SEULES LES ETOILES PLEURENT POUR TOI
𝕾𝖊𝖚𝖑𝖊𝖘 𝖑𝖊𝖘 𝖊́𝖙𝖔𝖎𝖑𝖊𝖘 𝖕𝖑𝖊𝖚𝖗𝖊𝖓𝖙 𝖕𝖔𝖚𝖗 𝖙𝖔𝖎
(𝔅𝔲𝔱 𝔦𝔣 𝔶𝔬𝔲 𝔠𝔩𝔬𝔰𝔢 𝔶𝔬𝔲𝔯 𝔢𝔶𝔢𝔰, 𝔡𝔬𝔢𝔰 𝔦𝔱 𝔞𝔩𝔪𝔬𝔰𝔱 𝔣𝔢𝔢𝔩 𝔩𝔦𝔨𝔢 𝔫𝔬𝔱𝔥𝔦𝔫𝔤 𝔠𝔥𝔞𝔫𝔤𝔢𝔡 𝔞𝔱 𝔞𝔩𝔩?)
Et le sang et la sueur gouttèrent sur le sable de l'arène.
jinkook
gladiator!au
ancienrome!au
persia!au
royalty!jin
warrior!jk
top!jk
bottom!jin
(ndla : oui, j'aime l'Antiquité, et alors)
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Seokjin grinça les dents quand les cris de la foule redoublèrent d'intensité, alors que la grande grille en fer se leva, laissant entrer les participants dans l'arène.
Le jeune homme se pencha pour prendre un raisin dans la coupelle que tenait un esclave près de lui, pendant qu'un autre agitait un grand éventail en plumes de paon pour le rafraîchir de la moiteur étouffante de cette chaude journée de fin d'été. Encore heureux qu'il était à l'ombre, il n'aurait supporté les rayons trop crus du soleil s'il avait été dans les gradins. L'astre d'Apollon n'était pas très clément avec le peuple de Rome, ce jour-là.
Seokjin fit rouler le grain de raisin entre ses doigts quelques secondes, puis mâcha nerveusement le fruit, jetant un coup d'œil à son père. Ce-dernier buvait avec délectation un verre de vin, sa couronne de laurier posée délicatement sur sa chevelure parsemée, sa bague dorée d'Empereur réfléchissant les rayons brûlants du soleil -- et le bel éphèbe dût presque plisser les yeux pour ne pas se faire aveugler.
Un jour, le jeune homme sera lui aussi à la tête de l'Empire de Rome, et il se devra d'assister aux combats de gladiateurs pour se montrer plus proche du peuple, pour montrer sa puissance et son pouvoir, et pour savoir se montrer magnanime auprès des concurrents quand il leur laissait la vie sauve, dans sa grande bonté. "Du pain et des jeux", voilà comment l'Aigle tenait dans sa coupe la docilité du peuple de Rome. Mais à travers ces jeux de la mort, Seokjin ne pouvait que contempler la toute-puissance de l'Empire. Il n'avait jamais compris comment les Romains, qui pourtant étaient connus par-delà la Méditerranée pour leur mesure et leur sang-froid, se laissait aller à autant de sauvagerie, en une frénésie déchaînée de spectateurs; et sûrement que l'ivresse du sang répandu sur le sable réveillait en eux leurs plus bas instincts.
Si son père ne l'avait pas emmené de force jusqu'au Colisée, jamais le noireaud ne se serait rendu de son plein gré: il détestait la violence, il détestait le combat et il détestait les cris de joie du public quand le premier sang coulait. Il avait toujours la nausée quand il entendait le bruit de fracas des armes, et quand les citoyens tendaient le pouce vers le bas pour demander la mort du perdant. C'était un spectacle qu'il n'avait généralement pas le cœur de regarder jusqu'au bout, préférant détourner le regard.
Son père, Augustus, lui disait toujours qu'il était trop tendre et que les combats n'étaient rien comparés au champ de bataille; mais son paternel savait mieux que quiconque que Seokjin, bien que taillé pour la diplomatie et les doux mots stratèges, n'était pas fait pour prendre une monture et mener une armée. Il préférait laisser cette tâche à son autre progéniture, Jimin, qui ferait sans aucun doute un grand général.
Assis de l'autre côté de leur père, ce-dernier buvait tranquillement du vin, le sourire aux lèvres, appréciant la scène des guerriers entrant dans l'arène. Même s'ils avaient la même chevelure corbeau, il y avait cette aura sombre et dangereuse qui planait autour de son cadet, nettement différente de l'aîné de la fratrie. D'une certaine façon, Seokjin était content de pouvoir monter sur le trône en premier: même s'il aimait son frère, même si le même sang coulait dans leurs veines, il ne donnerait pas cher de la peau de Rome si l'Empire tombait entre ses mains -- parfois, il faisait des cauchemars des heures sombres que la capitale essuierait si Jimin Le Sanglant prenait le pouvoir. Il n'avait jamais eu la force de consulter un oracle pour confirmer ses visions ténébreuses, peut-être parce que, au fond de lui, il voulait se convaincre que ce n'était que le fruit de son imagination. Mais rien que de le voir là, sourire de façon carnassière aux lutteurs en contre-bas, lui tira un mince frisson, malgré le soleil qui était toujours aussi chaud au-dessus de leur tête.
Dès son plus jeune âge, Augustus savait que Jimin allait être un guerrier: il jouait avec des épées en bois au lieu d'apprendre ses leçons de latin, et avait presque harcelé son palefrenier de lui apprendre à chasser le petit gibier, plutôt que de faire des offrandes à Jupiter. Dans les premières années de leur jeunesse, les deux frères étaient très proches, se chuchotant des secrets en rigolant et chapardant des morceaux de pain dans les cuisines avec malice. Si proches que leur père, -- dans ses rares moments où il ne laissait pas l'éducation de ses progénitures à des tuteurs -- s'était même emporté, un soir, disant qu'il n'était pas convenable pour les princes de l'Empire de dormir dans la même couche. Mais que pouvaient-ils bien dire? Il n'était pas rare que le cadet fasse des cauchemars, quand la nuit tombait sur le palais impérial; et quel meilleur réconfort que d'aller se blottir dans les bras de son aîné? Avec une pointe d'amertume, que même la douceur du raisin ne pouvait effacer, il se dit que c'était là des temps insouciants -- et ô combien aurait-il voulu y retourner. Combien il aurait voulu reprendre son cher petit frère dans ses bras et lui caresser les cheveux pour qu'il s'endorme -- mais il savait qu'à présent, s'il le refaisait, il ne récolterait que des mots acerbes.
Car le comportement de Jimin changea radicalement lorsque l'Empereur les emmena tous deux à leur première exécution publique. Aujourd'hui encore, Seokjin en avait des souvenirs vivifiants de cette vision d'horreur. Ce n'était qu'un vieillard, qui était même tombé à genoux pour demander grâce; mais ses supplications échouèrent dans l'oreille d'un sourd. Quand Augustus s'était penché vers le plus jeune de ses descendants, âgé d'à peine une dizaine d'année, pour lui murmurer qu'une bonne dose de peur et de sévérité était la clé pour empêcher toute rébellion contre l'Empire, le noiraud avait vu dans les yeux de son frère quelque chose changer à jamais -- parce qu'il avait compris, à ce moment-là, l'immense pouvoir, gracié par les dieux, qui était à sa disposition.
Depuis ce jour-là, le jeune homme n'avait pu qu'observer du coin de l'oeil, se mordant nerveusement sa lèvre, la façon dont son petit frère, celui qui était jadis si charmant et adorable, devenir un prince froid et cruel.
L'attention de Seokjin se détourna finalement vers les Jeux, quand les trompettes tintantes annoncèrent l'arrivée dans l'arène du grand vainqueur. Tous les autres rivaux, flanqués d'épée, de boucliers et même de tridents pour les plus inexpérimentés, observèrent, le regard dur, alors que le champion sortit lentement de l'ombre -- le cœur de Seokjin battant un peu plus fort dans sa poitrine à chaque seconde qui défilait. A peine foula-t-il le sable de l'arène que la clameur retentit de plus belle, et s'il regardait de plus près, le jeune prince aurait pu noter avec consternation la façon dont les femmes de l'assemblée agitaient plus fermement leur éventail, la chaleur gagnant leurs joues face à ce corps finement taillé.
Jeongguk n'était pas surnommé "le soupir des jeunes filles" pour rien.
Il était là, debout au centre du cirque, le sourire triomphant et le bras armé se levant en l'air avec défi, en guise de salutation. Ses cheveux ébènes caressés par le vent, son torse finement musclé exposé à la vue de tous, les quelques cicatrices blanchâtres dans son dos suscitant l'admiration, son poing fermement serré autour de son bouclier.
Un sourire insolent en direction des tribunes impériales, aussi; et si Seokjin ne le connaissait pas aussi bien, il aurait pu croire que le rictus était destiné pour son père, l'Empereur, comme il est de coutume. Mais il savait parfaitement que ce sourire-là était pour lui. Et, après avoir jeté un coup d'œil à son paternel pour s'assurer qu'il ne remarquerait pas son prochain geste, le bel éphèbe lui rendit la pareil, un doux sourire discret étirant ses lèvres pleines. Peut-être que le gladiateur ne pouvait pas le voir d'en contre-bas, mais au moins il se rassura intérieurement en se disant qu'il lui avait souhaité bonne chance.
Le souvenir de leurs étreintes passa derrière ses paupières, l'odeur de sa peau et la façon dont ses mains caressaient la courbe de son corps; et l'espace d'un instant, la brutalité des combats à venir lui parut un peu plus douce. Certes, il y avait toujours son cœur qui battait la chamade quand le grand champion foulait le sable de l'arène, mais Seokjin se rassurait toujours en se disant qu'il avait promis de ne pas mourir. A la belle étoile ou collés dans la literie peu confortable de la chambre du cadet, quand Seokjin lui demandait, parfois les yeux larmoyants, de lui promettre qu'il ferait attention. Et le jeune guerrier lui répondait toujours par un petit sourire, embrassant sa tempe et lui chuchotant ironiquement contre ses lèvres qu'il n'allait pas se débarrasser de lui comme ça.
Les trompettes et le public se turent; et Jeongguk, portant son poing à son cœur et courbant légèrement la tête, prononça ces mots fatidiques:
"Avé Augustus, ceux qui vont mourir te saluent.
Et Seokjin savait que ce n'était pas convenable, pour le fils de l'Aigle, futur homme le plus puissant de la Terre, de sentir son organe vital rater un battement à l'entente de ces paroles funestes; tandis que l'assemblée rugit de plus belle, prête à apprécier le divertissement de brutalité, les pièces sonnantes des paris passant de mains en mains.
Avant, il y avait eu les courses et combat de char, et le spectacle impressionnant des lions dont les rugissements se répercutèrent entre les murs du Colisée; il y avait eu les exécutions et les chants de poètes qui venaient gracier la gloire de leur Empereur, et le noiraud avait eu la force de supporter tout cela. Il appréciait l'excitation, le martèlement sourd des sabots, la façon dont le public se riait d'un poète ridicule; mais à présent que les roues de bois avaient pétris le sable pour que les combattants sanglants et barbares viennent s'affronter, il ne ressentait plus la même exaltation, la même fébrilité.
Et alors que le juge, le rutis, qui, par sa baguette, donnait quelques instructions finales aux gladiateurs qui finissaient de s'échauffer, les yeux du Fils de l'Aigle se posèrent sur son champion favori, en contre-bas. Le thrace était en train d'ajuster son manchon côtelé, son casque à rebord à ses pieds et son bouclier reposant contre sa jambe, sa dague courte lançant des éclairs brillants sous les éclats du soleil. Ainsi, baignant dans la lumière de l'astre diurne, ses muscles roulant sous sa peau caramel, Seokjin se remémorait les récits qu'il lui contait de sa Méditerranée orientale, aux confins de la Perse -- mais finissait toujours abruptement et avec un sourire triste son histoire quand il en venait à la partie où il avait été fait prisonnier par l'armée impériale.
Comment en étaient-ils arrivés là? Comment un prince, futur Empereur de Rome, s'était-il enamouré d'un prisonnier de guerre, devenu le plus redoutable des gladiateurs de sa génération? Lui-même ne saurait dire. Il ne se souvenait plus vraiment comment tout cela avait commencé; l'adrénaline, la nouveauté, le danger, le frisson... et puis l'électrochoc la première fois que Jeongguk l'avait entouré de ses bras musclés.
La première fois que Seokjin avait vu le cadet, c'était ici même. Il avait entendu les rumeurs, venant de Pompéi, de ce jeune esclave de guerre si farouche que ses propriétaires en avaient décidé d'en faire un combattant pour les jeux. Son parcours était comparable à celui d'une comète, dans le ciel: fulgurant et étincelant. Et quand on avait annoncé, sur le forum Boarium, sur les rives du Tibre, que le champion venu de Perse arrivait dans la capitale de l'Empire, cela avait suscité quelques émois -- et les ragots sur son sujet ne tarissaient pas, certains relatant les propos d'un lointain cousin à Lutèce qui aurait assisté à l'un de ses combats.
Le jeune prince avait même fait envoyé son serviteur, Hoseok, laisser traîner ses oreilles et lui rapporter ce qu'on disait de cet étrange personnage -- ce n'était pas parce que le noiraud détestait les Jeux de la Mort que pour autant il n'était pas habité de la même curiosité quand on criait haut et fort qu'un nouveau prodige allait bientôt fouler le sable des arènes du Colisée. Et bientôt, les chuchotements gagnèrent même le Palais de l'Empire; et des collines orientales du Palatin, on regardait d'un œil impatient le fier amphithéâtre, qui bientôt retentira du cri de ses victoires.
Seokjin entendit vaguement son père annoncer quelque chose qui ressemblait à "Que le spectacle commence!", ce qui eut le mérite de rapporter son attention sur l'arène, en contre-bas.
Les munera [*combats de gladiateurs] commencèrent, comme de coutume, avec les Provocator. C'était des guerriers qui débutaient, encore inexpérimentés; et bien que tout combattant se devait de passer par cette étape avant de devenir un champion, Seokjin lui-même devait avouer que les combats n'étaient pas franchement de qualité. De temps en temps, Jimin et leur père lançait des commentaires déplaisants, sur la façon de tenir son trident ou sur leur couardise face au danger, tandis que le fils aîné se contentait de rester silencieux, les yeux fixant toujours Jeongguk. Ce-dernier, étant très populaire auprès du public, se retournait souvent en direction des gradins pour lancer un clin d'œil en direction des dames de l'assemblée, qui ne passait pas inaperçu. Le prince, depuis la tribune, ne disait rien, se contentait de serrer un peu plus fortement la mâchoire, et faire semblant de s'intéresser au prochain duel qui prenait place au centre du cirque.
Il savait qu'il n'avait pas le droit d'être jaloux. Que tout cela n'était qu'un jeu, qu'une façade, qu'il mettait en oeuvre pour récolter plus de paris, plus d'argent, plus de popularité -- et c'était stratégique, d'une certaine façon, puisqu'il aurait ainsi plus de chance de se faire gracier s'il était dans une mauvaise posture. Ce qui n'arriverait pas de sitôt, parce que s'il était champion, cela voulait dire qu'il avait gagné tous ces combats; mais l'hypothèse d'une mauvaise passe, un jour, le hantait régulièrement.
Et bien vite, vint le moment où il rentra en scène. La clameur de la foule redoubla d'intensité, tandis qu'il avançait, le sourire arrogant mais les yeux déterminés et brûlant d'une lueur dangereuse et impitoyable, en direction de son adversaire, nommé par l'arbitre. Du plus discrètement possible, Seokjin se réinstalla dans son fauteuil, de façon à ne pas perdre une miette du combat -- son cœur battant la chamade, comme à chaque fois lorsque le visage de son aimé se faisait plus dur.
Et le combat commença. Jeongguk ne manqua pas une seconde pour se précipiter vers son adversaire, le prenant par surprise. Et même si Seokjin détournait régulièrement les yeux, ne pouvant tolérer la vue d'un tel spectacle, il réussissait tout de même à percevoir le fracas des glaives, la sueur qui coulait le long du torse de son amant, la concentration dans les prunelles du champion, malgré son casque qui couvrait la moitié de son visage.
Seokjin savait que les combattants n'étaient pas assoiffés de sang, poussés par des propriétaires d'esclaves sadique et cupides, mais qu'ils étaient plutôt comme des sportifs de haut niveaux, que tout cela n'était qu'un gigantesque commerce lucratif. Et pourtant, le prince ne pouvait s'empêcher de penser que Jeongguk s'approchait de plus en plus du bord de l'abîme, de Pluton qui l'attendait dans ses griffes, et que sa mort ne sera qu'un spectacle de plus pour le bon plaisir de l'assemblée. Hier, en cachette, le jeune homme avait prié les divinités pour lui laisser la vie sauve -- espérons qu'aujourd'hui, le Ciel et Jupiter lui soient encore cléments.
Et Jeongguk dansait. Il maniait son arme avec dextérité, suscitant la jalousie chez les plus expérimentés de ses adversaires; la faisant tournoyer dans l'air, le foulard rouge qu'il avait accroché à sa poignée pour lui rappeler les coutumes perses virevoltant dans le vent -- et Seokjin avait chaud au cœur, en se disant que ce bout de tissu pourpre venait de lui, et se rappelant la façon dont son aimé l'avait accroché dans une technique particulière autour de son arme, les yeux pétillants et ses lèvres rejoignant bien vite les siennes.
Il dansait, pouvant se permettre de sourire et ricaner lorsque la lame de l'adversaire frappait le vide. Et il était magnifique comme ça, sous le soleil chaud d'Italie, le sable volant autour de lui comme un voile insaisissable, les cheveux d'un noir de jais retombant sur ses yeux, la peau caramélisée s'offrant aux spectateurs avides de bons coups. Il était aisé, au bout de seulement quelques minutes, de savoir qui serait le grand gagnant de ce combat: Jeongguk menait le duel haut-la-main, cela n'en faisait aucun doute. L'autre adversaire subissait les coups plus qu'il ne les portait, la mâchoire serrée, la sueur gouttant à grosses gouttes sur son torse.
L'autre n'était que souffrance, difficulté, épreuve; Jeongguk n'était qu'irréel, hypnotique, séraphique.
Et bien rapidement, la rixe finit, sous les acclamations du public. Seokjin, bien qu'il n'aimait guère ce qui se passait dans l'arène, adorait voir son amant ainsi: victorieux, le bras armé et levé vers le ciel, le sourire arrogant, les yeux malicieux alors qu'il échangea un regard avec lui. Le soleil se reflétait sur la lame sanglante de son épée; et pour une fois, le jeune prince ne grimaça pas quand l'éclat vint caresser sa rétine. Il eut tout le mal du monde à retenir son sourire en coin, fier, alors que Jimin se tournait vers son père -- et par conséquent, l'avait dans son champ de vision -- pour discuter de banalités concernant les participants cette année.
Il aurait voulu descendre les marches en marbre qui menaient au centre de l'arène, pour l'embrasser, là, devant tout le monde, et savourer le triomphe et l'envie sur ses lèvres. Il aurait adoré loué la douceur de ses lippes, malgré l'odeur du sang qui imprégnait le sable. Mais, à défaut de pouvoir laisser libre court à ses envies, il attendit avec impatience que la nuit tombe sur Rome pour pouvoir le rejoindre en cachette.
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Rome de nuit n'était pas un endroit convenable pour un prince comme Seokjin. Il ne sortait, d'habitude, jamais sans un garde du corps ou un esclave; la plupart du temps, c'était Hoseok qui remplissait cette fonction. Mais aujourd'hui, et plus particulièrement ce soir, il était sorti en cachette, tout seul, la large capuche de sa cape recouvrant la plupart de ses traits. Nul n'aurait pu dire que le futur Empereur se promenait dans les rues peu fréquentables pour des nobles de sa renommée.
Son chemin du Palais aux chambres du Colisée était jonché de boutiques qui n'ouvraient qu'une fois le soleil couché. De tous côtés, on lui vantait les prouesses d'une fille de joie venant de contrées lointaines, ou encore une mystérieuse potion graciée par les dieux qui promettait la vie éternelle. Son père aimait louer la droiture de son peuple, mais fermait pourtant les yeux sur les commerces illégaux et immoraux qui prospéraient dans les rues même de sa capitale. C'était comme la face cachée de la ville: il était impossible de l'imaginer sans. Tapie dans l'ombre et attendant sagement son heure.
Rapidement, Seokjin rejoignit une grande bâtisse, non loin du Colisée: il savait qu'ici logeaient les survivants des combats, acclamés en champions, et respectés dans ces quartiers plus populaires de la cité. Ses pas se pressèrent, dépassant un groupe de marchants de nuit qui étaient en train de se disputer sur le prix d'un vulgaire talisman en forme de phallus, avant de se tenir devant l'entrée de la bâtisse. D'ordinaire, seuls les soigneurs, les prostituées et la famille pouvaient passer les lourdes portes, et, par dessus tout, le contrôle des colosses qui se tenaient devant la porte. Étrangement, le jeune prince avait toujours réussi à passer au travers -- et il soupçonnait fortement Jeongguk de se trouver derrière tout cela, faisant tinter dans leurs paumes ouvertes les quelques pièces d'argent qu'il réussissait à gagner en restant en vie. Les portes en acier, surmontées de représentation d'Hercule, dieu des combattants athlétiques et intrépides, souvent invoqué par les gladiateurs, s'ouvrirent devant lui lentement.
Là, un long couloir, flanqué de deux étroits escaliers de chaque part, desservait les chambres des combattants. Et Seokjin entra dans une profusion de bruit, de conversations et de cris, alors que les gladiateurs, pansés et propres de leur combat du jour, discutaient avec animation du lendemain. Certains jouaient aux dés sur un plateau en bois, d'autres buvaient du vin dans des coupes en métal de basse qualité. Il y avait, naturellement, quelques solitaires, qui préféraient polir leurs épées ou graver des statuettes en bois, plutôt que de se joindre à l'effusion collective.
Jeongguk faisait partie de ces gens-là. Il entretenait des relations cordiales avec les autres concurrents, mais ne préférait pas trop s'en approcher: il savait qu'il serait amené, un jour ou l'autre, à les tuer devant des centaines de spectateurs. Durant toute sa carrière de gladiateur, qui avait commencé de façon forcée en Perse, il avait appris qu'il n'était jamais très bon de se rapprocher et de se lier d'amitié avec des hommes qui étaient tout à fait capables de l'égorger dans son sommeil pour avoir le titre glorieux qui collait à son nom.
Le jeune prince lui-même évitait de se faire remarquer alors qu'il pénétrait dans l'antre des fauves. Ne parlant à personne. Ne regardant personne dans les yeux. Ce n'était pas parce qu'il vivait une idylle avec Jeongguk que les autres hommes étaient des saints -- et son amant l'avait maintes et maintes fois rappelé de ne jamais leur adresser la parole et se contenter de se glisser jusqu'à sa chambre. Ce n'était qu'une fois qu'il était dans les bras de son soupirant qu'il se sentait en sécurité. Alors, une fois pénétré dans l'auberge, il souffla discrètement et se donna du courage pour traverser le long couloir en pierres. La capuche bien baissée sur ses yeux, la tête elle-même baissée et évitant les mains poisseuses des combattants.
Mais, alors qu'il avançait, telle une ombre, dans ce long couloir éclairé par les torches, il entra brutalement en collision avec un torse. Déglutissant difficilement, presque paralysé, il leva doucement le regard vers le visage de celui qui lui barrait le passage.
Une tunique sombre, laissant apparaître ses bras finement musclés et croisés devant son torse. Un fouet à sa ceinture tressée. Une tignasse d'un noir de jais et beaucoup plus profond que les couleurs naturelles de Jeongguk, de Seokjin, ou même de Jimin. Une expression neutre et légèrement dangereuse sur le visage. Mais surtout, ce qui était sûrement le plus impressionnant -- du moins, pour un garçon qui avait grandi dans un palais doré et non dans les marchés sales et bondés de Rome --, c'était le tatouage qu'il avait entre les deux yeux. Une lettre, un simple "N", ancré à l'encre, pour symboliser le nom de famille du maître de l'esclave qui se tenait là, devant lui. Seokjin avait toujours ressenti cette pétrification sourde dès qu'il posait les yeux sur un tel signe: il avait ouïe dire qu'en Grèce, c'était une chouette qui était tatoué sur le front des malheureux esclaves; et bien qu'ici, cela soit somme toute plus discret, il ne pouvait s'empêcher de fixer ces lettres dansant sur leur épiderme. Dans sa demeure, leurs serviteurs n'en avaient pas sur le visage, mais dans une partie plus discrète, comme le poignet ou la paume de la main -- la légende raconte que le premier Empereur de Rome avait leur vue en horreur, et depuis ce jour, les ilotes n'en abordaient plus sur un emplacement aussi voyant.
"C'est bon, Yoongi servus dominum, il est avec moi.
La voix grave et rassurante de Jeongguk s'éleva dans l'air étouffant de la résidence, dos au tatoué, et Seokjin sentit son cœur battre relativement plus rapidement rien qu'à l'entente de son timbre plus suave. Ne détournant pas les yeux de sa personne, l'esclave répliqua par un grognement, avant de le laisser passer.
Yoongi était propriété du maître à qui appartenait la résidence, un certain Numerius Septimius. On racontait que, pour l'avoir sauvé d'une noyade dans le Tibre, il avait été "promu" chef des esclaves, et gardait l'endroit. D'où son fouet, pour remettre en place quelques effarouchés par le vin, qui rentrait plus ou moins légalement ici.
C'était un homme craint, d'une certaine façon. Il y avait cette aura d'autorité autour de lui; et sans doute que s'il était né dans une autre famille que la sienne, il aurait fait un fantastique politicien. Beaucoup, dans la haute société romaine, se moquait des esclaves de sa trempe pour leur inintelligence et leur obéissance; mais Seokjin savait mieux que quiconque, quand les yeux sombres et ambrés venaient sonder son propre regard, que Yoongi n'était pas dupe. Qu'il avait compris que ce n'était pas un papillon de nuit que Jeongguk amenait en douce dans sa couche. Que ce n'était pas un chaman, un oracle, un prêtre, ou tout autre imbécillité que le jeune gladiateur pouvait sortir. Il avait compris que c'était le Prince de Rome, le futur Empereur qui monterait prochainement sur le trône surmonté de l'Aigle, le prochain homme qui régnera sur les terres infinies de leur puissance, sur les flottes qui parcouraient la Méditerranée, et sur la tribune du Colisée. Même sa cape était de trop bonne qualité pour pouvoir être celle d'un va-nu-pieds.
Il avait compris, et pourtant il n'en dit mot -- ne pouvant pas, de toute façon. Parce que si les yeux du servus dominum brillaient d'une telle intelligence et semblaient pouvoir concentrer ce que mille mots ne pouvaient exprimer, c'était parce qu'il était muet. La langue tranchée par le même maître qui lui avait confié les clés de la demeure.
"L'homme sage est celui qui a beaucoup à dire mais qui garde le silence", disait même un proverbe perse.
Seokjin, voyant que le tatoué s'était effacé devant lui, le remercia par un signe de tête et un sourire pincé, avant d'accélérer le pas, pour se retrouver enfin dans la dernière pièce, attitré au champion de l'arène. Il entendit le bruit de la lourde porte de fer et de bois se refermer derrière lui; ce à quoi il se retourna, ôtant la lourde capuche qui lui couvrait le visage. Ils n'eurent qu'à se regarder ne serait-ce qu'une microseconde avant que le prince ne fasse un pas vers lui.
"Oh mon amour, murmura-t-il avant de se plonger dans les bras ouverts du basané.
C'était tout juste s'il retint un soupir de soulagement en sentant les bras musclés du plus jeune s'enrouler autour de sa taille, en humant le doux parfum musqué de sa peau, et en cajolant la douceur de l'épiderme de son cou. Jeongguk sentait la maison, la sécurité, la protection; bien loin de l'aura pernicieuse, vile et fourbe des autres gladiateurs de son rang. Et il savait que le combattant avait bel et bien cette attitude froide et dangereuse, qui pouvait glacer le sang rien que d'un regard; mais il savait encore plus qu'il ne montrait pas cette facette de lui quand Seokjin était dans ses bras. D'une certaine façon, le prince se sentait privilégié: tout l'or de l'Empire et son rang ne sauraient faire le poids face à recevoir l'amour du perse.
Jeongguk avait sa tête enfouie dans la tignasse corbeau du potentat, humant doucement l'odeur de frivolité et de luxure des parfums qu'ils aspergeaient dans le Palais: Seokjin portait toujours leur odeur quand il venait lui rendre visite.
Lentement, le jeune éphèbe se décolla de l'autre, sans le brusquer, pour pouvoir le regarder dans les yeux. Parfois, il pourrait presque jurer qu'il pouvait lire en ses prunelles les dunes de sables vallonnées de son pays natal, la douceur du miel et la couleur des épices -- une chose étant sûre, c'était que les pupilles du plus jeune brillaient d'excitation quand il racontait à son amant les trésors de ses contrées. Le prince ne pouvait qu'apprécier les récits du gladiateur: à cause de la voix chaude et réconfortante, ou parce qu'il n'avait jamais rien connu d'autre de l'Empire que Rome, et se délectait d'entendre les contes d'un autre horizon.
Du bout des doigts, Seokjin passa la pulpe de ses phalanges sur les bras musclés qui l'entouraient encore, la tunique sans manche que portait le gladiateur lui permettant d'avoir un accès souhaité à la douceur de sa peau. Jeongguk avait toujours été très réactif et sensible à ce genre de toucher, léger, véloce, frissonnant. Comme si le prince voulait découvrir la force qui sommeillait sous l'épiderme et l'histoire de ses conquêtes. Toujours aussi volage qu'une plume, il laissa ses doigts glisser sur ce petit morceau de tissu, qu'il avait enroulé en cordelette autour de son biceps; un morceau de tissu d'un rouge vif, aussi vif que celui qui était attaché à la poignée de son épée courbée, et Seokjin se remémora la vision auguste et fascinante qu'il avait présenté ce matin-là, le sable de l'arène volant autour de lui comme des étincelles.
"J'aurais tellement voulu t'embrasser, ce matin, quand tu avais gagné...
Il dû s'attendre, de toute évidence, au petit sourire en coin et narquois que lui proposa le basané. Il avait toujours eu cet air passablement arrogant, que ce soit lorsqu'il levait le poing vers le ciel pour clamer sa victoire, ou lorsque Seokjin lui murmurait dans l'oreille des mots d'une douceur et d'un tendancieux à faire pâlir Vénus de jalousie. Et le jeune prince aurait dû s'y attendre, une nouvelle fois, à la réponse insolente et effrontée de sa part:
"Pourquoi ne le fais-tu pas maintenant?
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Seokjin se plaisait à dire qu'il arrivait à percer à jour la lourde carapace qui emprisonnait le cœur de Jeongguk.
Dehors, sur le sable de l'arène, il était connu pour être cet être froid, arrogant, combatif et sans pitié. Combien de fois le prince devait-il se convaincre, alors qu'il observait ses prouesses sanglantes, que ce n'était pas le même homme qui égorgeait les perdants, et qui le prenait doucement dans ses bras une fois le soir tombé? Combien de fois, au début de leur relation, avait-il eu peur de ses caresses, peur de ses baisers, parce qu'il ne pouvait ôter de sa mémoire cette lueur insensible et carnassière qu'il avait vu brûler dans ses pupilles?
Chaque nuit à ses histoires, d'amour et de sang.
Et Jeongguk valsait à la perfection entre ce combat manichéen.
Mais, une fois la colère sourde qu'il ressentait dès qu'il saisissait son arme retombée, et une fois lavé de toute l'hémoglobine et la sueur qui collait à sa peau, il devenait une personne complètement différente. Ou du moins, en présence du noiraud, qui apaisait ses maux.
Ils avaient pris du temps, à devenir ce qu'ils étaient aujourd'hui. Jeongguk pensait tout d'abord que Seokjin ne voyait en lui qu'un moyen de laisser ses pulsions parler pour lui; il savait que certains gladiateurs étaient approchés par des femmes de haut rang, soit des nobles ou encore des femmes de sénateurs, pour qu'ils deviennent leur amant secret et échappatoire parfois honteux. Si les Romains étaient d'une mentalité relativement ouverte, le fait qu'un notable plus que respecté s'enfuisse avec un vulgaire combattant n'était pas encore bien vu. Quand le bel éphèbe avait eu le courage de venir le voir, pour la première fois, le champion avait fait preuve d'une grande froideur envers lui, persuadé qu'il ne le voudrait que pour son corps.
Avec le temps, il avait compris qu'entre les deux fils de l'Empereur, l'aîné était certainement le moins amène de faire une telle démarche.
Seokjin avait balbutié face à l'attitude et les accusations du perse, au début. Mais quand il avait compris, cette fascination et cette aura hypnotique qu'il dégageait et qui avait immédiatement attiré le prince, rien n'avait été comme avant depuis lors.
Et le soir, malgré les interdits, les mœurs, leurs rangs et cette histoire impossible qui aurait très certainement inspiré le poète Ovide, ils se retrouvaient. Certes, c'était dans la chambre du plus jeune, dans cet endroit fourmillant d'hommes tout aussi dangereux les uns que les autres, gardé par Yoongi et peu sûr pour quelqu'un qui était censé hériter du trône impérial; mais quand il se retrouvait dans les bras de son amant, peau contre peau, comme à présent, il se sentait en sécurité. Le reste n'avait aucune importance.
Et sur cette couche en paille de piètre qualité, adossé contre le mur en pierres froides, le basané tenait fermement contre son torse le noiraud à la peau laiteuse et protégée du soleil. Par la petite fenêtre, donnant sur la rue et seulement protégée de barreaux, le vent frais de la nuit venait caresser leurs peaux dénudées; et si, en d'autres circonstances, Seokjin aurait frissonné, à présent il ne ressentait presque pas le souffle titillant son épiderme.
Les lampes à huile éclairaient d'une flamme chaude la pièce, et se reflétaient dans leurs orbes, fixés sur le visage de l'autre. Le prince se pencha vers le visage du barbare, pour capturer ses lèvres rosies dans un baiser qui transmettaient beaucoup trop de sentiments pour pouvoir tous les nommer. Il était toujours aussi incroyablement surpris de voir que leurs lippes s'accordaient tellement bien ensemble, si bien que cela aurait même fait pâlir de jalousie les poètes comme Virgile ou Sénèque, qui venaient souvent au Palais pour soupirer leurs vers.
Jeongguk dû toutefois se détacher de ses croissants de chairs si appétissants, pour pouvoir rejeter la tête en arrière et lâcher un gémissement tremblant.
"Amour...
Parce qu'ils étaient beaux ainsi, et si on venait à passer devant la chambre du champion du Colisée, il ne ferait aucun doute que lui puisse facilement deviner quel fruit interdit les deux hommes partageaient -- ce n'était pas parce que Yoongi était muet qu'il était sourd ou aveugle, et bon nombre de fois il fixait le gladiateur, le lendemain matin, d'un regard prononcé qui voulait en dire long.
Parce qu'à présent, Jeongguk assis sur sa couche, adossé au mur, et Seokjin délicieusement empalé sur lui, se faisant face et laissant les baisers rougis couvrir leurs peaux, ils se laissaient aller à la volupté d'Éros et de Vénus. Les gérants des lupanars auraient sûrement voulu faire graver leurs deux corps unis au-dessus de leur maison close pour attirer les clients en recherche de passion, tant la vision des deux éphèbes enlacés transpirait de concupiscence et d'une ardeur enflammée.
Seokjin ondulait son bassin sur celui de son amant, laissant échapper des soupirs frémissants; tandis que les grandes mains du gladiateurs, aux paumes cornées par le nombre de fois où il avait saisit le pommeau de son épée, tenaient fermement la taille de son aîné, accompagnant ses mouvements de hanche et le serrant encore plus de son torse. Ses bracelets en cuir brun, à chacun de ses poignets, frottaient contre la peau tendre de ses fesses dans une douce torture qui faisait cambrer le noiraud de plaisir; et les bracelets d'or et de bronze de Seokjin scintillaient dans la flamme intimiste de la chambrée.
Si Jeongguk était insatiable sur le sable de l'arène, n'étant satisfait qu'une fois qu'il sortirait vainqueur du combat, il paraissait logique qu'il soit de même une fois la nuit tombée. C'est ce que l'Aigle pensait du barbare, au départ: qu'il serait aussi brutal et bestial au lit que dans ses duels. Peut-être l'était-il avec les putes de Rome, mais il ne l'était pas avec le noiraud. Certes, les émotions qu'ils ressentaient quand il faisait des vas-et-viens puissants dans son antre délicieusement chaude étaient aussi salvateur qu'une journée à se battre; mais il y avait une certaine douceur qui se faisaient ressentir, et qui faisait palpiter le cœur de Seokjin encore plus qu'à l'accoutumée.
Cela pouvait être dans la façon dont il caressait ses cheveux d'un noir corbeau, la façon dont il caressait de son pouce sa joue tendre et la façon dont il embrassait le bout du nez du Romain dans un geste d'affection pure. Cela pouvait être dans la façon dont il laissait un parterre bouillant de baisers incandescents sur sa mâchoire, la façon dont il léchait la douceur de la peau de son cou, et la façon dont il disait qu'il avait un goût de miel -- ce qui laissait toujours Seokjin rougissant et miaulant de contentement, se cambrant sous lui encore plus que d'ordinaire. Cela pouvait être dans la façon dont il chérissait ses boutons de chairs, dans la façon dont il faisait courir ses doigts sur son torse ferme, et dans la façon dont il laissait ses lèvres découvrir les vallons de ses cuisses. Et surtout, cela pouvait être dans la façon dont sa langue maternelle reprenait le dessus, alors qu'il le complimentait dans un souffle coupé, le regard admirateur et prenant un moment pour graver dans sa mémoire ses traits.
"تو زیبا هستی, dit Jeongguk en persan, dans un murmure, tandis qu'il trouva pour enfin la boule de nerfs de son bien-aimé.
Et Seokjin se mordit la lèvre, la tête rejetée en arrière et les doigts s'enfouissant dans la chevelure sombre du thrace, afin de le rapprocher encore plus près de lui -- ce que le barbare fit avec joie, louant la beauté de ses clavicules avec sa bouche. Le futur Empereur avait toujours aimé quand il lui parlait dans sa langue natale; il avait, lui aussi, un air de prince du désert, fier et puissant, tandis qu'il le réduisant à un corps gémissant et suppliant pour ses caresses, et que sa voix mélodieuse, chaude comme le soleil et douce comme le miel, complimentait ses courbes enchanteresses.
Soudain, le gladiateur saisit fermement ses hanches pour pouvoir le retourner, sur le dos, contre le matelas; et Seokjin eut à peine le temps de reprendre son souffle, que déjà le champion se redressait pour venir entrechoquer leurs bassins, et lui asséner des coups de reins profonds. L'aîné avait l'impression qu'on ouvrait une brèche en lui: c'était fort et dévastateur. Ses muscles roulaient sous sa peau caramel, ses mèches sombres retombaient sur ses yeux noirs, et rien que cette vision laissa l'Aigle pantelant, les yeux roulant en arrière tant le plaisir était intense.
"Par tous les dieux, J-Jeongguk... jura le noiraud en respirant bruyamment, essayant tant bien que mal de calmer ses battements cardiaques face aux coups robustes et magistraux.
L'interpellé aurait voulu lui dire qu'il n'y avait pas de dieux, à présent, mais seulement eux deux, seuls contre l'adversités, et seuls face à leur plaisir. Mais il se contenta de raffermir sa prise pour faire claquer leurs peaux dans une sourde mélodie tendancieuse et obscène.
La chute libre. La sensation de lâcher prise, totalement. Aussi violent que lorsque Icare tombe dans la mer après s'être brûlé les ailes. La sensation de planer ou de sombrer, ne sachant pas vraiment lequel est préférable. Jeongguk avait ce pouvoir-là sur lui, cette emprise, cette facilité à lui faire perdre pied. Il n'y avait qu'avec lui que Seokjin était ainsi, aussi vulnérable, aussi dépendant, aussi... lui. En dehors de cette chambre, il se devait de montrer un visage neutre, impassible, auguste, à l'image de l'illustre rang qu'il était prédestiné à accomplir. Il se devait de se montrer digne de son titre, alors que son père, et même son frère Jimin, observaient ses moindres faits et gestes. Alors que l'Empire tout entier le scrutait.
Quelle ironie serait-ce, si le peuple de Rome découvrait que leur futur César s'abandonnait à la luxure dans les bras d'un prisonnier de guerre perse, devenu le meilleur gladiateur de sa génération. Quelle ironie, vraiment, si le peuple découvrait que le champion qu'ils acclamaient dans l'arène était le même qui procurait les meilleurs orgasmes au Prince Impérial. Ou peut-être quelle ironie que personne n'ait encore percé leur secret à jour. Si l'homosexualité était acceptée dans la capitale, le fait que ce soit le citoyen qui reçoive, et non donne, était condamnable.
Nombre d'entre eux pourraient chuchoter que le gladiateur profitait de l'attention que le Romain lui portait. Profitait de son corps auguste pour le souiller dans le péché. Mais il était prêt à combatte quiconque serait amené à lui dire ça: il n'avait de comptes à rendre à personne, mis-à-part à son bien-aimé. L'amour qu'il lui portaient, qu'ils se portaient, était beaucoup trop fort, beaucoup trop intense, bien qu'interdit; seuls les dieux pouvaient témoigner de cela. Personne de comprenaient, à part eux. Et ils n'auront à témoigner que devant Pluton de l'amour qu'ils avaient pu partager.
Voyant son amant à bout, Jeongguk décida de ralentir le rythme; mais ses ondulations de bassin, bien que plus lentes et plus tortueuses, atteignaient toujours cette boule de nerfs qui provoquerait, il le savait, son acmé. Il se pencha doucement, pour venir caler sa tête dans son cour, les bras de son aîné s'enroulant autour de ses épaules. Il sentait bon les parfums de fleurs et d'huile de Syrie, et cela lui rappelait de nombreux souvenirs. Et entre deux baisers et deux vas-et-viens lents, le gladiateur, dans un parfait latin, murmura ces vers:
"Tu me demandes, combien de tes baisers il faudrait pour me satisfaire, pour me forcer à dire : Assez ?
Seokjin sourit en reconnaissant l'un des poèmes qu'il chérissait tant, et retint avec difficulté un gémissement, tandis que, pressés ainsi, le ventre de son amant frottait contre son entre-jambe tendue avec délice. La stimulation, ajoutée aux mots transis d'amour de son amant, était presque trop.
"Autant de grains de sable sont amoncelés en Libye, dans les champs parfumés de Cyrène, entre le temple brûlant de Jupiter et la tombe révérée de l'antique Battus, chuchota le gladiateur en mordillant d'un air joueur son lobe d'oreille qui se présentait à lui, ses mains posées sur ses cuisses et les écartant encore plus, pour continuer la danse de ses hanches contre les siennes.
"Autant d'astres, par une nuit paisible, éclairent les furtives amours des mortels, autant il faudrait à Catulle de baisers de ta bouche pour étancher sa soif délirante, pour le forcer de dire : Assez, continua le basané en laissant ses lèvres caresser ses lippes, suffisamment près pour deviner leur douceur, mais suffisamment loin pour que Seokjin laissa échapper un grognement de frustration et d'envie.
"Ah !, murmura-t-il dans une ultime rime, puisse leur nombre échapper au calcul de l'envie, à la langue funeste des enchanteurs !
Et le baiser qui en suivit déclencha mille feux dans le bas-ventre du prince; il était prêt, il touchait du doigt cette grâce et cette vague salvatrice et destructrice qui le laisserait tremblant dans les bras forts de son amant. Voyant cela, Jeongguk enroula ses doigts fins autour du membre de son bien-aimé, lui assénant des coups secs, juste comme le Romain aimait; ce à quoi il répondit par une respiration saccadée, les mains tenant désespérément de s'accrocher dans le vide.
"T-Tu récites d-du Catulle, m-maintenant? eut-il la force de dire, les yeux à peines ouverts et le dos cambré à l'extrême [*Poèmes à Lesbie, Carmen VII].
"Seulement pour tes yeux, mon amour, souffla le gladiateur en embrassant son menton.
Et cela fut suffisant pour que le noiraud lâche prise, se laissant emporter dans un flot d'émotions et de sensations, son corps pris de délicieux spasmes incontrôlables; et le champion le suivit bientôt dans sa délivrance, se retenant sur ses avants-bras pour ne pas écraser son prince. Le bel éphèbe eut à peine le temps de caresser avec amour et admiration la tignasse humide de son partenaire, que déjà ils partaient tous deux dans le royaume de Somnus.
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"Tu peux me dire où tu étais passé?
Le prince se figea à l'entente de cette voix, et ferma les yeux en s'insultant mentalement, avant de se retourner et d'affronter celui qui l'avait surpris.
Il s'était échappé avant les premières heures du jour, pourtant.
Les adieux avec Jeongguk avaient toujours été déchirants, et aujourd'hui n'avait pas fait exception. En plein milieu de la nuit, le basané l'avait doucement réveillé, pour lui murmurer contre sa peau encore chaude par le sommeil qu'il devrait partir, s'il ne voulait pas qu'on le découvre en train de rentrer en douce dans le palais. Ils s'étaient longuement enlacés, ne parlant pas, respirant simplement l'odeur de l'autre; envoyant des prières mentales aux divinités, les suppliant que ceci ne soit pas leur dernier contact. La peur d'être découverts et séparés à tout jamais était toujours aussi vive au moment de se quitter.
C'est donc comme une ombre qu'il avait quitté l'auberge à côté du Colisée, avant d'emprunter les rues étroites et encore sombre de Rome. Sur les bas-côtés, des hommes saouls décuvant difficilement ou des filles de joie endormies contre leur client, les seins à l'air. A cette heure-ci, il n'y avait âme qui vive, mais Seokjin avait tout de même, cachée sous sa cape, une petite dague qu'il tenait fermement dans sa main. La nuit était en train de s'éclaircir, et dans quelques heures tout au plus, l'astre solaire d'Apollon montrerait ses rayons cuprifères, au-dessus des pins de la colline.
Le temps et ses nombreuses escapades nocturnes lui avaient appris un chemin secret pour pouvoir éviter les gardes et les trop nombreux serviteurs qui s'activaient aux premières heures du jour. A cette heure-ci, l'équipe d'esclave commençait à peine à se mettre en marche, mais Seokjin ne voulut pas prendre de risque. C'est donc furtivement qu'il pénétra dans le palais, par le biais d'une porte dérobée que seuls les palefreniers utilisaient; et il aurait atteint son but, c'est-à-dire sa chambre, s'il n'avait pas été interrompu par cette voix grave qui lui faisait froid dans le dos.
Figé dans ses pas, il réussit pourtant à se retourner, doucement et le cœur battant à tout rompre, en direction de la voix. Là, assis sur le rebord de la fenêtre qui surplombait le Mont Palatin, une jambe repliée qui supportait son bras, se trouvait Jimin. Jimin, et sa toge noire de la même couleur que ses cheveux plutoniens, croquant dans une pomme rouge sang. Seokjin, à ce moment-là, essaya de se convaincre qu'il n'avait pas à avoir peur de son cadet... Mais c'était d'avantage une mission impossible, d'autant plus quand on connaissait la réputation du plus jeune des princes. Et ce n'était pas parce qu'ils étaient du même sang, qu'à présent Jimin ne lui offrait pas son regard dur, sombre, et dangereux.
"Alors, grand frère? demanda-t-il de nouveau, un sourire carnassier et faisant froid dans le dos s'étirant sur ses lèvres pâles. Tu n'arrivais pas à dormir, cette nuit?
Les lampes à huile éclairaient encore l'atrium, laissant des ombres sinistres danser sur le visage du fils de l'Aigle. Ces mêmes flammes qui avaient accompagné les baisers qu'il avait échangé avec Jeongguk, un peu plus tôt, dans cette chambre renfermée et avec des barreaux aux fenêtres; mais même dans une telle atmosphère, les voiles étaient revêtu d'un caractère intimiste, et non aussi sinistres comme ils l'étaient maintenant.
"N'ai-je pas le droit d'aller m'aérer l'esprit? répliqua Seokjin d'un ton qui se voulait cinglant et sans appel, tout en ôtant la fibule dorée qui maintenait sa lourde cape en place.
Le jeune éphèbe aimait se dire qu'il arrivait à tenir tête à son petit frère -- l'un des rares qui réussissait à le faire, soit dit en passant --; mais à présent, il n'en était pas si sûr, et il était persuadé que Jimin pouvait voir, de là où il était, son pouls battre fortement contre la peau tendre de son cou. Il avait toujours cette aura ténébreuse autour de lui, le rendant beaucoup plus mûr et menaçant que Seokjin, malgré sa grande sagesse et son jeu de mot. Pour se donner un semblant de contenance, il s'approcha d'une petite table où reposait une cruche de vin, et s'en versa une coupe.
"Tu as tendance à avoir recours à de nombreuses de ces promenades ces-derniers temps, mon frère, sourit narquoisement en croquant de nouveau dans son fruit.
"Par les dieux, Jimin, grogna Seokjin en serra un peu plus dans ses doigts sa coupe en bronze, tu vas bien régulièrement dans les lupanars, et pourtant je n'en fais cure.
Un ricanement glaçant trembla entre les murs de l'atrium à l'entente de cette réplique, et le prince dû physiquement retenir un frisson de parcourir son échine. Chaque jour, il se rendait toujours un peu plus compte de l'homme que Jimin était devenu: un homme froid et craint, et à présent, il se surprenait à redouter lui-même ses sautes d'humeur. N'était-ce pas lui, un temps, qui le réconfortait quand les démons venaient tourmenter ses songes? A présent, c'était tout juste s'ils pouvaient entretenir une conversation non-conflictuelle. Et, alors que le noiraud accusait implicitement son aîné, ce-dernier ne put que se demander comment se déroulerait la suite de leur entretien, priant Janus de ne dévoiler son secret si précieux, et Vesta d'apaiser les dissensions entre les deux frères.
Du coin de l'œil, le jeune éphèbe vit Jimin prestement sauter de son perchoir, pour s'avancer doucement, d'un pas félin, en direction du premier successeur à la couronne de lierre. Alors qu'il était toujours de dos, le soldat se pencha vers son oreille, pour lui murmurer des paroles dures et effrayantes:
"Fais attention, mon frère, je sais ce que tu caches, et je ne suis pas sûr que Père apprécierait la raison de tes escapades nocturnes...
"Ce sont des menaces? répondit tout aussi bassement le noiraud en se retournement brusquement.
Il fut accueilli par un sourire en coin, malsain et redoutable, tandis que les prunelles du plus jeune brillaient d'une lueur qu'on ne préférerait pas nommer. Ils étaient proches, trop proches peut-être, et Seokjin dû employer toute sa force mentale pour ne pas perdre la face dans cette confrontation.
"Vois cela comme tu veux, répondit-il simplement avec un haussement d'épaules -- mais le fils de l'Aigle savait mieux que quiconque qu'il n'avait pas le choix, contrairement à cette pauvre illusion qu'on faisait miroiter devant ses yeux.
Il plana dans l'air, aux côtés des huiles et des parfums de romarins, emprisonnés dans leurs flacons d'albâtre, cet avertissement sourd et plein de sous-entendus, qui gela presque d'horreur Seokjin. Il avait l'odeur de l'âcreté et de la perdition, du danger et de la mort; et l'aîné de la fratrie n'aima pas une seule seconde cette admonestation sourde qui flottait autour d'eux.
Et le jeune homme, pétrifié jusqu'aux os quant à ce que pourrait faire Jimin Le Sanglant à son amant, ne sorti de sa torpeur qu'une fois qu'il entendit les pas de l'autre disparaître, accompagnés d'un ricanement peu rassurant.
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Dans sa coupe, le vin pur de Falerne, de la région de Campanie, avait un goût amer, n'apaisant pas le bruit déplaisant de la foule rugissante de l'arène.
Il était là, de nouveau, comme trois jours auparavant, dans la tribune de la famille impériale. De nouveau, un esclave lui tendait une coupe de raisin, et de nouveau la douceur du fruit n'aida en rien à apaiser son cœur tremblant.
Seulement, à la différence de la dernière fois, de lourds nuages grisonnants couvraient le ciel, donnant une approche encore plus funestes aux scènes de combats qui se déroulaient en contrebas. Et surtout, résonnaient encore dans sa tête les menaces que son frère avait prononcé à l'égard de Jeongguk -- depuis ce matin-là où il était rentré aux aurores au palais, il n'avait pu rester tranquille, ne pouvant fermer l'œil lorsque la nuit tomba une nouvelle fois sur Rome.
Il n'avait pas vu son aimé depuis lors; ayant fait porter par Hoseok une missive, en langage codé, lui disant combien il lui manquait mais ô combien c'était dangereux de se revoir. Il espérait de toute son âme que celui qui avait son cœur emprisonné dans les paumes de ses mains avait compris ses motivations.
Aujourd'hui, son frère, son père, et lui étaient de retour au Colisée, pour la suite des Jeux de la Mort. Si, la dernière fois, il n'avait pas été réellement à l'aise devant un tel spectacle sanglant et morbide, à présent, il avait tout le mal du monde à retenir les hauts-de-cœur qui le secouaient alors qu'il croisait le regard lourd de sous-entendu de Jimin, de l'autre côté de la tribune. Il ne savait pas du tout ce qu'il était en train de mijoter, et cela l'effrayait au plus haut point. Il n'avait jamais aimé ne pas avoir le contrôle sur les événements, et aujourd'hui ne changeait guère que d'habitude -- à la seule exception près qu'il était dans le flou total, dans le même brouillard qu'avait connu Ulysse en voulant rentrer chez lui.
Le son des trompettes retentit de nouveau dans l'arène, mais Seokjin pouvait à présent y déceler une pointe funeste; et même s'il savait que c'était l'inquiétude qui lui jouait un tour fourbe et vil, cela ne fit qu'accroître son mal-être. Comme les dernières fois, le "soupir de ses dames" foula enfin le sable du cirque; et, de là où il était, le prince put percevoir le léger froncement de sourcils qui ornait le visage du champion. Le gladiateur avait bel et bien reçu son message, et les mots alarmants de son amant n'étaient de bonne augure. L'Aigle essaya de lui renvoyer un sourire rassurant et encourageant, mais le cœur n'y était pas, et il sonnait faux.
Lorsque le combat commença, Seokjin put remarquer, du coin de l'œil, que Jimin s'était penché en avant sur son siège, comme s'il ne voulait pas perdre une miette du spectacle; et l'imitant, son organe vital battant fortement dans sa poitrine, il se demanda encore une fois ce que son frère ne voulait absolument pas manquer.
Et il eut raison d'avoir voulu ne pas quitter Jeongguk des yeux; parce qu'alors que le perse était en train d'avoir la main sur son adversaire, un second combattant, dans son dos, vint se joindre au duel. Cela provoqua quelques murmures désapprobateurs dans la foule, de voir un seul homme se battre contre deux, car cela n'était pas vraiment dans les règles éthiques des Jeux. Et, alors que Jimin se pencha à l'oreille de son père pour lui murmurer quelque chose, Seokjin comprit, le souffle bloqué dans sa gorge.
Il allait utiliser la rixe pour pouvoir l'assassiner aux yeux de tous.
La panique afflua dans les veines de l'aîné, tandis que, impuissant, il vit un, puis deux, puis trois adversaires venir s'ajouter au combat. Pendant un long moment, Jeongguk était encore en position de force, son sabre courbé voltigeant dans l'air, le voile rouge attaché à son pommeau valsant autour de lui dans une atmosphère tendue, et le sable s'élevant autour d'eux. Il était toujours aussi magnifique, hypnotisant, mais à présent, il était clair qu'il était de plus en plus en position de faiblesse, au vu des trop nombreux adversaires qui lui faisaient face. Même de là où il était, Seokjin pouvait voir la sueur qui gouttait de son front, son rictus de concentration, et ses muscles qui commençaient à se faire douloureux.
"Père, tenta d'interrompre le noiraud, mais ce-dernier n'écouta pas, sirotant son vin et admirant le spectacle qui changeait de l'ordinaire.
Seokjin pouvait comprendre qu'un tel divertissement était appréciable, loin des classiques face à face, mais il aurait voulu crier aux spectateurs qui continuaient de parier avec avidité que c'était là son amant qui était en contre-bas, son amant qui était victime d'une machination saugrenue de son frère, et son amant qu'il ne pouvait, à son plus grand désespoir, sauver. Si son père ne l'écoutait pas, il préféra reporter son attention aux prières, louant et suppliant les divinités qui avaient pitié de lui de bien vouloir lui laisser la vie sauve.
Il l'aimait. De tout son être, de toute son âme. Et il savait que s'il succombait à ce terrible et inégalitaire massacre, il ne pourrait y survivre.
Mais les Dieux semblèrent ne pas entendre ses prières, puisque bien vite, Jeongguk se trouva à genoux, grimaçant, se tenant les côtes, et essayant tant bien que mal de repousser ses attaquants. Mais c'était peine perdue, même pour quelqu'un comme le prince qui n'appréciait guère l'art de la guerre. Il était tout seul face à une bonne dizaine d'autres gladiateurs, et il ne pouvait rien faire. Ce n'était pas parce qu'il était le champion qu'il pouvait réussir à s'échapper de leur emprise.
"Père, répéta-t-il une nouvelle fois; et se tournant vers son géniteur, il croisa le regard insolent de son frère, et il n'eut aucun mal du monde à comprendre, même s'il s'en doutait déjà un peu: il les avait payés.
Il avait payé ces guerriers pour pouvoir avoir la peau de Jeongguk. Il n'avait pas besoin de preuve, pas besoin d'aveu, ses tripes parlaient pour lui, et lui murmuraient ce qu'il avait besoin de savoir. Son frère l'avait menacé, et voilà à présent qu'il mettait à exécutions ses funestes plans macabres. Et si Seokjin savait bien se battre, il n'aurait en aucun cas hésiter de prendre une arme d'un des soldats qui gardaient la tribune, pour pouvoir la planter en plein cœur de son cadet. Peu importait si le même sang coulait dans leurs veines.
Le jeune prince dû retourner son attention vers l'arène, puisque les cris des spectateurs venaient de redoubler d'intensité. Et la vision qu'il vit fut suffisante pour briser son cœur en miettes. Allongé sur le dos, un rictus de douleur déformant ses lèvres, du sang sur les mains mélangés au sable du cirque, le pied d'un de ses adversaires posés sur son torse et l'empêchant de se redresser. Mais ce qui était certainement le pire là-dedans, c'était le fait que Jeongguk le regardait. Droit dans les yeux. Et peut-être l'imagina-t-il, mais le noiraud était persuadé qu'il pouvait lire dans ses orbes ambrés une étincelle de peur panique.
Comme il est de coutume dans de telles situations, le gladiateur qui avait le dessus demanda au public quel sort allait-il réservé au thrace; et, la peur assourdissante dans les oreilles, le prince examina les réponses de l'assistance. A son plus grand effroi et désarroi, la plupart avaient le pouce pointé vers le bas, vers le sol, vers les enfers... vers la Mort.
Quelle ironie du sort de se faire appeler la révélation des Jeux, le champion le plus jeune et le plus talentueux de sa génération, le soupir de ses demoiselles, pour au final être lâchement trahi par le peuple de Rome quand sa vie était remise en jeu. Rien que cette vision aurait pu arracher quelques larmes au fils de l'Aigle, mais pourtant il se devait de rester fort afin de pouvoir plaider son pardon, quand il se retourna vers l'Empereur. Même si les citoyens de la capitale influençaient Augustus, c'était toujours au souverain absolu de juger du sort de ses combattants.
Ce-dernier, toujours confortablement installé dans son fauteuil, semblait en pleine réflexion quant à savoir s'il devait se montrer clément ou non.
"A mon sens, Père, c'est le seul combat dans lequel il a perdu la main, tenta de raisonner Seokjin d'un ton diplomatique, ce serait injuste de lui prendre la vie pour une seule défaite.
"Mais d'un autre côté, Père, coupa Jimin avec un sourire en coin, il est sur le podium depuis bien trop longtemps, et commence à se faire vieux. Je me languis de voir quel prochain champion Rome pourrait avoir, j'avoue que je me lasse un peu de le voir gagner à chaque fois.
La panique commença à se faire plus pesante dans son esprit. Il devait s'en douter, que son lâche de frère viendrait s'en mêler.
"Père, reprit l'aîné en tentant de calmer sa voix tremblante, est-ce là le message que vous voulez donner aux autres combattants? Que même en gagnant tous ses duels, on peut toujours mourir parce qu'on a fait face à un trop grand nombre d'adversaire? Ce combat était injuste et déséquilibré dès le départ, et au vu de ses prouesses passées, je pense qu'il ne faudrait pas le punir aussi sévèrement que par l'exécution pour cela.
Lentement, après avoir reposé sa coupe de vin sur le plateau que lui tendait un esclave, il se redressa, de toute sa splendeur, avant de descendre les quelques marches, pour s'appuyer sur la rambarde. Tout l'amphithéâtre retint son souffle, attendant avec impatience le verdict de l'Empereur. Tout aussi lentement, profitant de ce moment de suspens, il tendit le bras d'un air dramatique.
Et Seokjin eut envie de vomir lorsqu'il vit le pouce pointé vers le bas, lui aussi.
"Père, s'écria-t-il en dévalant la volée de marches pour arriver à ses côtés, Père je vous en supplie, épargnez-le, il ne le mérite pas!
"Il suffit, fils! rétorqua son paternel alors que les clameurs de la foule se faisaient de nouveau plus puissantes, le poussant légèrement pour qu'il ne vienne plus le gêner.
Et toujours accoudé au balcon, les larmes floutant son champ de vision, le prince ne put qu'assister, désespéramment impuissant, au spectacle révoltant de la mort de son amant.
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Les larmes redoublèrent d'intensité, alors que, péniblement, les souvenirs du dernier soupir rendu par son amant repassaient encore et encore dans sa mémoire. Il avait supporté son regard, aussi longtemps qu'il était humainement possible; et Jeongguk était mort ainsi, sur ce sable de l'arène, trahi par le peuple et regardant une dernière fois son amour, ses lèvres prononçant des prières que ses ancêtres lui avaient appris, petit. Il s'imaginait les mots perses, d'une douce mélodie, supplier ses dieux de lui accorder une bonne place dans l'au-delà.
Jeongguk était mort, et Seokjin n'avait pu le prendre une dernière fois dans ses bras, poser ses lèvres imbibées de larmes sur ses lippes froides, ni caresser une dernière fois sa tignasse corbeau comme il l'avait fait lors de leur dernière nuit. Le gladiateur était mort, seul, et quand ses yeux s'étaient éteints de cette lueur joueuse qui les animait habituellement, le prince avait fui le Colisée, sourd aux protestations de son père et aveugle au sourire satisfait de son frère, se contentant de plaquer une main sur sa bouche pour atténuer le bruit de ses sanglots.
Jeongguk était mort. Là, sous ses yeux implorants. Par Jupiter, ce qu'il aurait voulu crier son malheur à la face de tous, sauter dans l'arène pour se précipiter auprès de son bien-aimé. Mais il ne pouvait pas, n'avait eu aucune emprise quant au sort du perse, et il se dégoûtait autant que l'homme qui avait porté le coup fatal.
Il aurait pu s'enfuir au Palais, retrouver la chambre de son amant, ou se précipiter dans le premier temple qu'il trouvait. Mais, au contraire, il couru jusqu'aux jardins impériaux: de là, on voyait toute la ville, des amphithéâtre du Colisée jusqu'au rives du Tibre. Contrairement à son habitude, il ne prêta pas attention à la beauté des pins et des fontaines, sortant simplement sa petite dague. Le coucher du soleil et ses lueurs dorées se reflétaient dans son éclat brillant; et peut-être que cette simple vue était effrayante, mais le prince était résigné.
Résigné à le retrouver. Résigné à l'aimer dans l'au-delà. Peut-être que le Paradis était le même pour eux deux, bien qu'ils aient des religions différentes. Son cœur pouvait presque entendre l'appel du gladiateur, qui le demandait de le rejoindre, de venir dans ses bras.
A genoux, prêt de la fontaine qui représentait une statue du Soleil, les yeux tournés vers le firmament, Seokjin vint transformer un des poèmes de Catulle [*Carmen LXV], pour, dans un moment de grâce et de peine, juste avant de planter son couteau dans sa chair, venir chanter sa désolation et son désespoir:
"Jeongguk, le chagrin qui me dévore sans me laisser de repos, m'enlève au culte des doctes sœurs; je ne puis sentir leurs douces inspirations au milieu des cruelles agitations de mon âme!
Une larme, une de plus, vint s'écraser contre la peau de sa main.
"Peu de jours se sont écoulés depuis que les ondes du Léthé baignent les pieds glacés de mon amour; depuis que le sable des rivages du Rhétée couvre tes restes chéris, et le dérobe à mes regards.
Une autre larme roulant sur son si beau visage, ce visage que Jeongguk avait complimenté et loué tant de fois, ce visage qu'il avait embrassé à de maintes reprises --mais pas assez, maintenant qu'il n'était plus --; et Seokjin empoignant plus fermement le manche de son arme.
"Ô mon amour, je ne t'entendrai donc jamais plus me raconter tes hauts faits? Je ne te verrai plus, ô toi qui m'étais plus cher que la vie !
Le prince plaça la pointe de sa lame contre son ventre, inspirant doucement au-travers de ses sanglots. Le courage et la volonté ne manquaient pas pour commettre l'irréparable.
"Mais, du moins, je t'aimerai toujours, toujours je soupirerai des chants plaintifs sur ta tombe, comme, sous l'ombre épaisse des bocages, Progné gémissante déplore la perte de son cher Itys.
Les derniers mots prononcés dans un murmure. Le couteau transperçant la chair. Un faible cri de douleur. Puis une masse tombant à terre, le sang maculant sa toge blanche. Les yeux se levant une dernière fois vers le Ciel, et les lèvres prononçant une dernière fois ces mots, tandis que le souvenir de son amant penché sur lui revenait dans sa mémoire:
"Je t'aime mon amour. J'arrive.
.
ALRIGHT! un autre os sur l'antiquité!
dites-moi ce que vous en avez pensé, j'ai peur que ça fasse un peu redondant avec le yoonmin qui était sur la grèce et les demi-dieux... le synopsis en soit est un peu le mm, un amour interdit, une mise-en-garde, et une fin tragique, et j'ai peur que celui-ci soit plus rushed que l'autre???
en tout cas c'est pour lui que vous aviez voté alors je voulais vous faire plaisir, sinon je ne vous aurait pas proposé!
sinon angry jimin, breath if you agree
bref, n'hésitez pas à voter, commenter, me dire ce que vous en avez pensé!
n'hésitez pas aussi à vous abonner, je fais souvent des petits sondages pour savoir quel prochain pairing vous voudriez voir, alors ça peut être intéressant de donner aussi votre avis!!!
gros love sur vous et à bientôt.
(ps: je suis un peu malade du coup doit y avoir quelques fautes encore, j'ai un peu de mal à me concentrer ;(
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