ils ne prêtèrent aucune attention aux corps désarticulés rasés par la tempête du premier Mur dépourvu de nom. Seul celui-ci attira leur attention. Immense, gris, régulier au possible. Si elle s'était attendue à quelque chose d'impressionnant, cela dépassait toutes ses attentes.

« Comment un tel pouvoir... est-il possible... », laissa-t-elle tomber, l'œil rond. Mais seul un mutisme mortel lui répondit. Dans Mitras, ils n'étaient certainement plus qu'une petite centaine de survivants. Et pourtant, des applaudissement, des applaudissements s'élevèrent subitement de tous les recoins.

« La prophétie de notre Déesse, et de Maria, Rose, et Sina, a été réalisée ! hurlait-il avec euphorie.

— Longue vie aux Murs ! Longue vie à nos Fondatrices !

— Longue vie à la Fertilité de notre Guide ! »

A la fertilité ?! Elle se releva d'un bond, et regarda autour d'elle avec horreur. L'herbe était teintée de pourpre. Mais ils savent que je suis ici. Elle chercha une issue, une cachette, un simple endroit pour éviter le viol collectif qui allait suivre. Le bâtiment de cette cour était vide, et essentiellement dédiée à elle. Et, là, tous ses membres tremblaient déjà au souvenir du moindre homme qui l'avait souillée. Non. Cela avait été son devoir. Non. Elle ne voulait plus revivre ça.

Pour rien au monde.

Elle repéra enfin un corridor, et y accourra du plus vite qu'elle le put – et Dieu connaissait ses capacités en sprint. Néanmoins, il savait aussi que Joan était doué en course. Il lui attrapa le poignet avec force. Elle le prit par le col avec réflexe... pour se retenir de justesse de le balancer par-dessus bord.

Ils se dévisagèrent très longtemps. La figure en rectangle de l'autre était à la limite du brisé. Il lui montra le sac qu'elle aurait dû garder auprès d'elle. Celui qui contient la Calculette de l'Espace-Temps... « Je connais un endroit où te dissimuler, Iris », débita-t-il tout bas. « Nous n'avons plus besoin de Titans, n'est-ce pas ? Nous n'avons plus de sérum, de toute manière. Tu n'as plus à partager ton don à tout va. »

Elle manqua de s'écrouler sous ses paroles. Son cœur battait si fort que ses tempes étaient sur le point d'exploser. « Maman », pleurnicha Maria, plus loin derrière. Non, ses genoux la lâchèrent définitivement. Le blond la retint de justesse, et approcha son visage du sien, les prunelles tremblotantes. « Mais... si je dois veiller sur nos futures Reines... » Reines... ? « ... je devrai en hériter d'une manière ou d'une autre. »

Le choc et le dégoût la frappèrent de plein fouet. Elle recula de quelques pas, les paupières écarquillées. « Non », chevrota-t-elle. Une cloison froide l'arrêta dans cette esquisse d'esquisse de fuite : elle ne pouvait plus que voir la silhouette de Joan.

« Tu ne vas pas les exploiter, elles aussi. Je te l'interdis ! s'écria-t-elle.

— Je ne parle pas de ça. Iris... »

Il s'agenouilla devant elle, le sac dans son dos. « Accorde-moi ce cadeau, et tu seras libre de partir. N'est-ce pas ton dernier devoir ? » Long silence. Je pourrais lui mettre un pied-bouche. Je pourrais lui péter la gueule, et le laisser là, et récupérer la Calculette, et me faire transférer. Toutefois, si je commets de tels actes... Tout ce que j'aurai construit risquera de s'écrouler. Toute l'admiration qu'on me voue, et qu'on voue à ma descendance, tombera en miettes. Tous ces efforts, toutes ces années... pour rien...

Alors, elle retint la bile qui titillait sa glotte. Son hochement de tête fut le geste le plus difficile qu'elle n'eut jamais commis. Ce qui suivit releva de la pacotille : le jeune homme ferma la porte à demi décrochée de ses gonds, et se colla à elle, le souffle déjà lourd. Elle fut incapable de lever le poing en sentant son torse brûlant contre le sien.

Comme durant ces longues années, elle ne bougea pas. Alors, il défit le haut de son propre pantalon. Elle n'eut pas le temps de voir la bosse qui l'avait modelé que le type la pénétra sans crier gare.

A cet instant-là, elle comprit que son corps ne lui avait plus appartenue depuis bien trop longtemps. Elle l'avait pensé de nombreuses fois, qu'elle n'avait servi que de poulinière et de sac à foutre... Mais jamais ne l'avait-elle compris, ni même réalisé. Et, désormais, il n'y avait plus de retour en arrière possible. Elle n'était qu'un pantin. Rien de plus.

Ainsi, elle ne contesta pas... quand bien même le transfert suivant allait ramener une chose de plus, une chose qu'elle allait certainement détester du plus profond de son être.

***

Iekaterinbourg, Russie, 4 janvier 2006

« Iris ? » l'appela une voix étouffée. L'intéressée tenta d'ouvrir les yeux, en vain. « Iris, réponds-moi ! » Elle sentit à peine qu'on venait de se saisir de ses épaules. « Est-ce qu'elle est consciente ? » Son corps bougea. Venait-on de l'asseoir sur un tourniquet ? « Son pouls bat encore. C'est peut-être... » La sensation était la même. Ça tournait, tournait, tournait. « ... le contre-effet du transfert. »

Le... transfert... Ses dents se serrèrent faiblement. Que s'était-il passé ? Elle ne s'en souvenait plus. Si. Des coups de hanche. Non. Seulement un message codé. Si. Non. Elle n'en avait pas envoyé, elle n'en avait pas eu le temps ni la force, en un mois, un mois de plus, un mois isolée de tout. Et cette douleur lointaine ? Rien. Maria, Rose, Sina, leur mine triste. C'était tout. Si.

Non.

Tout allait bien. Elle était de retour chez elle, conjecturait-elle. Albert allait-il venir ? Albert. Et... Elle écarquilla illico les paupières, discerna à peine une blondinette agenouillée en face d'elle, baissa le menton, et toussa sèchement.

Un goût aussi amer que sanguin envahit sa bouche avec brutalité. Elle dégobilla le tout dans des soubresauts tous plus violents les uns que les autres. Elle sentit à peine son vomi chaud éclabousser son corps nu et ses mains plaquées sur le béton. De la morve gluante coula bientôt de ses narines, et goutta de ses lèvres ; elle n'étouffa pas le hoquet suivant.

Et une fois que le sol fut bien sali comme il le fallait, une fois que cet enfer s'arrêta, elle s'écroula sous l'épuisement. Elle ne sentait pas même ses propres larmes. « Iris... » Elle inspira longuement. Sa joue était collée contre quelque chose de froid. De la pierre, encore ? Elle en avait vu beaucoup, pendant neuf ans. « Je suis là, tout va bien. »

Non, on était en train de lui parler en français. En français. Elle entrouvrit craintivement une paupières ; sa vue brouillée ne l'empêcha pas de reconnaître le visage triangulaire et ridé de Nathalie. Laquelle laissa échapper un long soupir de soulagement. « Bon sang... Tu m'as fait une de ces frayeurs... », murmura-t-elle d'une voix tremblante.

La rousse bloqua un long moment. Puis, de légers sanglots la malmenèrent. Et à mesure que le temps filait, ils se firent de plus en plus puissants, jusqu'à la pousser à hurler à pleins poumons. Elle se jeta dans les bras familiers et bienveillants de la Résistante, pour s'accrocher à elle de toutes ses forces.

La seconde d'après, elle se retrouvait sur un lit, bien au chaud sous des habits et autres couettes.

... Quoi ? Iris tâta l'environnement dans lequel on l'avait déposée. En si peu de temps, vraiment ? « Elle est réveillée. » Je suis... réveillée. « Il ne faut rien dire à l'autre Iris, compris ? » rappela la voix de... Stéphane ?! Elle se releva brutalement, haletante au possible, mais chancela sous un mal de crâne affreux.

« Iris, doucement ! » s'exclama Nathalie. « Là. Regarde-nous. » Elle se tourna lentement vers le duo. Une pièce grise, quelque chose de l'ordre d'une chambre, celle dans laquelle elle avait séjourné des années plus tôt avant d'être envoyée au quarantième. Et, surtout, cette cinquantenaire toujours aussi petite, et Stéphane, adossé contre l'un des murs de bitume, les bras croisés.

L'amante d'Anna lui tendit un verre d'eau dans un faible sourire. Anna. La quasi-quadragénaire ne prit la peine de dégobiller encore. Les Murs ont été construits... et elle est... en sécurité. Elle but avec lenteur, savourant chacune de ces gorgées fraîches. Ces dernières éclairèrent ses souvenirs petit à petit.

Un long silence coula entre eux trois. « Est-ce que tu te sens mieux ? » demanda finalement le général. Elle se contenta de hocher la tête. Son cœur était déchiré entre l'angoisse et l'apaisement. Anna était en sécurité, grâce à neuf ans infernaux. C'était ce qui comptait le plus. Et ce, même si elle avait été souillée encore et encore et encore.

Le jour où les Murs s'étaient élevés de terre, sa confusion avait été telle qu'elle avait tout oublié du protocole mis en place avant son transfert vers le futur. Ils avaient déjà convenu d'une date de retour, qui avait été programmée rien de moins qu'en janvier 2006. Son voyage, lui, elle l'avait subi en septembre de la même année.

Me ramener avant que mon alter-ego ne soit envoyé. Car, une fois que j'aurais retrouvé le vingt-et-unième, je me retrouverais dans une nouvelle ligne d'univers... Ainsi, envoyer un message via la Calculette de l'Espace-Temps aurait tout chamboulé, puisqu'un autre univers aurait été créé. Il n'y aurait eu que le message pour être transféré. Iris, elle, serait restée coincée dans les années 700 du futur calendrier de l'humanité.

C'était presque une bonne chose que Joan eut abusé d'elle avant de lui redonner l'objet. Suite à cet évènement, elle avait été incapable d'écrire quoi que ce soit. Et elle seulement attendu un signe de son siècle d'origine. Passive, aussi passive que durant ces... neuf ans. Bordel, neuf ans.

Elle passa une main tremblotante dans sa frange rousse.

« Un... succès. Les Murs ont été construits. La mission est un succès.

— Tu as réussi ? souffla Stéphane. En si peu de temps... ?

— Si peu de temps ? Tu te fous de moi ?! hurla-t-elle. »

Lui comme Nathalie sursautèrent, l'œil rond. « Je te verrais bien, toi, jouer au messie pendant neuf putains d'année », rit-elle avec hystérie. « Tu sais ce que ça m'a coûté ? Oh, les choses auraient pu être bien plus simples si je n'avais pas été à l'origine d'un génocide, et... » Elle serra sèchement le poing. « Et n'avais pas eu à souiller ton corps, pour donner l'exemple à deux cent cinquante-mille autres femmes ! »

Lourd mutisme. Elle s'appuya contre l'une des cloisons, les paupières écarquillées. Sa poitrine usée par trois naissances trop rapprochées se soulevait et s'abaissait à haute fréquence. Elle étouffait presque, ici. « Qu'est-ce que tu veux dire ? » laissa finalement tomber le gérant de la Résistance.

Après de longues inspirations, cinq autres verres, et d'innombrables tentatives, elle leur raconta enfin ce bordel sans nom.

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