𝓒𝓱𝓪𝓹𝓲𝓽𝓻𝓮 3

Tout se plisse, s'entortille, s'enroule et se mélange comme un nœud de milliers de serpents. Des corps d'hommes, femmes et enfants tombent sans répit. Le sable, le sang et les larmes se confondent dans des grumeaux épais sur leur visage mutilé. Les plus jeunes, garçons ou filles, sont déjà en ligne et ne tardent pas à avoir des lourdes chaînes à peu près partout, écrasant leur plaie, déchirant un peu plus leur peau crémeuse. La mer se déchaîne, mange les cadavres et les envoie au loin, comme pour essayer d'accéder aux innocents bientôt embarqués. Elle emmène ses propres galets polis et lèche les jambes des soldats, bien trop armés par comparaison au peuple massacré.

Je me surprends à prier un dieu qui ne viendra pourtant pas. Ils ne viennent jamais. Des gouttes d'eau salées tombent sur mes plaies, mais je ne les sens pas. Je ne les sens plus. Du sang coule de mon visage, m'empêche de voir. La chaleur me donne soif, mes lèvres sont craquelées comme un désert, et le soleil qui frappe en continu sur mon crâne me fait tourner de l'œil. Une voix grave résonne, et on nous pousse. Alors, on avance. Sur les côtés, je vois les morts. Par dizaines. Par centaines.

Dans la citadelle, par milliers.

Les flammes dévorent les murailles, les bêtes mortes, les cadavres, les maisons. Les temples aussi. Ceux où nous avons prié jour comme nuit pour de la pitié, jamais arrivée. Les corbeaux chantent dans des croassements gras, des entrailles dans leur large bec noir. L'odeur de charogne me retourne le ventre, et celle de chair brûlée n'arrange rien. Un garçon, en face de moi, chantonne. Les chaines semblent immenses par comparaison de son maigre corps. Des larmes marquent son visage sec et brûlé de sillon de sel, et il chantonne, d'une voix cassée, abîmée à force de crier, et par manque d'eau. Je ne sais pourquoi, mais ça m'apaise, et me ferai presque oublier que nous sommes seuls. Bien vite, un soldat l'attrape par les cheveux, le force à lever la tête, et ricane.

« Tu chantes ? »

Un autre s'approche, lui demandant ce qu'il se passe. Je ne comprends plus, je ne sais pas si c'est parce que la chaleur et la douleur m'empêchent de penser, ou si c'est parce qu'ils parlent dans une autre langue. Toujours est-il qu'ils le retirent du rang. Il cri, se débat, comprenant sûrement contrairement à moi. Avec mes dernières forces, j'essaye de l'aider. Ils n'ont pas le droit de l'emmener. Mais l'un me donne un violent coup, me faisant tomber, tandis que l'autre l'entraîne, le tenant toujours par les cheveux. Le soldat me force à me relever, en me tirant par le bras, où une grande plaie dormait. Je cri, et peine à me redresser. Ses ongles se plantent dans ma chair à vif, et la douleur me renverse. Mes yeux basculent en arrière, et je tombe. Mais ils ne m'auront pas. Parce que même s'ils ne le savent pas encore, je serai le carnage qu'ils ont semé.

Parce que même s'ils ne le savent pas encore, je les tuerai tous comme eux, sans pitié.

Parce que même s'ils ne le savent pas encore, dans mon sang coule celui d'un monstre pas encore éveillé.

Et bientôt, je serais debout, pour les renverser.

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