SUTURE(S)
𝕾𝖚𝖙𝖚𝖗𝖊(𝖘)
((𝔏𝔬𝔬𝔨) 𝔞𝔪 ℑ 𝔭𝔯𝔢𝔱𝔱𝔶 𝔩𝔦𝔨𝔢 𝔥𝔢𝔯 ?)
Seokjin sortait avec Yoongi, et Jeongguk était prêt à faire n'importe quoi pour pouvoir être à sa place. Quitte à lui ressembler.
yoonkook
(side ship : yoonjin / yoonjinkook)
extreme surgery!au (like, this is unreal but go with the vibe ok, jvous parle pas de oli london mais d'un double, littéralement)
changing face
toxic relationship + toxic obsession / stalking
possessive & jealous
murder
graphic scenes
pshychopath!jk
bottom!yoongi
top!jeongguk / seokjin
(ndla: vous avez pas idée combien de fois Onikaid m'a réclamé cet os mdrr, so here it is ma puce, j'espère que tu vas aimer !)
(ndla bis : c'est très fucked up. à tous les lecteurs qui pourraient être un peu jeunes : ceci n'est pas de l'amour.)
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Ce fut avec un sourire presque euphorique que Jeongguk attendit la police.
Le sang rubicond avait un goût exquis sur sa langue, et il avait léché comme un homme affamé les gouttes vermeilles le long de ses doigts quand il avait entendu le cri des sirènes, au loin. Il savait que l'homme, gisant mollement à ses côtés, avait une peau au parfum délicieux, mais il ignorait que son hémoglobine pourrait être encore plus tentante.
Mais malgré cette ivresse folle qui pulsait dans ses veines, alors qu'il plongeait encore et encore ses doigts dans la marre de sang noire qui grandissait sur le tapis beige du salon, il ne put s'empêcher de se dire que la police gâchait sa découverte, arrivant bien trop vite pour qu'il puisse profiter de son festin.
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Jeongguk dut presque détourner le regard tant la vision lui serrait le cœur.
Il savait, qu'en s'adonnant à ce genre d'activité d'observation, qu'il était voué à assister à des scènes qui le ferait languir de douleur, de jalousie et d'impatience, et il avait mis un point d'honneur, lorsqu'il avait installé son matériel il y a de cela des semaines, qu'il ne faiblirait pas et continuerait sa mission. Peu importe s'il n'avait qu'une envie, celle de laisser ses impulsions prendre le contrôle de sa raison, et foirer son plan en seulement deux secondes. Ce n'était qu'une question de jours avant que son dessein soit mis à exécution, et, bientôt, cette vie qu'il espérait tant serait la sienne.
Avec un soupir, il recula légèrement de sa paire de jumelles, se frottant ses paupières fatiguées. Jetant un coup d'œil au carnet posé à côté de lui, il relu, pour la millième fois depuis le début de tout cela, toutes les informations qu'il avait noté et qu'il connaissait déjà par cœur. Sur le coin de la page, l'encre avait bavé sous ses larmes — de rage ou de tristesse, cela n'avait que peu d'importance.
S'il relevait la tête en direction de l'appartement en face du sien, aux grandes baies vitrées qui donnaient une vue imprenable sur la ville, il pourrait voir avec douleur la façon dont Yoongi riait, la façon dont Seokjin l'embrassait, et la façon dont ils évoluaient tous deux dans la cuisine avec un sourire sur leurs lèvres. Quand son propriétaire lui avait donné les clés de son appartement, il y a quelques mois de cela, Jeongguk ne se doutait pas de ce qui l'attendait. Ne se doutait pas de ce couple, dans l'immeuble en face du sien, dansant dans le salon et riant à gorge déployée. Ne se doutait pas plonger dans l'abysse de la folie et de l'obsession, quand il avait découvert pour la première fois le visage de l'un d'eux, contemplant la vue en contre-bas d'un regard songeur, soufflant doucement sur son café brûlant.
Yoongi était parfait.
Absolument, indéniablement, irrévocablement, parfait. Le vocabulaire terrestre et mortel ne suffisait pas pour décrire ce qu'il était ; il pourrait écrire de la poésie sur son sourire, des rimes sur ses yeux, des sérénades sur la vallée de ses clavicules. La première fois qu'il avait vu, là, devant sa fenêtre, Jeongguk avait été comme figé sur place, vulgaire statue de glace — les trompettes des anges, les soupirs des âmes démoniaques, la terre qui arrête de tourner, le temps qui se fige pendant un instant, tout. Cet amour languissant que décrivaient tous les écrivains, qu'il avait longtemps ignoré pensant que ce n'était qu'un tissu de connerie, était donc vrai.
Et, avec le temps, ce qui n'était censé être qu'une amourette se développa en véritable tsunami, balayant ses pensées pour n'être remplacées que par la vision de Yoongi, son nom sur la pointe de sa langue et son sourire dans ses rêves. Comme les éclairs qui zèbrent le ciel, comme la tornade qui efface tout sur son passage : son visage dans sa jouissance, son visage dans son impatience, son visage dans son espérance. Si cela ne tenait qu'à lui, déjà que l'homme aux cheveux ébènes serait à lui, déjà qu'il serrerait l'objet de toutes ses préoccupations dans ses bras et son cœur dans ses mains.
Seulement voilà ; s'il y avait bien un point sur lequel Yoongi n'était pas parfait, c'était qu'il avait déjà quelqu'un dans sa vie.
Sûrement que dans d'autres circonstances, dans un univers parallèle, Jeongguk aurait apprécié Seokjin. Il était plutôt séduisant, souriait aux vieilles femmes en bas de l'immeuble et aidait à porter leurs courses, et si on en croyait les paupières papillonnantes de Yoongi dès qu'il goûtait un de ses plats, était fin cuisinier. Mais pour la simple raison qu'il pouvait toucher, embrasser, étreindre, faire rire et aimer l'objet de tous ses désirs, alors que lui-même en était — pour l'instant encore — incapable, pour cette simple raison il était le sujet de toute sa haine. L'obstacle, le dernier rempart qui se dressait entre le brun et son but, et il avait bien l'intention de balayer cette entrave d'un mouvement de bras.
Ses yeux se portèrent en direction du calendrier qu'il avait accroché au mur de sa chambre, ses prunelles comptant pour la énième fois le nombre de jours qui le séparait de la date fatidique, les chiffres annonciateurs éclairés par la télévision. Comble de l'ironie, sa chaîne préférée diffusait Fenêtre sur Cour, d'Hitchcock. Bientôt, dans quelques lunes, les rôles seraient inversés, et Jeongguk pourrait assouvir ses plus profondes pulsions. Dans quelques jours, une fois que l'opération chirurgicale achevée, il en sortirait nouveau, renaît, et vainqueur.
Ce n'était qu'une question de temps, et même si son impatience rongeait ses intestins et les dernières bribes de forces mentales, il devait se montrer calme et assidu.
Le bruit d'un klaxon, en contrebas, lui fit relever la tête, et son regard se replongea dans une scène dont il rêvait faire part.
Là, en face de lui, dans cette cuisine et moderne aux murs de verre, se tenait Seokjin et Yoongi, discutant autour d'un verre de vin et au gré des bonnes odeurs de repas, insouciants du regard intense que posait Jeongguk sur eux — sûrement avaient-ils cru les promoteurs immobiliers, quand il leur avait dit que l'immeuble était recouvert d'un film privatif empêchant quiconque de regarder chez eux.
Seokjin, un tablier attaché autour de ses hanches et une serviette jetée sur son épaule, épiçait un plat tout en répondant à la supposée question de son amant, un sourire doux sur ses lèvres alors qu'il jetait un regard en arrière en direction du noiraud. Le brun, à l'abri derrière ses jumelles, nota un autre détail sur son carnet, s'ajoutant à la liste de petits faits et gestes qui rendait le blond si unique. "Goûte avec la pointe de son index droit".
Car, après tout, si Jeongguk voulait lui ressembler, s'il voulait se faire passer pour lui, il devait être irréprochable.
Mais, comme à l'accoutumée, au lieu d'observer son sujet d'étude, son regard, ses pensées et toute son attention furent bien vite obnubilés par Yoongi. Son pull noir glissait légèrement le long de son épaule, et l'espace d'un instant, il imagina ce que cela ferait de planter ses dents dans la chair de porcelaine et d'embrasser son torse gémissant. La main en coupe autour de son visage, faisant tournoyer pensivement son vin dans son ballon en verre, il regardait avec un air attendri son petit-copain, ses lèvres si attirantes prononçant des mots qu'il, hélas, ne pouvait pas entendre.
S'il fermait les yeux, il pouvait presque s'imaginer à la place du blond : l'odeur du japchae cuisant sur les plaques de cuisson, la vapeur humidifiant la pièce, le doux bruit des épices qui chantent dans la casserole, le goût du vin rouge sur sa langue, la mélodie de Yoongi racontant sa péripétie du jour. Il s'imaginait, se pencher au-dessus de l'îlot central et capturer les lèvres de velours dans un baiser, glisser sa langue contre la sienne, et entendre le soupir de son amant contre sa bouche. Se laisser perdre dans la douceur de ses caresses, avant d'entendre murmurer un "le repas va brûler si tu continues", et d'achever cette petite parenthèse dans un dernier smack et un rire, avant de reprendre leur conversation là où elle en était.
Bien sûr qu'il rêvait de prendre Yoongi violemment contre le canapé du salon, dans leur douche italienne, attacher ses poignets et goûter son antre de sa langue, plaquer une main contre sa gorge et faire de profonds va-et-vient en lui. Il en rêvait, forcément, la nuit, au creux de ses draps, la jouissance picotant tout son corps et son nom sur le bout des lèvres.
Mais il imaginait aussi quelle serait la vie avec lui : cuisiner ensemble le soir, comme aujourd'hui, ou masser ses mollets en train de regarder une série niaise à la télévision, ou faire le ménage ensemble et partir en bataille d'oreillers dans tout l'appartement, ou même plier le linge à deux, l'odeur de la lessive se mélangeant avec le musc de son amant. Ces gestes si domestiques qu'il crevait de partager avec lui.
Il le voulait, peu importe comment, peu importe de quelle façon, mais le jour où il était tombé sur sa silhouette rêveuse, il avait juré qu'il serait sien.
Quand il ouvrit les yeux, la vision qu'il avait imaginée semblait s'être transformée en réalité, et son cœur se serra de nouveau face à cette scène.
Yoongi avait fait le tour de l'îlot, et Seokjin le pressait contre le plan de travail, sa bouche fiévreuse sur la sienne, ses grandes mains sur ses hanches, une cuisse faufilée entre ses deux jambes. Et le noiraud, créature parfaite qu'il était, avait ses bras autour des épaules imposantes de son amant, sa tête rejetée en arrière alors que la langue mutine du blond venait dessiner quelques œuvres d'art sur sa peau brûlante. Sa bouche était entrouverte dans ce qui semblait être un soupir obscène, et combien de fois le brun s'était-il imaginé la mélodie de ses plaintes contre ses lippes ? Combien de fois avait-il rêvé de la cascade de gémissements qu'il tirerait de lui, son épiderme électrique et ses yeux débordant d'une concupiscente lourde et épicée ?
Et même si cela torturait Jeongguk de jalousie que de voir son fantasme dans les bras d'un autre homme, gémissant dans l'oreille d'un autre homme, frottant son bassin contre celui d'un autre homme, il ne pouvait détourner le regard. N'avait jamais pu, pas quand Yoongi se glissait à genoux devant Seokjin sur le canapé, pas quand le blond le prenait à même le tapis de leur salon, pas quand celui qui haïssait tant avait son visage plongé dans le fessier du noiraud, la joue plaquée contre la porte d'entrée, ses clés encore dans sa main et essayant désespérément de se rattacher à quelque chose.
Si Jeongguk ne pouvait pas l'avoir tout de suite, au moins vivait-il son plaisir à travers Seokjin, comme par procuration.
Quand les mains du plus jeune délièrent le tablier et glissèrent sous la chemise de son amant, Jeongguk se réinstalla derrière ses jumelles. Cela faisait bien longtemps que ce sentiment de honte et d'embarras, que de se comparer à l'équivalent d'un pervers, ne venait plus rougir ses joues ; à présent il avait accepté cette partie obsessionnelle en lui, et si les verres grossissants lui permettaient de mieux admirer la façon dont les paupières du noiraud papillonnaient, la façon dont sa langue mutine venait titiller les boutons de chairs de l'homme en face de lui, la façon dont ses doigts de pianistes tiraient avec ferveur sur le col du blond, alors il n'allait certainement pas s'en priver.
Ce soir-là, comme beaucoup d'autres soirs avant lui, il jouit la main dans son pantalon en même temps que Yoongi, à travers la vitre. Dieu que la vision de leurs ébats étaient plus érotiques, plus luxueuse, que n'importe quel film mature avait-il eu la chance de voir.
Mais au fond de lui, même s'il vouait une profonde admiration pour cette créature de tous les diables, il y avait dans son esprit embrumé par l'orgasme, un goût de trop peu, un goût métallique du sang et de l'exaspération. Parce que Yoongi n'était pas encore totalement sien, et que parce que c'était Seokjin qui avait l'honneur de lui procurer toutes ces sensations.
Bientôt, bientôt, il sera celui qui l'emmènerai de l'autre côté de l'abîme, laissant les acmés délicieuses laver leurs soucis. Bientôt, il lui montrera qu'il est meilleur que Seokjin.
Bientôt, Yoongi serait sien.
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Ce fut avec un sourire presque euphorique que Jeongguk attendit la police.
Le peu de self-control qu'il s'était imposé depuis son arrivée dans l'appartement n'avait pas été suffisant pour contenir ses plus sombres pulsions. La dernière partie rationnelle de son esprit, combattant vaillamment contre les obscures envies de leur maître, lui murmurait d'une voix faible que c'était dommage que Yoongi ait à mourir.
Mais l'autre partie de sa conscience, les mots vils et aussi doux que du miel, les mêmes qui l'avait poussé à frapper, encore et encore, se félicitaient de son œuvre. Là, debout, l'arme à la main, et le corps de l'objet de son obsession gisant sans vie à ses pieds.
Car s'il ne pouvait pas avoir Yoongi, alors personne ne l'aurait.
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Le Professeur Park était presque tout aussi excité que Jeongguk quand il lui avait exposé son projet.
Sa clinique, sophistiquée, soignée, et impossiblement high-tech, trônait au centre de la capitale avec une certaine fierté, rivalisant avec les grands immeubles en verre des bureaucrates autour. Son nom avait fait la une de nombreux journaux, s'étalait sur les grands panneaux publicitaires dans le métro. Dans un pays où la chirurgie esthétique était offerte comme un rite de passage à l'âge adulte, son marché n'avait été que fleurissant, et son crédo d'offrir une vie meilleure résonnait de façon particulière dans le cœur du jeune homme. Ce n'était que grâce à lui qu'il pourrait se métamorphoser pour pouvoir assouvir ses désirs, pour pouvoir conquérir Yoongi.
La veille de l'opération, il n'avait pas réussi à fermer l'œil.
Les voisins d'en face s'étaient couchés tôt, mais le brun n'en avait cure ; bientôt, bientôt, il pourrait contempler le noiraud à sa guise, l'embrasser quand bon lui semblait, et son esprit n'avait jamais été aussi impatient. Pour la première fois peut-être depuis des mois, il ne s'était pas caché derrière ses grandes jumelles : dans quelques heures, il serait dans cet appartement, serait devant l'objet de son admiration.
Bientôt, cette folie qui faisait partie de lui et qui le poussait à écrire ces notes perverses se tariraient comme neige au soleil ; il n'avait plus à répéter devant son miroir, n'avait plus à s'entraîner pour imiter Seokjin à la perfection, car bientôt, le visage qui manquait pour que son œuvre soit parfaite serait sien. Car bientôt, Yoongi le confondrait avec son ancien amant. Car bientôt, il aurait absolument tout ce qu'il avait toujours voulu.
Le Professeur Park lui avait assuré que la cicatrisation serait rapide ; peut-être l'était-ce en effet, mais Jeongguk était trop impatient pour en apprécier les prodiges. Et aujourd'hui, ce fut avec une certaine émotion qu'il s'installa devant le grand miroir, Park abordant un grand sourire derrière lui.
Sa tête était couverte de bandages blancs, où seuls ses yeux et sa bouche ressortaient — cela faisait quelques semaines que ses lèvres étaient plus pulpeuses déjà, fruit d'une précédente opération.
"Vous êtes prêt ? demanda le chirurgien derrière lui, son rictus ne quittant pas ses lippes.
Si seulement il savait quels desseins ricochaient dans l'esprit de Jeongguk, sûrement que ce sourire disparaitrait bien vite.
Car peu importe s'il avait une nouvelle image, une nouvelle identité ; le monstre à l'intérieur de lui qu'il avait tant essayé de dompter étaient prêt à déchirer sa poitrine d'un coup de griffes noires puissantes. Ces quelques points de sutures n'étaient qu'une façon ou une autre de révéler le véritable moi au fin fond de lui.
Le Professeur Park prit son silence pour de l'appréhension — qui n'en était pas, en réalité —, et commença à défaire les longues bandes blanches, comme on déballe un cadeau de Noël, comme on découvre une surprise, la surprise pour laquelle il était resté éveillé tant de fois la nuit. L'homme derrière lui interpréta de nouveau de travers, comprenant la façon dont il se mordait la lèvre pour une forme de nervosité.
En réalité, s'il plantait ses dents dans sa lippe intérieure, c'était simplement pour ne pas crier de joie devant son plan sur le point de s'accomplir.
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Ce fut avec un sourire presque euphorique que Jeongguk attendit la police.
Il savait que les conséquences seraient désastreuses. Sûrement serait-il abattu sur place, ou passerait-il sa vie derrière les portes capitonnées d'un hôpital psychiatrique. Mais le futur n'avait que peu d'importance, alors que les derniers remparts de sa lucidité s'étaient écroulés sous le poids des vagues de sa folie, caressant de ses mains pleines de sang le visage froid de Yoongi avec un ricanement exalté. C'était ce qu'il avait toujours voulu, toujours rêvé, et rien ne l'empêcherait de goûter à ce sentiment de satisfaction pure qui coulait le long de sa colonne vertébrale.
Rien ne pourrait l'empêcher de serrer le mort dans un rire dément.
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Seokjin soupira en poussant la porte de l'escalier de service qui menait au parking souterrain. Ses talons claquaient contre le bitume lisse et résonnaient silencieusement, l'odeur d'essence et de cuir neuf imprégnant ses narines. Il venait de sortir du boulot, et n'avait à présent qu'une hâte : de faire vrombir le moteur de sa voiture, de rentrer chez lui, de serrer son amant dans ses bras et d'oublier dans un verre de vin la journée merdique qu'il avait passée. Il y avait encore un rapport, au fond de sa sacoche, qui l'attendait, mais il pouvait bien se permettre de passer une soirée sans y penser.
Il envoya un rapide message à Yoongi pour le prévenir qu'il sera bientôt de retour. Rangea son portable dans la poche arrière de son jean. Tâtonna ses poches à la recherche des ses clés. Mais ne remarqua pas l'ombre qui s'était glissée devant lui, et ne put que sursauter quand une voix le tira de ses rêveries :
"Bonjour, Seokjin.
L'interpellé releva le regard, et la vision qu'il vit devant lui lui coupa le souffle.
Car, devant lui, avec un sourire carnassier peint sur ses lèvres... se tenait sa copie exacte.
Un jour, Yoongi et lui avaient appris que chaque être humain avait en moyenne 7 sosies sur Terre, et s'étaient imaginés, leurs rires étouffés par le pop corn, ce que cela ferait de se retrouver par hasard devant l'un d'eux.
Seulement... Seulement Seokjin n'avait pas envie de rire, à ce moment-là. Tout de l'aura de l'homme en face de lui, qui qu'il soit, avait quelque chose de menaçant, comme les lourds nuages d'automne qui s'accumulent dans le ciel ; son rictus noir et rapace sur ses lèvres, l'étincelle sombre qui reflétait au fond de ses prunelles charbons. C'était comme plonger dans le reflet de son double maléfique, cette ombre menaçante qui poussait dans son dos quand il se regardait dans le miroir de la salle de bain, jaillissant tout droit des flammes de l'enfer. Il y avait un cri strident dans ses oreilles, ce frisson qui parcourait son épiderme dans un signe d'avertissement, car rien de la présence en face de lui n'était accueillante. Dans la pénombre du parking, combattue faiblement par les néons vacillants, il aurait presque pu imaginer les longues griffes et la langue ébène de serpent qui viendrait lécher ses croissants de chair avec appétit.
Ce fut comme une douche froide quand il réalisa la situation dans lequel il était, les alarmes dans son esprit s'activant à une vitesse folle : l'homme en face de lui connaissait son nom, et ils étaient seuls dans un souterrain désert. Les scénarios que sa conscience lui proposait ne lui plaisaient guère.
Figeant son visage dans un masque impassible, il essaya tant bien que mal de calmer le tremblement de ses mains avant de demander :
"Je peux faire quelque chose pour vous ?"
Son double lui répondit simplement d'un sourire, un de ceux qui n'inspirent pas confiance, un de ceux déformés dans un rictus mauvais. Était-ce Lucifer qui était descendu sur Terre pour prendre son âme ? Si le blond n'était pas particulièrement croyant, du moins que cette vision d'horreur paraissait-elle bien réelle.
"Oh, dit-il dans un murmure qui paraissait assourdissant dans le silence du parking. Il y a en effet bien quelque chose que tu peux faire pour moi, Seokjin.
Une deuxième vague de sueur froide parcouru son dos dans un souffle mesquin, et le véritable Seokjin ne put s'empêcher de poser cette question qui spiralait dans son esprit depuis le début, raide :
"Comment connaissez-vous mon nom ?
L'homme en face de lui eut un petit rire ; faible rictus dans l'immensité du parking, mais qui résonnait comme les trompettes de la mort dans les oreilles de Seokjin. Du coin de l'œil, il tenta de repérer les issues possibles : l'issue de secours était à une trentaine de mètres, et bien qu'il devrait monter 3 étages pour accéder à l'air frais, c'était là sa seule porte de sortie. S'il balançait son sac en direction de l'homme et qu'il courait de toutes ses forces, peut-être pouvait-il s'en sortir.
"Je connais beaucoup de choses sur toi, Seokjin.
"Ah, vraiment ? répondit le jeune homme, l'air peu sûr.
"Hmm, huma l'inconnu devant lui en faisant un pas en sa direction. Je connais tout de ta vie. Ton métier, tes petites habitudes, ton amant.
Une explosion de possessivité serra le cœur de Seokjin quand il fut mention de Yoongi. Était-ce après lui qu'il en avait ? Que lui voulait-il réellement, pourquoi ressemblait-il à ce point à lui ? Quelles étaient les chances de s'en sortir indemne s'il composait discrètement le numéro de la police, son téléphone dans sa poche ? Les dents serrées, il ne put que redemander dans une énième tentative de comprendre cette situation :
"Qu'est-ce que vous me voulez ?
L'inconnu fit de nouveau un pas en sa direction, et si le blond continuait de reculer simultanément, il serait bientôt pris au piège contre la carrosserie de sa voiture, et il pourrait dire adieu à sa perspective d'évasion.
"Je veux tout, Seokjin, répondit-il dans un air de finalité. Je veux tout ce que tu as et que je n'ai pas. Je veux Yoongi.
"Que—
Mais il n'avait pas aperçu l'arme glissant dans la main gantée de son vis-à-vis ; et avant qu'il ne put prononcer le moindre mot, une vague de douleur le submergea, et les ténèbres l'engloutirent, l'embrassant comme une amie.
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Ce fut avec un sourire presque euphorique que Jeongguk attendit la police.
Son expérience avait été de courte durée, il en avait bien conscience, et une partie de lui était déçue que cet instant gracié par les cieux n'ait pas duré plus longtemps que cela, mais au moins avait-il eu la chance de serrer Yoongi dans ses bras et de le chérir. C'était justement ce qu'il faisait, maintenant, son corps inerte dans ses bras ; appréciant ces quelques secondes, ces quelques instants, avant que tout ne lui soit arraché.
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"Bonsoir mon amour ! cria Yoongi depuis la cuisine.
Jeongguk ferma lentement la porte derrière lui en entrant dans l'appartement. C'était un gigantesque loft, où les espaces étaient symboliquement délimités par un canapé ou un îlot de cuisine. De là où il se trouvait, il pouvait voir Yoongi chanter bassement en train d'émincer un oignon, les odeurs du dîner de ce soir se mélangeant à celui des parfums des bougies allumées sur la table basse du salon.
Il y avait quelque chose d'étrange, que de se trouver enfin de ce côté-ci de la scène, derrière le rideau, après l'avoir observé pendant tant de temps ; ses yeux voltigeant entre les différents détails, essayant de tous les graver dans son esprit dans une forme d'admiration et de découverte.
Un disque tournait sur le gramophone — c'était donc au son de ce jazz, que Yoongi dansait avec Seokjin le soir, un verre à la main ?
Un plaid était jeté sur l'accoudoir de leur sofa — avait-il l'odeur de Yoongi, quand il se pressait contre son amant devant un film ?
Au loin, la porte de leur chambre était entrouverte — était-ce là qu'il pourrait le serrer contre lui, ce soir ?
Ce fut tout juste s'il retint le frisson le long de sa colonne vertébrale.
Il s'était préparé mentalement à cela, envisageant et imaginant cette vague de sensations qui lui arriverait en pleine face et qui lui donnerait envie de jouir ou de pleurer, quand il pousserait enfin la porte d'entrée de cet appartement qu'il imaginait même en rêve. Quand il glisserait la clé dans la serrure du terrain de jeu, du terrain de chasse, de Yoongi. Fini, les interminables sessions de l'autre côté de la rue, de l'autre côté de la fenêtre, à imaginer son parfum, son rire, sa voix, dieu, sa voix si enchanteresse. S'il n'était pas tombé amoureux de son profil en premier, il aurait sûrement succombé à sa voix, si ces quelques mots prononcés en étaient le parfait exemple.
Jeongguk dû presque physiquement se retenir à la poignée de la porte, ses genoux manquant de se dérober sous lui devant tant de nouveautés. Il devait se montrer fort, il le savait, ne pas laisser paraître qu'il était submergé par tout cela, par la présence de Yoongi derrière le comptoir, mais aucune préparation mentale n'était suffisante face à tout cela. Il avait bien le droit de s'accorder un moment, le temps d'absorber tout ; il pourra toujours prétexter une migraine ou une mauvaise journée au boulot qui le ferait languir plus longtemps que prévu dans le hall d'entrée.
Mais cet instant privilégié fut de court repos, quand il entendit le doux bruit des chaussettes qui glissaient contre le sol en béton ciré. Et l'instant d'après, apparut devant lui la vision d'un ange pur et d'un fantasme démoniaque à la fois.
"Bonsoir mon amour, répéta Yoongi en enroulant ses bras autour de son cou.
Le contact physique était pareil à une décharge électrique : comme réanimant son corps, comme les plaques d'un défibrillateur qui le ramenait à la vie. C'était comme s'il n'avait jamais vécu auparavant, ou si, comme un fantôme, errant dans la vie, sans âme, sans but. Yoongi était celui qui l'avait créé, et toute personne sensée serait horrifiée d'être aussi dépendante d'une autre, d'une qu'il avait observé pendant des jours durant, et qu'il ne rencontrait que maintenant.
En fait, voilà, c'était ça : Yoongi était le Docteur, et Jeongguk était son monstre de Frankenstein. Les cicatrices et les sutures étaient camouflées, cadeau du Professeur Park, mais sa peau n'était pas la sienne, cette vie n'était pas la sienne ; et il se réveillait des morts, comme un cadavre vivant, obnubilé par son créateur, lui obéissant aveuglément au doigt et à l'œil. Les gens diraient de lui que c'était un monstre, et peut-être en était-il un, après tout. Yoongi pouvait tout exiger de lui ; Jeongguk irait même jusqu'à s'arracher le cœur et le déposer à ses pieds s'il lui demandait.
Il savait que le brun ne le voyait pas ainsi : pour lui, son visage était celui de Seokjin, de son amant, de celui qui partageait son lit depuis si longtemps déjà, mais il n'en avait cure. Il était près de lui, il était aimé, et c'était tout ce qui importait.
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Ce fut avec un sourire presque euphorique que Jeongguk attendit la police.
S'il avait eu plus de temps, il aurait sûrement chéri encore une fois son corps avant qu'on ne lui arrache, mais il savait que les sirènes se rapprochaient et que le temps lui était compté. Il n'avait pas envie que d'autres ne le surprenne dans une telle tenue, dans une telle intimité avec son amant. Alors, attendant que la réalité ne le rattrape, il prit tout de même le loisir d'embrasser son visage une dernière fois — mais il eut un peu de mal, tant son sourire était grand.
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Yoongi percuta le matelas dans un bruit sourd, un rire silencieux sur ses lèvres, et l'instant d'après, le corps de Jeongguk, le corps de Seokjin, recouvrait le sien. Sa bouche était chaude contre sa clavicule, et dans d'autres circonstances, le jeune homme aurait été embarrassé d'être excité aussi rapidement. Seulement voilà : l'objet de tous ses désirs se tenait sous lui, gémissait à ses caresses, et sa peau était aussi douces que toutes les soies d'Orient et que les plus passionnés des baisers ; ses rêves, ses longues nuits à l'imaginer sous lui, n'étaient qu'une vaine illusion et une pâle copie comparé à l'original, à Yoongi qui glissait ses mains sous son t-shirt.
"Seokjin, soupira-t-il, alors que les pouces de Jeongguk venaient explorer les vallons de son torse et choyer ses boutons de chair.
La vague de possessivité qui serra la poitrine du brun se traduisit par de longues griffures le long des flans de son amant, qui lui tira un gémissement et un cambrement de dos. Jeongguk voulait qu'il prononce son nom, pas le sien, pas celui de cet ingrat qui s'était accaparé ce bijou pendant trop longtemps et qui ne savait l'apprécier à sa juste valeur, mais la part de son esprit rationnel lui souffla que cela était un mal pour un bien.
Supporter que Yoongi scande et jouisse avec le nom d'un autre homme sur ses lèvres, mais être l'instrument de tous ses péchés et de sa concupiscence.
Trop perdu dans ses pensées, ce fut tout juste s'il s'aperçut que leurs hauts avaient valsés à travers la pièce, et Jeongguk mordit dans l'épaule de Yoongi face à cette nouvelle vague de sensations, avant de laisser sa langue mutine cajoler la peau meurtrie en guise de pardon. Son torse était chaud contre le sien, sa peau porcelaine resplendissant dans la lumière tamisée de la chambre. Cela lui donnerait presque le tournis, si ce n'était pour ce corps qui se mouvait sous lui et qui le voulait, le voulait tout entier, lui criait de faire quelque chose.
"Tu m'as tellement manqué, gronda-t-il d'une voix rauque alors que ses lèvres dessinaient un parterre de feu le long de l'abdomen de l'objet de son obsession, ses doigts s'accrochant à sa ceinture avec force.
Un rire — dieu, ce rire — fit vibrer la peau de son ventre, avant que, plongeant ses doigts dans sa tignasse, son amant ne réponde :
"Je t'ai baisé ce matin, love.
Cette pensée eut l'effet d'un électrochoc dans son esprit : pendant que lui se préparait à mettre son plan à exécution, il s'imaginait un Yoongi transpirant et grinçant des dents au-dessus de Seokjin. Désormais, il avait tout le loisir de le réveiller, et de se faire réveiller, sous les douces caresses de son nouvel amant. Sûrement que si son entre-jambe n'était pas sur le point d'exploser, qu'il aurait aimé être l'objet de toutes ces caresses, de tous ses grognements, de tous ces baisers enflammés, de rester allongé contre les oreillers et de ressentir. Mais il avait besoin de marquer son corps de ses lèvres, de découvrir l'autre dans un coup de rein, de savoir quelle était cette symphonie de luxure qui s'échappait de ses lippes, la même qu'il avait imaginée depuis si longtemps.
"Tu me manques tout le temps, concéda-t-il avec un baiser.
Puis, la voix plus rauque et cajolant à demi-mot l'érection de son amant près de sa joue :
"Je te veux tous les jours.
Bien sûr qu'il y avait du vrai dans tout cela, et c'était sûrement une phrase que l'homme dont il empruntait le nom pourrait murmurer contre son épiderme également. Mais il y avait également une certaine noirceur dans ses mots, une noirceur que Yoongi n'entendait pas dans sa voix sous le joug de ses caresses, mais qui était quand même là. Traître, vile et cruelle, qu'était cette possessivité.
"Je te veux à moi, chuchota-t-il, sa langue glorifiant la peau palpitante de son membre, ses doigts agrippant les hanches de l'autre dans une énième preuve de sa volonté et de sa jalousie.
Un soupir.
"Je te veux rien qu'à moi, murmura-t-il contre sa clavicule alors que ses doigts titillaient l'entrée de son antre délicieuse.
Un gémissement.
"Dis moi que tu es à moi, demanda-t-il alors que son membre frottait contre ses fesses, laissant Yoongi gémir d'impatience en murmurant contre son cou qu'il le voulait en lui, tout de suite, maintenant.
"Seokjin, je-
"Dis-le, ordonna-t-il de nouveau, feignant un mouvement de bassin. Dis-le-moi et je te baiserai, mon amour.
Il mima un autre coup de rein, son sexe glissant entre les fesses de son amant, et ses doigts ne purent s'empêcher de les serrer avec avidité. Il allait devenir fou, il avait juste besoin de ces mots, de ces petits mots qui grandiraient son estime, et il pourrait jouir.
"Je suis à toi, craqua Yoongi en rejetant la tête en arrière. A toi, tout à toi, rien qu'à toi, je suis tiens mon amour, continua-t-il de balbutier sous les ministrations de son homme, si intenses et implacables que Jeongguk aurait presque pu sentir une pointe de culpabilité.
Dans un grognement, son excitation attisée par ces paroles de dévouement et de dévotion, il entra dans l'antre de son petit-ami d'un coup sec ; et la chaleur de son corps contre le sien était tel qu'il aurait pu presque orgasmer sur le coup. Mais le brun était si beau sous lui, et il voulait lui faire perdre toute raison, toute lucidité, et administra quelques mouvements bruts et profonds, allant droit au but, galvanisé par les gémissements de plus en plus exquis de son partenaire.
Et, dans un râle rauque, il fut à la porte de son acmé délicieuse, emportant Yoongi avec lui de l'autre côté de la folie, tombant mollement contre son corps dans un dernier effort.
Mais ce sentiment de béatitude ne fut que de courte durée : il lui sembla qu'une petite éternité fut passée, quand, après s'être embrassés encore lentement dans la chaleur des draps, appréciant les lèvres de l'autre à juste titre, Yoongi s'éclipsa pour prendre une douche.
"Tu peux commander à manger ? cria-t-il à travers la porte entrouverte. Je crois que le dîner est un peu cramé, ajouta-t-il avec un gloussement.
"Mon téléphone est resté dans le salon, se plaignit Jeongguk, roulant dans les couvertures comme un enfant.
"Utilises le mien ! répondit sa voix, couverte par le bruit du jet de douche.
Sur la table de chevet, se tenait en effet le téléphone du jeune homme, mais son cœur battit plus rapidement rien qu'à cette idée... parce qu'il ne connaissait pas le code.
Jeongguk pesta, et imagina rapidement une excuse : il pourrait dire que son téléphone était complètement éteint, qu'il ne connaissait pas son code pin, que son doigt était mouillé et que son empreinte digitale ne pouvait pas être reconnue par l'appareil. Il était même prêt à se lever pour recommencer le dîner depuis le début. C'était à cet instant là qu'il se rendit compte que, même s'il avait l'apparence, l'attitude, les manières de Seokjin, et même s'il avait observé le couple depuis des mois... il ne connaissait pas réellement Yoongi. Il avait beau l'avoir admiré, tant de fois, encore et encore, il avait beau l'avoir imaginé dans les sombres recoins de sa folie et de son fantasme, mais il ne le connaissait pas. Ne savait pas quel était son plat préféré, ne savait pas quelle musique il écoutait quand il avait besoin de se défouler, ne savait pas quelles obscures pensées occupaient son esprit par temps gris, ne savait pas quel était le parfum de bougie qu'il affectionnait particulièrement. Ne connaissait pas son code de téléphone, également.
Rejetant les couettes et se redressant, Jeongguk enfila un bas de jogging avant de se diriger dans la cuisine.
Il se fit la promesse, quand Yoongi émergera enfin de sa douche, de remplacer l'empreinte de doigt de Seokjin par la sienne. Froidement, saisissant un grand couteau, il se dit qu'il ne devait plus laisser le moindre détail passer.
---
Ce fut la sensation des doigts caressant l'arête de son nez qui le réveilla. La chaleur du lit lui collait à la peau, les rayons de soleil qui réchauffaient son visage, cette sensation de plénitude. Il n'avait jamais aussi bien dormi que cette nuit-là ; rien que le fait de savoir que Yoongi était à ses côtés, sa tête contre son cou et sa respiration calme et posée avaient cette propriété thérapeutique apaisante. C'en était fini, des mois et des mois à faire des insomnies, à peaufiner son plan à la perfection, à se demander quand est-ce que le Docteur Park pourrait le prendre enfin en charge.
Aujourd'hui, ses nuits n'étaient plus remplies de fantasmes insatisfaisants et de sa sombre obsession, mais plutôt de cette sensation d'avoir réussi. Aussi loin que Jeongguk s'en souvienne, il avait toujours été un perfectionniste, un homme de volonté qui ne prenait pas "non" pour réponse et qui faisait toujours tout ce qui était en son possible pour voir ses objectifs s'accomplir. Que ce soit pour avoir une bonne note, décrocher un job, ou même prendre la place de l'homme qui vivait la vie qu'il méritait de vivre, cela n'avait que peu d'importance, au final.
Mais ses pensées furent coupées net — non pas qu'il se plaigne — au son des draps qui se froissent.
"Bonjour, murmura Yoongi contre sa peau, les rayons du soleil l'enroulant dans une chaude couverture, adoucissant ses traits et lui donnant tout l'air d'un ange.
"Bonjour, répondit Jeongguk avec un doux sourire, ses doigts jouant à son tour quelques notes de piano improvisées sur la peau dénudée de son dos.
L'instant avait un goût particulier, et si Jeongguk n'était pas aussi avare et avide de plus, qu'il sauterait de cette fenêtre pour se convaincre que ce n'était pas un rêve. Il y avait quelque chose de léger, de chaud, dans ces premières lueurs d'un samedi matin. Comme si le temps s'était stoppé, comme si la Terre avait ralenti quelques instants pour laisser le jeune homme profiter de cette nouvelle réalité qui était la sienne. Sûrement que les anges là-haut, étaient cléments avec lui, après toutes les horreurs qu'il avait commises, car jamais il ne se serait imaginé dans les bras du noiraud, les caresses légères et les sourires valant mille mots.
Son aîné l'embrassa chastement du coin des lèvres, l'humeur un peu joueuse, et laissant la pulpe de ses doigts glisser le long de ses clavicules avec une promesse muette, il souffla :
"Tu t'es bien occupé de moi hier soir...
"Mmh ?
"Que dirais-tu si je prenais soin de toi à présent ? offrit-il avec un croquement de lèvres, ses yeux joueurs et les roseurs sur ses joues le prenant au mot.
Et Jeongguk n'était qu'un homme ; aussi amoral son existence même pouvait-être, qui était-il pour refuser de telles avances ? Encore plus quand Yoongi laissait des parterres de baisers le long de son torse, doux et pourtant si brûlants à la fois, descendant progressivement vers l'objet de toutes ses convoitises. Ses cheveux traçaient un parterre de feu contre son épiderme, comme voulant lui rappeler encore et encore qu'il était sien, et qu'il ne devait sous aucun prétexte le quitter des yeux.
S'il n'était pas autant obnubilé par cette vision angélique et démoniaque à la fois, Jeongguk aurait sans aucun doute rejeté la tête en arrière dans un grognement bas, se mordant l'arrière de la main pour étrangler le gémissement rauque qui menaçait de s'échapper.
Yoongi était la raison pour laquelle il partait en Enfer, et la raison qui le ramenait à la vie.
Sa bouche contourna délibérément son bas ventre, et la main du jeune homme se glissa dans sa tignasse, ses doigts se serrant dans ses mèches ébènes avec un soupir. Il allait le rendre fou — mais il avait déjà fait tant pour recevoir ses baisers, alors ne l'était-il pas déjà ?
"Ecartes tes cuisses, murmura doucement Yoongi contre sa peau, comme pour ne pas briser le cocon de sensations qui les berçaient.
Jeongguk ne se fit pas prier, et la vision qu'il récolta aurait pu le faire jouir sur l'instant s'il le fallait : Yoongi allongé entre ses cuisses, sa bouche lapant doucement la peau sensible sous son membre, à la limite de son antre. Il ne savait pas bien quand il avait réussi à faire cela, mais ses doigts étaient humides de lubrifiant, et faisaient de petits cercles lents à son entrée, réveillant ses sensations de la plus merveilleuse des façons. Sa bouche continua sa traversée, et vint mordiller la chair de l'intérieur de ses cuisses d'un air joueur, avant de calmer la maigre douleur par une autre longue série de baisers fiévreux. Une cuisse, puis l'autre, et—
"Tiens, c'est drôle, tu n'as plus ta tâc—
Ce fut à cet instant. A cet instant précis, quand la voix du jeune homme se coupa et qu'il se figea, que Jeongguk compris.
Il avait longtemps imaginé la façon dont tout cela se terminerait. Il n'était pas assez fou, pas assez dupe, pour croire que Yoongi ne remarquerait rien, qu'il ne verrait rien. Il y aura toujours un moment où il glissera, où il emploierait des mots que Seokjin avait en horreur, où il ne saurait répondre à une question sur leur relation, où il ne ferait un geste déplacé qui mettrait la puce à l'oreille de son amant. Il espérait simplement que ce moment redoutable et redouté apparaisse le plus tard possible ; il souhaitait profiter pleinement de son sourire, de ses étreintes, et il n'avait pas dépensé une petite fortune dans le cabinet de Park pour son opération et il ne s'était pas sali les mains du sang de l'ancien petit-ami pour que tout cela éclate aussi rapidement.
Mais il savait. A cet instant précis, alors que Yoongi se redressait lentement, les yeux encore rivés sur l'intérieur de ses cuisses et sur sa demi-excitation, que n'importe quelle excuse, aussi laborieuse et bidon soit-elle, ne pourrait justifier le fait que son corps n'était pas celui que le noiraud connaissait. Il s'était pigmenté la peau, il avait fait des implants capillaires, il s'était musclé, il s'était fait retouché les lèvres, il était passé sous le scalpel, il s'était entraîné pendant des semaines entières pour pouvoir lui ressembler, pour pouvoir être la copie parfaite de Seokjin... et voilà qu'il se faisait griller comme un bleu, moins de 24h après être entré dans cet appartement.
"—che de naissance, finit-il par articuler.
Il était à présent agenouillé sur le matelas, les mains sur ses propres cuisses. La situation aurait presque pu être comique si elle n'était pas aussi grave, eux nus et l'incompréhension dans leurs yeux. Et alors que Jeongguk se redressait sur ses bras, Yoongi releva lentement les yeux vers lui. Lentement, si lentement que le jeune homme aurait pu mourir 3 fois, avant que ses prunelles de feu ne sondèrent les siennes. Le chaud voile d'adoration et de béatitude s'était envolé de ses orbes, laissant place à mille et unes questions — d'un moment à l'autre, Jeongguk le savait, ses yeux se teinteraient d'une colère froide et maîtrisée, une qui fallait craindre.
"Tu n'as plus de tâche de naissance, répéta-t-il lentement, toujours aussi lentement, les mots faisant l'effet de coups de marteaux dans son crâne.
Jeongguk s'apprêtait à jouer le jeu ; à produire un halètement de surprise, à chercher frénétiquement sa signature, à écarter la peau entre ses doigts, à rechercher sur internet s'il était possible que des tâches de naissance puisse disparaître ainsi du jour au lendemain, à appeler un médecin s'il le fallait. Mais au moment-même où il allait ouvrir la bouche pour se lancer dans un nouveau numéro, un énième mensonge, que Yoongi le devança.
"Qui êtes-vous ?
Ses mots claquèrent dans le silence, jurèrent avec l'atmosphère légère de ce matin, alourdirent le poids de la situation. Les voilà se regardant dans le blanc des yeux, comme deux gangsters la main au-dessus de l'arme, prêts à dégainer dans l'immensité du désert, mué par un instinct brutal de survie.
"Vous n'êtes pas Seokjin.
"Yoongi, commença-t-il d'une voix étranglée.
Mais il n'eut le temps de finir sa phrase, car déjà, l'aîné avait jailli et bondit hors du lit, courant à travers l'appartement. Pestant, Jeongguk ne put que se redresser et de balancer les draps qui empêtraient ses jambes avec force, s'élançant à la poursuite du jeune homme avec une lueur nouvelle et particulière.
"Yoongi ! rugit-il cette fois-ci.
Il ne pouvait qu'imaginer quelles intentions il avait à le fuir ; se saisir d'une arme, d'un téléphone, ou même de se précipiter dans la cage d'escalier, au diable la nudité, pour appeler à l'aide. Et c'était pour ces mêmes raisons et possibilités qu'il devait l'arrêter avant qu'il ne soit trop tard.
Il déboula dans le salon comme un homme en furie, ses yeux impatients scannant la pièce ; avant de le trouver, piètre silhouette frêle et dénudée, dans la cuisine. Un couteau tremblant dans la main, pointé en sa direction, et tenant son téléphone dans son autre main, essayant de composer avec hâte un numéro.
"N'approche pas ! cria-t-il, raffermissant sa prise autour du manche de son arme, alors que Jeongguk faisait quelques pas menaçants en sa direction.
Mais ses doigts glissaient, et les nerfs et l'adrénaline l'obligeaient de recommencer, si bien qu'il dû dévier son attention des yeux furibonds de l'inconnu en face de lui pour taper correctement le numéro de la police sur son écran.
Par tous les saints ce qu'il n'aurait pas dû le quitter des yeux, comme on ne dévie pas son regard d'une bête sauvage, enragée et dangereuse ; car l'instant d'après, ayant à peine le temps de voir du coin de l'œil la masse sombre de l'inconnu arriver sur lui, qu'il sentit deux mains s'enrouler autour de son cou avec force.
"Gn—
Il y avait quelque chose qui avait cédé dans l'esprit de Jeongguk, comme un interrupteur qu'on enclenche ; quelque chose qui lui avait fait comprendre qu'il arrivé à un point de non retour, à présent. Que l'instant même où Yoongi s'était rendu compte qu'il n'était pas la personne pour laquelle il se faisait passer, il s'était rendu à l'évidence qu'il ne pourrait pas sortir indemne de cette situation.
C'était de la colère ; car pourquoi le noiraud n'avait-il pas voulu vivre cette belle idylle avec lui également ? Il avait le visage de Seokjin, mais il pourrait mieux, bien mieux le satisfaire que lui ; alors pourquoi n'en était-il pas satisfait, après tous les sacrifices et les risques qu'il avait pris pour lui ? Ne voyait-il pas qu'il l'aimait ?
Et c'était de l'égoïsme, surtout. Car maintenant qu'il connaissait son secret, il en profiterait à la moindre occasion pour pouvoir le divulguer ; inutile de le retenir en otage, tel que l'un de ses plans initiaux le prévoyait, et de lui faire entendre raison — prétendre qu'il soit son amant pour la vie sauve. Il crierait à l'aide, trouverait le moyen de faire comprendre à son entourage qu'il était retenu en captivité, et bien vite, on lui arracherait Yoongi.
Et cela, il s'y refusait.
De toute manière, l'équation était simple. S'il ne pouvait pas avoir Yoongi, alors personne ne l'aurait.
Et ce fut avec cette pensée, insensible aux coupures que son aîné tranchait sur ses avant-bras pour le faire céder, et insensible aux coups de pieds qu'il essayait de lui donner pour pouvoir respirer de nouveau, qu'il l'entraîna avec lui à terre. Cette position, lui positionné au-dessus de son bassin et ses grandes mains enroulées autour de sa trachée, aurait pu faire jaillir en lui cette étincelle de luxure et de concupiscence qu'il avait ressenti tant de fois en le voyant. Mais nul érotisme à ce moment-là — seule cette obsession, qui était tout aussi bruyante que la première fois qu'il avait eu l'idée de devenir quelqu'un d'autre pour le conquérir.
Celui de le tuer, d'expier ses péchés, et de partir avec lui.
S'il ne pouvait pas avoir Yoongi, alors personne ne l'aurait.
Ce fut sourd à ces grognements de détresse, et sourd à la voix étouffée de l'opératrice de la police de l'autre bout du fil qui posait des questions pour savoir ce qu'il se passait, qu'il saisit le grand couteau de cuisine. Il s'était dit, la veille en préparant de nouveau le repas et en le saisissant, qu'il ne devait rien laisser au hasard, et qu'il n'avait plus le droit à l'erreur. Qui eut cru que ses pensées furent interprétées dans un tel jeu du sort et du destin le lendemain même.
"Quel dommage, mon amour, murmura-t-il contre les lèvres sans couleur du noiraud.
Son visage était cramoisi, et la profondeur de ses yeux ressortait plus une fois que l'oxygène venait à lui manquer.
"On aurait pu être heureux, toi et moi.
Et, baignant dans la lumière chaude et rassurante des rayons du soleil, un éclair argenté jaillit.
Ce fut avec un sourire presque euphorique que Jeongguk attendit la police.
Le sang rubicond avait un goût exquis sur sa langue, et il avait léché comme un homme affamé les gouttes vermeilles le long de ses doigts quand il avait entendu le cri des sirènes, au loin. Il savait que l'homme, gisant mollement à ses côtés, avait une peau au parfum délicieux, mais il ignorait que son hémoglobine pourrait être encore plus tentante.
Le peu de self-control qu'il s'était imposé depuis son arrivée dans l'appartement n'avait pas été suffisant pour contenir ses plus sombres pulsions. La dernière partie rationnelle de son esprit, combattant vaillamment contre les obscures envies de leur maître, lui murmurait d'une voix faible que c'était dommage que Yoongi ait à mourir.
Mais l'autre partie de sa conscience, les mots vils et aussi doux que du miel, les mêmes qui l'avait poussé à frapper, encore et encore, se félicitaient de son œuvre. Là, debout, l'arme à la main, et le corps de l'objet de son obsession gisant sans vie à ses pieds.
Car s'il ne pouvait pas avoir Yoongi.... alors personne ne l'aurait.
.
... hi ;)
je suis si HEUREUSE d'avoir enfin pu finir cet os et de l'avoir écrit comme je voulais !! ça fait déjà plus d'un an que je dois avoir cette idée, mais j'avais jamais réussi à formuler correctement mes idées (remerciez Onikaid, parce que c'est clairement grâce à elle que vous pouvez le lire ajd !!)
qu'est-ce que vous en pensez sinon ? surpris ? ou vous vous y attendiez ? est-ce que quand je vous parlais de "l'os chirurgie" depuis tout ce temps c'était ce à quoi vous vous attendiez ??? j'ai si hâte de voir vos retours en tout cas !!
hésitez pas à commenter, voter, follow, partager, ça fait toujours extrêmement plaisir ssskks
take care of yourself !!
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