𝓒𝓱𝓪𝓹𝓲𝓽𝓻𝓮 28

Le claquement de sabot de l'étalon noir résonnait dans toute la rue pavée, mais les regards se portaient surtout sur le cavalier, drapé d'un tissu sombre, d'un bleu abyssal. Son visage était caché par l'ombre de sa capuche, longue et épaisse comme celle d'un mercenaire. Le souffle qui sortait des naseaux de son cheval était tout aussi inquiétant, si bien que les passants se virent presser le pas alors qu'ils le voyaient s'approcher. Il tranchait la rue en deux, avançant pile au milieu de la route. Même s'il était sur un bord, on n'aurait pas pu le rater, mais là, il fallait admettre qu'il était pour le moins qu'on puisse dire impressionnant.

Le palais du roi au loin surplombait la ville, de par ses grandes murailles d'un blanc étincelant, ses sculptures d'or, et sa construction de marbre. Et il y avançait, sûr de lui, comme une ombre qui cherchait son soleil pour briller. Et pour cause, le voir avancer dans les rues brillantes de la citadelle ne pouvait pas faire plus violent contraste, et le laissait être vu, sans honte. Il se redressa un peu, paraissant encore plus colossal, allant droit à son but.

Les portes du palais s'ouvrirent devant lui, le roi sachant pertinemment sa venue. Les soldats, pourtant entraîné pour être de pierre, était eux-mêmes impressionné comme face à la mort elle-même. Il descendit de son cheval, qui frappa du sabot par terre, et le laissa là, comme dans une écurie, avant de monter les marches en verre du château de cristal. Il déboula dans une large pièce très éclairée par de multiples lustres en citrine, ornés d'émeraude ou de rubis, et d'immense fenêtre. Il semblait être si brutal face à tant de finesse. Le roi, assis au fond sur un trône d'or, le regardait d'un œil méfiant. Sa barbe très bien taillée commençait à être blanche, et diverses rides marquaient son visage.

« J'ai été prévenu de ton arrivé, étranger. Je comptais les secondes avant ta venue. Il paraît que tu as rencontré tous les rois des royaumes côtiers ? »

Il ne répondit rien, et avança sur les dalles de marbres qui glissaient sous ses pieds. Ses semelles de cuirs adhéraient au sol, comme si elles avaient étés faites pour. Comme les chaussures des soldats. Un garçon s'approcha du roi, une jarre à la main, vêtu d'un voile blanc. Mais Sa majesté le chassa d'un mouvement de main, agacé.

« Reviens plus tard, ne vois-tu pas que je suis occupé, imbécile ? »

Le jeune homme s'excusa et reparti. Le roi se redressa, fixant intensément les cuisses du servant que sa tunique laissait apparaître. Elles étaient finement musclées, et parfaitement lisse, comme celle d'une fille. L'étranger, dans sa cape, lui adressa un rapide regard, avant de se reconcentrer sur l'homme orgueilleux en face de lui, qu'il commençait doucement à haïr. Sa majesté se tourna, et se racla sa gorge grasse :

« Parle. Et cesse de regarder ainsi ce garçon, il est déjà mien. »

L'homme prend une bouffée d'oxygène, et commence à rire, froidement. Non, cruellement. Il secoue la tête, et s'avance encore un peu. Les soldats remuent, et se marmonnent des choses. Fallait-il intervenir ? Le roi les coupa d'un mouvement de main, signifiant que tout était sous contrôle. Il mentait.

« Retire ta capuche, c'est la moindre chose face à quelqu'un de plus haut.

-Vous m'en direz tant. »

Il retire son voile, comme ordonné, et la stupeur se fige alors sur le visage des membres présent dans la pièce. Le roi peina à avaler sa salive, et une grosse goutte de sueur froide semblait couler le long de son dos. L'étranger avait la moitié du visage défiguré par une large cicatrice de brûlure, qui partait de son sourcil gauche jusque sous sa lèvre inférieure droite. Des cheveux blancs étaient tressés, à même son crâne, et la couleur semblait naturelle mais pas dû à la vieillesse, car en effet il devait avoir la vingtaine, peut-être un peu plus. Peut-être un peu moins. Sa peau mate faisait ressortir ses yeux verts, qui lui donnait un regard animal.

« Je suis Elia, survivant du clan de l'Ouest, bras droit d'Askew Alan Walter, descendant de Lydia Mercy, et je viens ici sous le nom du Corbeau, messager et mercenaire. Votre Majesté, il semblerait que je sois un peu au-dessus de vous, si j'en crois la hiérarchie. »

Rien. Pas un mot, pas une réponse. Juste un lourd silence, qui bourdonnait dans l'oreille du roi, et pesait sur la salle. Il toussa un peu, et essaya de garder la face :

« Sheridan, reviens-là. »

Sheridan. Un nom qui arracha une grimace à Elia. Ce n'était pas un nom que l'on donnait aux humains, mais plus souvent aux canidés, voir même aux félins. Le garçon réapparut, la tête basse.

« Sers-nous donc un verre de vin, veux-tu ?

-Oui Votre Majesté. »

Le roi regarda Elia, les yeux plissés.

« Tu as dis messager, je me trompe ?

-Non, vous m'avez entendu.

-Et bien dis-moi, quel était le message ? »

Mais Elia ne répondit rien. Il avait besoin de laisser agir le plus vil des venins, le plus agressif des poisons : Le silence. Il pesait tour à tour sur les soldats, le roi, les servantes, de nouveau les soldats. Tous étaient suspendus à ses lèvres, prêts au pire, le suppliant du regard de parler. Mais il les laissait attendre, pour avoir plus d'effets une fois la sentence tombée.

« La Citadelle est tombée. Les femmes ont étés brûlés, les hommes tués, les enfants enfermés, les adolescents enlevés. »

Nouveau silence. La Citadelle est pourtant la plus grande forteresse, si elle a cédé c'est que les temps sont plus graves que ce qu'il n'y parait. Le jeune servant releva la tête, son regard s'accrocha à celui d'Elia. Il n'allait pas le laisser là, au creux des mains d'un homme aussi écœurant que celui assit sur ce trône trop étroit pour son corps si flasque et égoïste. Mais là de suite, il ne dit rien, et observa juste la réaction générale qu'il savourait avec vice. L'ensemble commença à chuchoter, souffler, marmonner, s'inquiéter, s'agiter.

« Très bien, Corbeau. J'en parlerai avec l'assemblée. Si la nouvelle se répand jusqu'ici, je veux qu'il soit dit que tout est sous contrôle. »

Le roi se leva, fier de cette prise de parole, et disposa. Elia s'approcha de Sheridan, ce dernier l'observant de ses grands yeux de biche. Quelques mots furent échangés, discrètement, et le messager se retourna pour s'en aller. Il reviendrait dans la soirée. Il était venu seul, mais repartirai avec quelqu'un, c'était convenu. Plus qu'un doux début d'amour, il était là un sauvetage : si la Citadelle était tombée, cette ville serait la prochaine, et sa fin se verra arriver plus vite qu'une flamme sur un filet de poudre.

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