SILENCE, THE DEVIL'S WATCHING

𝕾𝖎𝖑𝖊𝖓𝖈𝖊, 𝖙𝖍𝖊 𝖉𝖊𝖛𝖎𝖑'𝖘 𝖜𝖆𝖙𝖈𝖍𝖎𝖓𝖌
ℑ 𝔬𝔫𝔩𝔶 𝔢𝔵𝔦𝔰𝔱 𝔱𝔬 𝔣𝔞𝔩𝔩 )

"Salut tout le monde, c'est J&J, vos chasseurs de fantômes —
"Et de daronnes ! 

Ou : lorsque deux youtubeurs paranormal et leur ami médium rencontrent enfin des esprits, rien ne se passe comme prévu...


namjoon X jeongguk X jisung (skz)
comic horror
crackfic
paranormal activity gone wrong
poissards jeongguk & jisung
medium namjoon
light references to ghosts / violence
threesome on a pentacle
top ! namjoon
bottom ! jeongguk & jisung


OS ECRIT A 4 MAINS AVEC MON AMOUR -jebal !!


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Son téléphone vibra inconfortablement contre son matelas à 3 heures du matin. Namjoon pensait que ce n'était que le fruit de son imagination, une interférence dans son rêve d'ores et déjà étrange, mais la sonnerie continuait de retentir dans la chambre, et une partie de son esprit lui hurlait de décrocher parce qu'il était tard et que les voisins allaient encore râler à cause du bruit. Dans un grognement, il tâta à la recherche de son précieux, avant de pencher son écran vers son visage. Sans même regarder le nom du correspondant — le fait qu'on l'appelait à 3 heures du matin, un mardi soir, était suffisant pour avoir ne serait-ce qu'une petite idée.

"Hyung ! Hyung, tu es réveillé ? cria la voix de l'autre côté de la ligne — et Namjoon ne put s'empêcher de grincer des dents face au volume sonore de son cadet.

"Gguk ? demanda-t-il d'une langue pâteuse, les yeux toujours clos.

"Hyung, euh, tu te souviens de l'hôpital psychiatrique qu'on avait repéré avec Jisung, la semaine dernière ? Celui qui est abandonné depuis un demi-siècle ? Que tout le monde dit qu'il fait flipper ?

Namjoon répondit avec un "hmm" fatigué, se préparant mentalement à quitter son lit douillet, avant même que Jeongguk n'ait fini son explication.

"Bon bah euh, on y est allé, et—

Sa phrase se coupa dans un cri, déchirant et paniqué, chassant les dernières traces de sommeil qui continuait à s'accrocher le long de ses cils, ses sens plus en alerte, prêt à—

"Bordel, Sung, espèce de— j'ai eu la peur de ma vie !

Le rire du plus jeune résonna dans l'appareil, et un froissement de vêtements plus tard et une insulte ou deux, Jeongguk reprit le téléphone :

"Hyung...

"Donne-moi l'adresse, soupira Namjoon, déjà en train d'enfiler son sweat à capuche.

Quelques minutes plus tard, il vérifia l'heure sur son téléphone en passant la porte de son appartement. 3h17. Bordel. Il allait devoir encore expliquer ses cernes à Seokjin quand il irait au boulot le lendemain matin.

Et là, sur son écran un peu fissuré, se trouvait une notification qui lui expliquait tout ce dont il avait besoin de savoir sur l'épopée nocturne de Jeongguk et Jisung :


🔴[LIVE] : J&J SUPERNATURAL : Découverte d'un asile abandonné ! (Jisung se fait pipi dessus)


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Le choc de la tasse contre le comptoir eut le mérite de sortir Namjoon de sa contemplation somnolente, sursautant légèrement face au raclement de gorge de son frère. Un coup d'œil en direction de Seokjin et de son sourcil haussé fut suffisant pour savoir tout ce que son aîné voulait dire, se mordant la langue avec un petit sourire connaisseur comme pour ne pas trahir sa pensée.

"Comment vont les babies ? demanda le brun à la place.

Namjoon passa une main lasse sur son visage, non sans un soupir. Il savait que c'était un sujet récurrent chez les Kim, et il savait aussi que Seokjin l'interrogeait sur ce sujet simplement pour le tourmenter, comme s'il ne connaissait pas la réponse à ses questions. Ses cernes violacés étaient plus criants que mille mots, et il avait l'audace de lui demander comment ils allaient ?

"J'ai dû encore les chercher hier soir. Jeongguk trouvait ça drôle d'aller dans un hôpital psychiatrique abandonné, et Jisung s'est mis à s'allonger sur tous les lits avec du sang séché dessus dans l'espoir d'y voir une manifestation.

Il ne savait plus vraiment d'où était venue cette idée, ni comment elle était née ; mais c'était il y a peut-être 1 ? 2 ans ? que Jeongguk et Jisung, les personnes les plus poissardes et maladroites qu'il lui ait été donné de connaître — après lui ! — avaient décidé de monter une chaîne YouTube à côté des cours. Ils auraient pu s'en tenir au lifestyle, aux vidéos de cuisine, ou les voyages qu'ils faisaient entre potes, mais non : Jeongguk et Jisung, les personnes les plus infortunées et les plus froussardes qu'il lui ait été donné de connaître, s'étaient lancés dans une chaîne de paranormal.

Et depuis 1 ? 2 ans ? Namjoon avait eu la lourde mission de les récolter des endroits les plus hantés du pays, les plus infestés de ces énergies négatives lourdes, rancunières et dangereuses, car mis ensemble les deux jeunes hommes semblaient avoir perdu toute notion de bon sens et prenaient les pires décisions, rivalisant en terme d'idiotie avec les personnages des films d'horreur qui mourraient au bout de 15 minutes.

Ils auraient pu en rester là, à ces quelques échecs cuisants qui leur indiquaient que leurs activités noctambules n'étaient bonnes qu'à être cataloguées au rang de loisir ; mais leur communauté était de plus en plus grandissante, les abonnés de toute évidence amusés par le spectacle qu'offrait le duo. Car, et peut-être était-ce la mieux pour leur pauvre cœur qui manquait de sursauter à chaque détour de couloir, ils étaient extrêmement malchanceux. Ils avaient beau se ruiner dans du matériel de chasseur de fantômes, ils avaient beau passer des nuits à invoquer les esprits et les supplier de s'approcher de leur équipement pour que les petites ampoules s'allument joyeusement, il n'y avait... rien. Aucun courant d'air, aucune voix grésillante dans la radio, aucun son détecté sur leurs appareils, rien.

Juste deux imbéciles qui voulaient parler aux spectres, mais qui avaient peur de leur propre ombre.

Il y avait un peu de déception. Forcément, qu'il y avait de la déception. Derrière leurs sourires qui n'arrivaient pas tout à fait jusqu'à leurs yeux, quand Namjoon ouvrait la porte de sa voiture ou de son appartement en demandant comment cela s'était passé, lui disant que ce n'était pas grave, que ça serait pour la prochaine fois Hyung ! Et, à chaque fois, quand le jeune homme emmenait ses cadets chez lui pour qu'ils s'empilent sur son lit trop grand et souvent trop froid sans eux, il n'avait pas la force de leur dire que c'était sa faute, s'ils ne rencontraient aucun être surnaturel dans leurs recherches. Quand Namjoon voyait le regard un peu trop brillant de Jisung et la moue un peu trop boudeuse de Jeongguk, il ne pouvait s'empêcher de sentir son coeur se serrer un peu, mais ça ne durait jamais vraiment longtemps, car l'une de ses deux terreurs trouvait un nouveau plan foireux et tout recommençait, encore et encore.

Il y a longtemps, bien trop longtemps pour que Namjoon puisse s'en souvenir, sa grand-mère avait les mêmes capacités que lui — celle de voir les Autres, les âmes emprisonnées le long de la frontière entre leur monde et celui d'après, criant le long de ce voile occulte et si fin et pourtant nécessaire à leur survie. Seokjin n'avait pas hérité de ces aptitudes, de ces capacités qui étaient à la fois un don et une malédiction, et pendant longtemps, le jeune homme avait refusé d'en user, avait refusé de se mêler à un univers aussi mortel que celui-ci. Avait préféré fermer les yeux, les détourner, boucher ses oreilles quand les ondes négatives et si puissantes venaient coller à ses vêtements comme du goudron, distillant une peur comme un poison vil et létal dans ses veines. Mais quand Jisung et Jeongguk s'étaient plongés tête la première dans un océan noir de requins, il s'était efforcé de mettre de côté ses craintes et appréhension pour dompter cette même peur, pour transformer la toxine qui rongeait ses intestins comme une force, comme un bouclier protecteur.

En réalité, les deux garçons n'étaient pas si mauvais que cela dans leurs recherches de l'au-delà ; mais à chaque fois qu'ils s'approchaient trop près d'une source maléfique, Namjoon était là pour la chasser avant que l'un des deux ne se retrouve possédé — il avait pratiqué un exorcisme qu'une seule fois, et il n'était pas pressé de retenter l'expérience. Préférant que leurs chasses fassent un flop plutôt que leurs âmes se fassent aspirer.

Car le second problème... c'était justement que les chasseurs amateurs ignoraient les étranges capacités de Namjoon. Peut-être, au fond d'eux, en avaient-ils conscience, cet instinct qui les poussait à appeler à l'aide à chaque fois que cela tournait mal — ce qui était, très objectivement, à chaque fois — mais ces mots que le noiraud voulait tant leur avouer restaient bloqués dans sa gorge. Alors, à défaut de faire preuve de courage et d'honnêteté, il restait le plus souvent possible avec eux lors de leurs aventures rocambolesques, gardant un œil sur eux et protégeant leurs arrières.

"Ils ont dormi chez toi ?

La question de son grand frère le tira de ses pensées, et là encore, Namjoon pouvait déceler le sous-entendu qui se cachait derrière ses mots — inutile d'observer les orbes sombres de son aîné pour y lire l'étincelle mutine qui s'y cachait.

"Oui. Ils ont beau avoir l'air insouciant, mais le contrecoup de leurs émotions et de leurs frayeurs est toujours assez dur. Moralement.

"Hmm.

"Quoi ?

"Rien, rien, ricana Seokjin en essuyant ses mains sur son torchon. Juste que tu devrais songer à investir dans un plus grand lit.

"On n'est...

"Vous n'êtes pas en couple, oui, je sais, blablabla. Mais à chaque fois ils font appel à toi et ils s'accrochent à tes épaules comme des bébés koalas. Si tu ne les aimais pas, tu ne décrocherais pas ton téléphone à chaque sonnerie insupportable qu'ils se sont attribués pour aller les sauver des forces du Mal.

"Hyung...

"Dis le contraire !

Et, comme pour marquer ses mots, comme pour prouver une fois encore que son aîné avait toujours raison et que le débat était aride sur la question, le téléphone de Namjoon, posé sur la table, s'alluma pour vibrer avec entrain. Appel entrant : Sungie.

Il soupira en saisissant son mobile, non sans jeter un regard vers l'autre Kim, au sourire déjà grand.

"Pas de commentaires.

Seokjin, le rictus moqueur peint sur ses lèvres, mima de zipper sa bouche, et leva ses mains en l'air comme pour se rendre.

"Sung ?

"Hyung ! répondit avec entrain son cadet. On vient d'avoir une idée absolument géniale avec Jeongguk, un de nos abonnés nous a recommandé un endroit à visiter et sur Internet ils disent que ça fait méééga flipper, donc on s'est dit qu'on pourrait y aller demain avec Gguk mai—

"Tu es chez Gguk ? coupa Namjoon avec un autre soupir, interrompant le flot de paroles intarissables.

"Oui !

"J'arrive.


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Jisung était bien des choses, mais c'était tout sauf un menteur. Il avait suffit d'une seconde à observer la maison convoitée sur l'écran fissuré de l'ordinateur de Jeongguk, entre une bouteille de soju à moitié entamée et un bol de riz, pour qu'il ressente cet étrange picotement qui parcourait sa colonne vertébrale à chaque fois qu'il était en présence d'une énergie sombre et malfaisante. Et il n'y avait même pas encore mis un pied.

"Les Min se sont installés dans cette maison en 1963, lut Jeongguk depuis l'article douteux qu'il venait de dénicher. A l'époque, elle était située dans un quartier huppé de la ville, la construction était relativement récente, et c'était plutôt une affaire. Ils étaient nouveaux dans le quartier, mais tout le monde les appréciait. C'est ça. Le début de la descente en Enfers, sans mauvais jeu de mots, c'est la nuit entre le jeudi 12 au vendredi 13 octobre 1964.

Jisung eut un petit rire.

"Est-ce que ça ne pourrait pas être plus grotesque ? Un vendredi 13, sérieusement ? Je suis sûr que c'est des ramassis de conneries juste pour attirer du monde ou pour attiser le tourisme dans le village.

Namjoon resta coi. Cela paraissait grotesque, en effet, mais il y avait quelque chose qui émanait de cette maison, il en était sûr — et il était encore plus inquiet pour les deux hommes qui débattaient de leur prochaine visite.

"Les parents dormaient au rez-de-chaussée, et leurs enfants, une fille et deux jumeaux, dormaient à l'étage. A 2h36, le père, Min Jung-Hwa, se réveille, va dans la cuisine, et saisit un grand couteau. Il étouffe sa femme avant de l'égorger, et se rend à l'étage pour faire de même avec ses enfants. Il poignarde sa fille de 13 coups de couteau, et égorge ses deux jumeaux. On ne sait pas trop s'il a violé sa fille avant, ou après l'avoir tué, mais les légistes estiment qu'elle avait subi des lésions importantes. Le père s'est ensuite donné la mort d'un coup de fusil. C'est justement le bruit de la détonation qui réveilla le voisinage.

Il avala une autre bouchée de ramen, comme si tous ces détails sanglants et sordides ne faisaient aucun effet sur son appétit, avant de continuer sans faire attention à l'air un peu dégoûté de Jisung :

"On peut s'y attendre, la maison ne fut pas tout de suite vendue, mais en 1987, une autre famille, les Bang, s'y installa. Ils auraient vécu des phénomènes paranormaux très inquiétants. Le classique au début — les portes qui grincent, qui claquent, des chuchotements qu'ils n'attribuaient qu'au vent au départ, les objets qui disparaissent ou qui bougent de place, des ombres étranges dans le miroir de la salle de bain. L'aîné, Chan, disait à ses parents qu'il voyait sans cesse une vieille dame dans la maison, une silhouette inquiétante, mais aucun des enfants, ni les époux Bang, n'avaient été témoins de ces apparitions... Jusqu'à ce que Chan, n'en pouvant plus, délirant, sautât du toit pour échapper à ce supplice.

"Il a fait Bang par terre.

"Jisung ! s'écria Jeongguk en frappant le bras de son camarade.

"Pardon, c'était tentant...

"Aies un peu de respect pour les morts, grogna Namjoon en se prenant la tête dans les mains.

"Les morts, j'arrête pas d'essayer de les chatouiller, tu t'es trompé de public pour tes réprimandes Nam. Puis, c'est pas comme s'ils allaient me répondre... marmonna-t-il en baissant la tête, faisant ressortir ses joues rebondies.

L'aîné soupira, sourd à de telles inepties, avant de se tourner vers Jeongguk, les joues pleines de nourriture, et les yeux beaucoup trop pétillants alors qu'il scrollait le long de son ordinateur.

"Bon, c'est quoi votre plan ?

Jeongguk déglutit bruyamment, ignorant la protestation de Jisung de manger proprement.

"Sung a commandé une nouvelle boîte à fantômes beaucoup plus performante que celle qu'on a ! Demain, on sera le 13 du mois ; ok, pas le vendredi 13, mais c'est déjà pas mal ! On s'y rend, on campe, on prend nos caméras, et on voit bien si on arrive à trouver quelque chose !

"Mais vous parlez de fantôme ou d'une souris ? C'est quoi ça encore ?

"Hyung, commença Jisung avec son air un peu dédaigneux, celui qui donnait envie à Namjoon de lui en coller une, reste avec la caméra et laisse faire les pros, s'il te plaît.

Jeongguk pouffa alors que l'aîné haussait les sourcils sous la surprise, regardant les deux garçons parler de leur plan toujours aussi bancal. Namjoon n'était pas ignorant au point de ne pas savoir ce qu'était une spirit box, ces étranges boîtes qui s'allumaient dès qu'un champ de force magnétique s'approchait trop près — par tous les diables, il avait l'impression que son corps tout entier en était une, mais ses cadets avaient toujours le don de faire d'étranges comparaisons.

"Donc, il nous faut nos trois caméras infrarouges, nos trois GoPro à accrocher sur le torse, trois sacs de couchage, notr—

"Wow, wow, stop, deux secondes, interrompit Namjoon en levant les mains vers Jisung. Pourquoi trois ?

"Parce que tu viens avec nous ?

Il avait dit cela avec une telle évidence, et le regard de Jeongguk illustrait l'incompréhension innocente qu'ils ressentaient tous deux à ce moment-là. Il était rare que Namjoon les accompagne "pour de vrai" sur les scènes de leurs vidéos, se contentant de venir les chercher quand ils se plongeaient dans un beau pétrin, ou suivant leurs vidéos en live pour s'assurer, à distance, que tout allait bien. De temps en temps, quand J&J voulaient en faire une vidéo particulièrement intéressante, ils embauchaient Namjoon pour la soirée, l'adoubant comme étant leur fidèle caméraman, et leur communauté s'était peu à peu familiarisée avec sa voix grave, derrière la caméra, demandant à Jisung de faire attention avec ce miroir ensorcelé ou à Jeongguk de reposer le médaillon maudit.

Au vu des ondes malfaisantes qui dégageaient de cette maison, et au vu du récit du brun sur les phénomènes redoutables qui s'étaient passés entre ces murs, même si les deux garçons refusaient qu'ils viennent avec eux, Namjoon se serait imposé.

Il y avait des démons avec qui il valait mieux ne pas trop plaisanter.

Secouant la tête pour chasser ses pensées, il interrogea à la place, toujours perplexe :

"Mais vous comptez dormir là-bas ?

"Oui, pourquoi ? demanda Jeongguk en fronçant légèrement les sourcils, son piercing à l'arcade réfléchissant la lumière.

"Mais, Gguk, t'as peur des insectes et des toiles d'araignées.

"Ce n'est qu'un détail, sourit Jisung devant la grimace de l'autre.

"Vous ne restez pas aussi longtemps, d'habitude... protesta faiblement le médium.

"Mais là, il n'y a aucune vidéo sur le sujet ! s'écria le plus jeune. Tout juste quelques articles miteux : il y a un vrai créneau à prendre ! On va se faire plein de vues, et peut-être qu'on pourra enfin décrocher un partenariat digne de ce nom.

Il y eut un silence. Les deux plus jeunes le regardaient avec leurs regards brillants. Ils le regardaient comme s'ils attendaient une once d'autorisation de la part de leur aîné. Le rictus de Jeongguk faisait ressortir ses incisives alors que Jisung arborait son éternel sourire en coin, ce même sourire qu'il utilisait contre ses aînés pour parvenir à ses fins, et ça fonctionnait. Toujours.

"Vous me fascinez, avoua enfin le plus vieux.

"Merci ! ria Jisung, comme si la remarque était un énième compliment. Ça fait notre charme.


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19h12

La maison se détachait sombrement contre le zéphyr bas. Toutes les conditions étaient réunies pour que Jeongguk et Jisung créent une vidéo haute en couleurs — le vent qui commençait à se lever, les lampadaires aux lumières chancelantes, les grands arbres aux branches squelettiques qui tendaient vers le grand portail en fer rouillé, les planches de bois accrochées à la hâte pour bloquer la porte et les fenêtres contre les squatteurs. C'est grotesque, avait répété Jisung avec un sourire en coin qui trahissait ses pensées. Mais pour Namjoon, c'était d'autant plus d'ingrédients qui le faisaient grincer des dents et qui lui imposaient de rester vigilant.

Sûrement, devaient-ils présenter un bien étrange tableau, à sortir de la voiture pleine d'autocollants de Namjoon — ou peut-être que les légendes que l'on racontait sur cette maison avaient fait fuir tous les voisins, et que seules quelques âmes éplorées restaient, tapies dans l'ombre et dans la poussière, attendant leur heure. Jeongguk avait un énorme sac à dos militaire à la main, une première caméra dans l'autre, et Jisung avait accroché avec un regard faussement aguicheur sa caméra embarquée sur son torse. Les affaires du blond étaient sensiblement les mêmes, et le cliquetis des appareils mécaniques dans sa besace aurait pu réveiller tout le quartier. Namjoon, lui, une main dans sa poche et la mine déconfite, vérifia la batterie de sa propre caméra.

"On peut faire demi-tour, si vous voulez.

"Ne sois pas ridicule, répondit Jisung d'un mouvement de main disgracieux. Maintenant, pointe la caméra vers nous, histoire qu'on fasse notre intro de Youtubeurs.

Le noiraud soupira une nouvelle fois — le premier d'une longue série —, avant de se mettre à la tâche. L'écran s'illumina, le point rouge commença à clignoter, et les deux idiots étaient là, souriants de toutes leurs dents comme deux enfants qui rentraient de la chasse aux œufs de Pâques.

"C'est bon, Nam ? demanda Jeongguk ; le brun lui fit un petit pouce en l'air et le garçon sourit avant de commencer :

"Salut tout le monde, c'est J&J ! Vos chasseurs de fantômes —

"Et de daronnes, ajouta Jisung avec une grimace rieuse.

"— Préférés ! Aujourd'hui, on se retrouve dans la maison des Min ; vous voyez Amityville ? C'est encore pire !

"Gguk, je suis pas certain que la comparaison avec Amityville te réussisse, t'as chialé devant le film et demandé de changer au bout de 15 minutes.

"Euh, t'as pas de preuves d'accord, pourquoi tu mens même.

Namjoon roula les yeux de l'autre côté de la caméra, et les apprentis sorciers continuèrent :

"Un de nos abonnés nous a envoyé l'histoire derrière cette maison, et on a décidé ce soir de l'explorer, en compagnie de notre Hyung préféré...

"Roulements de tambours...

"Namjoon !

Maladroitement, et quelque peu gêné, le noiraud tourna la caméra vers lui-même pour faire un petit coucou à l'objectif.

"Vraiment, tu fais aucun effort, hyung... marmonna le petit blond. Bref ! Du coup, avec Gguk, on a décidé de vous faire un petit room tour de l'horreur ! On va passer la nuit dans la maison et essayer de rentrer en contact avec Min Jung-Hwa pour comprendre pourquoi il a trucidé sa famille, ou bien avec le fantôme de Bang Chan !

"On vous fait un petit topo sur les monstruosités une fois qu'on est chaudement installé à l'intérieur ! sourit Jeongguk. C'est bon hyung, tu peux baisser la caméra.

Kim obtempéra, et la joyeuse petite troupe — et leur chaperon tout sauf ravi d'être ici — commença leur progression le long du jardin encore en jachère.

De grandes planches en bois condamnaient l'entrée aux fenêtres, les feuilles mortes jonchaient le perron, la lune commençait bientôt sa lente progression dans le ciel noir, et Namjoon n'était peut-être pas religieux — le comble peut-être, pour quelqu'un qui était sensible à l'intangible —, mais il émit une courte prière en direction de quiconque siégeait ci-haut, avant que Jisung ne donne un violent coup d'épaule dans la porte d'entrée, faisant céder les gongs.

"C'est de la violation de propriété, maugréa Namjoon, comme une dernière tentative pour les éloigner de ce lieu.

"Tu es un rageux, Nam, râla Jisung.

"Tu me dois le respect, je te rappelle. Je vous sauve suffisamment les miches pour mériter ce genre de traitement.

"Pardon, hyung.

Comme un mauvais film d'horreur de série B, la lourde porte en bois grinça. C'était une chose de voir la maison à travers un écran, surtout celui fissuré de Jeongguk qui méritait bien d'être changé depuis qu'il avait fait un vol plané depuis le 2e étage, et d'être témoin de son énergie vitale d'aussi près. Tout était silencieux, froid, immobile, comme si le vent avait cessé sa plainte lugubre, comme si les corbeaux avaient cessé leur chant funeste. Et pourtant, il pouvait le ressentir, dans chacun de ses membres, chacun de ses muscles, chacun de ses pores, toute cette puissance sombre, damnée et mauvaise, ô si mauvaise, qui battait comme une hémoglobine poisseux et noir le long d'un coeur momifié.

Son souffle se bloqua dans sa gorge, tels les parfums capiteux de ces grands-mères qui nous étouffent dans leurs étreintes et qui nous empêchent de respirer. Sauf que les effluves n'étaient pas le musc et le patchouli, mais la flagrance des forges de l'Enfer, un mélange de soufre, de sang... et de mort.

Alors que Namjoon était bloqué sur le pas de la porte, Jeongguk s'efforçait d'enlever les quelques planches sous les directives de Jisung qui, planté là, l'encourageait d'une certaine manière, un soutien moral que le brun appréciait lors de leurs virées dans l'inconnu — quelque chose du genre "tu vas pas me faire croire qu'avec toutes tes séances à la salle, t'es pas capable d'arracher trois pauvres bouts de bois !".

Lorsqu'il jeta la dernière planche au sol non sans mal, le plus jeune des trois avait crié de joie avant d'ouvrir la porte branlante d'un coup de pied, le grincement de cette dernière résonnant étrangement dans la bâtisse vide en face d'eux. Jisung offrit un sourire rayonnant à Namjoon lorsqu'il se tourna dans sa direction avant d'annoncer :

"La porte est ouverte !

Et à cet instant précis, Namjoon comprit que la nuit allait être longue.

La maison, grinçante, expira un souffle putride et lourd en leur direction, mais ni Jeongguk ni Jisung n'interprétèrent cela comme un mauvais signe.

Forcément, pensa Namjoon, dépité, il faut qu'ils prennent tout à la légère. Ces putains d'optimistes.

Tels les professionnels qu'ils étaient — pas — , Jeongguk commença à filmer les lieux, sa lampe torche balayant la couche de poussière le long des escaliers, les tableaux sévères et sérieux, les chandeliers couverts de toiles d'araignée, le mobilier si antique, gorgé d'une énergie qui était bonne pour aucun d'entre eux.

La maison était une construction typique d'après-guerre : un grand hall, un escalier imposant menant à l'étage. Sur la droite, la cuisine et la salle à manger ; sur la gauche, le salon, et au fond, face à eux, la suite parentale. Namjoon avait à peine eu le temps d'enlever le poids lourd qui pesait sur sa poitrine, que déjà Jisung avait posé son sac à terre dans un grand fracas pour en sortir quelques joujoux clignotants et colorés.

"Comme d'habitude, dit-il en parlant à la caméra et en pointant les objets qu'il avait dans la main, nous avons emmené toute notre panoplie de chasseurs de fantômes qui se respectent.

"On va se faire copyright par Ghost Busters, Sung, fait gaffe, murmura Jeongguk en s'avançant dans la pièce avec curiosité.

Le blond leva les yeux au ciel, ce que Namjoon ne manqua pas de capturer sur la caméra.

"On a notre fameuse spirit box, toute flambant neuve comme on vous l'a montré en story la dernière fois...

"Votre boîte à meuh là, grommela Namjoon pour tenter de camoufler son appréhension.

"Hyung, prévint Jisung en fronçant les sourcils, sa moue boudeuse dirigée vers son aîné. Arrête de te moquer.

"Pardon, Sungie, continue.

"Du coup, je disais, reprit-il, on a la nouvelle spirit box, le détecteur EMF K-2 — il brandit une sorte de télécommande avec des leds colorés à son extrémité.

Namjoon l'avait déjà vu quelques fois lors de leurs vidéos, mais il ne comprenait pas vraiment l'utilité de ce gadget.

"On a aussi le vieil appareil photo que m'a donné Seungmin, il n'est pas dernier cri, mais il a une assez bonne résolution pour qu'on puisse avoir des photos assez cool. Et... — il fouilla un instant dans son grand sac, sortant un pull à capuche que Namjoon reconnu comme étant l'un des siens, continuant de fouiller dans ses affaires.

Namjoon le regardait expliquer à l'auditoire à quoi servait chacun des appareils, alors que Jeongguk revenait vers eux, en ayant terminé avec son inspection du rez-de-chaussée. Même s'il n'éprouvait aucun plaisir d'accompagner ses deux petits lors de leurs excursions, Namjoon ne pouvait s'empêcher de ressentir une étrange complaisance à voir le plus jeune présenter avec autant d'entrain et de passion son matériel et décrire son organisation, expliquer comment ils allaient disposer leurs affaires. Une petite bulle hors du temps, comme pour s'efforcer d'ignorer l'horreur et la noirceur qui émanait de la maison.

Jeongguk lui piqua la caméra des mains, la portant maintenant à bout de bras pour que les deux apparaissent à l'écran, alors que le brun expliquait comment fonctionnait les spirit pod. Namjoon n'arrivait pas à rester concentré sur les paroles du plus jeune, des paroles qu'il avait entendues des centaines de fois d'autant plus, laissant son regard se porter malgré lui vers cet immense escalier en face d'eux.

Il y avait quelque chose, ici, il ne savait pas vraiment quoi, mais c'était étouffant, comme si la Mort elle-même avait posée sa main sur sa gorge, ses doigts froids et osseux appuyant doucement sur sa trachée, lui donnant cette désagréable impression que l'air commençait à lui manquer. Sûrement se jouait-elle de lui, quelque part dans les entrailles de la bâtisse. Et pourtant, il n'y avait rien : la lumière des lampadaires venait partiellement éclairer le vestibule, les rayons jaunâtres se faufilant difficilement à travers les épaisses planches condamnant les nombreuses fenêtres de la baraque, les rideaux clairs et volatiles, troués à cause des mites et des années, valsant au gré du vent.

Il sortit de sa torpeur en constant qu'à sa gauche, il n'y avait que Jisung, et la caméra qu'il tenait il y a encore peu de temps était soigneusement posée à ses côtés alors qu'il sortait différents trépieds de son sac.

"Il est où le deuxième ? demanda doucement Namjoon.

"Il est allé chercher le reste des affaires dans la voiture avant qu'on mette tout en place, répondit le blond sans même lui adresser un regard.

Il n'aimait pas ne pas les savoir tout près, mais s'il ne voulait pas trahir son lourd secret — ou pire, avouer qu'il était encore plus froussard qu'eux —, alors il était évident qu'il devait prendre sur lui.

"Tu as besoin d'aide, Sung-ah ? demanda-t-il à la place, en le voyant batailler avec son sac.

"S'il te plaît, rit-il en lui tendant un des nombreux trépieds.

Le noiraud s'était dépêché de le rejoindre, dépliant et réglant les trépieds à la bonne hauteur comme le lui avait demandé le plus jeune qui en faisait de même, son regard balayant l'espace en quête du meilleur endroit pour disposer les différentes caméras infrarouges qu'ils avaient. Ils étaient certes de piètres chasseurs de paranormal, mais on ne pouvait leur enlever le goût du spectacle et du travail bien fait ; quand bien même aucune manifestation n'apparaissait lors de leurs escapades, ils retransmettaient leurs témoignages dans des vidéos de qualité, au montage soigné et aux effets spéciaux travaillés. Résultat ou non, il était évident que leur communauté appréciait suivre leurs aventures.

Namjoon releva la tête lorsque Jeongguk revint avec leurs sacs de couchage, son regard vif venant se poser sur eux.

"T'as déjà une idée, Sung ?

"Si on en met une dans la salle à manger et une dans le salon, on peut avoir une vue d'ensemble de chaque côté de la maison, et une ici — il pointa les escaliers — comme ça, on pourra avoir un plan large de cette partie.

"Ça m'a l'air bon, faudra aller à l'étage après...

A ses mots, Namjoon s'était figé, commençant à regretter d'être venu avec eux, l'étage ne lui disant rien qui vaille. C'était la première chose qui l'avait marqué quand il était rentré, encore plus alors que les détails morbides de cette soirée sanglante et funeste lui revenaient en mémoire. Des coups de couteau, des giclées de sang, la détonation d'un fusil. Mais les deux garçons ne semblaient pas faire attention à lui, Jeongguk sortant déjà les petites caméras de leurs étuis, les vissant aux trépieds qu'il commençait à placer sous les directives du blond qui, pour une fois, semblait concentré sur sa tâche.

"Les gars, commença Namjoon en les voyant devenir sérieux, vous voulez vraiment commencer à faire ça de nuit ? On pourrait simplement faire du repérage, non ?

"Joonie-hyung, de jour, y a rien d'intéressant : c'est une vieille maison comme les autres, alors que de nuit, on peut toujours espérer qu'il y ait quelque chose, répondit Jeongguk en s'approchant de lui, la deuxième caméra placée. Tu sais très bien que la barrière entre le visible et l'invisible est plus fine une fois le soir tombé. Si tu ne veux vraiment pas faire ça, tu peux toujours nous attendre dans la voiture ou venir nous chercher demain.

"Euh, Gguk, je viendrais pas te sauver si une araignée te tombe sur la gueule, prévint Jisung, un air de panique sur le visage. Ça me dégoûte vachement, ces bestioles.

Namjoon manqua de soupirer — super, deux gamins qui avaient peur des araignées et qui se fourraient toujours dans les endroits les plus miteux, les plus poisseux, et les plus poussiéreux que la Terre avait porté. Il lui semblait même qu'une abonnée avait fait une compilation de tous les moments où ils s'étaient époumonés de peur à la vue d'insectes.

"De toute façon, personne ne compte sur toi pour sauver qui que ce soit, t'es le premier à gueuler et à partir en courant.

"Pardon ? s'injuria le blond, la bouche grande ouverte de stupeur. Je dois te rappeler qui s'est mis à chialer la dernière fois parce que "Sungie, une branche m'a griffé le dos" ?

"C'est bas ça, Jisung, comme toi.

"Oh mon Dieu, je vais te casser la gueule.

"Fermez-la, je vous en supplie, demanda Namjoon en se mettant entre ses deux idiots. Je vais rester avec vous, personne ne va pleurer et personne ne va taper l'autre, compris ?

Il jeta un regard noir au plus jeune des deux qui s'était mis à bouder.

"Je voulais juste m'assurer que c'était toujours bon pour vous.

"On est des pros, hyung, arrête de douter de nous, sourit Jeongguk.

Namjoon retint un soupir à ses mots, ne voulant pas les relancer sur une énième dispute digne des gamins qu'ils étaient, et préféra plutôt reprendre la caméra qui reposait au sol, leur faisant signe qu'il était prêt à les suivre.


Le blond lui avait de nouveau souri, un sourire beaucoup trop doux pour l'épouvante des lieux, quelque chose de plus réservé qu'à son habitude, mais tout aussi rayonnant. Il s'engageait déjà dans les grands escaliers, Jeongguk à sa suite, tandis que Namjoon essayait de faire abstraction de ce poids étrange qui l'oppressait ; il devait prendre soin de ses cadets, il ne pouvait pas se laisser distraire par quelque chose qui n'était pas là — ou, du moins, c'était ce qu'il s'efforçait de se répéter. Il s'appliqua à filmer stablement la progression des jeunes hommes devant lui, comme pour se distraire de ses propres pensées.

Les marches grincèrent sous leur poids.

L'étage était grand : en face d'eux, se trouvait une porte close, une grande balustrade faisant la moitié de l'espace, permettant ainsi une vue sur l'entrée et le pied de l'escalier. Elle ne formait pas un carré parfait, un pan de mur venant l'arrêter, permettant ainsi une certaine intimité à l'étage en cachant une bonne partie de ce dernier.

Jisung s'avançait tranquillement vers le couloir gauche, Jeongguk les éclairant de sa lampe torche, laissant au plus jeune le plaisir d'ouvrir chaque porte pour voir le contenu des pièces. Privilège du cadet ou tirage à la courte paille, une connerie du genre.

Trois chambres, pour trois enfants assassinés. La majorité était des chambres plus ou moins vides ; l'une d'entre elle avait l'une de ses fenêtres brisées, le verre reposant de manière chaotique sur le sol, et le sifflement du vent avait bien vite eu raison de lui, fermant la porte presque aussitôt.

La salle de bain se trouvait au bout du couloir, et l'odeur d'humidité et de bois pourri fit grimacer le petit blond lorsqu'il poussa la porte. Il n'y avait pas de lumière à l'intérieur, malgré l'ampoule jaunie qui se balançait mollement au plafond, et Namjoon refusa d'y entrer — la sensation d'oppression s'était accrue lorsque le blond avait ouvert la porte, et l'odeur putride n'aidait en rien. Comme s'il ressentait lui aussi la pression étrange, Jeongguk s'empressa de la refermer, soufflant au plus jeune qu'ils reviendraient plus tard. Mais alors qu'ils s'apprêtaient à tourner, le brun dirigeant son faisceau lumineux en direction de la fin du couloir, Jisung s'arrêta subitement, et Namjoon n'aimait pas ça. Du tout.

"Putain, ça fait badder de ouf, souffla Jeongguk en découvrant la large horloge contre le mur. Vous pensez qu'elle fonctionne encore ?

Namjoon ne répondit pas, son regard lui aussi rivé sur l'horloge en bois. Il déglutit difficilement en voyant son lourd pendule immobile derrière la vitre salie de l'objet, son image lui rappelant les nombreux films d'horreur que Jisung lui avait fait regarder dans le confort de son lit dans sa petite chambre étudiante, Namjoon devant se contorsionner pour se glisser aux côtés du blondinet sous ses draps un peu trop froids au goût du plus vieux — mais le sourire que lui adressait le garçon lorsqu'il le voyait ainsi à ses côtés valait toutes les positions les plus inconfortables du monde.

C'était une chose de sursauter devant un film d'horreur, mais c'en était une autre que d'être le témoin direct de cette sensation déplaisante. Car cette pendule, elle, ne lui présageait rien de bon, elle le mettait même terriblement mal à l'aise. D'après les moulures, elle semblait d'époque, mais il y avait ce je-ne-sais-quoi que Namjoon ne savait pas nommer, qui faisait qu'elle dégageait quelque chose de sombre, quelque chose auquel Namjoon ne voulait pas se confronter, pas ici, et surtout pas avec ces deux-là dans la pièce. Même seul, en pleine capacité de ses dons, il n'oserait vraiment faire face à l'objet de toute évidence maudit, et tout de son être criait qu'il devait les protéger, les jeter au travers de son épaule et courir vers la voiture. Jeongguk n'avait aucunement mentionné une horloge, alors le fait de ne pas savoir ce qu'elle pouvait bien représenter était encore plus pénible.

Il se fit violence, ravalant une bile acide, et fit mine que tout allait bien, lorsqu'il vint poser sa main libre dans le dos de Jeongguk.

"C'est juste une horloge, on devrait finir de faire le tour avant d'installer les affaires, hm ? Il commence à se faire tard.

Jeongguk avait simplement hoché la tête alors que Jisung, lui, restait planté sur place, son regard ne voulant pas lâcher l'horloge.

"Sungie ? appela doucement l'aîné.

Un étrange soulagement le prit en le voyant se tourner vers lui.

"On y va ?

Il avait simplement hoché la tête avant de se mettre en marche, non sans jeter un dernier regard à cette étrange horloge. C'était là le cœur de tout ce Mal, il en était sûr... mais il ignorait encore ce qu'elle représentait vraiment.

Les dernières pièces étaient sensiblement les mêmes que de l'autre côté, sauf qu'à la place de la salle de bain se trouvait une large bibliothèque, avec, en son sein, un lourd bureau en cèdre. Le bois s'était abîmé avec le temps, mais n'avait pas perdu de sa superbe, dénotant du reste de la pièce aux livres effrités et rancis. Les autres chambres étaient, elles aussi, assez vides : seuls quelques lits étaient encore là, tous plus abîmés les uns que les autres, à cause des années qui étaient passées depuis les derniers propriétaires.

Pour une maison abandonnée, Namjoon était tout de même surpris de la trouver dans cet état. Comparé aux autres lieux où les deux garçons l'avaient déjà amené, celui-là semblait être le plus propre : il n'y avait pas la moindre trace de squatteur, pas un seul graffiti venait décorer le papier peint jauni et délabré des murs. Jeongguk n'avait-il pas dit que la légende éloignait tous les autres habitants des lieux ?

Tout semblait bien se passer. Du moins, en apparence.

En arrivant dans le vestibule, Jisung jeta un coup d'œil à Jeongguk qui rangeait sa lampe torche dans sa poche arrière, ses yeux de biches venant se plonger dans ceux du plus jeune.

"On va changer la disposition des caméras, annonça-t-il, et le brun haussa les sourcils. On va garder celle qui est au niveau des escaliers, mais on va en mettre une dans la suite parentale, c'est bien là que Min a tué sa femme, non ? le brun hocha la tête. Et, une en haut, dans le couloir.

"Le couloir ? Mais y a rien d'intéressant là.

Namjoon tiqua. Jisung avait de toute évidence ressenti, d'une façon ou une autre, l'étrange appel de l'horloge, alors pourquoi Jeongguk y était indifférent ?

"On peut toujours la changer de place plus tard, puis si on se promène, on sera souvent dans les chambres.

"Et du coup, pour Joonie, on installe l'ordi avec le retour en bas ?

"Comment ça "pour Joonie" ? demanda le plus vieux.

"Bah, tu vas nous filmer t'inquiètes pas ! Mais ça serait cool d'avoir quelqu'un qui peut nous surveiller à distance, tu crois pas Sung ? Ça fait, genre, super pro. J'ai vu une série comme ça.

"Je dois vous rappeler que vous êtes deux étudiants fauchés qui claquent toute leur thunes dans du matos hors de prix, et vous êtes "pros" ?

"Ce que tu es aigri, hyung, j'ai jamais vu ça, souffla Jisung. Même Seungmin et Binnie-hyung me jugent pas autant quand je parle de nos enquêtes.

"Ou même Jimin-hyung ! Et pourtant le seul film un peu trippant qu'il ait vu, c'était Black Swan !

Le noiraud se pinça l'arrête du nez.

"Je dis juste que—

"Oui, oui, on sait, on est irresponsable, peureux et c'est dangereux, dit Jeongguk, mais c'est ça qui est cool ! Regarde, on a plein d'abonnés, ça veut dire qu'on fait pas ça pour rien. Donc, s'il te plaît, fais nous confiance, au moins pour ce soir ? tenta-t-il avec un petit sourire tordu.

Namjoon resta interdit un moment, pesant le pour et le contre de leurs paroles, essayant de s'imaginer dans son coin devant un ordinateur alors que ces deux imbéciles se feraient peur tout seul. La soirée va être interminable, pensa-t-il. Le même sentiment de les garder près de lui lui saisit de nouveau les intestins, mais il ne pouvait supporter de voir ce petit air déçu sur leur visage, encore moins quand cette déception venait de lui.

Alors ce fut en soupirant et en fermant les yeux que Namjoon hocha doucement la tête, regrettant déjà ce qu'il allait dire.

"Ok, mais ça va pas foirer avec vos trucs qui captent les ondes ?

"J'sais pas, on va tester !

Jeongguk avait souri de toutes ses dents avant de partir fouiller dans son sac, attrapant Jisung dans la foulée, laissant Namjoon seul en plein milieu de ce vestibule mal éclairé.

Des pros, mon cul oui.


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21h48

Namjoon les regardait faire leurs derniers réglages sur leur équipement, C'était une valse qu'il avait vu une dizaine de fois, encore et encore, si bien qu'il pourrait s'en occuper lui-même s'il le fallait, mais il y avait une certaine minutie dans leurs gestes, une attention particulière, une impatience bouillonnante dans leurs veines en se demandant ce que l'avenir leur réservait. Ils avaient cessé leurs chamailleries, au moins le temps de se préparer, comme les professionnels qu'ils clamaient être, et le calme de la maison en était encore plus saisissant. Le jeune homme frissonna, pour ce qui n'était certainement pas la dernière fois de la soirée.

"Tu restes ici Nam ? On va faire un premier tour avec les instruments, pour avoir une vibe de la maison.

"Pas besoin de vibe à avoir, grommela l'aîné, c'est suffisamment creepy pour se barrer d'ici en vitesse.

Jisung leva les yeux au ciel, et auraient-ils été dans un autre contexte, que Namjoon lui aurait donné une tape — bien méritée — derrière la tête. Avant qu'il n'ait le temps de faire le moindre commentaire, Jeongguk commença à gravir de nouveau les escaliers, un boîtier étrange et lumineux et gadget et sûrement hors de prix à la main, un casque vissé sur ses oreilles dans l'espoir de percevoir le moindre son, le moindre souffle, qui pourrait leur indiquer la présence de quelqu'un — ou quelque chose — d'autre. Les marches grincèrent une nouvelle fois sous ses pieds, mais cela ne sembla ne déranger que l'aîné, tandis que Jisung se dirigeait vers la cuisine, équipé sensiblement de la même façon.

"RAS pour le moment, indiqua Jeongguk.

"Tu viens à peine d'arriver sur le palier, tu ne vas pas nous faire un check au moindre pas non plus, cria Jisung depuis la cuisine, les yeux concentrés sur le four d'antan. Parle sur la fréquence 4 qu'en cas d'urgence, ajouta-t-il en ajustant son talkie-walkie accroché à sa ceinture.

Namjoon, depuis son poste dans le hall d'entrée, entendit le brun marmonner un instant, avant que le silence ne retombe lentement — tout ce qu'il pouvait entendre, c'était le grincement des planches en bois pourries à l'étage, les crissements de chaussure de Jisung contre le carrelage poussiéreux et abîmé de la cuisine, et les faibles bip du quelconque moniteur qui se trouvait devant lui.

"Je me trouve dans la cuisine de la maison, entendit-il Jisung dire à la caméra, sa voix étouffée par l'épaisseur des murs. Selon nos informations, rien de très suspect ne s'est produit dans cette pièce, mais les esprits sont connus pour migrer ; s'ils peuvent être attachés à un endroit, une maison en particulier, il n'empêche qu'ils peuvent voyager au sein de ce même lieu. Peut-être que les esprits des enfants aimaient beaucoup la cuisine, qu'ils y avaient des souvenirs attachés aux dimanches à cuisiner en famille, et qu'ils errent, seuls et éplorés, en attendant le repos éternel...

Namjoon ne put s'empêcher de se pincer l'arête du nez une nouvelle fois à l'entente de ces mots — Jisung avait toujours eu une imagination débordante, et c'était une particularité qu'aimaient beaucoup les auditeurs de leur chaîne. Mais parfois, il allait trop loin, et lui seul pouvait le savoir ; il n'avait jamais désiré développer le don unique et effrayant qu'il avait, mais s'il y avait une chose dont il était sûr, c'était que les fantômes n'étaient pas aussi intelligents que les humains le pensaient. Les esprits étaient effrayants, certes, mais c'était là leur nature, leur essence même. Les esprits frappeurs n'existaient pas, les esprits malins n'étaient en réalité que des vieilles âmes qui se lamentaient sur leur sort et qui jalousaient les vivants.

Mais cela bien entendu, il ne pouvait le leur dire.

Il fut tiré de ses rêveries par le grésillement du talkie-walkie, posé à ses côtés sur la table.

"Les gars, je sens vraiment pas l'horloge, murmura Jeongguk.

"C'est parce que t'es un trouillard, répondit Jisung depuis l'appareil.

Namjoon trouvait cela comique, si toutefois la situation pouvait se permettre de tirer vers le genre humoristique, que Jisung réponde de la sorte, alors même qu'il s'était figé à la vue de ce même objet. Figé au point que le noiraud avait eu besoin de poser sa main dans son dos pour le sortir de sa transe étrange, comme si le contact humain avait suffi pour briser la bulle glaçante et morbide dans laquelle il s'était noyé. A moins que... Avait-il d'ores et déjà oublié la sensation qu'il avait ressentie devant cette horloge, il y a seulement quelques minutes à peine ? Il avait déjà entendu des histoires, de ces hommes et ces femmes qui partaient dans un subconscient éveillé, qui ressentaient les pires douleurs et les pires craintes, mais qui ne se souvenaient de rien une fois revenu à la surface, comme si le traumatisme de l'au-delà qu'ils avaient essuyé les avait rendu mutiques.

"Ferme ta gueule, Sung— et leurs querelles d'enfants reprirent comme à l'accoutumée, les craintes de Namjoon vite balayées et remplacées par un soupir non contenu.

Mais les mots ne pouvaient que tourner, encore et encore, dans son esprit. L'horloge. Il ne savait réellement quel était le lien avec les séries de meurtres, ou tous les autres drames qui s'étaient produits entre ces murs, mais l'horloge était certainement le centre névralgique de cette maison. Il ne restait plus qu'à savoir pourquoi, et comment. 


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22h36

"Prochaine étape de notre épopée cauchemardesque : la suite parentale, annonça fièrement Jeongguk avec son caractéristique sourire en coin en direction de la caméra.

"On va aller titiller du tueur en série ! s'écria Jisung derrière lui.

Techniquement, Min Jung-Hwa, le père, n'était pas un tueur en série. Un tueur en série tue successivement, à différents intervalles, tandis qu'un tueur de masse tue plusieurs personnes au cours d'un même événement. Mais qui s'intéressait à ce genre de détails de toute manière ?

"Je vous regarde d'ici, indiqua Namjoon en pointant l'écran d'ordinateur du doigt.

Ils avaient d'ores et déjà placé des caméras dans la chambre parentale, là où le premier meurtre avait eu lieu — où le père avait étouffé sa femme avant de l'égorger, la haine et la folie comme un parfum lourd et dangereux qui tournait autour de sa tête. De là où il était, Namjoon pouvait ainsi suivre leurs moindres mouvements, leurs moindres faits et gestes depuis le moniteur, pour intervenir en cas d'urgence... ou louer le ciel d'être dans une autre pièce pour ne pas à avoir à subir leurs conneries.

Jeongguk fit un dernier petit mouvement de main en direction de son hyung avant de refermer la porte à moitié, les faisceaux lumineux de leurs lampes balayant le sol poussiéreux. Il vit, sur l'écran, Jisung s'asseoir en premier, croisant ses jambes et plaçant leurs instruments de charlatan devant eux, mais Jeongguk, lui, semblait avoir plus de mal à prendre place.

"Pourquoi tu as l'air d'avoir un balai dans le cul ? ricana Jisung en pointant son faisceau lumineux en sa direction.

"Parce que j'ai mis un plug ce matin.

Silence, dans lequel Jisung et Namjoon, bien qu'à des lieux différents, étaient tous les deux figés.

"Hein ? Mais... pourquoi ?

"Pour éviter de me faire posséder.

"C'est quoi ces merdes encore ?

"Tu te prétends chasseur de démons et tu ne connais pas ça ? Toujours protéger son anus pour éviter que des esprits mal intentionnés ne s'emparent de ton corps.

"Mais... Jeongguk... ça ne fonctionne pas comme ça les possessions ?

"Qu'est-ce que t'en sais d'abord ? T'en as jamais vécu.

Presque de façon synchronisée, Namjoon et Jisung se passèrent la main sur le visage, dépité de la réaction du brun — malgré le soudain bourdonnement dans ses veines, ce refrain tentateur qu'il connaissait par coeur, mais qu'il préférait à présent ignorer au vu de la situation.

"Ne me dis pas que tu as pris le plug à tête de rat empaillé.

"Ok, pause, c'était une annonce Etsy que je t'ai montrée une fois, juste pour rire, se plaignit Jeongguk en s'installant enfin sur le parquet, non sans une grimace.

Et, de l'autre côté, Namjoon préférait de toute évidence garder l'image d'un Jeongguk pluggé, ignorant du mieux qu'il pouvait l'affreuse vision d'une tête de rat. Sur l'écran, il vit le grand brun tirer la langue à son cadet qui tentait de garder un visage impassible malgré son envie de rire, avant de prendre une profonde respiration et fermer les yeux.

"Le but de cette séance est d'essayer d'avoir un premier contact avec les défunts, en leur posant plusieurs questions ; savoir s'ils sont là, s'ils sont enclins à nous répondre, etcaetera !

Puis, se raclant la gorge, il commença, d'une voix plus sérieuse qu'à l'accoutumée :

"Nous sommes venus parler à la famille Min. Nous ne sommes pas des ennemis, nous souhaitons simplement communiquer avec vous et essayer d'en apprendre davantage. Si vous êtes ici, n'hésitez pas à vous manifester.

La radio, allumée devant eux, ne fit que grésiller silencieusement.

"Pourquoi tu parles comme si tu avais ramené une planche Ouija ? chuchota Jisung après un temps.

"Parce que la dernière fois qu'on en a ramené une pour l'enquête dans le vieil immeuble où Hyunjin vit, tu t'es enfui de l'appartement quand un vase s'est cassé, alors que c'était juste le vieux chat des voisins qui l'avait poussé.

"Tu n'étais pas obligé de rappeler cet événement.

"La vidéo est littéralement épinglée sur notre profil, c'est la première qu'on voit en cliquant sur notre compte. Maintenant, tais-toi, tu fais fuir les esprits.

Jeongguk ferma les yeux, ignorant tant bien que mal le soufflement énervé de son cadet à côté de lui pour préférer se concentrer sur le silence et les grésillements de la radio. La maison était retombée dans un calme lourd, olympien et statique, comme s'ils étaient à quelques secondes d'une bombe qui explose, d'une porte qui claque dans un grand bruit... quoi que ce soit. La peau de sa nuque le picotait. La pointe de ses doigts le démangeait. Les —

Il se retint de crier en sentant une caresse sur son genou, sursautant à la place dans un hoquet de surprise.

"Bordel, Jisung, je t'ai dit de te concentrer, tu veux que je fasse une crise cardiaque ?

Il plaça sa main, qu'il regrettait d'être tremblante, contre sa poitrine, tentant de calmer les battements erratiques de son cœur. De l'autre côté de la pièce, dissimulé dans la pénombre malgré les faibles éclairages des lampes de poche, le visage de Jisung était décoré d'un fâcheux froncement de sourcils.

"Mais de quoi tu parles ? Je t'ai pas touché ? Mes mains étaient sur mes cuisses depuis le début.

Un étrange silence tomba sur la pièce, plus étrange encore que celui qu'ils avaient entendu depuis leur arrivée. Jeongguk déglutit difficilement.

"Si c'est une vanne, c'est vraiment pas drôle.

"Mec, chuchota le blond d'une voix blanche, je te jure que ce n'est pas moi.

Il chercha difficilement le regard de l'autre, avant de saisir d'une main vacillante le talkie à côté de lui.

"Nam ?

Le timbre chaud de son hyung résonna dans la chambre vide, et Jeongguk fit taire la part de lui qui était soudainement beaucoup plus apaisée à son entente.

"Qu'est-ce qu'il y a Gguk ?

"Est-ce que tu as vu quelque chose sur les caméras infrarouges ?

S'il te plaît, dis-moi que c'est Sungie qui joue au con.

Il y eut une ou deux secondes de battements, avant que la voix de Namjoon retentisse de nouveau.

"Je ne vois rien sur l'enregistrement. Il n'a pas bougé.

''Allez, dans ta gueule.

Jeongguk fronça des sourcils, imitant le masque contrarié du plus jeune devant lui. Il n'avait pas rêvé pourtant, il avait pris assez de café avant de venir pour ne pas sombrer dans une forme de transe éveillée, et par tous les diables et tous les saints, il avait bel et bien senti quelque chose contre son genou. Il pourrait mettre sa main à couper. Mais au lieu de la joie euphorique qu'il aurait dû ressentir en réalisant qu'ils faisaient enfin face à des événements paranormaux, après des années sans aucun résultat sur leur chaîne, il ne fut accueilli que par de la confusion.

"Mais... J'étais pourtant sûr que...

"A force de trop espérer pour que quelque chose se produise, on a tendance à l'imaginer, coupa Namjoon de l'autre côté de la ligne. Souviens-toi, cela t'es déjà arrivé dans une ancienne vidéo.

Jeongguk, à vrai dire, ne s'en souvenait pas, mais si son aîné le disait alors c'était très certainement vrai. Et puis... Il manqua de secouer la tête presque physiquement pour chasser la boule qui se coinçait dans sa gorge. C'était ridicule. Ce n'était sûrement que le vent. Ce n'était pas aujourd'hui qu'ils allaient avoir de la chance du côté du surnaturel, alors pourquoi maintenant ? Il y av—

"Bon, dit Jisung avec plus de force, se tapant ses cuisses bruyamment avant de se redresser. Tu vas rester là à te faire dessus encore longtemps ou pas ? Parce qu'il n'y a rien dans cette pièce, c'est sûr et certain.

Jeongguk se redressa en retour, acceptant la main tendue de son partenaire. Il se devait de chasser les sombres pensées qui tournaient encore dans sa tête, se devait de se concentrer sur le reste de la soirée et des rushs qu'ils pouvaient prendre.

"Qu'est-ce que tu veux faire maintenant ? 


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23h23

Jisung montait doucement les escaliers, le détecteur EMF en main, son talkie-walkie accroché à la poche arrière de son jean. Il avait jeté un dernier regard aux garçons assis derrière leur poste de contrôle, Jeongguk, un casque posé sur les oreilles lui faisant un pouce en l'air alors que Namjoon le regardait avec cet air un peu crispé sur le visage, le même qu'il arborait lorsqu'il s'en faisait pour eux. Le petit blond avait souri et avait continué son ascension, son regard balayant l'étage sombre, le détecteur n'émettant encore aucune couleur.

Il hésita un instant avant de s'engager dans le couloir gauche, là où la caméra fixe était posée, permettant aux garçons d'avoir un visuel en permanence sur ce côté de l'étage. Le calme presque mystique de la maison était seulement perturbé par le bruit du vent qui venait s'engouffrer par les fenêtres brisées de certaines chambres, ou bien même les craquements lugubres du parquet lorsqu'il avançait, les semelles compensées de ses converses venant frotter le bois usé à chacun de ses pas. Lorsqu'il plongea dans l'obscurité opaque du couloir, un frisson parcourut son corps, son regard venant se fixer sur le retour de la caméra infrarouge dans sa main, celle qui permettait à Namjoon et Jeongguk de voir ce qu'il voyait. Ce n'est que le noir, Sung, tu vas quand même pas faire croire aux gars que t'as peur du noir. Il refusait d'être dans une énième compilation des "coups de flippe de Jisung" — même sa mère l'avait vu et l'avait appelé en rigolant.

Serrant la mâchoire, il se força à continuer.

Mais lorsqu'il passa devant la salle de bain, un étrange malaise le saisi de nouveau, le faisant s'arrêter un instant.

La porte était entrouverte, laissant alors l'air humide et lourd de la pièce embaumer le couloir, mais ce n'était pas ça qui le dérangeait. Ce qui le dérangeait, c'était cette soudaine impression que quelqu'un — ou quelque chose — le regardait, tapit dans l'ombre, le poid de son regard venant se poser sur lui. Lourd. Malaisant. Vicieux. Jisung avait bravé les ténèbres traîtresses un instant, laissant son regard sombre balayer la partie visible de la pièce, mais il ne vit rien, pas même grâce à la caméra ; seul le miroir sale et écaillé était visible, la crasse si incrustée que même le voyant rouge de sa caméra ne pouvait se refléter.

Le garçon soupira pour relâcher la tension avant de se remettre en mouvement et reprendre son chemin, son regard de nouveau rivé sur l'écran devant lui. Il n'y avait aucun bruit dans la maison.

Mais lorsqu'il arriva dans le couloir opposé aux escaliers, cette sensation de malaise vint de nouveau se faire ressentir. Comme des vagues qui venaient, inlassablement, s'échouer sur la plage de sa conscience. Jisung fronça les sourcils en sentant cette boule se former au creux de son estomac, ce poids mort et douloureux qui lui donnait l'impression de peser des tonnes et qui semblait le ralentir dans ses mouvements. Il avançait doucement, ne voulant pas émettre de bruit parasite que la caméra pourrait capter, prenant garde à sa respiration. Dans sa main gauche, le détecteur ne changeait toujours pas de couleur, donc aucun signe pour se mettre à paniquer. On se réconforte comme on peut, pensa-t-il.

Néanmoins, il ne parvenait pas à quitter la caméra des yeux à cause de l'obscurité : le couloir était si noir en son centre que le garçon ne parvenait pas à voir à plus d'une dizaine de centimètres devant lui, mais il discernait les contours de l'horloge grâce à la lumière de la lune, les faibles rayons parvenant à se frayer un chemin à l'intérieur grâce aux fenêtres mal condamnées.

Mais plus il avançait dans le noir, et plus Jisung sentait que quelque chose n'allait pas, qu'il n'était pas seul à l'étage. C'était ridicule, pourtant, c'était censé être lui le sceptique de la bande — mais il y avait un goût étrange sur sa langue, un picotement inconfortable le long de son épiderme. Il savait que Namjoon et Jeongguk étaient en bas, le plus jeune écoutant tout ce qu'il parvenait à capter avec son micro et le plus vieux scrutait attentivement l'écran en face de lui, prêts à agir si la moindre anomalie était visible. Et même en essayant de se rassurer comme il le pouvait, il ne parvenait pas à faire abstraction de ce sentiment de malaise profond, cette impression que quelqu'un le fixait, la peur commençant à se frayer un chemin dans son esprit, au point de se demander si ce n'était pas mieux que Namjoon vienne l'envelopper de son étreinte pour que tout cesse. Jeongguk avait ressenti quelque chose dans la chambre, après tout...

Alors qu'il arrivait au centre du couloir, là où l'obscurité était à son paroxysme, le détecteur EMF s'alluma brièvement, le temps que Jisung puisse voir du coin de l'oeil que la lumière verte s'était déclenchée, illuminant ainsi les deux premières LED de l'appareil.

Jisung s'arrêta, son regard rivé sur sa main gauche qui tenait encore l'appareil, se demandant s'il avait imaginé ce moment ou si cela s'était bien passé. Son sang battait fort, si fort dans ses tempes.

Fixant l'objet, il cessa de respirer en entendant un bruit de pas étouffé derrière lui — bloquant sa respiration, son dos figé, ses muscles bandés, essayant de se concentrer sur le bruit. Mais alors que la peur prenait le dessus, Jisung sursauta violemment en entendant un bruit de grésillement, suivi de la voix légèrement brouillé de Namjoon :

"Sung, ça va ? Tu bouges plus depuis un moment.

Le blond souffla fortement, essayant de calmer les battements rapides de son cœur alors qu'il vint faire un petit signe devant la caméra pour rassurer son aîné.

Il n'y a rien, t'es tout seul, arrête de te faire peur.

"Oui oui, ça va, marmonna-t-il après un instant, Jeongguk écoutant sûrement ce qu'il disait. Je pensais juste avoir entendu quelque chose, mais y a rien.

Et sans attendre de réponse de leur part, il se remit rapidement en route, voulant partir au plus vite de ce couloir et de l'obscurité terrifiante autour de lui. Mais lorsqu'il arriva au bout, à quelques pas de la grande horloge, le détecteur EMF s'enclencha furieusement, les cinq LED s'illuminant violemment, la dernière LED rouge venant chasser les ténèbres, le signal sonore aigu venant perturber le calme ambiant de la maison.

Jamais, de toutes les expériences qu'ils avaient faites, le détecteur s'était allumé de la sorte.

Le blond paniquait, ne comprenant pas pourquoi l'appareil s'animait si brusquement, la sonnerie perçante de l'appareil ne voulant pas s'arrêter, alors qu'à travers l'écran de sa caméra, il ne voyait rien, à part le reflet rougeâtre contre la lentille. La petite LED éclairait faiblement les murs et l'horloge, mais c'était insuffisant, maigre phare combattant l'obscurité épaisse.

"Sung, tu vois un truc ? la voix de Jeongguk peinait à se faire entendre à cause du bruit strident de l'appareil.

"Non, y a rien, répondit-il malgré tout, laissant la caméra infrarouge reposer contre son torse grâce au harnais qu'il avait enfilé avec l'aide de Jeongguk plus tôt. Je comprends pas pourquoi ça—

Puis le bruit s'était arrêté, aussi soudainement qu'il s'était déclenché, replongeant Jisung dans le noir complet.

Pendant un instant, le blond était perdu, ne comprenant pas ce qu'il se passait. Il regardait d'un air surpris le détecteur maintenant éteint dans sa main, le silence reprenant enfin sa place, faisant de ce dernier le maître de ces lieux. Mais Jisung, malgré le silence assourdissant de la maison, pouvait entendre les battements de son cœur résonner dans ses tempes, le sang pulser contre ses oreilles, la panique et la peur ayant pris le dessus sur sa raison lorsque que la sonnerie s'était mise à retentir à l'étage. Tudum, tudum, tudum, faisait l'hémoglobine contre ses tempes, presque aussi retentissant que les bruits des LED — est-ce que la caméra pouvait capter les coups de tambours dans sa poitrine ?

Jisung souffla une nouvelle fois, essayant de calmer son coeur un peu trop rapide, et ferma les yeux quelques secondes, histoire de retrouver ses esprits, de s'auto-persuader que tout allait bien :

Calme-toi, calme toi, il n'y a rien, tu es seul, les gars sont en bas.

Il continua un petit instant, essayant de réguler sa respiration légèrement trop rapide en se forçant à respirer longuement et lentement. Namjoon et Changbin lui avaient montré comment faire, une fois où une crise d'angoisse avait dégénéré.

Mais lorsqu'il rouvrit les yeux, ces derniers vinrent se poser sur l'horloge... ou plutôt ce qui était à côté. Et son sang se glaça.

Devant lui, se tenait une vielle femme aux longs cheveux blancs et aux habits noirs, son regard posé sur lui.

Jisung s'était de nouveau figé sur place. Tudum, tudum, tudum. Son regard rivé vers cette femme qui le fixait, un sinistre sourire aux lèvres, son visage dissimulé derrière ses longs cheveux blancs, un voile noir et troué attaché en haut de sa tête. Son regard était clair, presque laiteux, à la pupille manquante, posé sur lui. Blanc. Vitreux. Comme les yeux d'un poisson mort. Elle se tenait droite, dans l'ombre de cette grande horloge près du mur, son corps partiellement dissimulé par l'objet — mais dans la pénombre de l'étage, c'était tout ce qu'il pouvait voir. Il n'arrivait pas à détourner le regard de ce visage bien trop pâle et creusé, de ce regard vide et cerné de noir qui le tourmentait, semblant sonder son âme au plus profond de lui-même, comme pour l'aspirer, le terrifiant toujours un peu plus. Son aura était puissante, électrique, et ô combien funèbre — noire, si noire.

Jisung ne pouvait pas bouger ; la peur le pétrifiait sur place, et même si le rictus malsain de la femme était sinistre et redoutable, le blond ne parvenait pas à détourner le regard, dans cette curiosité morbide, alors même que chaque cellule de son corps lui hurlaient de fuir, loin et vite.

Il s'était longtemps demandé comment il réagirait si — lorsqu'il — rencontrerait pour la première fois une entité de l'au-delà. Se mettrait-il à crier ? A s'enfuir ? Chercher à faire face à un quelconque fantôme ? Mais la réalité était souvent bien loin de ce que l'on imaginait.

Il était pétrifié.

"Jisung, qu'est-ce que tu branles ?

La voix grésillante de Jeongguk se fit entendre à travers le talkie-walkie, faisant sursauter le blond qui ne quittait pas la femme du regard ; la vision fantômatique de la femme ne bougea pas à l'entente de l'insulte du brun, elle continuait simplement de le fixer.

"Vous la voyez pas ?

Il avait parlé doucement, ne voulant pas perturber le silence ambiant, de peur que quelque chose ne se passe réellement, mais il espérait que sa voix soit assez forte pour que la caméra capte sa voix.

"De quoi tu parles ? T'es tout seul là.

"Non, hyung, y a... il déglutit difficilement. Y a une femme, elle me fixe.

"Sung, retentit la voix de Namjoon, plus calme ; je te jure qu'on ne voit rien sur l'écran.

Le blond fronça les sourcils, sa main libre venant attraper la caméra qui reposait contre son torse, la levant suffisamment pour filmer cette femme, mais aussi avoir un visuel sur son écran. Il eut du mal à détourner le regard, la peur le figeant toujours, mais il ne voulait pas croire ce que disaient ses aînés, il ne pouvait pas croire qu'il imaginait ça. Comment aurait-il pu ? Alors lorsqu'il baissa rapidement les yeux vers sa caméra, son cœur rata un autre battement.

Sur l'écran, seule l'horloge était visible.

Jisung resta un instant de plus figé sur place, fixant encore et toujours l'écran du retour aux couleurs verdâtres. La vieille femme n'y apparaissait pas. La vieille femme n'y apparaissait pas, alors qu'elle était devant lui, menaçante.

"Jisung ? la voix de Namjoon perça le silence, mais son ton était plus sérieux, plus soucieux.

Le blond ne répondit pas audiblement, un gargouillement face à la peur qui lui serrait douloureusement la gorge, comme si la Mort elle-même avait posé ses doigts froids et osseux autour de son cou, serrant toujours un peu contre la peau pâle de sa nuque. Est-ce que la vieillarde était la Faucheuse ? Est-ce que son heure était venue ? L'espace d'un bref instant, il se dit que c'était une belle fin, que de partir en faisant ce qu'il aimait et avec les personnes qu'il chérissait le plus au monde.

Mais alors qu'il redressait la tête, pensant rencontrer la caméra pour faire un de ses éternels pouce en l'air pour rassurer ses aînés, quelque chose capta son attention.

A côté de l'horloge, la vieille femme avait disparu.

Jisung ne comprenait pas ce qu'il se passait : il était sur que cette vieille femme était bel et bien là, même si les deux autres ne parvenaient pas à la voir à travers les caméras. Il pourrait en mettre sa main à couper.

"Sung-ah, la voix de Jeongguk se fit de nouveau entendre, son ton presque ennuyé se faisant entendre, irritant le petit blond ; c'est bon, y a rien, tu vas pas rester trois plombes là-haut, on a d'autres trucs à faire.

Le blond avait gonflé les joues, lâchant de nouveau sa caméra pour venir attraper son talkie-walkie, appuyant violemment sur le bouton de l'appareil pour l'activer avant de parler, sa voix légèrement étranglée s'élevant enfin.

"Y avait une vieille.

"Oui, bah là, y en a pas.

"Elle est partie !

"T'as halluciné alors.

Il avait osé soupirer en plus, le bougre ! Alors qu'il avait ressenti quelque chose dans la chambre et qu'il l'avait accusé à la place !

"Gguk mon détecteur s'est allumé, je l'ai pas inventé ça !

"Je suis sûr que t'as encore pris ton téléphone avec toi, tu te fais peur tout seul !

Jisung commençait à s'énerver à cause de ses paroles, à croire que Jeongguk n'avait jamais été celui derrière la caméra, et la peur et et l'irritation le mettait à fleur de peau.

"Mais putain Gguk, y a bien un truc en haut !

"Bah bouge alors !

"Tu commences à me gonfler sévère-

Il n'eut pas la chance de terminer sa phrase, le détecteur EMF se déclenchant de nouveau aussi violemment que la première fois, le son strident perturbant de nouveau le silence, alors que les cinq LED projetaient cette même couleur rouge sur les murs. Jisung émit un cri de surprise, sursautant violemment, lâchant au passage le détecteur et le talkie-walkie, venant s'écraser contre le parquet dans un bruit sourd.

Néanmoins, le son du détecteur lui semblait plus fort que la première fois, plus douloureux aussi, si bien que Jisung vint rapidement couvrir ses oreilles avec ses mains, espérant faire taire le bruit strident, ses yeux se fermant d'eux-mêmes face à l'agressivité de l'alarme. C'était comme si les sirènes venaient ronger ses tympans, grattant à l'intérieur de sa tête, comme un parasite.

Lorsque le bruit s'arrêta quelques instants plus tard, laissant le noir reprendre sa place à l'étage, Jisung ne voulait pas rouvrir les yeux, la peur lui empêchant de faire face aux ténèbres. Il voulait simplement que ses hyungs viennent le tirer de là, que Namjoon vienne le chercher, son regard à la fois dur et fatigué posé sur lui, son éternel « je te l'avais dit » alors que Jisung s'accrochait à lui comme une moule à son rocher. Comme il l'avait fait tout à l'heure quand ils avaient vu l'horloge pour la première fois. Il voulait se recroqueviller, dormir, peu importe, du moment qu'il était loin d'ici.

Mais il ne pouvait pas parler car, derrière lui, le grincement lugubre et aigu d'une porte se fit entendre.

Non mais c'est bon là, foutez-moi la paix.

Il se figea de nouveau le temps d'un instant — son corps commençait à geindre sous le stress, ses épaules ankylosées et pétrifiées —, prêt à prendre ses jambes à son cou, mais quelque chose le poussa à se tourner. Il se fit violence, rouvrit les yeux et brava les ténèbres, son regard apeuré venant se poser sur la porte maintenant grande ouverte de la salle de bain.

Pendant un instant, il fixa le noir à la recherche de quelque chose, mais l'obscurité était telle que le blond ne pouvait rien distinguer, la peur semblant se calmer doucement, son cœur retrouvant une cadence presque normale. Il n'y avait rien. Il n'y avait rien. Ce n'était que le vent. Ce n'était qu'une flippette. Jeongguk se moquerait de lui quand il descendrait, mais il préférait ça plutôt que d'échapper à un autre arrêt cardiaque.

Alors Jisung inspira longuement, essayant de calmer ses nerfs, dans ces mêmes exercices de respiration que ses hyungs lui avaient appris. Lorsqu'il expira, son cœur rata un bâtiment en sentant un souffle glacial contre sa nuque.

"Je l'ai fait sauter...

Au rez-de-chaussée, Namjoon fixait l'écran attentivement, et plus particulièrement Jisung qui restait planté dans ce couloir depuis de longues minutes maintenant, en face de cette même horloge qui semblait l'avoir dérangée plus tôt dans la soirée. Il ne savait pas ce qu'il se passait, mais son instinct lui murmurait de se tenir prêt, prêt à courir le long de cet escalier pour prendre le plus jeune dans ses bras.

Jeongguk aussi regardait l'écran, son casque toujours vissé sur les oreilles, un air un peu ennuyé sur le visage. Ses doigts tapotaient mollement contre le bureau.

"C'est long, là...

"Gguk.

"Mais hyung — sa voix se fit plus aiguë, plaintive, et Namjoon en avait déjà marre — il ne se passe rien et il se fait peur tout seul !

"Je dois te rappeler ton délire de tout à l'heure ou bien ça ira ?

Il y eut un silence, Jeongguk se remit à bouder avec sa moue caractéristique, faisant pouffer de rire le plus vieux.

Il perdit rapidement son sourire en le voyant attraper le talkie-walkie, commençant à se prendre la tête avec le plus jeune. Ce n'était pas tant le contenu fleuri de leurs échanges, mais davantage cette tâche sombre qui se créait sur l'écran, près de Jisung, là où il disait voir la femme. Le brun à ses côtés pouvait-il le voir ? Était-ce un défaut de la caméra ? ... Ou était-ce l'un de ses talents qui se réveillait ? La chose semblait se déplacer doucement sur l'écran, et alors que Jisung jetait un regard noir à la caméra en parlant dans le talkie-walkie, espérant que Jeongguk le voit, l'appareil dans ses mains se déclencha dans un autre cri strident.

Jeongguk sursauta lui aussi, retirant et jetant rapidement son casque qui vint rebondir contre le clavier de l'ordinateur, pile devant Namjoon qui le regardait étrangement.

"Mais ça va pas ?

"Oh l'enfoiré, il l'a fait exprès pour me punir, j'suis sûr !

"T'as vraiment un problème, marmonna Namjoon en lui jetant un regard critique.

Jeongguk arborait de nouveau sa moue en renfilant son casque.

"Me regarde pas comme ça, je suis devenu sourd à cause du nain.

"Gguk, arrête de faire la drama queen...

"Hyung ! C'est sa faute, il — eh, wesh, il branle quoi là ?

Namjoon fronça des sourcils, prêt à reprendre son cadet concernant ses mots envers Jisung, mais ce dernier lui pointait quelque chose sur le moniteur.

Sur l'écran, la chose — l'étrange tâche indescriptible qu'il avait repéré plus tôt — se tenait derrière Jisung qui leur tournait le dos, sa propre caméra filmant la salle de bain vide. Il jeta un regard inquiet à Jeongguk, le front soucieux et concentré.

"Tu le vois ? marmonna Namjoon.

"De quoi, Sung ? Ouais, mais il y a un bruit bizarre.

"Comment ça bizarre ? Tu dis tout le temps qu'il est bizarre.

"J'sais pas, on dirait qu'il parle, mais c'est pas sa voix.

"Gguk, il bouge pas là, Sung.

"Je sais, merci, je peux voir au — mais Jisung, connard !

Le brun retira de nouveau son casque violemment, une grimace de douleur peignant ses traits alors qu'à l'étage, un hurlement de terreur résonna à travers la bâtisse, si fort que les deux garçons avaient l'impression qu'il était dans la pièce avec eux.

Namjoon se redressa maladroitement, son genou cognant contre la table en bois massif de leur poste de contrôle, lui arrachant un geignement de douleur alors que des bruits de pas frénétiques se faisaient entendre à travers l'étage. Le noiraud se dépêcha de rejoindre les escaliers, Jisung émergeant rapidement, dévalant les marches si rapidement qu'il risquait de tomber et de se briser le cou à chacun de ses pas. Mais ce qui marquait le plus l'aîné, fut les hurlements furieux du blond :

"Eh, nique ta mère la vieillasse, c'est bon, j'en ai ras le cul ! Hyung, j'veux partir d'ici !

Il s'était mis à chouiner, les yeux brillants, avant de se jeter dans les bras de Namjoon qui le réceptionna tant bien que mal.

"Y a la vieille qui a essayé de me foutre dans la salle de bain !

"Oh la gueule que tu tires, faut qu'on garde ça pour la vidéo !

"Toi, il se tourna comme il put en direction de Jeongguk qui avait du mal à contenir son rire ; à force de te foutre de ma gueule, t'iras le chercher tout seul ton matos, sale tocard !

"Bebou, t'es dramatique !

"Je dors pas ici, c'est mort ! Entre la chambre et la vieille, c'est bon, j'ai mon compte ! Au bout d'un moment, faut songer à aller se faire foutre ! J'irais dans la voiture et toi — son regard noir était toujours rivé sur Jeongguk qui s'était mis à hurler de rire — j'espère que le vieux Min t'enculera dans ton sommeil comme la meuf dans Scary Movie.

"Sung, t'es vulgaire...

Namjoon était fatigué de leurs bêtises.

"J'ai peur, ok ? Me bully pas toi aussi. Mais je veux vraiment pas rester là, hyung, s'il faut je me mets à pleurer pour te faire craquer.

"Je t'en supplie, stop, calme toi, demanda Namjoon avec une lueur de panique dans le regard. Il faut vraiment que tu te calmes, Sung.

Il regarda le haut des escaliers, là où il sentait la présence de quelqu'un les fixer.

Espérant pouvoir calmer le blond, Namjoon déchanta rapidement en voyant ce dernier le repousser — une expression indignée semblable à celle qu'il abhorrait lorsque l'aîné refusait de lui payer un énième americano — , et le noiraud se retenait bien de soupirer pour ne pas s'attirer les foudres de Jisung... qui, comme Jeongguk aimait le dire, était une véritable menace.

(Et un énorme gamin, mais ça, ce n'était un secret pour personne...)

"Comment tu veux que je me calme quand un vieux truc puant sorti tout droit des enfers vient me chuchoter qu'elle a fait sauter quelqu'un, hein ?

Son ton hystérique fit pouffer Jeongguk qui n'avait pas bougé de sa table.

"C'est bon, frère, j'en ai marre de me faire victimiser par des bolosses morts y a des années !

"Comme quoi, même les morts savent que t'es une victime.

"Eh, Gguk, je vais vraiment finir par te faire bouffer mes couilles.

"Je dis pas non à un peu de bon temps, ricana-t-il, et Namjoon pouvait voir les joues de Jisung gonfler encore plus.

"Jeongguk, prévint le plus vieux d'un ton sans appel.

"Bah quoi ? Il est petit mais il est pas moche, faut bien l'avouer !

"Mais tu peux pas me prendre au sérieux deux pauvres minutes, sale tocard ?

"C'est bon, râla le brun qui avait perdu son sourire, ses sourcils maintenant froncés témoignaient de son agacement. Tu veux que je te dise quoi, 'désolé Sung que le méchant fantôme t'ai fait peur' ? Eh c'est bon, t'es grand, je vais pas non plus te consoler dès que tu sursautes.

"C'est riche venant d'un pauvre type comme toi.

Namjoon les regardait alors s'engueuler d'un bout à l'autre de la pièce, une main fermement accrochée au t-shirt de Jisung pour s'assurer que ce dernier n'aille pas sauter sur Jeongguk si celui-ci décidait de pousser leur petite querelle un peu plus loin. Mais, même si leurs voix venaient perturber le calme étrange de la maison et ne permettait pas au plus vieux de se concentrer pleinement sur ce qu'il se passait autour d'eux, il pouvait toujours voir cette chose informe et sombre à l'étage les fixer du coin de l'œil. Cela ressemblait à une sorte d'épais nuage de fumée noire qui se dissimulait dans l'obscurité, rendant alors sa présence difficilement percevable pour le garçon doté de son don, mais il pouvait toujours sentir cette énergie forte et malfaisante autour d'eux, et au vu de l'opacité de cette chose, il ne voulait en aucun cas y faire face. Qu'est-ce qu'il se passerait, s'il tendait la main et que les nuages épais l'engloutissaient ?

Son dos était raide, droit, et sa poigne si serrée autour du tissu qu'il aurait pu le déchirer, les yeux fixés sur ses deux amis sans vraiment les voir, trop concentré sur la présence à l'étage.

Mais alors que les voix s'élevaient au rez-de-chaussée et que ses muscles se figeaient toujours un peu plus, il eut un violent mouvement de recul lorsqu'il le vit enfin — entrainant Jisung avec lui qui, sous la violence du geste s'était retourné, mettant fin à sa joute verbale avec Jeongguk avant de hurler de terreur.

De l'épaisse ombre noire était sorti le visage pâle et décharné d'une vieille dame, son regard vitreux et blanc posé sur eux. Derrière son voile noir et déchiré, un sourire malsain s'était dessiné, laissant entrevoir une rangée de dents noires et pourries ; deux, trois, cinq pattes d'un insecte se frayant un chemin derrière les incisives, et Namjoon eut la respiration coupée en voyant une araignée sortir de la bouche.

Ils n'eurent le temps de la voir qu'une fraction de seconde avant que les deux spots — qu'ils avaient mis à côté de la table en début de soirée en se disant qu'ils auraient au moins un endroit toujours éclairé dans la maison — se mettent à clignoter rapidement pendant quelques secondes, comme l'auraient fait des lumières stroboscopiques, avant de s'éteindre, plongeant le rez-de-chaussée dans le noir.

Elle pencha la tête sur le côté, souriant de nouveau, et un clignement de paupière douloureux plus tard... elle n'était plus là.

Namjoon tenait toujours fermement Jisung, blotti contre lui, s'accrochant désespérément à la taille du plus vieux ; Jeongguk avait marmonné quelque chose, cherchant frénétiquement sa lampe torche de sa main gauche, son visage partiellement éclairé par l'écran de l'ordinateur. Lorsque le faisceau lumineux de la lampe torche se posa sur Namjoon et Jisung, le plus jeune releva son visage déformé par la peur, cherchant du regard celui perdu de Namjoon, et dit d'une voix tremblante :

"Tu me crois maintenant, hyung ?

Et Namjoon n'avait pu que hocher la tête, ses yeux toujours rivés vers les escaliers, là où la vieille femme avait disparu.


---



00h16

"Bon, maintenant que tout le monde est calmé, on peut essayer de comprendre ce qu'il se passe ?

Essayer était le mot-clé de la phrase.

En effet, après la mystérieuse apparition et la coupure de courant, Jeongguk avait réussi à remettre la lumière, plongeant de nouveau une partie du hall et de la pièce à vivre dans une douce lumière jaune et vieillie, contrastant avec les ténèbres traîtresses de l'étage. Namjoon l'avait regardé faire, tenant toujours contre lui Jisung qui peinait à reprendre son calme et qui tremblait comme une feuille de peur et de froid — sa main dans ses cheveux en murmurant des mots qu'il n'avait pas conscience de chuchoter. Lorsque tout semblait être revenu à la normale, Namjoon avait saisi les deux plus jeunes et les avait forcé à sortir de la maison : il était hors de question qu'ils reprennent leurs esprits dans cette baraque, et Jisung avait besoin de se réchauffer.

Maintenant, ils étaient tous les trois dans la voiture, toujours garée en contrebas de la route ; Namjoon sur le siège conducteur et tourné vers ses cadets, le brun à l'arrière, une caméra en main et Jisung assis côté passager, une large et épaisse veste appartenant à Jeongguk sur les épaules ainsi qu'une bouteille d'eau à moitié bue dans les mains.

Jisung n'avait pas ouvert la bouche depuis qu'il était rentré dans la voiture, ses tremblements ayant quelque peu diminué, son regard rivé sur ses mains fermement accrochées à la bouteille, et Namjoon était sur le point de craquer. Si ces deux imbéciles avaient préféré passer une soirée tranquille dans l'appartement du plus vieux à regarder des films d'horreurs bidons en mangeant une pizza au lieu de vouloir jouer aux chasseurs de fantôme, peut-être qu'il ne se retrouvrait pas avec un gamin terrorisé dans les pattes et un deuxième complètement inconscient de leurs conneries.

On a connu meilleur vendredi soir.

"Vous savez, commença Jeongguk, que le truc que Sung dit avoir vu, je ne l'ai pas sur l'ordi.

"Hyung aussi l'a vu, marmonna le blond — et hallelujah ! il parle ! —. Je veux juste rentrer maintenant, avoua-t-il, je ne veux pas rester dans cette maison, elle fait peur.

"C'est le but, avoua l'autre.

"Recommencez pas à vous engueuler, s'il vous plaît, souffla Namjoon en fermant les yeux.

Mais Jisung la ramena, encore. Comme quoi, même effrayé, il ne la fermait jamais.

"Je suis sûr que c'est ça qui a éteint les lumières.

"Comment deux-trois insultes peuvent-elles faire ça ?

"Les mauvaises énergies, t'en as entendu parler, tocard ?

"Arrête de me traiter de tocard, crétin !

"C'est parce que t'en es un de tocard, et un grand.

"Ça suffit ! siffla Namjoon. Toi, il se tourna vers Jeongguk qui avait ouvert la bouche, prêt à riposter : je t'interdis de dire quoi que ce soit, t'es censé être assez grand pour savoir te tenir, je crois, prévint-il et le garçon s'était renfrogné, une moue boudeuse venant prendre place sur ses lèvres roses. Bon, on va reprendre calmement, et pour de vrai, cette fois, la discussion. On a vu quelque chose en haut, c'est vrai, mais Sung, t'as dit un truc en descendant.

Le blond avait froncé les sourcils avant de lui jeter un regard étrange, une grimace déformant ses traits.

"J'ai dit beaucoup de choses en descendant, Nam.

"Oui, merci, je sais, mais t'as dit que ce truc t'avait parlé, non ?

Jisung le regardait, confus, les sourcils toujours froncés alors que Jeongguk les filmait silencieusement, boudant toujours un peu de s'être fait reprendre par leur aîné. Namjoon laissa quelques secondes silencieuses passer avant qu'une lueur ne vienne traverser le regard sombre de Jisung, ses yeux s'écarquillant.

"Ah ! Oui, la vieille m'a dit qu'elle l'avait fait sauter, je ne sais pas de quoi elle parlait, mais elle m'a chuchoté ça avant que je parte en courant.

"'Elle l'a fait sauter' ?

"Me regarde pas comme ça, j'en sais pas plus que toi.

"Bah, vous êtes cons ou quoi ? intervint enfin Jeongguk, et Namjoon haussa un sourcil. Quoi ? T'as bien dit que t'as vu une vieille, non ?

Jisung avait hoché la tête, doucement, lançant un regard perdu à Namjoon qui haussa les épaules au grand dam de Jeongguk qui soupira, caméra toujours en main.

"Donc c'est bon, vous parlez de Bang Chan ; il avait prévenu ses parents qu'il voyait une vieille la nuit et personne ne le croyait, il est mort en se jetant du toit. Donc, elle l'a fait sauter.

"En fait, t'es peut-être pas si idiot que ça, souffla Jisung, admiratif.

"Ouais, je sais, l'homme parfait, que veux-tu.

"C'est très bien tout ça, commença Namjoon en les regardant à tour de rôle, mais vous faites quoi de cette info ?

"Quand il est question de fantômes, dans Supernatural, Dean et Sam les chassent avec du sel et une lame en argent.

Silence.

Un long silence.

"Est-ce que tu viens vraiment de dire ça premier degré ou pas, demanda doucement Jisung, perplexe, son regard rivé sur Jeongguk qui le fixait déjà.

"Oui ? Ça marche bien pour eux, pourquoi pas nous ?

"C'est une série, tu sais ? La fiction et tout, parce que si tu veux, on peut aller chasser le wendigo ou le loup-garou aussi, tant qu'on y est.

"Jure ! Tu serais partant ?

Son enthousiasme surprit Namjoon qui, d'un côté, le plaignait. Même si Jisung était le plus jeune de leur petit trio, parfois, Jeongguk lui donnait la désagréable impression d'être un gamin naïf. Et au vu du regard que lui lançait Jisung, ce dernier pensait la même chose.

"Jeongguk, pour le bien de tout le monde ici, tais-toi, supplia Jisung.

"Mais tu viens de — oh, j'ai compris.

Nouveau silence, et Namjoon hésitait encore entre rire et pleurer face à ça. Il méritait une bonne nuit de sommeil, si ce n'était un week-end entier à pioncer, quand ils sortiraient d'ici.

"Roh la gueule des enquêteurs, soupira Jisung en se tournant de nouveau vers la maison. En plus, on n'a même pas de sel avec nous, et je suis presque sûr que ce n'est pas le "demandez gentiment au fantôme de partir" de Wikihow qui va nous aider.

"Comment pouvez-vous prétendre être des chasseurs de fantômes, tous les deux ? demanda sérieusement Namjoon, abasourdi face aux bêtises qu'ils pouvaient déblatérer en aussi peu de temps. Genre, là, vos références, c'est une série, un show truqué—

"Je t'interdis de dire que Ghost adventure est truqué !

"— et Wikihow ? Vraiment vous me surprenez, et je ne suis même pas sûr que ce soit dans le bon sens du terme.

"Gguk, tu couperas ça au montage, grogna Jisung en ramenant ses jambes contre lui. Si t'as une meilleure idée Monsieur je-sais-tout-mieux-que-tout-le-monde, on t'écoute. Parce que tu l'ouvres beaucoup pour le peu que tu fais.

Pendant de longues minutes, personne n'osait parler. Namjoon ne voulait pas prendre le risque ni de les décevoir ni de leur avouer son don, mais il ne voulait pas non plus rester là sans rien dire toute la soirée avec ses deux cadets grognons. Parce que, même s'ils l'ouvraient beaucoup, il les connaissait : s'ils rentraient maintenant chez le plus vieux, il savait que les deux garçons allaient s'en vouloir de peut-être avoir laissé passer leur chance d'enfin capturer quelque chose avec leur caméra, de vivre quelque chose de vraiment terrifiant et authentique. Et Namjoon ne pouvait pas se permettre de voir le visage déçu de Jisung qui, une fois dans le confort et la chaleur du lit quelque peu trop petit pour trois adultes, serait resté silencieux, ne cessant de se répéter qu'il avait tort. Il ne pouvait se permettre de voir la mine défaitiste de Jeongguk, qui regarderait sans cesse les rushs de leurs caméras lors du montage, sans avoir la force de les supprimer.

Non, il ne voulait vraiment pas vivre ça.

"On pourrait peut-être faire un exorcisme ? Sur la vieille ? tenta Jeongguk, peu sûr de lui maintenant que ses compagnons l'avaient réprimandé.

Le silence lui répondit, encore une fois. Jisung n'avait pas bougé d'un millimètre, pensif, et Namjoon avait pincé les lèvres, prêt à intervenir pour essayer de raisonner Jeongguk lorsque Jisung se tourna vers lui, un large sourire aux lèvres.

"Là, tu m'intéresses, Ggukie.


---



00h53

"Ok, alors, d'après le site, il faut de quoi faire ce symbole — ouais donc un marqueur ou une craie —, de l'eau bénite... On a ça ?

"J'ai de l'eau, répondit Jisung en agitant le fond de sa bouteille.

"Ouais, mais elle n'est pas bénite. On fait ça comment ?

"Je sais pas, avec un "Je vous salue Marie" ? Eh, Joonie-hyung, tu peux bénir notre eau ?

Namjoon était à ça de les abandonner ici, dans la forêt. Et ce, sans aucun scrupule.

Depuis que Jeongguk avait parlé d'exorciser l'esprit de la vieille femme — Namjoon voulait déjà s'éclater le crâne contre le volant —, Jisung avait repris du poil de la bête et avait commencé à chercher sur son téléphone comment procéder. Alors, ce fut désespéré que Namjoon les regardait se perdre sur des blogs obscurs et douteux en quête de leur réponse, à savoir : "comment exorciser la vieillasse", comme l'avait si bien dit Jisung en souriant à la caméra.

"Bon, pas de réponse, je le ferai, souffla Jeongguk. Il nous faut un gardien — c'est bon y a Namjoon — , et un crucifix ! Attends, on a ça nous ?

"Je ne crois pas, mais ça ne doit pas être bien difficile à faire. Sinon, hyung a sa croix autour du cou !

"Je refuse de participer à ça, siffla Namjoon, en portant une main protectrice à sa nuque pour protéger la croix de baptême que sa grand-mère lui avait offert quand il était nourrisson.

Il n'était peut-être pas particulièrement croyant, mais il y tenait.

"Tu tiendras la caméra, c'est déjà bien comme travail, répondit Jeongguk. Bon, Sung, on prend ce dont on a besoin et on fait ça dans la chambre de Min, ça te va ?

Il y eut un petit silence, pendant lequel Jisung fit ressortir sa lèvre inférieure.

"Gguk, si j'ai peur, tu pourras me tenir la main ?

Le brun sourit.

"Pas de soucis !

Et c'est ainsi que, une dizaine de minutes plus tard, Namjoon se tenait près de la porte de la chambre parentale, la caméra préférée de Jeongguk dans les mains, tandis que ce dernier s'affairait à dessiner sur le sol à l'aide d'un vieux marqueur couleur menthe à l'eau — que Hyunjin avait sans doute fait tomber dans sa voiture où il était parti chercher Jisung et lui après leur cours d'art. Jisung qui, à cet instant précis, éclairait de sa lampe torche le brun, son visage éclairé des lueurs de son téléphone qui lui servait de modèle. Une fois son œuvre terminée, Jeongguk se releva non sans un petit saut, craquant l'un de ses genoux au passage, jugeant avec une moue son croquis. Le blond, à ses côtés, faisait tournoyer l'eau à l'intérieur de sa bouteille dans une contemplation silencieuse.

"Ok, bon, ça ressemble au truc du site donc je pense que c'est bon ! Sung, bouteille.

Le benjamin la lui tendit silencieusement, sa lampe toujours rivée vers le sol, et Namjoon ne put s'empêcher de froncer les sourcils. D'où il était, le sceau que Jeongguk avait esquissé ressemblait étrangement à une sorte de... pentacle ?

"Alors 'Je vous salue Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous. Au nom du père, du fils, et du Saint Esprit : Amen' !

"Euh, Gguk, commença Namjoon, je ne suis pas certain que ce soit ça...

"T'inquiètes ! J'ai fait du catéchisme !

"Deux ans, t'en as fait deux ans, murmura Jisung.

"En attendant, c'est déjà deux ans de plus que toi, et toc. Bon, maintenant, il faut asperger un peu d'eau bénite comme ça...

Il ouvrit la bouteille et versa un peu de liquide dans le creux de sa main droite, jetant les gouttes saintes sur le plancher sale de la pièce.

"Ensuite, il faut réciter l'invocation. Tu peux me tenir ça, Sungie ?

L'interpellé saisit la bouteille que lui tendait le jeune homme, et le laissa s'essuyer sa main encore mouillée sur son pantalon, ses yeux relisant pour une dernière fois les indications sur son téléphone fissuré.

"Pour la croix... Hyung ne veut pas nous prêter la sienne, mais tant qu'il y en a une dans la pièce, je pense que ça passe, commenta-t-il en pointant du menton le vieux crucifix rongé par les mites accroché entre les deux fenêtres.

"Je n'en suis pas sûr, répondit Namjoon — comme si son opinion, dans cette joyeuse mascarade, avait une quelconque importance.

"Tu ne veux pas nous aider, c'est pas mon problème ! Ok, alors Sung, éclaire bien le dessin.

Jeongguk se mit au centre du pentacle, et, soudain, dans la lumière blafarde de la lampe torche, les deux garçons le virent bouger étrangement ses bras de gauche à droite, de bas en haut, le regard résolument appliqué planté droit devant lui. Cela dura de longues secondes avant de se mettre dos à Namjoon, une main tendue en avant, déclarant haut et fort :

"Devant moi : Raphaël ! Derrière moi : Gabriel !

Son bras bougea soudainement vers la droite. Jisung recula, manquant de prendre un coup au passage.

"Dans ma main droite : Mickaël !

Puis ce fut sa main gauche qui s'éleva. Namjoon filmait toujours, les sourcils froncés, essayant de comprendre ce que faisait Jeongguk.

"Dans ma main gauche : Ouriel ! Autour de moi, flamboie le pentagramme !

Et il recommença une nouvelle fois ses mouvements de bras étranges dans le silence.

Du coin de l'œil, Namjoon vit Jisung lui jeter un regard perdu — tous deux voulaient simplement rentrer chez eux et oublier cette soirée, car quand bien même Jeongguk se soit improvisé chaman, le noiraud n'avait pas grand espoir que son rituel bancal fonctionne. Mais il y avait ce souffle, qui venait chuchoter le long de sa peau et qui hérissait ses poils, glissant le long de son cou et de son dos, signe incontestable que les énergies étranges de la maison commençaient à se réveiller. Jeongguk n'était peut-être pas un professionnel, loin de là, mais il y croyait dur comme fer, et c'était là l'élément le plus important du rituel : sa force de conviction et sa détermination eurent le mérite d'éveiller la curiosité, bien que mortellement sinistre, des esprits de céans. Le médium pouvait les sentir, là, derrière lui, rampant sur le sol avec un rictus létal, et Namjoon n'aimait pas ça. Vraiment pas.

Jeongguk s'arrêta enfin, au bout d'une heure ou d'une minute, il ne saurait dire ; se retournant vers eux, son regard rencontra celui de son hyung, puis de son cadet, dans un étrange silence, lourd et capiteux. Il sourit, avant de s'écrier :

"Eh, du coup, c'est qui le gars trop fort qui a chassé la vieille ? C'est bibi ! Jisung, tu me dois une pipe.

Le petit blond cligna plusieurs fois des yeux, coi, avant de hausser un sourcil.

"Pardon ?

"Bah quoi ? Je te protège, je te soulève, c'est ça le deal !

Mais Jeongguk eut à peine le temps de terminer sa phrase, tout joyeux face à la mine médusée du plus jeune qu'un souffle glacial vint lui caresser la nuque, une caresse presque fantomatique, légère, comme si des doigts squelettiques l'avaient frôlé. Cette simple sensation eut le mérite de les figer tous les trois dans une ombre frigide — car ce n'était pas le vent à l'origine de ce brusque changement.

"Hyung... murmura Jisung dans la lueur soudainement crépitante de leurs lampes torches. Qu'est-ce qui te fait dire que tu as chassé l'esprit ?

"J'ai pourtant fait tout comme indiqué...

''Mais mon reuf, t'es pas Merlin, ça marche pas comme ça.

''Il est magicien, lui, ça n'a rien à voir, déjà, souligna le brun. Puis si t'es pas content, t'avais qu'à le faire !

Lentement, comme pour ne pas effrayer davantage une bête sauvage imprévisible, Namjoon tourna d'une lenteur insupportable sur ses talons, occultant le bruit de la dispute. Les forces commençaient à tisser une toile d'énergie sombre autour de la pièce, pour les enfermer à tout jamais, et lorsqu'il brandit sa lampe en direction du couloir, il ne fut accueilli que par les ténèbres. Pas le noir dû au manque de lumière, non — les ténèbres de la Géhenne et du Purgatoire, épais, mauvais, comme un nuage imposant fait de limbes déchiquetés.

Et ses oreilles se mirent à siffler dans une plainte lancinante.

Dans un grognement, le jeune homme porta une main à sa tempe, n'osant fermer les paupières pour s'habituer à la douleur — s'il quittait des yeux la masse rampante devant lui un seul instant, il ne donnerait pas cher de leurs peaux. L'esprit semblait avoir conscience que Namjoon pouvait le voir, et avec la curiosité d'une hyène qui veut jouer avec son repas avant de la dévorer, il glissait, piano-piano, vers l'humain qui l'observait avec défiance.

"Hyung ? chuchota Jeongguk derrière lui en entendant le grognement de son aîné.

"Restez derrière moi, claqua sa voix dans le silence, d'un ton sans appel. Foutez-vous dans le coin là-bas.

Jamais ne leur avait-il parlé de cette façon, pas même quand il avait demandé à ses cadets d'abandonner cette expédition ou de quitter la maison. Mais Namjoon, en cet instant présent, pensait davantage à leur survie qu'à leur amour-propre.

"Hyung, qu'est-ce qu'il se passe ?

Il ne répondit pas, les sourcils froncés, préférant reculer, un pas après l'autre. Il connaissait ce qui l'attendait : s'ils voulaient sortir d'ici vivants, il devrait affronter l'obscurité opaque devant lui. Il devrait passer au travers et la percer de l'intérieur. Par tous les dieux, il aurait dû écouter Seokjin qui lui avait toujours prédit que cela allait mal finir... A la place, il se trouvait pris au piège dans une chambre qui avait mis des années à absorber toute l'aura maléfique qu'elle pouvait, suffocante, avec les deux personnes qu'il chérissait sans doute le plus dans ce bas-monde, qui venaient de voir un fantôme pour la première fois de leur vie — et qui, détail qui avait suffisamment son importance, ignoraient tout des étranges facultés du médium.

Le bel éphèbe grinça des dents, reculant toujours. Il devrait pratiquer un rituel, il le savait ; mais il ne l'avait fait qu'une ou deux fois dans sa vie, et à chaque fois, sa grand-mère — celle qui avait le troisième oeil originel — était toujours là pour assurer ses arrières et reprendre la main s'il bafouillait les incantations. Quelles étaient les conjurations, déjà ?

Bientôt, il se trouva au centre du pentacle. Shit.

Le noiraud inspira, lentement, de cet air putride et collant qu'il ressentait dans la pièce. Doucement, il éteignit sa lampe torche, et la glissa dans sa poche.

"Namjoon-hyung, tu me fous la trouille, dis-nous ce qu'il s—

"Quoiqu'il se passe, ne faites aucun bruit, aucun mouvement. Si je vous dis de courir, vous cassez la fenêtre et vous vous barrez, c'est compris ?

"Mais—

"C'est compris ? répéta-t-il plus durement.

Il put presque entendre leur déglutition d'ici.

"Oui, hyung.

Namjoon fit un petit mouvement de tête, comme pour se redonner contenance, et respira profondément. Il pouvait le faire. Il en était capable. Il n'avait qu'à se concentrer... et faire en sorte de ne pas les faire tuer, ou pire, posséder.

Il arracha la chaîne autour de son cou pour la serrer entre ses doigts, les yeux rivés vers le nuage fantomatique qui venait de passer ses premières tentacules derrière l'embouchure de la porte. Ne la quittant pas des yeux, il se mit à genoux, réprimant le frisson de le faire au milieu du signe tracé au sol, avant de s'autoriser à clore les yeux. Fermant enfin les paupières, il porta deux doigts à son front de sa main droite, les laisser glisser le long de son nez, le long de ses lippes tremblantes, le long de son menton et de sa déglutition gênante dans sa gorge, jusqu'en haut de son plexus.

"Je l'ai fait sauter, susurra l'esprit, vil et mesquin.

Bas, guttural, presque comme un grognement profond, Namjoon commença à prononcer les mots anciens que sa mère et sa grand-mère murmuraient au-dessus de son lit, quand sa vue n'était pas encore développée, mais qu'il pouvait sentir les énergies puissantes dans sa chambre. Quand il fermait les yeux et que la voix des femmes de sa famille le berçait, quand les forces caressaient sa joue, s'enroulaient autour de ses bras, le suffoquaient. C'était un ancien langage, un qui vient de loin dans sa poitrine, un que les vieux sages chantent dans les temples, un qui laissait Jeongguk et Jisung — pressés l'un contre l'autre et terrifiés par le soudain changement de comportement de leur aîné — frissonnant à son écoute. C'était un langage oublié qui rappelait le bruit des grands gongs, rauque, rocailleux, réconfortant. Protecteur. Salvateur.

Il pouvait deviner les mains de ses cadets pressées entre elles, comme pour s'épauler entre eux, mais Namjoon devait faire face. Il continua de chanter, de ces vieilles prières qu'il avait tellement entendues quand il était petit, de cette familiarité bienvenue qui le soutenait face à l'adversité que les Enfers devant lui présentaient.

Et puis, comme dans un rêve étrange, une illusion, l'homme aux cheveux ébènes leva la main qui tenait la croix, pour tracer dans les airs des runes — invisibles aux yeux de ses deux amis derrière lui, mais éblouissants d'une lueur presque divine pour l'esprit, dont les sombres promesses devenaient de plus en plus stridentes.

"Il fait si froid, viens avec moi me réchauffer, avant que je te bouffe toi et tes petits copains...

Les yeux de Namjoon dansaient derrière ses paupières fermées, comme lorsque l'on fait un délicieux rêve ou un monstrueux cauchemar, les sourcils concentrés ; sa main gauche était pressée contre son coeur, et sa main droite traçait les signes, de plus en plus vite, urgente, frénétique, au fur et à mesure que les limbes froides se pressaient vers lui. L'esprit sentait que Namjoon voulait lui nuire, sentait qu'il voulait s'en débarrasser, mais la grand-mère que Jisung avait vu était telle comme une sangsue qui s'accrochait désespérément à la maison, et au sang versé dont elle avait causé la perte.

"Tu ne peux pas me tuer, chuchota de nouveau le fantôme, beaucoup plus près de son oreille désormais, tu ne pourras jamais te débarrasser de moi...

La rune de la protection, la rune du pardon, la rune de l'accompagnement, vite, plus vite, déterminé à ne pas les mélanger, mais la vieille dame se rapprochait de plus en plus.

"Tu ne pourras jamais te débarrasser de moi... Je vais rentrer dans la bouche du petit blond là-bas, et je vais m'emparer de son coeur, le serrer si fort entre mes griffes que son cerveau va exploser, qu'il saignera des oreilles et des narines, et tes pauvres petits dessins seront absolument inutiles...

Son chant se fit plus fort, plus grave, plus pressant aussi, son front encore plus froncé qu'il ne l'était, ses yeux roulant sous ses paupières avec une nervosité suppliante et impérative.

"Et ton autre petit copain, le musclé... miam, ses muscles, imagine la couverture que je pourrais en faire ! Imagine le nombre de personnes que je pourrais étrangler de mes mains dans son corps... et quand il ne me sera plus d'aucune utilité, je viendrai toquer à ta porte pour te tuer toi, dans le corps de celui que tu aimes tant... n'est-ce pas magnifique ?

"Hyung ! souffla l'un des deux petits derrière lui, le cœur au bord des lèvres en voyant le nuage sombre encercler leur aîné.

Namjoon pouvait le sentir, cette sensation d'avoir soudain froid, d'avoir soudain perdu tout espoir, toute détermination, de ne ressentir que la peur, tremblante, celle qui colle aux os et qui lèche sa colonne vertébrale d'une langue de vipère. Ce serait tellement facile d'abandonner, de se laisser porter, de se laisser prendre dans les bras squelettiques et poisseux de la douce Mort. Ce serait tellement facile, de mettre fin à tout cela.

Mais il y avait les souvenirs de sa grand-mère, ses yeux aveugles qui le regardaient avec amour, qui caressaient ses cheveux quand il était enfant et qu'il se cachait derrière ses jambes la première fois qu'il avait vu un fantôme.

Il y avait les souvenirs de Seokjin, son grand frère qui l'avait aidé à sortir de sa carapace et qui était une force tranquille, constante, quand tout autour de lui semblait s'effondrer comme un château de cartes.

Il y avait les souvenirs de Jisung, quand il pressait son nez dans son cou quand il était fatigué, et qu'il insistait de le porter sur son dos quand ils rentraient de soirée.

Il y avait les souvenirs de Jeongguk, quand il utilisait la clé d'urgence pour s'effondrer dans son lit quand il avait trop bu, et qui détournait les yeux d'embarras quand Namjoon réalisait qu'il l'observait.

La tranquillité du trépas était tentante, mais Namjoon s'accrochait à ces bribes de vies, si intenses et colorées, si lumineuses comparées au parfum glacial de l'au-delà, et ce fut suffisant pour ignorer la douloureuse envie de lâcher prise.

Le jeune homme se concentra plus que jamais sur les chants, sur les sonorités qui arrachaient sa gorge, sur les mots qu'il écrivait dans les airs de plus en plus difficilement — s'efforçant de ne pas penser aux deux silhouettes tremblantes qui étaient tapies dans un coin de la pièce. Les silhouettes qu'il voulait tant protéger et tant prendre dans ses bras.

Si ces souvenirs étaient sa plus grande force, c'était également sa plus grande faiblesse ; la déité macabre décidant d'appliquer les sombres serments qu'elle avait susurrée dans son oreille, le nuage opaque sembla passer à côté de lui, sans lui porter d'intérêt, pour se diriger d'une lenteur démesurée en direction de ses cadets.

"Hyung ! cria l'un derrière lui, la peur palpable dans sa voix.

Non.

Non, non, non, non — Namjoon pouvait mourir, pouvait se sacrifier et perdre jusqu'à son âme et sa lucidité dans ce rituel auquel il était encore trop étranger, mais il refusait de les perdre, refusait que l'esprit les possède, refusait.

Alors que les doigts cachectiques de l'entité se portèrent vers les visages mortifiés de Jisung et Jeongguk, Namjoon ouvrit les paupières.

Et tout explosa autour d'eux.

Ses prunelles étaient à présent si blanches, translucides, comme ceux de la vieille femme, mais plus doux, plus humains, plus bons. L'air était électrique, crépitant presque autour de ses doigts. Sa grand-mère avait les mêmes yeux, quand elle pratiquait les rituels, avant que les pouvoirs n'altèrent à jamais sa vision. C'étaient les yeux d'un médium, c'étaient les yeux qui propageaient la lumière, c'était cette puissance qu'il avait accumulée depuis le début, le cœur au bord des lèvres à l'idée d'imaginer les deux autres blessés ou pire. Alors, dans un effort surhumain qu'il pouvait sentir jusque dans ses os, il ouvrit les yeux, et hurla la dernière rune.

Le fantôme, aussi vieux et imbibé de sang était-il, n'avait aucune chance de s'en sortir. Dans un cri déchirant d'outre-tombe, les limbes qui s'accrochaient à ses cheveux s'arrachèrent, et dans un tourbillon halétant, l'esprit... disparu.

Et Namjoon s'écroula par terre.

Il n'entendit que son nom, hurlé dans le lointain, le bruit des chaussures qui grincent sur le parquet, et les ténèbres de l'inconscience, plus doux que ceux du Diable, l'engloutirent enfin. 


---



"Tu penses qu'il est mort ?

"Gguk ! hoqueta Jisung en le frappant à l'épaule. Parle pas de malheur, tu vois bien qu'il respire encore !

"Qu'est-ce que j'en sais moi ? répliqua l'aîné des deux, sa voix frôlant l'hystérie. Il est passé en mode Jésus sanctifié rencontre superhéro Marvel en l'espace de trois secondes, comment est-ce que je peux être sûr que c'est pas un alien ou une merde comme ç—

Un bruit résonna dans la pièce, suivi d'un halètement de stupeur.

"Tu... tu m'as giflé ? demanda le tatoué, incrédule.

"Oui ! Namjoon-hyung est bien des choses, mais certainement pas un alien, et certainement pas une merde ! Je comprends rien de ce qu'il vient de se passer non plus, mais ce n'est pas pour autant que tu as le droit de l'insulter ! Bordel Gguk, sans lui, à l'heure qu'il est, on serait sans doute morts !

"Et c'est une raison de me frapper sale malade ? T'oublies assez vite mon rituel, je trouve !

"Mais, Jeongguk, tu te fous de moi là ? Tu crois vraiment que ton petit délire de chaman nous a vraiment aidé là ? T'as juste réussi à mettre en rogne une vieille folle assoiffée de sang qui a voulu nous buter !

"Je—

Namjoon trouvait que c'était le bon moment pour interrompre la dispute avant qu'ils n'en viennent aux mains, et la meilleure façon qu'il avait trouvé pour leur témoigner qu'il était bien vivant fut un gargarisme incompréhensible. Il aurait voulu dire quelque chose du style "je peux pas vous laisser une seconde tous seuls sans vous battre", mais cela semblait faire l'affaire.

"Hyung ! s'écrièrent-ils, se précipitant au-dessus du visage de leur aîné.

Leurs traits étaient flous, comme lorsqu'on chasse les derniers vestiges du sommeil, mais il pouvait deviner leurs fronts soucieux, leurs mines défaites, la moue qui tirait sur leurs lèvres. Namjoon cligna une, deux fois, avant de grogner de nouveau — la lumière artificielle des lampes torches étaient trop aveuglantes pour lui.

"Hyung, hyung, est-ce que ça va ? Tu es blessé ?

Leurs mains pressaient partout où elles pouvaient ; contre ses épaules, contre ses joues, contre sa nuque. Comme pour s'assurer qu'ils n'étaient pas fous, que Namjoon allait bien, que tout cela n'était qu'un horrible cauchemar.

"Combien de temps est-ce que je me suis évanoui ? marmonna-t-il, la langue pâteuse.

"5, 10 minutes peut-être ? Hyung, qu'est-ce que—

Le bel éphèbe les coupèrent en tentant de se redresser ; Jisung vint le soutenir presque immédiatement, et Jeongguk lui tendit la bouteille d'eau bénite. Le noiraud aurait pu en rire, mais son rictus ne fut qu'une moue fatiguée.

"Hyung, commença le plus jeune prudemment. Qu'est-ce que... Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

"Vous allez bien ?

Jeongguk serra la main dans la sienne, en offrant un petit sourire.

"Oui, bien sûr qu'on va bien. Grâce à... Grâce à toi. Mais hyung...

Namjoon soupira.

"Je suppose que je vous dois une explication.

Sous leurs yeux brillants de mille émotions qu'il était trop peureux pour nommer, il commença à leur raconter son histoire. Quand il a eu la Vue. Les fantômes qui peuplaient ses journées, sans cesse, inlassablement, les fantômes qui tendaient toujours leurs mains cruelles vers eux. Et comment il avait passé le plus clair de son temps en train de les protéger, d'éloigner les Autres d'eux, parce que leurs âmes étaient beaucoup trop pures, beaucoup trop bonnes, pour être teintées de cette grisaille constante.

"Je ne suis qu'un pauvre con égoïste, conclut-il en regardant le sol, honteux. Vous devez me détester, vous adorez votre chaîne, et voilà que je viens tout saboter à chaque fois et que vous n'avez aucune piste, rien, à cause de moi et —

Ce fut des lèvres pressées sur les siennes qui le stoppèrent.

Namjoon eut un mouvement de recul, essayant de lire dans les prunelles de Jisung, pour y déceler quelque chose, quoi que ce soit, qui lui permettrait de comprendre son geste. Sa main était si chaude contre sa joue, et entre l'exorcisme, la révélation et ses propres sentiments qui tournaient en rond dans son esprit, son cerveau était... de la bouillie.

"Sungie ?

"Tout ce que je retiens, hyung, c'est que tu as fait tout ça pour nous protéger.

Il glissa sa main sur celle de son cadet, la pressant.

"Je suis désolé, répéta-t-il.

Jisung lui rendit un sourire, un qui voulait dire mille mots, un qui le rassurait et qui répondait à toutes ses questions — celles qu'il se posait quand ils étaient là, pressés contre lui dans son lit ; quand ils le regardaient après plusieurs verres, quand les secrets de la nuit lui permettaient d'espérer.

"Et moi, j'ai pas le droit à un bisou aussi ?

Ce fut avec un petit rire qu'il se perdit de la contemplation de son cadet pour reporter son attention vers l'autre garçon à ses côtés. Il pouvait le sentir sur ses joues, ce voile de rougeur qui pourprait son épiderme à l'idée d'être le centre de leur attention.

Jeongguk prit le visage de son aîné entre ses grandes mains tatouées, avant d'annoncer d'un ton solennel qui ne lui ressemblait guère :

"Même si je suis un peu déçu que mon super exorcisme made in Wikihow n'ait pas fonctionné, voire même un peu jaloux parce que tes incantations sont beaucoup plus stylées, aucun de nous ne pourrait t'en vouloir. Puis, ajouta-t-il, si t'étais vraiment mort, on aurait été premier des tendances Youtube pour sûr, mais c'est bien aussi comme ça.

"C'est vrai ? demanda-t-il presque timidement.

Jeongguk hocha la tête, les sourcils froncés comme gage de sa sincérité.

"Grâce à toi, la vieillasse qui voulait te réduire en charpie m'a pas possédé. Je peux faire bien des choses avec mes bras depuis que je vais à la salle, hyung, mais te blesser ? Jamais.

"Ca veut dire qu'il veut te soulever, chuchota Jisung dans son oreille avec malice.

"Espèce de— il lui frappa le bras, avant de reprendre dans un geignement — j'essayais d'avoir une séquence émotion comme dans les films !

"Allez, embrasse-le, là, t'es lent !

Le brun lui tira la langue, avant d'apporter le visage de son aîné près du sien. Namjoon avait l'impression que sa respiration était bloquée dans sa gorge, mais Jeongguk ne lui laissa pas le temps de réfléchir plus que de raison, puisque bientôt, ce fut la sensation de ses lèvres contre les siennes, dans un baiser plus fort, empli d'une intensité vibrante et bienvenue. Car tous les sentiments qui spiralaient depuis des mois dans son esprit, Jeongguk les avaient vécu également, avait lui aussi été en proie à toutes ces questions et ces révélations étranges dans sa poitrine. Mais à présent, ses pensées ne dansaient plus le long de la frontière de son subconscient ; il avait suffi qu'ils s'embrassent — enfin — pour qu'elles quittent leurs corps et valsent entre elles au-dessus de leurs têtes, sous le regard amusé et attendri de Jisung.

Une main se glissa dans ses cheveux, et Namjoon cligna des yeux en se séparant de Jeongguk, trop perdu dans leur étreinte.

Jisung remplaça bien vite la bouche de son aîné, laissant ses doigts se perdre dans les mèches ébènes du médium. Il faisait preuve de plus de fougue, comme une confiance en soi renouvelée, une insistance pressante, une émotion vive et magmatique. Et le coeur de Namjoon manqua de rater un autre battement, lorsque les mains de Jeongguk continuèrent leur exploration : caressant son visage, pressant son pouce dans son cou comme pour le détendre, pressant ses cuisses plus près des siennes — être juste là, près de lui, dans son espace vital, si proche qu'il pouvait respirer son parfum et sentir son aura contre la sienne.

Bientôt, la bouche de Jeongguk remplaça son pouce, venant glisser quelques baisers contre sa nuque. Namjoon eut un hoquet de surprise entre les lèvres de Jisung, écarquillant les yeux ; et Jisung, ce petit démon, ne fit que rire contre son visage avant de mordre sa lippe inférieure — le noiraud dû retenir son gémissement d'embarras.

"Hyung, murmura le blond tout près, tandis que les doigts tatoués de l'autre jouaient avec son col. Hyung, est-ce que la vieille est partie ? Est-ce qu'il y a d'autres fantômes ?

"Non, souffla-t-il en retour, glissant une mèche du plus jeune derrière son oreille. Non, vous êtes sains et saufs, plus rien ne pourra vous atteindre. Je ne les laisserai pas faire.

"Parce que...

Il leva le regard vers lui, les orbes ourlés d'une vague de désir non contenues.

"Parce que quand tu as prononcé ces runes anciennes... c'était super hot, et il se peut que je sois un peu hard dans mon jean...

Namjoon voulut rire, mais le son se bloqua dans sa gorge. Il y avait une différence entre imaginer les avoir contre lui, et voir qu'ils voulaient de lui au même niveau.

"Ah oui ? demanda-t-il, s'efforçant de ne pas rougir.

"Est-ce que tu veux qu'on te montre ? susurra Jeongguk à son oreille.

Ses yeux roulèrent rien qu'à cette idée.


--- 



Ce serait mentir que de dire que Namjoon n'avait jamais imaginé quelque chose de non-platonique entre eux. Quand la nuit était noire et que Seokjin dormait et que sa main droite était sa meilleure amie. Bien sûr qu'il se l'était imaginé. Un baiser sur le balcon de l'appartement de Changbin, sur la banquette trop étroite à l'arrière de la voiture, ou encore, assez étonnamment, un lendemain de gueule de bois où tout ce qu'ils avaient envie de faire était de manger un McDo — ça rendait mieux dans son esprit que dit à haute voix, c'est certain.

Pourtant, il n'avait jamais pensé, ne serait-ce qu'une seule seconde, que leur première fois se ferait sur le parquet rêche et plein d'échardes d'une maison possédée — il était persuadé qu'il en avait planté dans le dos, l'un des deux allait jouer à Docteur Maboul avec une pince à épiler en rentrant pour lui enlever toutes les épines. Se retrouver ici était assez logique quand on connaissait le hobby des deux garçons, mais ils étaient plus occupés à gueuler pendant leurs escapades que de lui lancer des clins d'oeils aguicheurs, et ce n'étaient pas leurs blagues de cul à trois francs six sous qui créeraient des papillons dans son ventre.

Mais à présent... Il n'y avait pas meilleur endroit où il voulait être. Son cerveau buzzait encore à l'adrénaline de l'exorcisme, mais ce n'étaient certainement pas les étincelles pour avoir chassé la vieillasse qui crépitaient le long de son épiderme.

Jeongguk et le plug abandonné par terre — Jisung avait presque boudé en voyant que ce n'était pas celui à tête de rat empaillé qu'il avait trouvé sur Etsy —, une chaussure à moitié défaite, les cuisses de part et d'autre de ses hanches, les mains tatouées griffant le torse de son hyung, les claquements de peaux obscènes, et les gémissements divins.

Jisung et son T-Shirt coincé entre ses dents, ses grognements étouffés, se maintenant dans un équilibre précaire au-dessus de la bouche de Namjoon, un index contre son bouton de chair, ses orbes roulant à l'arrière de ses paupières de plaisir.

Namjoon ne savait où donner de la tête ; une main écartant le fessier du plus jeune pour laper comme un homme assoiffé et tirer quelques jurons de Jisung, l'incitant à s'asseoir davantage sur son visage ; une main au creux des reins de Jeongguk, l'incitant à aller plus vite encore le long de entrejambe. 148 de QI, les meilleures facs, et il suffisait de deux garçons un peu détraqués pour qu'il soit à court de mots. Trilingue, la capacité de voir le non-visible, et il suffisait des deux personnes qu'il chérissait le plus au-dessus de lui, prenant tout ce qu'il avait à offrir et bien plus encore, pour qu'il ne soit réduit qu'à des compliments étouffés.

"Hyung, hyung, chantait Jisung au-dessus de son visage comme une louange.

Son t-shirt lui glissa d'entre les lèvres, et le son qui quitta sa bouche était le plus obscène et libidineux qui lui ait été donné d'entendre — Namjoon n'aurait jamais imaginé entendre cela, même dans ses rêves les plus insenses. Alors, déterminé à en entendre plus, encore et encore jusqu'à ce que la mélodie soit gravée dans sa mémoire, il resserra sa prise autour des cuisses de Jisung pour le forcer encore plus contre sa bouche, les lèvres rougies et le menton humide de salive, mais il n'en avait cure.

"Oh putain, Joon —

Il ne finit pas son juron, et Namjoon ouvrit une paupière — qu'il referma aussitôt dans un grognement bas. Là, du coin de l'œil, Jeongguk avait opté pour des mouvements de hanches circulaires, plus lents mais plus intenses, pour glisser une main dans les mèches blondes de Jisung derrière son cou, et écraser leurs bouches ensemble. Il y avait quelque chose d'encore plus débauché dans cette vision, que de les voir s'embrasser au-dessus de lui, l'utilisant pour leur bon plaisir, s'échangeant quelques gémissements entre leurs lippes ouvertes.

Il n'était pas particulièrement croyant, mais damn. Doux Jésus.

Et puis il y avait les murmures qu'ils se susurraient sur les joues de l'autre, comme des secrets, voluptueux et indécents et érotiques et bien mieux que tous les pornos qu'il avait téléchargé et qui avaient court-circuité son ordi quand il était ado.

C'est comme tu avais imaginé, Sungie ? T'aimes ce que Namjoon-hyung te fait, hein ? God, pourquoi est-ce qu'on avait pas fait ça avant ?

Et puis il y avait les remarques, plus joueuses, propres à eux, dont ils ne pouvaient se débarrasser même lorsque leur aîné, persévérant et dédié et attentif, s'efforçait de les emmener au 7e ciel, ces petits cons.

T'avais promis de me baiser mec, t'as intérêt la prochaine fois.

Tu attendais que ça, hein, quand t'as enfilé ton plug ce matin, avoue-le !

Je savais que t'avais un truc pour les MILF, regarde dans quel état la vieillasse t'as mis.

Et puis, le très savoureux :

"Le premier qui jouit, c'est une tapette.

La tapette arriva en effet, mais pas sous la forme qu'ils imaginaient, puisque Namjoon claqua le fessier le plus proche de ses mains, en l'occurrence celui de Jeongguk, avant de se détacher un instant de la peau tendre des cuisses de Jisung pour grogner un :

"Si vous arrêtez pas vite vos conneries je vous edge toute la nuit et je rappelle la vieille pour qu'elle vous fasse un lap dance. T'as déjà vu sous la culotte d'un fantôme de 200 balais, Gguk ?

Il y eut un bruit au-dessus de lui, un mélange entre un rire, un hoquet scandalisé et un autre soupir rauque, et les deux se remirent à le chevaucher de plus belle. Il ne savait pas combien d'âmes en détresse il avait aidé à passer de l'Autre côté dans sa vie, mais il était, irrémédiablement et intensément, au Paradis.

La suite se passa dans un tourbillon, un peu comme celui dans lequel il s'était perdu quelques instants plus tôt en faisant le rituel : mais celui-ci était plus exquis et ensorcelant, paré dans le tissu de la luxure et d'un appétit désirable, désireux et désiré.

L'orgasme le prit de court, un peu comme tout depuis cette histoire — comme les sentiments pour Jeongguk et Jisung, comme le fait de s'être retrouvé le babysitter paranormal du jour au lendemain. Il vint dans un râle, serrant contre lui les corps de ses deux amants, et il n'en fallut pas plus pour qu'ils viennent à sa suite.

Quand il cligna les yeux et revint à ses esprits, ils étaient toujours allongés sur le sol rugueux — sérieux, ils avaient trois lits parfaitement confortables chez eux, et ils décidaient de faire bang bang omg je suis amoureux de toi ici, sur un pentacle, de tous les endroits sur Terre ? Jisung et Jeongguk étaient blottis contre lui, leurs têtes contre son épaule et son torse, leurs mains s'enlaçant presque timidement au-dessus de son ventre. Il raffermit son étreinte, plaçant un baiser tendre contre chacun de leurs fronts.

Jisung tendit le cou pour mieux le voir, et avec un sourire angélique, commenta :

"C'est Joonie-hyung la tapette.

Le noiraud lui pinça la fesse en réplique.

"C'est pas ce que tu disais quand tu étais coincé devant l'horloge.

Le blond bouda en grommelant un "C'est pas ma faute si elle faisait peur ok ? Et puis on en parle de Gguk qui était persuadé que quelque chose lui avait touché la cuisse dans la chambre ?

"Sauf qu'il y avait vraiment quelque chose qui m'avait touché la cuisse, espèce de baisé !

"En l'occurrence, c'est toi qui a été baisé, ah !

Namjoon grogna en fermant les yeux.

"Vous pouvez pas vous en empêcher sérieusement.

Deux rires lui répondirent.

"Bon, on fait quoi maintenant ?

"J'avais repéré un vieux skatepark abandonné pas trop loin de—

"Non. Non non non, laisse moi au moins 3 semaines pour me remettre de mes émotions là, Gguk, t'as failli te faire posséder et tu veux retenter l'expérience de sitôt ? Tu veux pas plugger ton cerveau la prochaine fois au lieu de dire des imbécilités ?

"J'ai toujours su que c'était toi, la vraie tapette du groupe.

"Je pensais, interrompit Namjoon d'une voix plus forte pour se faire entendre, je pensais plutôt à ce qu'on range tout l'équipement, qu'on prenne la voiture et qu'on rentre chez moi. C'est le week-end, vous n'avez pas cours, et Seokjin n'est pas là donc on pourra prendre ses bombes de bain fancy et se remettre de tout ça. Et, hmm... vous pourriez peut-être rester ? Jusqu'à lundi ? Pour passer du temps entre nous ?

Il savait que ses joues prenaient des couleurs pourpres, et bien entendu, cela n'échappa pas à la vigilance de ses cadets.

"Awww, regarde Sungie, notre hyung est capable de te combattre une sorcière comme dans Conjuring, mais il est tout timide quand il s'agit de nous inviter en date ! se moqua le tatoué en lui pinçant la joue.

"Gguk, qu'est-ce que j'ai dit avec la vieille et le lap dance ? gronda le noiraud.

"Oups, regardez l'heure, il faut absolument ranger le matériel ! s'écria Jeongguk en se redressant comme un diable sous le rire de ses amants.




("Hyung, demanda Jisung en éteignant une des caméras, tu crois que ça a filmé notre sex tape ? On peut être famous et se faire un Onlyfans ?

"Mia Khalifa version Ghostbuster, railla Jeongguk derrière lui.)




(Et quelques temps plus tard, on pouvait lire sur l'écran fissuré de Namjoon la notification suivante :

🔴 J&J SUPERNATURAL : Skatepark hanté avec notre copain (not clickbait)




.

encore un énorme merci à mon sucre em pour avoir écrit cet os haut en couleurs avec moi (si vous voyez nos réunions brainstorming ptdrrrr), qui partage avec moi ce QUARANTIEME OS SUR CE RECUEIL AAAAAAH !!! (séquence émotion) 

c'est la première fois je pense que j'écris vraiment dans le genre humour, je suis curieuse de voir ce que vous en pensez !! quel passage vous a le plus plu ? 

merci énormément pour votre soutien (allez hyper -jebal pour son travail remarquable !!), je reviens en force très vite avec plein d'autres nouveautés !!! 


love you, 

champagne 

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