Cauchemar de vie
La cabine était sombre, baignée par la lumière tamisée d'une lampe posée sur la table de chevet. La mer se faisait entendre au loin, calme, mais persistante. Remus était allongé sur son lit, ses yeux fixant le plafond, mais son esprit vagabondait bien loin de cet endroit. Il n'arrivait pas à se détendre. Les souvenirs de son passé l'assaillaient toujours, peu importe le moment. Il ferma les yeux un instant, mais tout se bouscula dans sa tête.
Il revoyait sa mère, toujours si exigeante. Il n'avait que 12 ans lorsqu'elle l'avait poussé dans ce monde de faux sourires et de glamour. À l'époque, il ne savait pas que c'était le début de quelque chose qui le marquerait pour toujours. Elle lui répétait sans cesse que c'était la seule chose qu'il savait faire, que c'était son avenir. "Tu es beau, Remus, c'est ça ta chance. C'est ce qui te permettra de vivre une vie que moi, je n'ai jamais eue." Ces mots, il les entendait encore dans sa tête, comme des échos dans un lointain désert. C'était son rêve à elle, pas le sien. Il s'en souvenait si bien. Les défilés, les shootings, ces photographies qui immortalisent des moments qu'il n'avait pas choisis.
Il se souvint de la première fois qu'il avait posé devant un appareil photo. Il n'avait que 14 ans, et sa mère l'avait obligé à sourire, à regarder l'objectif comme si sa vie en dépendait. Elle lui avait dit que c'était "ça" la vie, que tout le monde devait être vu, admiré, pour exister. Et il s'était conformé. À cet âge, il n'avait pas eu le choix. C'était la seule chose qu'il savait faire, la seule chose que sa mère lui avait enseignée.
Puis il pensa à son père, à la lente dégradation de sa santé avant qu'il ne parte trop tôt. Le cancer l'avait emporté en quelques mois, et Remus se souvint de la douleur dans les yeux de sa mère ce jour-là, quand elle lui avait dit qu'il fallait tout faire pour réussir. Il n'était plus qu'une ombre dans sa vie, une ombre qu'elle avait poussée à poursuivre un rêve qu'il n'avait pas choisi. Et même après la mort de son père, il avait continué, sous la pression de cette femme qui n'avait jamais su comment aimer autrement que par ses exigences.
Mais tout s'était écroulé ce jour-là. Il se souvenait de l'accident de voiture comme si c'était hier. Il se souvenait de la douleur, de la confusion. Il se souvenait du bruit métallique de la voiture, des éclats de verre, de la chaleur de l'air saturé de peur. Quand il avait rouvert les yeux, il n'était plus le même. La canne qu'il utilisait désormais était la constante qui le rappelait à sa nouvelle réalité. Et sa mère, cette femme qu'il avait tant détestée pour ce qu'elle lui avait imposé, n'était plus là. Elle avait été la passagère, la victime de cet accident. Il ne l'avait pas protégée, et ça, ça le hantait tous les jours. il avait tué sa mère
Lily... Elle était là, auprès de lui, quand tout avait basculé. Elle était celle qui l'aidait à retrouver un semblant de normalité, l'amie fidèle qui, malgré les difficultés de la vie, ne l'avait jamais laissé tomber. C'est grâce à elle qu'il avait arrêté de se laisser engloutir par la colère et la tristesse. Elle l'avait soutenu quand il avait décidé de laisser derrière lui le mannequinat, cette carrière qu'il n'avait jamais vraiment voulue. Il n'avait pas pris cette décision seul. Il avait pris la décision de reconstruire sa vie avec Lily, loin des projecteurs, dans la simplicité d'une chocolaterie à Londres. Mais même là, dans cette nouvelle vie qu'ils avaient bâtie, il y avait des moments où il se sentait encore prisonnier de ce passé.
Il inspira profondément, cherchant à calmer la tempête qui faisait rage en lui. Les souvenirs se bousculaient, mais ce qui le frappait le plus, c'était le silence qui suivait. Tout était si calme à l'extérieur, mais à l'intérieur, tout était encore trop bruyant. Il ne savait pas comment faire taire ce bruit. Il n'avait pas les mots pour le dire. Pas à Lily, ni à personne. Il avait beau avoir surmonté l'accident, avoir appris à marcher avec la canne, à vivre à nouveau, il se sentait toujours marqué par ce qui avait été, ce qu'il avait dû endurer.
Il se leva enfin, la douleur lancinante dans les jambes. Il se dirigea vers la fenêtre, écoutant les vagues se briser contre la coque du navire. La mer, elle aussi, semblait avoir ses propres vagues, ses propres tourments. Mais la mer ne s'en préoccupait pas. Elle continuait, comme lui. Même si, parfois, il avait l'impression que son passé l'empêchait d'avancer.
Il avait vécu des mois de rééducation, des jours où il pensait qu'il ne se remettrait jamais, où il se demandait s'il allait pouvoir continuer à marcher. Et pourtant, il l'avait fait. Mais il n'avait pas retrouvé ce qu'il avait perdu. Il n'avait pas retrouvé cette tranquillité d'esprit qu'il cherchait désespérément.
Alors qu'il s'apprêtait à retourner dans son lit, il entendit des pas légers dans la chambre. lily venait de se réveiller. Elle le regarda, inquiète, ses yeux brillant d'une compréhension silencieuse.
— Tu vas bien ? lui demanda-t-elle, sans forcer.
Remus hocha la tête, mais il ne réussit pas à masquer la tristesse qui pesait dans ses yeux. Lily s'approcha et posa une main douce sur son épaule.
— Je sais que ça n'a pas été facile pour toi, souffla-t-elle. Mais tu n'es pas seul, Remus. Tu ne le seras jamais.
Il ferma les yeux, ressentant une vague de gratitude. Ce n'était pas juste de la compassion. C'était l'amour, pur et sincère. C'était l'amour qui avait été là à chaque étape, qui ne l'avait jamais abandonné, même lorsqu'il avait pensé que tout était perdu.
— Je sais, répondit-il d'une voix brisée. Mais parfois, j'ai l'impression que rien ne pourra effacer ce que j'ai vécu. C'est... comme une marque indélébile. Et je n'arrive pas à la faire disparaître.
Lily le regarda en silence. Elle savait qu'il ne parlerait pas davantage ce soir. Mais elle savait aussi qu'il finirait par se confier, qu'il finirait par tout lui dire, quand il serait prêt. Pour l'instant, elle se contenta de rester près de lui, lui offrant une présence silencieuse mais chaleureuse.
Elle l'aida à se remettre sous les couvertures, lui caressant doucement les cheveux. Remus ferma les yeux, épuisé par la journée et par le tumulte de ses pensées. Mais, ce soir-là, dans cette cabine, il n'était pas seul. Il y avait Lily. Sa meilleure amie.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top