– T'es vraiment obligé de bouder comme un vieux monsieur ?

La voix joyeuse de Lily fendit le brouhaha du port. Remus leva les yeux de sa canne pour la voir, un sourire amusé jouant sur ses lèvres, mais il ne répondit pas tout de suite. Elle était là, un peu plus loin, les mains sur les hanches, son sac à dos violet négligemment posé par terre. Elle portait une robe jaune citron qui semblait presque briller sous le soleil éclatant du sud, ses cheveux roux retenus par un foulard turquoise qui flottait légèrement dans le vent. Un rayon de soleil littéral.

Lily était toujours comme ça. Énergique. Incandescente. Un contraste flagrant avec le calme discret et souvent mélancolique de Remus.

– Je boude pas, je réfléchit marmonna-t-il en appuyant un peu plus fort sur sa canne pour avancer.

– Si, tu boudes, insista-t-elle, son sourire moqueur s'élargissant alors qu'elle se rapprochait. – Je sais à quoi tu ressembles quand tu réfléchis. Là, tu fais ta tête de "je suis triste mais je veux pas qu'on le remarque".

Elle s'arrêta devant lui et plissa exagérément les sourcils tout en pinçant ses lèvres, imitant son expression avec un tel ridicule que Remus ne put s'empêcher d'éclater de rire.

– Tu me fais passer pour un personnage d'opéra tragique, grogna-t-il en secouant la tête.

– Mais c'est ce que tu es, mon cher ! s'exclama-t-elle avec un geste dramatique, levant une main vers le ciel. – Remus Lupin, héros déchu, naviguant à la recherche de son bonheur perdu !

– Arrête, c'est embarrassant, murmura-t-il, jetant un regard autour d'eux pour s'assurer que personne ne les écoutait.

Lily, bien sûr, pouffa de rire et lui tapota affectueusement l'épaule avant de ramasser son sac.

– Sérieusement, tu vas arrêter d'avoir l'air de porter le poids du monde sur tes épaules ? On est ici pour s'amuser. T'as entendu ce mot récemment, ou je dois te le redéfinir ? "S'amuser" : verbe, signifiant profiter de la vie et ne pas réfléchir à tout ce qui va mal dans le monde.

Remus secoua la tête avec un sourire léger.

– Je sais encore ce que ça veut dire, merci.

Lily fit un petit "hmm" sceptique, mais elle n'insista pas. Elle se contenta de jeter un coup d'œil au gigantesque paquebot devant eux, le Liberté. Le navire semblait sorti d'un rêve, avec ses ponts brillants, ses multiples hublots scintillants sous le soleil et cette impression de grandeur presque irréelle.

– Waouh, murmura-t-elle en posant une main sur sa hanche. T'imagines le nombre de gens qu'ils doivent caser là-dedans ?

Remus haussa les épaules.

– Plus que nécessaire, probablement.

– Oh, mais tu vas pas commencer avec tes remarques de vieux cynique, hein ? plaisanta-t-elle en avançant sur la passerelle, trottinant presque devant lui.

Elle se tourna vers lui, marchant à reculons, son sourire malicieux toujours accroché à ses lèvres.

– Tu sais ce que j'ai lu sur ce bateau ? demanda-t-elle.

– J'ai le sentiment que tu vas me le dire, soupira-t-il, en se concentrant sur ses pas.

– Ils ont un spa. Et des bars qui servent des cocktails géants. Et écoute bien... des buffets à volonté. À. Volonté. Je vais vivre là-bas.

Remus leva les yeux au ciel, mais il ne put s'empêcher de glousser.

– Ça m'étonne pas, murmura-t-il.

– Et ce n'est pas tout ! poursuivit-elle en plissant les yeux comme si elle s'apprêtait à lui révéler un secret d'état. – Ils ont aussi des cours de danse sur le pont.

Elle fit une petite pirouette dramatique, sa robe jaune virevoltant autour d'elle.

– Je t'y traîne dès qu'on sera installés.

– Hors de question, rétorqua-t-il aussitôt, une moue faussement horrifiée sur le visage.

– Si ! Si ! protesta-t-elle en pointant un doigt vers lui. – T'as jamais dansé avec moi. Je suis sûre que tu serais magnifique, avec ton élégance naturelle et ton charme.

Remus lui lança un regard incrédule.

– Lily, j'ai une canne. Tu veux vraiment que je me casse une autre jambe ?

– Si t'arrêtes de dire des trucs comme ça, je te jure que je t'épargne les cours de salsa, grogna-t-elle en levant les yeux au ciel.

Ils continuèrent à avancer vers l'entrée du navire, où des agents souriants en uniforme vérifiaient leurs billets. Une fois à bord, ils furent accueillis par un hall principal si luxueux qu'il aurait pu figurer dans un magazine. Les lustres étincelaient, reflétant des éclats dorés sur le marbre blanc des sols. Une douce musique jazzy flottait dans l'air, et des employés en costume guidaient les nouveaux arrivants.

– C'est pas mal, admit Lily en s'arrêtant un instant pour admirer les lieux. Presque aussi chic que notre appart.

Remus haussa un sourcil, amusé.

– Notre appart ? Tu veux dire la boîte à chaussures avec une fuite au plafond ?

– Hé ! protesta-t-elle, faussement vexée. – C'est un style. Minimaliste, bohème... original.

– Bohème ? Ça ressemble plus à une cabane prête à s'effondrer au moindre coup de vent.

Lily éclata de rire et lui donna un léger coup de coude.

– Tu sais quoi ? T'es insupportable, mais je t'adore quand même.

Ils atteignirent enfin leur cabine, une petite chambre confortable avec un balcon qui donnait directement sur la mer. Lily posa son sac sur l'un des lits et se laissa tomber dessus en soupirant d'aise.

– Je veux pas rentrer à Londres. Jamais.

Remus, lui, s'assit lentement sur l'autre lit, posant sa canne contre la table de chevet. Il resta un instant silencieux, son regard perdu au loin, fixé sur le bleu infini de la mer qui s'étendait devant eux.

– Peut-être qu'on devrait pas rentrer, murmura-t-il.

Lily tourna la tête vers lui, son sourire s'adoucissant.

– Ça te ferait du bien, tu sais. De vraiment lâcher prise.

Il détourna le regard, se massant distraitement la jambe.

– J'essaie. C'est juste... compliqué.

Elle hocha la tête, mais avant que l'atmosphère ne devienne trop lourde, elle bondit de son lit, décidée.

– Bon, assez de discussions déprimantes. Je vais explorer le bateau. Tu viens ?

Remus hésita, puis acquiesça avec un sourire.

– D'accord. Mais seulement si tu promets de pas m'emmener danser.

Lily leva une main, une expression angélique sur le visage.

– Je promets rien.

Et ils quittèrent la cabine ensemble, leurs rires résonnant dans les couloirs alors qu'ils se perdaient déjà dans l'excitation de leur voyage.