SKOLL (part 3)
𝕾𝖐𝖔𝖑𝖑
( ℑ 𝔭𝔦𝔠𝔨𝔢𝔡 𝔪𝔶 𝔭𝔬𝔦𝔰𝔬𝔫 𝔞𝔫𝔡 𝔦𝔱'𝔰 𝔶𝔬𝔲 )
PART III
"I made a promise, didn't I ?"
Les sentiments naissent, mais le passé, lui, n'oublie pas.
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La Nature était imprévisible.
S'il y avait bien un enseignement à tirer de siècles de culture Viking, c'était sans aucun doute celui-ci.
La Nature était imprévisible, et Jimin n'était toujours pas rentré chez lui depuis qu'il avait été fait prisonnier par les Loups de Midgard. Cet hiver-là s'annonçait plus rude que tous les autres, le froid plus mordant et la glace plus solide, et la grande prêtresse du village avait lu dans les entrailles d'un jeune coq qu'ils resteraient prisonniers du fjord pendant encore quelques longs mois.
Jeongguk lui avait promis qu'il pourrait rentrer chez lui, s'occuper de son clan et rassurer les siens ; mais son regard et sa main dans la sienne chantaient une mélodie bien différente, la berceuse d'un cœur qui se languit de l'autre, et le blond avait dû le rassurer de ses baisers et de ses caresses qu'il allait revenir. Beaucoup trop de choses avaient changé, depuis son arrivée — forcée — au sein des terres hostiles du peuple le plus craint des contrées scandinaves. Beaucoup trop de choses avaient changé, depuis son marché pour sa liberté au-dessus du corps fiévreux de l'héritier au trône, depuis la bataille contre la caste des Corbeaux, depuis la première nuit qu'ils avaient passé ensemble... et toutes les autres par la suite.
Beaucoup trop de choses avaient changé, mais Jimin, aux yeux des siens, était toujours un Thraell, une vulgaire capture de guerre.
"Il faut que je rentre, avait soufflé le guérisseur contre les lèvres rougies du jeune alpha, là, leurs corps pressés contre l'autre sous les chaudes couvertures. Il faut que je rentre pour m'occuper de certaines choses. J'ai encore de la famille, dans mon clan, et une fois l'hiver passé, ils seraient capables de prendre les drakkars pour partir à ma recherche. Alors laisse-moi m'en occuper d'abord.
"Et après ? avait demandé Jeongguk d'une voix douce, les yeux hésitants et perdus ; Jimin allait lui être arraché, alors même qu'ils venaient à peine de se trouver, et il ne pouvait accepter cela.
"Après, avait répondu le blond dans un baiser, après je reviendrai, et je serais tien, amour.
La promesse résonnait en lui comme les tambours de leurs bateaux, puissants et gutturaux, prêts à tout dévaster sur leur passage. Il ne voulait plus rentrer pour lui-même. Il voulait rentrer pour eux.
Car rentrer pour régler les dernières affaires, les dernières attaches que le jeune homme avait avec son ancien clan était synonyme de tourner la page, d'une forme de liberté. Briser les chaînes invisibles comme il l'avait fait à côté d'un Jeongguk mourant. Tant qu'il n'aurait pas rassuré sa mère et son ancien chef qu'il n'était ni blessé, ni captif, alors la menace de voir sa tribu débarquer sur les plages de sable noir pendait au-dessus de sa tête comme une épée de Damoclès. Le peuple du Nord était peut-être le plus féroce et le plus dangereux, mais son peuple restait des Vikings, et il était hors de question de laisser l'un des leurs aussi loin de sa famille.
Mais la mer gelée restait impraticable, enfermés dans cette morsure hivernale létale, et ni Jimin, ni Jeongguk et sa possessivité légendaire n'avaient voulu voir partir l'oméga vers un long voyage éreintant, malgré la promesse qu'Hoseok avait fait à son chef de ramener son protégé à bon port.
Alors depuis, il attendait, nerveux, anxieux, priant les Dieux qui voulaient bien écouter ses louanges de ne pas conduire ses anciens frères jusqu'à lui. Que c'était étrange, de faire pareille supplication, alors qu'il y a quelques mois encore ses premières pensées en se réveillant étaient d'implorer un miracle pour qu'il ait la vie sauve. Il préférait revenir dans sa horde natale de lui-même plutôt que de les laisser venir jusqu'ici, sinon... Il ne préférait pas imaginer l'accueil que Jeongguk et sa jalousie furieuse pourrait leur réserver, alors que son animal au plus profond de lui sentirait cette arrivée soudaine comme une agression, comme la preuve qu'ils voulaient le séparer de son âme-sœur.
Car si Jimin ne portait peut-être pas encore sa marque, leurs loups chantaient déjà à l'unisson.
Il ne sursauta même pas quand il sentit deux bras l'encercler de derrière, l'odeur si caractéristique, si familière et si réconfortante envahissant son monde comme s'il n'avait vu la Terre qu'en noir et blanc depuis tout ce temps. Un parfum de musc et de sapin, et Odin savait ô combien Jimin aurait voulu rester ainsi, toute sa vie, le nez contre son cou et blotti dans ses bras, sans rien à penser d'autre que leurs battements de cœurs synchronisés.
Jeongguk glissa un baiser contre son cou, avant de poser son menton sur l'épaule de son amant et d'admirer les vagues glaciales s'écraser sur les rochers un peu plus bas, à l'image des étincelles orages dans ses propres prunelles.
"Je savais que je te trouverais ici.
L'oméga huma doucement, son esprit soudain plus apaisé par sa présence, le raz-de-marée qui faisait rage dans ses poumons s'apaisant en une mer d'huile.
"Tu es anxieux, ajouta-t-il bassement.
Ce n'était pas une question. Jimin aurait pu se plonger dans une mare de boue pour camoufler son odeur et ses sentiments traites qui se révélaient au grand jour, et Jeongguk aurait pu lire en lui comme dans un livre ouvert quoiqu'il en soit.
"Comment ne pas l'être ? murmura le jeune homme en retenant un frisson.
Comment ne pas l'être, alors qu'il sentait dans son corps, dans son cœur, et même dans l'air autour de lui que quelque chose se préparait ? Que la bataille était imminente, que l'affrontement était au pas de leurs portes, et le voilà qu'il se retrouvait dans ce village si loin des siens, sans pouvoir faire quoi que ce soit pour empêcher la colère, la folie et la jalousie venir ternir l'eau glacée en une flaque rougeâtre, et vile ? Qu'il était ici, alors qu'il pourrait être là-bas, alors qu'il pourrait stopper tout cela avant qu'il ne soit trop tard ? Avant que... avant que les Loups du Nord ne payent le prix pour défendre sa vie ?
"Tu sais que je te protégerais quoiqu'il arrive ?
Mais face au silence lourd de sens du blond, le jeune alpha ne put s'empêcher de froncer les sourcils, et de demander doucement, comme pour ne pas l'effrayer :
"Est-ce que... est-ce que tu as peur de moi ?
Cela fut suffisant pour que Jimin se retourne dans son étreinte, les yeux écarquillés de surprise, pour sonder les prunelles de Jeongguk — ce qu'il détestait l'étincelle douloureuse qu'il pouvait déceler dans ses orbes si purs.
"Non !
Le noiraud était encore jeune, cela pouvait se lire sur ses traits ; mais les vallons de son visage, les rides soucieuses naissant autour de ses yeux, tout de lui peignait les lourdes responsabilités qui pesaient déjà sur ses épaules, lui futur héritier du clan le plus craint de tous les royaumes de ces contrées-ci. Son père l'avait préparé à cet avenir, à ces devoirs, à cette réputation qu'il devrait tenir, forgeant le cœur de son fils dans les entrailles les plus glaciales de Niflhel.
Et, parmi les lueurs qu'il ne connaissait que trop bien au fond de ses billes charbon, il pouvait y lire une certaine forme de nervosité. La peur de l'avenir. La peur d'échouer.
La peur de le perdre.
Et par Odin, ce que Jimin pouvait le comprendre, le comprenait mieux que quiconque même, parce que cette flamme hésitante et timide se retrouvait également dans ses propres pupilles, comme une jumelle. Lentement, il prit le visage de son amant entre ses mains, et, écartant une mèche corbeau qui lui tombait devant les yeux, il souffla contre ses lèvres :
"Non, amour. Jamais je n'aurais peur de toi. Cela fait bien longtemps que mes craintes sur ton peuple ont été dissipées. Mais je—
Il se coupa dans un soupir, avant de poser son front contre celui de l'alpha. Les bras de ce dernier se serrèrent un peu plus autour de sa taille, dans une forme d'encouragement, signe qu'il écoutait.
"Mais je ne peux m'empêcher de m'inquiéter. D'un côté, il y a ma famille, mes frères de sang et mes frères d'armes, ceux auprès de qui j'ai grandi. Nous sommes une petite tribu, pas aussi grande que la tienne, mais nous avons toujours veillé les uns sur les autres. Si c'était l'un des miens qui était à ma place aujourd'hui, prisonnier de guerre dans des terres lointaines, j'aurais été le premier à prendre mon épée et à fendre les mers. Et de l'autre côté...
Il se redressa un peu, pour pouvoir de nouveau sonder ses perles charbons des siennes, son pouce caressant doucement sa joue :
"De l'autre côté, il y a toi. Et il me serait tout simplement impossible de te perdre, impossible de te dire aurevoir sans jamais plus te voir. Que la déesse Hel vienne m'achever sur-le-champ, plutôt que te quitter.
Jeongguk saisit la main de son amant sur sa joue pour en embrasser la paume dans un petit sourire réconfortant.
"C'est comme si je te demandais de choisir ici, ton chez toi, ta mère, ton père, Yoongi, Namjoon et Hoseok... ou de choisir moi.
Il ne sentit la larme rouler sur sa peau mordillée par le froid que lorsque le noiraud l'essuya de son pouce, délicatement. Il ne put s'empêcher de renifler une fois de plus, peu élégamment, alors qu'il se précipita dans le cou de son alpha, si chaud et réconfortant, agrippant ses fourrures comme si sa vie en dépendait, comme si c'était son ancre parmi la tempête qui faisait rage dans son esprit. Et il l'était. Cette lueur au-delà des mers noires, cet éclat de soleil contre la neige glaciale.
"Tu te poses beaucoup trop de questions, Jimin, et cela te conduira à ta perte, murmura-t-il avec un sourire rieur en caressant les cheveux du guérisseur. Cesse donc de redouter le pire. Quoiqu'il se passe, quoiqu'il advienne, tant que nous sommes ensemble, je te promets devant tout Asgard que rien ne pourra t'arriver. Prie le dieu Njörd, mon amour, et puisse-t-il nous couvrir de chance. L'avenir est peut-être plus radieux que ce que tu ne le penses.
Doucement, Jeongguk repoussa le visage de son amant de son cou pour pouvoir scruter ses traits. Il avait les yeux rouges, certes, mais il était aussi beau que la première fois qu'il l'avait vu, enchaîné et apeuré. Aussi beau que lorsqu'ils s'étaient embrassés sur ce champ de bataille, alors qu'ils pensaient tout perdre — leur vie, leur avenir, l'autre. Et ce fut en réminiscence de ce souvenir gravé dans sa mémoire à jamais, que le noiraud approcha ses lippes de celles de son monde, de sa moitié, de celui qui était devenu son soleil et sa lune, pour caresser tendrement sa bouche et transmettre tout l'amour qu'il avait pour lui, comme un torrent qui jamais ne s'arrêterait.
Jimin glissa ses mains dans le cou du jeune homme, et laissa le baiser les conduire vers d'autres cieux, appréciant la douceur de cette parenthèse bienvenue. Peut-être que la tempête n'était pas aussi grave que ce qu'il ne croyait, finalement.
"Allez viens, murmura l'héritier après un moment à s'être embrassé dans le souffle du vent et des embruns, ma mère nous attend pour le dîner.
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Cela arriva plus vite qu'il ne l'avait imaginé.
Le petit matin venait à peine de laisser ses rayons encore endormis dessiner la courbe des montagnes les entourant, baignant le large d'une lueur rosée délicieuse et bienvenue après des jours de ciel plein de nuages. Malgré les derniers vestiges de la nuit que l'aube peinait à chasser, Jimin était en train de rapporter du bois à l'infirmerie lorsque tout arriva. Soudain et inopiné. Lorsqu'une main se plaqua contre sa bouche pour étouffer son cri de surprise, avant de le tirer entre deux skalar* [*maisons longues vikings].
Il crut un instant à une mauvaise blague ; mais la paume était rêche contre sa bouche, les doigts creusant dans ses joues dans une emprise presque douloureuse. Le jeune homme essaya de se débattre tant bien que mal — avant de réprimer une grimace, plaqué contre le mur froid d'une des cabanes, la main inconnue toujours pressée contre son visage, et un coude sous son menton le tenant fermement.
"Chut, chut, Jimin, c'est moi, souffla bassement une voix.
Une voix... étrangement familière.
La surprise passée, le blond se concentra sur les silhouettes alentour, des silhouettes qui n'appartenaient pas aux habitants du village — avant que l'homme le maintenant pressé contre la hutte n'abaisse le linge couvrant ses traits jusqu'à son nez.
"C'est moi, chuchota-t-il de nouveau.
Ces yeux. Ce visage. Cette voix.
"... Taehyung ?
Taehyung avec qui il courrait dans les champs en été, Taehyung avec qui il avait appris à dépecer une bête pour la première fois, Taehyung avec qui il faisait la course à la nage, Taehyung avec qui il se disputait le dernier morceau de maquereau, Taehyung avec qui il s'endormait profondément quand leurs mères leur racontaient des histoires. Taehyung qui lui avait tendu cette fleur sauvage, quelques semaines seulement avant son enlèvement, se grattant l'arrière de la nuque et demandant s'il acceptait être courtisé — et Taehyung devant lui, à présent, les épaules plus carrées que la dernière fois qu'il l'avait vu, ce qui lui semblait être une éternité qui n'était pourtant que quelques mois.
Il lui rendit un petit sourire préoccupé.
Par Odin, que faisait-il ici ?
"Qu'est-ce que—
"Nous n'avons pas le temps, le coupa-t-il à voix basse en regardant derrière son épaule. Nous devons faire vite, nous aurons tout loisir de discuter dans les drakkars.
Ce ne fut que lorsque le jeune homme tira sur sa main que Jimin sortit de sa transe, les yeux écarquillés dans un mélange de stupeur et de réalisation. Qu'il comprit la réelle raison de sa présence ici.
"Non.
"Jimin, siffla Taehyung en regardant de droite à gauche dans l'espoir de ne pas être repéré. Il faut qu'on te sorte d'ici.
La respiration de l'oméga se coupa dans sa gorge : il était une chose de comprendre ce qu'il se passait autour de lui, de comprendre pourquoi il reconnaissait les yeux noisettes de ses anciens compagnons, mais il était autre chose que d'entendre son amour de jeunesse et son ami d'enfance exprimer à haute voix ce qu'il craignait en son for intérieur. Il y était, à ce choix impensable, à ce dilemme qui tordait ses intestins plus fort que les vagues qui s'échouent sur les rochers. Il y était, à ce choix irréalisable, entre son cœur et sa raison, entre son amour et sa famille, entre le Nord et l'Est.
Que Snotra, déesse de la sagesse, lui vienne en aide.
Mais avant qu'il n'eut le temps de prononcer le moindre mot, Taehyung enroula de nouveau sa main autour de la sienne pour le tirer en avant, pressé par l'urgence et le danger de leur potentielle découverte. Ils étaient en territoire hostile, et venaient récupérer par la force leur compagnon d'armes — ils avaient conscience du sort qui leur serait réservé s'ils se faisaient repérer.
"Non ! s'écria le guérisseur en se détachant une seconde fois dans un mouvement sec.
Les yeux de son ancien frère de la tribu de l'Est se plantèrent fermement dans les siens, avec une force qu'il avait presque oubliés depuis qu'il était parti. Les créatures qui vivaient la nuit avaient remué ses prunelles pour y incruster quelques morceaux d'étoiles, avec cette stoïcité de la glace et la fougue de la lave.
"Il faut s'en aller, et vite, avant que quelqu'un nous voit ! rétorqua-t-il bassement dans un froncement de sourcils, ne comprenant pas pourquoi son meilleur ami refusait de s'enfuir avec eux.
Jimin soupira et glissa sa main dans sa chevelure, avant de murmurer :
"Vous devez être fatigués. Venez, je vais vous trouver un abri pour la nuit, on en reparlera demain.
Jeongguk ne voudrait jamais d'eux sous son toit, eux qui essayaient de l'arracher de ses bras, il le savait bien — mais peut-être, avec un lait chaud, un copieux repas et le temps de leur expliquer correctement la situation, alors peut-être pouvaient-ils comprendre ce qu'il faisait toujours chez les Loups de Mitgard, et pourquoi n'avait-il cherché de courir loin d'ici dès qu'il en avait l'occasion ...
"Tu es complètement fou ? Hors de question que tu restes prisonnier une seconde de plus de ces barbares.
"Je ne suis pas prisonnier, lâcha-t-il dans le silence frissonnant de ce milieu d'hiver.
Il y eut un moment de flottement, et Jimin pu presque lire le moment où Taehyung retroussa son nez, compris, et murmura, dépité :
"Oh.
Son regard était comme brisé face à cette révélation, comme la banquise que l'on fend pour pouvoir pêcher ; mais alors que le jeune homme allait apporter de plus amples explications — des explications qu'il méritait, il lui devait bien cela —, il se figea à l'entente d'une voix, ô que trop familière elle aussi, s'élever derrière lui :
"Qui que vous soyez, je vous demande de le lâcher.
Jimin n'eut pas besoin de se retourner pour deviner qui se trouvait dans son dos, la mâchoire serrée et ses prunelles — ô, qu'il aimait tant se perdre dans les couleurs chatoyantes de ses prunelles — lançant à présent toute la foudre de Thor.
"Jeongguk, souffla-t-il.
Il était auguste, ainsi — quand ne l'était-il pas ? —, dans les rayons encore rougeoyants de ce début de journée, les bras croisés et sa peau d'ours drapée sur son épaule. Ses cheveux étaient tressés dans cette coiffure guerrière qu'il aimait tant sur lui, une de celle qu'il aimait brosser lorsqu'il était assis à ses pieds, la tête rejetée contre sa cuisse en train d'aiguiser son épée et fredonner les légendes d'antan. Il dut réprimer un frisson à la vue des runes sombres dansant sur son épiderme basané, ses yeux voilés de cette même flamme dure et obscure lorsqu'il rentrait sur un champ de bataille, la même flamme qu'il avait porté nombre de fois sur sa silhouette avant que leurs corps se franchissent les dernières barrières pour venir s'écraser l'un contre l'autre. Derrière lui, se trouvaient Namjoon et Yoongi dans de pareilles conditions, faisant voltiger entre leurs doigts une dague pourtant éclatante sous le soleil timide. Une partie de son cœur était exaltée par la protection que ces hommes lui apportaient, fier de pouvoir dire que le chef de cette tribu féroce était sien ; mais l'autre, plus craintive, tremblait en se demandant quelle serait la suite des évènements.
Il y était, à ce dilemme impensable.
"Nous venons récupérer notre frère, clama Taehyung le regard dur, se rapprochant de Jimin dans une étreinte possessive — comme si cela faisait des semaines que son cœur se languissait du sien, et maintenant qu'il était là, devant lui, en chair et en os, il se refusait de le laisser se glisser entre ses doigts ne serait-ce qu'un instant.
"Vous avez trépassé sur notre territoire, contre-carra Jeongguk, la mâchoire ferme et les bras toujours croisés sur son torse. Partez, et nous abandonnerons toute revanche.
Il lui avait promis. Dans l'une de leurs nombrables conversations à propos de l'avenir, de ses inquiétudes et de sa nervosité sur ce que le sort leur réservait, l'alpha lui avait promis — qu'il ne poursuivrait aucune vengeance envers le peuple de son amant, qu'il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour contenir la haine sourde qui grattait ses intestins comme une bête en cage, quand bien même ces-derniers tenteraient de lui faire du mal. La sécurité et le bien-être de son elsker était le plus important que toutes représailles personnelles.
"Il en est hors de question, grogna le loup du clan de l'Est. Pas sans Jimin.
Sa main s'enroula de nouveau autour du poignet du blond, le tirant vers lui, mais l'oméga ne bougea pas de place, les pieds fermement plantés dans le sol et les yeux voyageant entre les deux êtres, confus, perdus.
Ô déités veillant sur ce bas monde, entendez mes prières — car ces hommes, dans leur ego furieux, n'entendraient pas les siennes.
"Lâche-le, gronda l'héritier du Nord en retour, faisant un pas menaçant en avant.
Le vent se leva.
"Jimin est à nous.
"Il n'est à personne, cracha Jeongguk en serrant des dents.
La bouche de Taehyung se retroussa d'une grimace mauvaise.
"Alors je vais gagner ce droit.
Le guérisseur se figea en entendant ces paroles. Ce droit. Trop de fois avait-il entendu ces mots acerbes jetés dans l'océan, les yeux ourlés de cette colère froide qui faisait frissonner, et généralement ceux-ci s'accompagnaient de—
"Jeongguk, fils de Gunnar, héritier de la tribu du Nord, je te défie en duel.
"Non, souffla Jimin, paralysé.
L'alpha en face de lui le jaugea d'un air dédaigneux, avant de lâcher sèchement :
"J'accepte.
"Non ! hurla l'oméga.
Et les éléments tonnèrent avec lui, le vent qui hurle dans ses oreilles et la mer qui rugit dans un dernier souffle de vague, le froid qui mord les joues et le soleil qui disparaît honteusement derrière les nuages bas. La Nature aurait pu se déchaîner ici et maintenant, le Ragnarök aurait pu faire trembler la Terre de sa haine promise, et Jimin n'en aurait eu cure — son attention pleine et entière portée vers ces deux êtres, ces deux étoiles si antagonistes, le feu et la glace qui se rencontrent dans une secousse terrible. Deux hommes qui le voulaient lui, deux hommes qui se cachaient derrière la prétention de le protéger, derrière la prétention de vouloir que le meilleur pour lui, mais le cœur du blond ne pouvait en aimer qu'un.
Il sortit de sa torpeur en voyant Taehyung avancer, menaçant, en direction du fils du chef, ôtant son manteau de fourrure brune et le laissant choir par terre dans un mouvement dédaigneux.
"Non, non, non ! Cessez !
Si les Vikings étaient des êtres fiers, les Loups l'étaient encore plus, et trouvaient l'équilibre de leur peuple dans ces traditions et coutumes ancestrales, perfectionnées avec les années dans une lame fine et tranchante. Jimin connaissait bien, ces appels au duel, au défi, qui ne se finissaient que dans la plus violente et barbare des façons — ne cessaient qu'une fois qu'ils en avaient fini avec l'adversaire, qu'une fois que la gorge était dans les crocs de l'autre et que les pleurs des femmes emplissaient le silence létal qui les entouraient... et le blond ne pouvait que rester tremblant face à la perspective de cet avenir plus incertain et ténébreux.
Car maintenant qu'ils avaient tout deux acceptés le duel, seule la mort pourrait les délivrer de cette obligation.
Et Jimin n'était pas prêt de dire aurevoir à l'un d'entre eux, pas quand il venait de les trouver — pas quand Jeongguk était à présent sien, et pas quand il revoyait enfin les orbes précieuses de Taehyung. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était de crier aux dieux, laver la terre de ses pleurs et s'enfoncer un couteau dans ses entrailles plutôt que de les voir se battre.
Trébuchant, pantelant, il se précipita vers Jeongguk pour le prendre dans ses bras, faisant barrage de son corps et l'empêchant de s'avancer vers son adversaire, l'empêchant de rencontrer sa destinée.
"Jeongguk, Gguk, alpha, supplia-t-il, les larmes aux yeux et les mains fébriles implorantes caressant ses traits comme pour le sortir de sa torpeur. Ne fais pas ça, s'il-te-plaît elsker, tu m'avais promis !
Un sanglot étouffa ses paroles dans la gorge, et il ne sentit plus qu'il ne vit la main prendre en coupe sa joue. Le noiraud releva son visage vers lui, le sourire un peu triste mais les yeux déterminés, avant d'embrasser son front comme sur le champ de bataille qui les avait jadis opposé au clan des Corbeaux, murmurant doucement contre sa peau :
"Je le fais pour toi, amour.
Et Jimin aurait voulu crier à s'en arracher les cordes vocales, aurait voulu hurler de tout son être jusqu'à n'avoir plus une once de force en lui. Car il n'avait pas besoin de cela, il n'avait pas besoin d'être revendiqué par un alpha pour être l'homme qu'il était, et il pensait que le noiraud avait compris cela — que son esprit ne pouvait être enchaîné auprès des mortels, qu'il divaguait au-dessus des fjords et plus loin encore, par-delà les océans de glaces et les contrées encore inexplorées. Il lui avait promis, lui avait chuchoté tant de fois contre ses lèvres qu'il ne ferait pas de mal à l'un des siens, au peuple de la caste de l'Est ; et voilà qu'il brisait ce serment aussi allègrement qu'il brisait cette envie de vivre, de vivre avec lui et de laisser la belle mort le cueillir dans son lit quand les jeunes printemps faneront sur sa peau.
Il savait que Jeongguk était fort. Avait vu sa bestialité sur le champ de bataille et la résolution dans son regard.
Il savait que Taehyung était fort. Avait vu ses muscles se développer dans leur jeunesse et le cran dessinant sa mâchoire.
Alors pourquoi fallait-il que l'un d'eux meure ?
Mais avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit d'autre, il sentit deux bras l'attraper par la taille et l'arracher physiquement de son monde — criant et se débattant et griffant et maudissant Hoseok qui l'éloignait de la prochaine scène de duel, connaissant ô que trop bien la férocité des guerriers lorsque leur honneur était en jeu. Malgré les heures encore jeunes du jour, les cris et les altercations avaient suscité la curiosité des membres de leurs clans, et, bientôt, un petit cercle de badauds entoura les protagonistes avec cette aura terrifiante de la foule qui gangrène la folie.
Hoseok reposa l'oméga à terre alors que les deux alphas se délestaient de leurs fourrures : Jeongguk passant une main dans ses mèches tressées, la luminosité terne du petit matin dessinant les runes encrées dans sa peau, et Taehyung saisissant une lanière de cuir que lui tendait un comparse de l'Est derrière lui pour attacher lui aussi ses cheveux sombres, le regard dur et laissant le souffle marin caresser là encore les écritures scandinaves le long de sa colonne vertébrale — nouveauté depuis que Jimin l'avait vu pour la dernière fois. Par Odin, qu'il avait mûri ; il semblait que les mois s'étaient transformés en années, car le froncement de sourcil dur qui abordait le visage du fils de Kim était si, si différent des sourires enfantins qu'il lui lançait timidement, encore même le matin de sa capture. La grande prêtresse du village avait été appelé, et alors que Namjoon s'avança au sein du cercle, arbitre improvisé de ce duel mortel, Jimin fut tenté de faire un pas en avant également.
Mais une main derrière lui se posa sur son épaule pour l'arrêter.
"Tu vas te faire étriper si tu t'interposes, prévint bassement Hoseok, son murmure se répercutant dans son esprit comme une vile chanson.
Les yeux transfixés vers les deux silhouettes qui se jaugeaient dangereusement, il n'eut le temps de répliquer — car déjà, la voix grave de Namjoon s'élevait dans le murmure de l'assemblée.
"Peuple du Nord, peuple de l'Est, annonça-t-il gravement. Jeongguk, fils de Gunnar, héritier de la tribu du Nord, et...
Il se tourna vers l'étranger, le regard inquisiteur.
"Taehyung, 2e fils d'Asbjörn, guerrier de la tribu de l'Est, clama le brun, le regard dur et la mâchoire serrée.
Namjoon hocha la tête.
"... se tiennent devant nous et devant les dieux pour ce duel. Celui-ci ne pourra être interrompu que par la mort de l'un des combattants. Tous les coups sont permis, aucune aide extérieure ne peut intervenir ; et si un tiers devait s'immiscer, il en subira le châtiment adéquat. Comprenez-vous les règles ?
"Bordel, Namjoon, cracha Jeongguk non sans détourner ses prunelles de celles de l'homme en face de lui, laisse moi arracher le visage de ce fils de chienne !
L'alpha soupira.
"Puisse Odin vous insuffler le courage et la force. A présent... transformez-vous.
Les deux hommes hurlèrent tous deux vers le ciel, de ce glapissement rauque et animal qui laissait les autres tremblants, avant de se métamorphoser dans un craquement d'os et un grognement d'inconfort. Soudain, à la place des silhouettes humaines, se tinrent deux loups imposants à la gueule béante et aux yeux jaunes perçants et effrayants.
Ils connaissaient tous la légende, de celle qui les berçait depuis leur plus tendre enfance et depuis des siècles avant eux. Comment une paysanne tomba amoureuse d'un loup sauvage, et comment de cette union naquit le premier hybridé. Comment Mani, fils de Mundilfari, dieu de la Lune, touché par leurs sentiments mais horrifié par ce qu'ils avaient engendré et par la descendance qui suivit, décida de bénir la lignée d'un bienfait et d'une malédiction. Comment l'astre nocturne, rond dans le firmament, ferait ressortir la part animale des hommes. Comment ces mêmes hommes apprirent à combattre leurs pulsions, affûtant leurs instincts lentement, de cette même patience dont étaient faits les Vikings ; et comment, pour ne faire affront à Asgard, ils avaient fait un pacte entre les clans pour ne laisser leurs lycaons ressurgir que lors des cérémonies et des duels.
Jimin n'avait jamais vu le loup de Jeongguk. Pour celui de Taehyung, il avait déjà pu admirer son pelage tacheté de brun lors de la cérémonie de présentation, lorsqu'il fut révélé que c'était un alpha, paradant au milieu de sa caste et partant pour tout un cycle de lune dans la forêt pour prouver que c'était un homme. Mais Jeongguk... son loup était majestueux, aussi majestueux qu'il était lorsqu'il se tenait sur le trône de son royaume. Il était aussi sombre que la plus sombre des nuits, la peau de son ventre jurant de ses poils aussi blanc que la plus blanche des neiges, dans ce contraste pareil au bien, au mal, et à toutes les émotions entre que se devait d'incarner l'héritier du chef de clan.
Si la situation n'était pas aussi grave, il aurait pu imaginer. Imaginer comment son propre loup gris aurait aimé courir derrière le fils du Nord à en perdre haleine, leurs glapissements euphoriques se répercutant contre les arbres des montagnes, comment il aurait sauté sur son amant dans un couinement joueur pour lui mordiller l'oreille. Peut-être un jour, s'il osait rêver d'un avenir où il serait à ses côtés, et non au Valhalla si ce duel tournait mal.
Il y eut un silence, une seconde qui s'étira inlassablement dans l'espace comme une boucle temporelle ; son souffle se coupa, les dieux se turent, le vent cessa... et les deux alpha se précipitèrent l'un sur l'autre.
Il y était, à ce dilemme impensable — sauf que le choix et l'issue étaient à présent complètement hors de sa volonté.
Taehyung bondit le premier sur le chef de village, les canines brillantes de salive et les yeux jaunâtres presque fous, toutes griffes dehors, mais Jeongguk esquiva sans mal l'attaque, avant de répliquer à son tour, donnant un coup de patte en direction de son flanc pour ne rencontrer que le vide. Leurs grognements se répercutaient comme les tambours des drakkars entre les huttes du village et dans la poitrine de l'oméga, le cœur au bord des lèvres et les prunelles humides, tandis que les lycaons chargeaient de nouveau.
Il en avait vu, des duels pourtant. Avait assisté aux combats des hommes, et aux combats des loups. Avait grandi dans cette violence et cette force et cette barbarie propre aux peuplades de ces contrées scandinaves. Avait failli perdre son père dans un de ces affrontements véhéments, avait pleuré son oncle quittant le monde des mortels après un raid de la caste des Aigles. Il connaissait tout cela — mais à présent que les deux corps se rencontraient en plein vol dans un crac venu d'outre-tombe et dans un hurlement sauvage, il bénissait les cieux de la présence d'Hoseok à ses côtés le maintenant, sans quoi il se serait écroulé depuis bien longtemps.
Un claquement de mâchoire funeste retentit, et Jimin se tendit, le regard perdu entre ces silhouettes, le blanc du flanc de Jeongguk se confondant avec le clair tacheté de Taehyung. Un coup de patte, un coup de queue, une échappée, le bruit des canines manquant la chair de l'autre, le crissement des griffes sur le sol rocailleux, un glapissement.
De l'autre côté de cette furie, se tenait Namjoon, droit comme la mission de justice qui lui incombait, les orbes charbons impassibles observant les deux guerriers mener la plus cruelle des batailles. Comment pouvait-il rester impassible, alors que son meilleur ami risquait de perdre la vie ? Etait-il arrogant au point de penser que son chef pouvait remporter ce duel, quitte à l'aveugler sur la force légitime de Taehyung et sur la menace potentielle qu'il représentait ? Comment faisait-il pour ne pas crier à l'agonie comme lui à chaque égratinure, à chaque coulée de sang — les poumons en feu et l'impression de ne pas avoir la voix nécessaire pour chanter ses plaintes et ses pleurs, comme si chaque griffée lacérait sa propre poitrine ? Et Yoongi, et Hoseok ? Comment faisaient-ils eux aussi pour rester de marbre, presque résignés, à l'idée de voir leur chef, leur ami, leur frère, dans une telle posture ?
Et tout ça pour quoi, finalement ? Pour un pauvre oméga qu'ils ne connaissaient que depuis quelques mois, ancien Thraell qui serait encore une prise de guerre à l'heure d'aujourd'hui s'il n'avait pas marchandé sa liberté au-dessus du corps livide de sueur de l'héritier ? Avec le temps, depuis l'attaque des Corbeaux, les trois hommes avaient commencés à apprécier le jeune blond, témoins de l'affection que Jeongguk lui portait — mais était-ce assez pour le laisser risquer sa vie pour lui ? Etait-ce assez pour ne pas vouloir le raisonner, pour ne pas vouloir se jeter dans le combat pour les séparer et pour prendre le parti de leur futur roi ?
Avaient-ils peur du courroux de Jeongguk dans de tel cas, la rage de n'avoir pu gagner cette joute à la loyale ? Avaient-ils peur du courroux des dieux, les empêchant d'assister à quelques distractions depuis Asgard ? Avaient-ils peur des répercussions du clan du Nord sur eux, tel que l'avait averti Namjoon en lançant la rixe ?
Loin des tourments du jeune homme, le heurt faisait rage devant lui, sans savoir réellement qui avait le dessus ; Jeongguk avait tantôt les griffes s'enfonçant dans le plastron de fourrure du fils de l'Est, et Taehyung avait tantôt la mâchoire claquant à quelques centimètres seulement de la tête du fils du Nord.
Soudain, renversant l'équilibre précaire des forces, Jeongguk fonça de tout son soûl dans la silhouette de l'autre alpha, le faisant renverser à la renverse, les pattes s'enfonçant dans la gorge du tacheté, la gueule dégoulinante de haine et de mépris comme une ombre malfaisante au-dessus de la sienne, laissant uniquement l'autre glapir dans une plainte étranglée. Jimin porta sa main sur ses lèvres dans un hoquet de stupeur, les larmes chaudes menaçant de caresser les vallées de ses joues, alors que le loup noir gronda dangereusement au-dessus de l'autre, l'empêchant de s'échapper, ses orbes dorées teintées d'une touche de safran rouge luisant dans le voilage du ciel.
"Non, souffla le jeune homme.
Il avait admiré le visage de son elsker moucheté d'hémoglobine, quand il était venu le chercher dans cette grotte où il se cachait avec les enfants en attendant la fin du raid des Corbeaux ; mais voulait-il voir sa bouche et ses joues couvertes du vermeil de son ami d'enfance, de celui qui allait être son promis s'il n'avait pas été fait prisonnier ? Voulait-il que les derniers moments échangés avec Taehyung soient réduits à de la colère et de l'orgueil mal placé ?
Il se souvenait — de la première fois que son père avait autorisé Jimin et Taehyung prendre son bateau pour explorer les fjords. La cérémonie du solstice d'été où ils dérobaient en cachette des morceaux de viande salées des cuisines avec un rire non contenu. Le jour où il était sorti de la forêt lors de la fin de son rite initiatique, s'écroulant dans les bras de l'oméga avec un rictus satisfait et épuisé. Le soir où les ancêtres avaient encré leur première rune à chacun sur leur peau, leurs mains enlacées et leurs sourires fiers dans l'éclat des flammes.
Etait-il prêt à dire aurevoir à tout cela ?
Mais brusquement, coupant court à ses réminiscences, le vent tourna — et l'issue du combat également.
Comme possédé par la force et la malice de Loki, Taehyung parvint à se déloger de sous son adversaire, pour renverser les positions ; et, moins magnanime que ne l'était Jeongguk, il n'hésita pas avant de donner quelques crocs douloureux, teintant la belle fourrure ébène de tâches rougeâtres et humides. Le sang goutta sur le sol sablonneux du village.
Non.
Le ciel gronda au-dessus d'eux, et Jimin ne pouvait voir que de la folie dans les prunelles carmin, carmin comme l'hémoglobine, de son frère de l'Est.
"Jeongguk, souffla le blond, les yeux écarquillés face à ce spectacle impossible.
Car, acculé, un grognement menaçant en direction de son adversaire, l'alpha ne pouvait qu'accuser les coups, le loup tacheté assis sur ses pattes arrières l'empêchant de pouvoir se redresser pour riposter, avant de plonger ses griffes pour les planter profondément dans le ventre souple sous ses pattes — un hurlement lancinant en guise de réponse qui eut l'effet d'un tremblement de terre dans la poitrine du blond.
Pourquoi ne ripostait-il pas ? Il connaissait sa force, connaissait l'étendue de ses muscles. Pourquoi ne se redressait-il pas pour attaquer en retour ? Se tenait-il à la promesse de ne pas blesser les membres de l'ancienne tribu de son amant, au point de ne vouloir honorer sa part du duel et de combattre à mort — au point presque de se sacrifier pour tenir parole ?
"Jimin, retint Hoseok d'une voix basse, alors que le guérisseur avançait d'un pas en leur direction, comme s'il voulait s'interposer.
Et comment ne pas penser autrement ? Comme aurait-il était possible de penser à autre chose d'autre, alors que son aimé était dans une position si déloyale, et tout ce qu'il pouvait faire, c'était d'observer sa fin lente et déchirante ? Cela faisait à peine quelques mois depuis que les sentiments avaient bourgeonné entre eux comme ces fleurs sauvages qui éclosent même sous la neige ; et pourtant, même si Jimin ne portait pas encore la marque de l'homme au parfum de musc, il savait qu'il était à lui. Infiniment et irrémédiablement. Leurs cœurs battant de ce même rythme, leurs yeux éclatant de cette même étincelle, leurs peaux secouées par cette même caresse.
Jeongguk était en train de perdre, et tout ce qu'il pouvait faire, c'était rester sur le côté, paralysé, comme figé dans la glace, les lèvres chevrotantes et les larmes brouillant la vision. Son esprit vil pensait bon de lui rappeler tout ce qu'ils avaient vécus, depuis le jour où leurs regards s'étaient croisés, depuis le jour où l'héritier du trône lui avait reproché de s'occuper de malades contagieux. Les baisers près du feu, les étreintes lascives le long des peaux de fourrure douce, les éclats de rire quand l'alpha s'occupaient des enfants ou le regard d'admiration appréciative quand Jimin tirait à l'arc.
Et Taehyung ignorait tout cela — la façon dont Jeongguk le regardait quand il pensait que Jimin n'en avait pas conscience, la façon dont il l'enlaçait au creux de la nuit et qu'il essuyait ses larmes de chagrin ou de luxure, la façon dont il avait l'impression de le connaître déjà par cœur. Comme s'ils étaient faits pour être ensemble, de cette destinée rare et stellaire qui n'arrive qu'une fois par siècle et que les mères murmurent à leurs enfants quand ils sont sur le point de s'endormir.
Taehyung ignorait tout cela, alors, aveuglé par la colère d'avoir perdu son frère de sang, de tribu, et peut-être, son futur promis, il attaquait, encore et encore.
Il allait le tuer.
Il allait le perdre.
Et Jimin ne pourrait que prendre un poignard pour le rejoindre dans sa tombe.
"Jeongguk, chuchota Jimin de nouveau, comme pour se sortir de sa trance, comme réalisant enfin la gravité de la scène devant lui. Jeongguk !
"Jimin, s'alarma Hoseok en essayant de le retenir, ne t'interposes pas !
Ne comprends-tu pas ? S'il meurt, je n'ai plus de raison de vivre en retour.
Rassemblant toutes ses forces, il repoussa le bêta de ses deux mains, et le temps semblait s'être arrêté lorsqu'il se précipita vers les deux loups — traversant la ligne imaginaire et de coutume qui les encerclait, et scellant son sort par la même façon. Il n'entendit pas le hoquet de stupeur de l'assistance, ni ne remarqua l'air interpellé peint sur le visage de Namjoon en comprenant la situation ; tout ce dont il avait conscience, c'était hurler le nom de l'autre au point de s'arracher les cordes vocales, et le sang qui rampait sournoisement sur le sol.
"Jeongguk !
Jimin avait toujours été un homme d'action. Un homme qui n'avait pas froid aux yeux. Un homme qui avait marchandé sa liberté contre la vie d'un héritier de caste.
Un homme qui s'interposa dans le combat de deux bêtes ayant succombé à l'instinct animal.
Alors que Taehyung relevait la patte pour donner un autre coup, l'oméga se glissa entre les deux lycaons pour protéger Jeongguk de son propre corps, encerclant sa gueule de ses bras et tournant le dos à l'alpha de l'Est — de la même façon qu'il avait voulu protéger le nourrisson contre son torse, lors de la bataille avec les corbeaux.
"Non ! hurla-t-il.
Tous retinrent leur souffle. Le chaos colérique retomba, laissant son cri de désespoir retentir entre les montagnes pour vibrer dans un écho implacable. Jeongguk offrit un bruit étranglé, contestant la présence de son amant sur une scène aussi dangereuse que celle-ci, tentant de se dégager de l'emprise de l'humain pour veiller sur lui en retour — si ce n'était pour ses blessures profondes le rendant encore plus faible.
Le visage humide de larmes enfoui dans la fourrure de son elsker, le jeune blond tourna ses traits par-dessus son épaule, persuadé que, dans son élan, Taehyung allait donner son coup de griffe presque fatal — peu importe si son amour de jeunesse était au milieu de son chemin ou non. A la place, le brun, la patte toujours en l'air, le contemplait de cet air impénétrable. Comme s'il avait du mal à mesurer le fait que c'était l'homme qu'il voulait sauver qui était là devant lui, défendant de sa propre vie celui qui l'avait capturé.
"Non, souffla Jimin de nouveau, si doucement mais si fort dans le silence assourdissant qui était tombé sur le spectacle comme une chappe de plomb.
Le loup gronda, montrant ses canines mauvaises et redoutables, avertissant le jeune homme de son geste. Pars, semblait-il dire sous sa forme animale, les orbes brillantes lançant des éclairs peaufinés par Odin lui-même. Tu n'as rien à faire ici. Ce n'est pas ton combat.
Jeongguk geignit de nouveau sous lui.
Le blond raffermit ses doigts autour de la fourrure corbeau doucereuse, maintenant son regard dans les billes jaunes et rougeâtre du prédateur en face de lui. Il avait tout à faire ici, bien au contraire ; car deux hommes se battaient pour lui, pour sa sauvegarde, pour son honneur et sa dignité, lui qui n'avait rien demandé et qui n'avait besoin d'être protégé par des alphas. Lui qui était capable de faire ses choix seuls. S'attendaient-ils à ce qu'il les regarde s'entretuer et rendre son dernier souffle sans qu'il ne fasse rien ? C'était là mal le connaître.
"Tu ne me tueras pas, chuchota-t-il à l'attention de Kim, persuadé que, quelque part dans l'esprit animal qui avait pris le contrôle sur son instinct, il y avait encore une once d'humanité en lui qui comprendrait ses mots. Tu ne me tueras pas, et tu ne le tueras pas non plus.
Taehyung fit un pas menaçant en sa direction.
Nombre d'hommes auraient tremblé face à la carrure imposante du loup, et si Jimin n'était pas un guerrier, il était tout de même un Viking, un membre du clan de l'Est, un guérisseur, et certainement le plus entêté des omégas.
"Si tu veux le tuer, tu devras me passer sur le corps, continua-t-il doucement, résigné, ignorant la plainte de protestation de Jeongguk et le regard alarmé de Namjoon, Yoongi et Hoseok autour de lui.
Le ciel tonna.
"J'allais vous rejoindre. Une fois la glace fondue et la mer praticable, j'allais vous rejoindre. Vous me manquez, et je sais que vous devez être morts d'inquiétude, alors j'allais rentrer à la maison pour tout vous expliquer. Je te le promets. Mais...
Une larme dévala sa joue chaude pour se perdre dans le pelage charbon sous lui, et Taehyung fit un autre pas en avant.
"Mais je l'aime. Je t'en conjure, ne le tue pas, parce que je l'aime et qu'il me serait insupportable de vivre cette vie sans lui.
Les mots résonnèrent étrangement une fois à l'air libre, car c'était des mots qu'il n'avait jamais osé prononcer. Leurs cœurs chantaient à l'unisson, leurs caresses étaient lourdes de sens, mais le blond n'avait jamais franchi le pas de sceller leur amour naissant par cette phrase, par ces paroles, ces trois petits mots qui avaient changé maintes fois la face du monde et qui avait conduit à la perte des hommes — et à leur résurrection. Il sentit le loup de Mitgard sous ses doigts se figer à l'entente de ses mots, Namjoon se paralyser dans son champ de vision, et le lycaon devant lui se stopper dans ses mouvements.
Il aurait pu avouer ses sentiments de mille autres façons ; devant le coucher de soleil sur les fjords glacés, quand il retrouvait Jeongguk seul et pensif dans la salle du trône, quand leurs orgasmes les laissaient pantelants dans le creux du lit. Il avait choisi de le faire quand ils n'étaient plus qu'à quelques minutes de la mort, et il passerait l'éternité à s'en vouloir de n'avoir eu le courage de le dire plus tôt.
"Je t'aime. Et je l'aime aussi. S'il-te-plaît, ne mourrez pas.
Taehyung fit un dernier pas, et Jimin serra les yeux aussi fort qu'il put — s'il devait rencontrer le Valhalla plus tôt que prévu, au moins que ce soit de la main de son ami d'enfance.
...Mais à la place de la douleur et du sang qui ruisselle le long de ses côtes, il manqua de sursauter en sentant la fourrure douce du plus jeune contre sa joue, frottant sa tête à son visage dans un geste réconfortant. Lui disant qu'il renonçait. Qu'il lui pardonnait. Qu'il était heureux de le revoir. Qu'il acceptait le destin qu'il avait choisi.
Et le jeune blond n'eut le cœur de retenir le sanglot qui déchira sa poitrine, enfouissant ses traits dans la nuque de son ami d'enfance avec une joie et un calme apaisé non contenu.
Ils étaient vivants. Les deux hommes, ses deux comètes, son passé et son présent, là, blottis contre lui dans ce serment silencieux. Ils étaient vivants, et l'oméga ne put que laisser les perles salées tracer quelques sillons pleins de promesses.
---
Jimin manqua de faire tomber le panier de plantes sauvages quand il découvrit Taehyung sortir de la hutte du chef du clan du Nord. Il s'était absenté quelques instants, le temps d'aller chercher des herbes médicinales pour empêcher l'infection des blessures de Jeongguk, et voilà que l'alpha de la caste de l'Est se tenait devant la porte imposante de l'héritier.
Ils ne s'étaient pas parlé, pas depuis le duel, Hoseok prenant immédiatement Jeongguk en charge et Taehyung disparaissant dans la foule, sûrement pour se changer les idées — alors revoir le brun devant lui, ses prunelles caramel le fixant avec cette expression illisible, réveillait en son for quelques émotions innommables.
"Hey, souffla doucement le cadet en voyant le guérisseur s'approcher.
"Hey, répondit-il nerveusement en retour, jonglant le cabas entre ses mains.
Il y eut un petit silence, gêné, avant que l'alpha ne murmure :
"Je suis venu voir Jeongguk, pour lui dire que je n'opposais aucune résistance à votre amour. Et pour m'excuser de l'avoir blessé. C'est un homme bien.
Le blond lui rendit un petit sourire.
"Et je voulais m'excuser auprès de toi, aussi, souffla-t-il en plongeant son regard dans le sien.
Il releva la tête vers lui, étonné.
"J'étais... Nous étions tous inquiets. Te savoir captif dans un clan ennemi, sans avoir la moindre nouvelle de toi, nous rendait complètement fous.
"J'allais rentrer, répéta Jimin doucement en s'approchant de lui pour prendre sa main. Je te le promets. Mais les routes étaient impraticables, et je ne sais comment vous êtes parvenus à venir jusqu'ici. Tout ce que je voulais, c'était vous rassurer que j'allais bien. Pas vous perdre dans un bain de sang.
Le brun serra la main de son aîné dans la sienne, un léger sourire peigné sur ses lèvres pleines, avant de demander :
"Tu es heureux, ici ? Avec lui ?
Jimin n'eut nul besoin de réfléchir à sa réponse :
"Oui.
"Alors c'est tout ce qui m'importe.
Et avant qu'il ne puisse dire un mot de plus, Taehyung l'enveloppa dans une étreinte chaude et réconfortante — les mêmes étreintes qu'ils se partageaient quand ils étaient petits, et les souvenirs éclatèrent comme des bulles à la surface en se remémorant leur jeunesse dorée. Jimin aurait pu rester longtemps, ainsi, dans ses bras, comme pour se convaincre que tout allait bien et que le destin s'était de nouveau équilibré, que les ombres lugubres de l'avenir s'étaient éclaircies, et que tout reviendrait comme avant. Mais cet instant hors du temps fondit comme neige au soleil plus tôt qu'il n'aurait aimé, le fils de l'Est se détachant doucement du profil de l'oméga pour lui murmurer qu'il allait s'assurer que tout était prêt pour leur départ, ayant promis à Jimin un peu plus de temps avant que le blond n'entreprenne à son tour le voyage retour jusqu'à son ancien chez lui — avec, il l'espérait, la présence de Jeongguk à ses côtés cette fois-ci.
"Va le rejoindre, dit-il délicatement avec un rictus qui sentait bon les matins qui chantent.
Jimin le serra dans ses bras une dernière fois, avant de le laisser partir et de pousser la porte de la hutte du chef.
La skalar était sombre, le feu crépitant faiblement en son foyer, les peaux de bêtes tendues pour obstruer les fenêtres. Comme une seconde nature, Jimin s'avança dans la pièce pour rejoindre la couche où se trouvait le jeune alpha, de cette même façon dont Yoongi avait tiré sur ses chaînes il y a des mois de cela. A la place d'un Jeongguk fiévreux et délirant et livide de sueur, empalé sur une dague empoisonnée, ce furent les pupilles espiègles et brillantes dans la lueur des lampes à huile qui happa son regard. Comme la première fois qu'il l'avait vu, il était vêtu d'un pantalon en cuir moulant à la perfection ses cuisses, qu'il avait appris à aimer et à damner, le torse nu zébré de longues griffures sanguinolentes. Les plaies des griffes de le loup tacheté étaient moins profondes que l'épée, mais tout de même douloureuses.
"J'ai croisé Taehyung, débuta-t-il en s'asseyant sur le rebord de la couche, laissant la main de Jeongguk glisser le long de sa hanche. Ils vont bientôt prendre le large. Je lui ai promis d'attendre que tu guérisses avant de rendre visite à mon clan.
L'héritier du Nord huma doucement.
"Je sais, nous avons discuté.
Il marqua une pause.
"C'est un homme bien.
"Tu lui en veux ?
"Non, répondit-il calmement. Comment pourrais-je lui en vouloir ? Tout ce qu'il voulait, c'était te protéger. Lui et moi sommes pareils sur ce point.
Le noiraud prit la main dans la sienne avant de la serrer, dans un geste réconfortant qui valait plus que mille mots.
"Comment tu te sens ? demanda doucement l'oméga, dans l'espoir d'une distraction.
"Ça va, croassa-t-il, la voix rauque. Les plaies ne sont pas si profondes, mais cela fait longtemps que je m'étais pas transformé, alors je mets un peu plus de temps à guérir.
Le blond laissa la pulpe des doigts gracier la plaie cuisante, la peau de l'autre sursautant à ce contact divin. Son regard jonglait entre le professionnalisme du guérisseur, et le désir de l'amant, dévorant de ses yeux les vallées de son épiderme basané par les longues journées d'entraînement sous le soleil. Le feu craqueta derrière lui, et il ouvrit la bouche avant même d'avoir fini le cours de sa pensée :
"Est-ce que je peux...
Jeongguk rencontra ses yeux avec un air indéchiffrable, comprenant presque immédiatement l'idée que le jeune homme avait derrière la tête.
"Jimin, nous n'avons... Tu... Tu ne portes pas ma marque, articula-t-il avec difficulté.
Seuls les couples qui avaient lié leur sang pouvaient guérir l'autre d'un seul baiser ; et Jimin et Jeongguk n'avaient pas encore prêté serment de veiller sur l'autre devant les dieux et devant leur peuple, n'étaient pas encore des mates, mais... Mais il avait envie d'essayer. Il avait confronté les déités et les hommes en s'interposant entre les deux loups, et l'adrénaline de se sentir intouchable pulsait encore dans ses veines avec entrain. Lui chuchotant que rien n'était impossible. L'alpha l'avait dit lui-même : le guérisseur n'abordait peut-être pas encore sa morsure, mais il était déjà sien. Aux yeux des leurs et aux yeux d'Asgard.
Alors, tentativement, Jimin s'approcha du torse de son amant, et, de la même façon dont il laissait sa langue dessiner quelques promesses d'une nuit de concupiscence, il embrassa sa peau, savourant la chaleur de l'homme qu'il pensait ne plus jamais pouvoir contempler. Jeongguk eut un grognement étranglé dans sa gorge, mais il n'en avait cure, laissant ses lèvres caresser l'épiderme autour des lésions écorchées, ignorant le goût métallique du sang pour se concentrer sur les soupirs de l'autre et le battement de son cœur qu'il sentait tout contre sa poitrine.
Il l'avait sauvé de son corps. Sûrement pouvait-il le sauver d'un baiser.
Il sentit une main s'emmêler dans ses mèches pâles, et l'alpha soupirer au-dessus de lui — les mêmes soupirs que quand il le prenait en bouche, contre ces mêmes fourrures, mais cette fois-ci l'enjeu était bien différent qu'une acmé délicieuse et une jouissance tant attendue. Il laissa sa bouche s'aventurer bas, plus bas encore, là où les blessures étaient les plus profondes et où l'odeur de sa peau revêtait ce parfum de musc et d'épines de pin si particulier, les mains s'enroulant autour de la taille de son elsker comme pour se donner contenance.
"Amour, gémit le noiraud dans un dernier coup de langue.
L'intéressé se redressa, essuyant de son pouce une goutte d'hémoglobine le long de ses lippes, avant de détourner le regard vers son torse, et — oh. Car, comme par enchantement, de cette magie délicieuse qui graciait les êtres de ces contrées, la peau se refermait, les blessures cicatrisaient et le sang disparaissait. De la même façon que ces couples ayant scellé leur sort sous l'hospice des déités.
Son regard accrocha les perles charbons de son amant dans une stupeur silencieuse. Les blessures cicatrisaient, et toutes les plaies qui tailladaient son cœur également. Il ne portait pas sa marque, et pourtant, pourtant, leurs corps et leurs esprits répondaient comme tel, de cette saveur étrange du destin qui baisant leurs fronts et lie leurs mains pour l'éternité.
Ils étaient faits pour être ensemble.
Ils étaient faits pour s'aimer.
"Que—
Mais Jimin ne laissa pas Jeongguk finir sa phrase, fondant sur ses lèvres pour partager tout cet amour infini, toute cette vénusté bienfaitrice et cette chance absolue qu'il ressentait, l'embrassant dans un sursaut d'euphorie magmatique et si primaire, brute, stratosphérique, si bien que les mots eux-mêmes ne purent décrire la façon dont son cœur battait si fort dans sa poitrine.
Ils étaient faits pour être ensemble. Le ciel et le destin en avaient décidé ainsi, gravant leurs noms dans les poussières d'étoiles et protégeant leur fortune exaltée au creux de la montagne. Jimin avait sauvé son alpha, avait pansé ses plaies, et ils étaient faits pour être ensemble.
Il ne saurait dire combien de temps dura leur étreinte — une seconde ou un millier d'années —, mais pour rien au monde Jimin aurait-il voulu quitter la chaleur de ses bras, pas quand Jeongguk l'incita à s'allonger sur lui et le roula dans les fourrures de loutre pour mieux dévorer ses lèvres.
Un, deux baisers chastes, avant de se reculer légèrement pour mieux admirer la galaxie dansante dans ses yeux. Ils étaient bien, ainsi. L'avenir pourrait leur réserver encore mille et unes épreuves, et ils savaient qu'ils réussiraient à les surpasser, quoiqu'il arrive — tant qu'ils étaient ensemble, tant qu'ils avaient la main de l'autre dans la sienne, et tant qu'ils...
"Tu pensais réellement ce que tu disais ? demanda doucement Jeongguk comme pour ne pas briser le cocon bienveillant qu'ils avaient construits autour d'eux.
Jimin releva le regard vers l'héritier du clan.
"Quand tu t'es interposé, expliqua-t-il, la main chaude dessinant des arabesques intrigantes contre la peau de sa hanche. Quand tu as empêché ton ami de me tuer. Tu as dit que—
"Oui, souffla le blond contre ses lèvres sans même attendre la fin de sa phrase.
"Tu le pensais vraiment ?
Il y avait cette vulnérabilité dans sa voix. Ce ton presque incrédule, comme s'il n'arrivait pas à croire, après tous les signes et tous les serments, que Jimin était à lui, pour de bon. L'oméga se redressa quelque peu pour pouvoir prendre le visage de l'autre entre ses mains.
"Jeongguk. Gguk. Alpha. Elsker.
La respiration de l'autre se bloqua dans sa gorge.
"Tout ce que j'ai dit là-bas, je le pensais. Absolument tout. Et je m'en veux terriblement de ne pas avoir réussi à te le dire plus tôt. Jeonnguk, fils de Gunnar, héritier de la tribu du Nord, je t'aime, de tout mon être, de tout mon cœur. Je t'aime à en mourir et je serais prêt à passer moi-même les portes de l'au-delà pour toi si tu me le demandais.
Le noiraud ne put répondre que par un baiser, un autre de ces baisers qui secouent la tête et ses intestins et qui laissent l'autre délirant.
"Je t'aime aussi, souffla-t-il contre ses lippes.
Et le blond lui rendit son sourire.
Et c'est ainsi que Jimin, 4e fils de Lothar, guérisseur de la tribu de l'Est, oméga, trouva son âme-soeur.
.
NON VOUS NE RÊVEZ PAS !!! APRES DEUX ANS D'ATTENTE, L'EPILOGUE EST ENFIN ARRIVE !!
je vous avoue que je n'étais pas certaine de vouloir faire une 3e partie (d'où d'ailleurs l'énorme temps entre ces deux derniers opus !), mais j'aimais trop l'univers pour ne pas continuer, et je sais que plusieurs ici étaient assez impatients de voir comment cela pouvait se finir !! et étant donné que je suis weak pour vos doux mots... 👀
cette série d'os, et en particulier cette part 3, est spécialement dédicacée à Lachimolala2117, my darling, my love, qui m'a découvert par ce biais !!!
j'espère en tout cas de tout cœur que cela vous a plu, et que vous avez eu autant de plaisir à le lire que moi à l'écrire ! n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, ainsi qu'à voter et à partager, ça me ferait super plaisir !!
love you lots et on se retrouve très vite
champagne
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