SEPTIEME LUNE
𝕾𝖊𝖕𝖙𝖎𝖒𝖊̀𝖒𝖊 𝖑𝖚𝖓𝖊
( 𝔏𝔢𝔱 𝔱𝔥𝔢 𝔟𝔩𝔬𝔬𝔡 𝔡𝔯𝔦𝔭, 𝔟𝔞𝔟𝔶 )
Jeongguk le regardait toujours avec un regard affamé. Celui d'Hoseok était sensiblement pareil, mais plus lourd, plus dangereux. Beaucoup auraient fui, mais Taehyung avait l'impression d'avoir gagné le jackpot.
vhopekook
(established hopekook)
vampire ! au
human taehyung
vampires hopekook
mention of blood / blood kink
koo is a newborn vampire, he has sensitive teeth ok
angst (but happy ending pinky promise !)
face cum + slight dirty talk
they're not religious but they might see god
top ! hopekook
bottom ! taehyungie
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Les vampires le surprendraient toujours.
Cela faisait quelques siècles déjà que les créatures surnaturelles s'étaient révélées à l'humanité, se mêlant dans la foule comme des ombres solaires — sa marraine était une banshee, Namjoon était un loup-garou, et plusieurs de ses amis étaient des Jorogumo ou autres êtres issus de la mythologie et du folklore. Mais indéniablement, les vampires étaient ceux qui intriguaient le plus, et cela faisait longtemps que Taehyung avait mis à mal toutes les idées reçues que la société avait inculqué sur les hommes aux yeux rouges.
Ils ne dormaient pas dans un cercueil — Jeongguk avait lui même retiré l'horrible tapisserie rougeâtre que l'ancien propriétaire avait collé aux murs de la chambre.
Ils ne craignaient pas l'ail — Hoseok ne jurait que par cela dans sa cuisine et les plats délicieux qu'il lui concoctait dès qu'il venait à l'appartement.
Ils ne craignaient pas l'argent — l'une des grandes passions de Jimin était de chiner en brocante des couverts en argent frappés des armoiries d'illustres nobles qu'il avait vu naître et mourir, parfois même de sa main.
Ils ne craignaient pas le soleil — le couple aimait siroter leur café dans le salon, les grandes baies vitrées de leur appartement inondant la pièce de cette lumière dorée si chaude.
En revanche, si la société avait bel et bien retenue quelque chose de leur présence sur terre depuis des millénaires, c'était qu'ils buvaient en effet du sang humain. C'était la principale raison qui avait poussé Taehyung à rencontrer Hoseok et Jeongguk.
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Ce fut Hoseok qui lui ouvrit la porte.
Enfin, Taehyung supposait que c'était lui, les cheveux bruns camouflant ses yeux prudents ; si c'était Jeongguk, selon les informations de l'Agence, il lui aurait déjà sûrement déjà sauté au cou. L'homme en face de lui paraissait plus... calme. Sûr de lui. Maître de ses émotions, de ces pulsions qu'il avait mis des années, des siècles peut-être, à dompter sagement. Il ne portait qu'un simple T-shirt, le logo jurant contre le noir du tissu, ainsi qu'un jean de la même couleur embrassant avec délice ses jambes, mais... mais c'était cette aura autour de lui qui était la plus impressionnante. Comme s'il était vêtu de mille diamants et d'une couronne lourde de pouvoir teintée de vermeil reposant contre ses mèches de feu.
Sa prestance, dieu, sa prestance : comme si c'était un être qui avait tout vu, tout fait, qui avait vu le monde tourner beaucoup trop de fois pour qu'il puisse se laisser berner, qui avait vécu des centaines de guerres et vu la folie des hommes destituer les mêmes dictateurs qu'ils avaient mis au pouvoir, qui avait vu la Mort ô que top de fois pour la considérer que comme une ennemie. Et, au vu de sa véritable nature, ce n'était pas simplement une métaphore — avait-il assisté à la chute de l'empire de Rome ? celle de la dynastie Jin ? avait-il connu la longue route de la soie ? la fougue de l'opium ? avait-il traversé les océans à la découverte de nouvelles contrées, avait-il observé les révolutions et les famines éclater en Europe ? Il avait devant lui un puit de savoir et d'histoire, et la perspective de toutes les connaissances qu'il avait accumulé à travers les hivers lui donnait légèrement le tournis.
"J'étais là bien avant la bataille du Grand Zab, sourit-il en guise d'introduction, coupant Taehyung de ses rêveries.
Avait-il lu dans ses pensées ? Il n'avait pas côtoyé suffisamment de vampires dans sa vie pour savoir si cela était l'un de leurs mystérieux dons, tous les cours qu'il avait appris à l'école sur les autres créatures qui cohabitaient avec les humains soudainement évaporés de sa mémoire. Le jeune homme cligna les yeux une, deux fois, avant qu'Hoseok n'offre un petit rire réconfortant :
"Ne t'en fais pas, beaucoup de personnes se posent la même question quand ils me voient pour la première fois. Mais je t'en prie, continua-t-il en s'écartant pour laisser l'étudiant passer, rentre, fais comme chez toi.
Le brun le salua en s'inclinant au passage, trop obnubilé par sa beauté au point d'en perdre ses bonnes manières. Il savait que les vampires étaient des créatures magnifiques — c'était dans leur nature même, que d'ensorceler leurs proies pour les manipuler à leur guise, comme une biche tremblante aveuglée par les phares. Depuis les grands traités de paix entre leurs deux espèces, les goules nocturnes avaient l'interdiction d'user de leurs pouvoirs d'hypnoses pour abuser des humains, mais il savait qu'il y avait encore quelques silhouettes recluses et monstrueuses qui refusaient cette forme de soumission.
C'était pour cela que l'Agence avait été créé, pour que les enfants de la Lune n'aient plus à chasser pour pouvoir se nourrir.
Et c'était pour cela que Taehyung était ici aujourd'hui.
Malgré les lois gravées dans le marbre assurant la sécurité des plus faibles, il ne put s'empêcher de se tendre un instant quand Hoseok referma doucement la porte derrière lui. Il n'était que la proie ici, dans l'antre du loup, mais se rassura en se disant qu'il avait une bombe au poivre dans sa poche, en espérant que ce soit aussi efficace sur les vampires que cela ne l'était sur son connard d'ex petit-copain ; et il pourrait toujours appeler Seokjin en speed dial dans sa poche si cela se passait mal.
Les vampires étaient bien intégrés dans la société, davantage que les Wendigos par exemple — il y avait des dentistes spécialisés, les glaciers proposaient des sorbets au O positif, les publicités pour les crèmes contre les coups de soleil lunaire fleurissaient un peu partout dans le métro, et Taehyung n'avait eu recours à l'Agence que deux fois, expériences trop courtes pour s'en faire une réelle idée.
"Je peux te servir un thé, un café ? Un jus d'orange, peut-être ? tira de nouveau son aîné de ses pensées.
"Un thé sera parfait, merci.
"Je vais préparer tout cela, répondit Hoseok avec un sourire. Installe-toi dans le salon, je t'en prie, mets-toi à l'aise.
Taehyung lui rendit un rictus semblable, et s'avança dans l'appartement, les yeux virevoltants entre les moindres détails. Les deux dernières fois, il avait rencontré les vampires dans un café, mais Hwasa, sa coordinatrice attitrée, lui avait assuré que Jung était quelqu'un de confiance qui était bien vu dans la communauté des créatures nocturnes, si ce n'était une figure importante à mi-chemin entre le noble et le politisé.
La cuisine, l'entrée et le salon n'étaient qu'un vaste espace, séparé subtilement par des meubles finement placés, tout en marbre, en tableaux conceptualistes et en sculptures dorées qui devaient coûter des millions, accumulées certainement au cours des siècles — le vase inspiration Ming dans l'entrée n'était certainement pas sorti d'un magasin de décoration. Au fond du couloir, devait se trouver la chambre, et le jeune homme ne put que réprimer un frisson, d'excitation, cette fois-ci, à la vue de la porte sombre. Sur la table basse en bois flottant, se trouvaient quelques bougies allumées, l'odeur de musc et d'encens entêtante, le déridant et le relaxant davantage.
"Jeongguk est parti chez un ami, expliqua l'homme à la chevelure de feu en apportant les boissons sur un plateau. J'ai pensé qu'il était plus judicieux, et agréable pour toi, qu'on discute tous les deux afin de poser les bases et les limites au lieu de se lancer tête la première dans le festin.
Il eut une grimace en tendant la soucoupe vers son invité.
"Pardon, c'est de l'humour de vampires. C'est la première fois que je fais appel à ton Agence à titre personnel, je ne suis pas encore très habitué. Disons plutôt... service ? prestation ?
L'air horriblement gêné de son hôte eut le mérite de tirer un sourire sur les lèvres de Taehyung. Peut-être qu'il ne voyait que le bon chez les gens et que cela le mènerait un jour à sa perte, comme le martelait Seokjin, mais il y avait quelque chose de réconfortant chez Hoseok. La douceur dans son regard, la chaleur dans son sourire. Cela restait un prédateur, il ne fallait pas l'oublier, tout en haut de la chaîne alimentaire, mais cela faisait déjà des années qu'il n'y avait plus eu de meurtres d'humains des crocs de telles créatures, et le brun était prêt à lui donner le bénéfice du doute.
"Sans problème, rejeta le jeune homme d'un geste de la main avec un petit rictus. Je ne suis pas non plus un pro dans la matière.
Hoseok eut l'air soulagé, et s'installant face à lui sur le canapé, apporta sa tasse de café à ses lèvres.
Ses lèvres rougies de sang ou rougies par le désir, pensa-t-il dans un éclair.
"Bien, Taehyung. Est-ce que tu veux bien me parler un peu de toi, de ce que tu fais dans la vie ? De tes attentes pour ce contrat ? Etant donné que Jeongguk et moi avons prévu de t'engager pour une durée relativement longue, autant bien s'entendre ! Cela nous peinerait de savoir que tu ne te sentes pas à l'aise avec nous...
Le jeune homme se racla la gorge et se redressa légèrement. Une part de lui était touchée qu'Hoseok cherche à nouer un lien entre eux : il n'avait travaillé avec l'Agence qu'une poignée de fois, mais ses précédents clients le traitaient comme une vulgaire poche de sang, de quoi rassasier une nuit sans étoiles, allant éventuellement jusqu'à lui donner un biscuit pour qu'il reprenne des forces et échanger quelques banalités mondaines sur la pluie et le beau temps avant de le congédier. Les deux fois, il s'était senti sale et usé au son de la porte claquant derrière lui, mais les virements sur son compte bancaire l'avaient poussé à prendre un client sur le plus long terme.
"Ma vie n'est pas très trépidante, sourit-il, gêné, baissant les yeux vers son thé chaud. Je suis en dernière année de journalisme, je joue du violon de temps en temps pour les orphelins du centre, et j'habite avec mon colocataire Seokjin. C'est pour ça que je me suis inscrit auprès de l'Agence, pour justement payer mes études et mon appartement.
"Et quelles sont tes attentes pour notre relation ?
"Je dois dire que mes précédents clients n'ont pas été des expériences dont je garde un merveilleux souvenir, dit-il avec une petite grimace et un froncement de sourcil. Je ne sais pas si c'est trop demandé, mais après la... "prestation", comme vous l'appelez, je suis souvent plus très...
"Plus très connecté ? proposa Hoseok d'une voix étonnamment douce.
Taehyung hocha simplement de la tête en prenant une gorgée de son infusion, essayant de calmer ses nerfs. Ce n'était qu'une conversation amicale, l'homme en face de lui, malgré les têtes de mort tatouées sur ses phalanges et les lueurs safran qu'il devinait dans ses prunelles, ne voulait que son bien.
"C'est tout à fait normal, on perd beaucoup de sang dans de telles situations. Comme je te l'ai dit, nous voulons que cela soit le plus agréable tant pour nous que pour toi, et j'ai vu suffisamment de confrères être odieux avec les humains pour comprendre parfaitement le genre d'expérience dont tu veux parler. Nous avons justement une chambre d'amis où tu pourras te reposer, te doucher, et avons même prévu quelques vêtements de rechange au cas où — Jeongguk est encore un peu... brouillon, quand il boit. Et puis... j'ai la prétention de croire que je ne me débrouille pas trop mal aux fourneaux, donc cela serait avec plaisir si tu souhaites partager le dîner avec nous par la suite !
Et le cœur du brun ne put que se serrer à l'entente de ces mots. Ce n'était que de la politesse, de la courtoisie, mais beaucoup n'en auraient jamais fait autant pour lui. Il n'avait pas les talents de médiums de sa marraine banshee, mais il pressentait d'ores et déjà que la relation entre eux allait bien se passer.
Il avala tant bien que mal la boule qui se formait dans sa gorge, refusant de se montrer vulnérable devant le rouquin alors que c'était à peine leur premier rendez-vous, pour demander à la place :
"Et... Et Jeongguk ? Est-ce que vous pouvez me parler un peu de lui ? Je n'ai pas vu grand chose sur lui dans le dossier.
"Bien sûr, sourit de nouveau Hoseok.
Dieu, cela ne faisait pas plus d'une demi-heure qu'il avait fait sa connaissance, et Taehyung en était déjà amoureux.
"Comme tu l'as compris, nous t'avons engagé surtout pour lui plutôt que pour moi. Jeongguk est encore un tout jeune vampire, je l'ai transformé il y a un peu plus d'un an. Au début, il se nourrissait sur moi, le temps qu'il contrôle ses émotions et sa soif, mais il commence à bien gérer toutes ces nouvelles sensations. Et le risque de se nourrir trop longtemps du sang de son sire peut provoquer une addiction qu'il vaut mieux éviter, alors nous avons décidé de commencer la transition en douceur, en faisant appel à l'Agence. Un peu comme... un peu comme on passe du lait de sa mère au lait en poudre, si cela fait du sens ?
Le violoniste ne put empêcher un petit rire de surprise.
"Il a déjà bu du sang humain sur des poches, il connaît le goût, alors il ne serra pas inarrêtable au moment venu, poursuivit-il d'un ton rassurant. Dans tous les cas, je serais toujours présent dans la chambre, à chaque instant, pour m'assurer qu'il ne va pas trop loin et qu'il ne te blesse pas. Il faudra convenir d'un nom de code, afin que tu puisses m'alerter à tout moment si tu ressens un certain inconfort, ou si cela est trop douloureux.
"Cela me convient très bien, souffla l'humain.
"Parfait. Voyons ensemble quelques limites, si cela ne te dérange pas ? Il faut que tu sois à l'aise avec tout ce que nous faisons.
D'un geste éclair, il sortit son téléphone de sa poche, et l'écran illumina ses traits. Il était beau, c'était indéniable, et Taehyung s'autorisa cet instant qu'il eut à détourner le regard pour laisser ses propres prunelles observer le détail de son nez, de ses lèvres, de ses longs cils qui encadraient de la plus merveilleuse des façons ses orbes hypnotisantes.
"Ah, voilà, j'ai retrouvé ma liste, s'excusa-t-il. 2000 ans d'évolution, et j'ai toujours du mal à suivre la technologie ! Bien, alors... Est-ce que cela te dérange d'enlever ton haut ? Comme je l'ai dit, Jeongguk est encore un peu brouillon quand il boit, et cela m'embêterait de tâcher tes vêtements.
"Pas du tout. C'est plutôt pour vos draps que je m'inquiète, tenta-t-il de plaisanter.
Le bel éphèbe en face de lui lui rendit son sourire.
"Ne t'en fais pas, on a prévu une serviette et plein d'autres mouchoirs. C'est... En réalité, c'est Jeongguk qui a pensé à tout cela. Il était encore humain il n'y a pas longtemps, alors il est aisé de comprendre que c'est une étape assez importante pour lui, et qu'il n'a pas envie de tout faire foirer.
Hoseok ne laissa pas le temps au brun de répondre, ni même de laisser ses paroles faire écho dans son esprit et d'en comprendre toute la teneur, puisque déjà, son pouce glissait sur son écran pour afficher une autre question :
"L'Agence préconise une rencontre une fois toutes les 2 à 3 semaines, le temps que tu reprennes des forces. Est-ce que tu es d'accord sur ce point ? Est-ce que tu souhaites plus, ou moins ?
Taehyung hocha la tête. Il ne pouvait répondre cela de par son expérience, puisque les deux seuls clients qu'il avait rencontrés n'avaient bu sur lui qu'une fois chacun — mais Eun-jung était habitué à ce genre de contrat, de la même façon qu'elle faisait du babysitting quand elle était au lycée, alors elle lui avait déjà parlé en long, en large et en travers de tous les détails de telles "transactions".
"Et dernière question...
L'immortel en face de lui soupira avant de se passer une main dans les cheveux, comme s'il était nerveux. Et c'était une vision étrange, rare même, car de telles créatures étaient habituellement confiants, sûr d'eux, à tel point que cela se transperçait dans leur auras pour ne devenir qu'un halo au-dessus de leurs têtes, dans leurs prunelles sombres, étincelant dans le reflet de leurs dents aiguisées. Et l'étudiant en face de lui avait d'ores et déjà une idée de l'interrogation qui pendait sur le bout de sa langue.
"Jeongguk est encore jeune. Et le sang humain a tendance à faire office... disons-le simplement... d'aphrodisiaque pour les nouveau-nés. Il risque d'être...
"Entreprenant ?
"...Oui.
Taehyung n'était pas dupe. Il savait que beaucoup de gens se servaient de l'Agence pour application de rencontre, utilisant les contacts fournis par leur coordinateur à la fois pour se faire de l'argent, et qui sait, trouver son âme-soeur... ou du moins, un coup d'un soir qui saurait leur tirer quelques orgasmes. Les vampires intriguaient, ce serait un mensonge que de dire le contraire — leurs auras mystérieuses, les siècles de mensonges scandaleux et de stéréotypes tirés de folklores, leur intégration récente et leurs silhouettes érotiques. Et en retour, les hommes aux yeux rouges savaient utiliser à bon escient les services proposés pour trouver là encore une distraction nocturne, un peu de sang et un peu de baise, manipulant la fascination que les jeunes humains avaient envers eux à leur avantage. C'était du donnant-donnant.
L'étudiant avait déjà renvoyé un dossier à Hwasa, le regard du potentiel client qu'il avait rencontré dans un café lourd de concupiscence et de promesses non désirées. Il sentait néanmoins que cela pouvait être différent, avec eux.
"Je sais où vous voulez en venir, Mon—
"Je t'en prie, tu peux me tutoyer et m'appeler par mon prénom. "Monsieur", répéta-t-il en retroussant son nez avec un petit rire. Je suis déjà assez vieux pour que tu en rajoutes une couche, et Gguk va littéralement boire de ta jugulaire sur mon lit, alors je pense qu'on peut abandonner toutes formalités.
"Très bien alors... Hoseok, dit lentement son interlocuteur, comme pour tester son nom dans sa bouche. Je crois comprendre le sens de votre question. De savoir si je suis prêt à peut-être aller plus loin ?
La réelle question en revanche était de savoir si la goule était réellement prête de voir son petit-ami, l'homme qu'il avait changé en créature de la nuit, entreprendre des actes lascifs avec quelqu'un d'autre que lui, en particulier s'il était dans la même pièce. Il savait que les liens entre un sire et un nouveau-né étaient profondes, puissantes, plus fortes que le mariage même, mais la situation pouvait néanmoins susciter quelques points d'interrogation.
"Exactement, je—
Il fut coupé par le bruit des clés se tournant dans la serrure.
"En parlant du loup, lui lança-t-il un clin d'œil en se levant de son fauteuil.
Taehyung ne le suivit pas immédiatement, restant assis un instant le temps de réaliser qu'il allait rencontrer un deuxième dans le genre — à l'image du rouquin, si celui-ci était son sire, tout aussi magnifique, énigmatique, ésotérique et avec un sourire à le faire tomber par terre. Si Hoseok était d'ores et déjà sublimissime, comment était donc Jeongguk ?
Il entendit quelques paroles échangées dans l'entrée, un rire ou deux, sûrement l'aîné prévenant son protégé de la présence de l'humain et de contrôler ses pulsions encore animales. Mais le jeune homme n'avait pas l'ouïe développée des maîtres de la nuit, et ce fut en essuyant ses mains moites contre son pantalon qu'il se redressa à l'entente des bruits de pas qui se rapprochaient.
"Jeongguk, présenta l'aîné, voici Taehyung.
Ses yeux.
C'étaient eux qu'il remarqua d'abord, de la même façon qu'il avait remarqué l'aura si profonde d'Hoseok en premier. Des yeux si... c'était un océan d'émotions, de sensations, et le brun avait l'impression de se perdre dedans, de plonger tête la première vers ces vagues d'étincelles, et de ne jamais vouloir remonter à la surface pour respirer l'air, préférant perdre le souffle dans cette galaxie sibylline. C'était des orbes si humaines, si vivantes, bien loin que celles froides et sans couleur qu'il avait croisé bon nombre de fois, et pourtant la main serrée dans la sienne était beaucoup trop froide, comme le marbre poli et spectral — et Taehyung retint tout juste un frisson.
"Ravi de te rencontrer, dit simplement Jeongguk face au mutisme du violoniste.
Et peut-être imaginait-il un sourire en coin s'étirant sur ses lippes, mais en réalité, comment le brun aurait-il pu le blâmer ? Deux magnifiques êtres se tenaient devant lui, et le jeune homme pensait être fort, mais il y avait des batailles qu'il savait ne pouvoir remporter — celle de lutter contre une telle beauté, suprême et abstrus, en faisant partie.
"De même, réussit-il à articuler, sortant difficilement de sa torpeur.
La conversation continua un temps, quelques banalités sur les échanges futurs, laissant en suspens la dernière question de l'aîné ; mais rapidement, il dut quitter l'appartement confortable du couple, ayant promis de rejoindre Seokjin à la bibliothèque.
Lorsqu'il reçut le message d'Hoseok, une fois dans la rue, confirmant leur premier rendez-vous auquel ils venaient de convenir, il ne put s'empêcher de penser qu'il avait hâte de commencer son contrat. Serait-ce une pointe d'excitation qu'il sentait vibrer dans ses veines, alors que les portes du métro se refermaient derrière lui, d'ores et déjà impatient que ces 10 jours le séparant de leur nouvelle rencontre passent à la vitesse de la lumière ?
L'avenir nous le dira, pensa-t-il. Mais, au fond de lui, il connaissait pertinemment la réponse.
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Les 10 jours passèrent effectivement à la vitesse de la lumière. Les matins se transformèrent en nuits, et l'excitation dont faisait preuve Taehyung en sortant du loft du couple se transforma en une forme d'appréhension nerveuse. Ce qui était ridicule, en réalité : des vampires avaient déjà bu sur lui, il connaissait les mécaniques générales de ce genre de contrat, et Hoseok lui avait prouvé à maintes reprises qu'il serait entre de bonnes mains, avec eux — lui envoyant quelques messages accompagnés d'une série d'émojis la veille du jour J, et l'entrain de son aîné était presque attendrissant.
Ce fut avec la même impatience anxieuse qu'il sonna à la porte de l'appartement de ce quartier huppé — mais, à la place de l'homme à la crinière de feu comme la première fois qu'il était venu, ce fut Jeongguk qui lui ouvrit.
Et son souffle se coupa de nouveau.
Il était resplendissant. Peut-être encore plus que la dernière fois qu'il l'avait vu — et comment cela était-il ne serait-ce que possible ? —, vêtu de ce pantalon noir simple et de ce sweat à capuche qui faisait ressortir ses yeux, les mèches corbeaux retombant devant ses prunelles et devinant les tatouages qui caressaient son épiderme. Le sourire que le noiraud lui offrit en retour eut le mérite de faire battre un peu plus rapidement son cœur.
"Taehyung ! s'exclama-t-il, de ce nom qui semblait retenir mille autres significations.
Le violoniste répondit par un sourire quelque peu timide, avant de passer le pas de la porte. Il y avait ce vieux mythe qui l'avait toujours fait rire, comme quoi les vampires ne pouvaient rentrer dans une maison sans l'autorisation de leur hôte ; qu'en était-il lorsque les rôles étaient inversés ?
A peine la porte fermée derrière lui, qu'Hoseok se matérialisa aux côtés du plus jeune — et Taehyung était persuadé qu'il n'était pas là ne serait-ce qu'une seconde plus tôt.
"Tu tombes vraiment à pic, dit le rouquin en offrant de prendre sa veste et son sac pour les accrocher dans l'entrée. Le ventre de Gguk était en train de gargouiller au moment où tu as passé le pas de l'immeuble.
"Hyung, grogna d'embarrassement l'autre immortel.
L'humain cligna des yeux, perplexe, avant de se souvenir presque douloureusement et stupidement que les créatures devant lui avaient des sens beaucoup plus accrus que les autres communs des mortels, pouvant jusqu'à entendre les battements de son cœur. Le sire offrit un sourire en coin en réponse à son protégé, glissant une main le long de sa taille, si discret que Taehyung aurait pu presque le manquer, trop obnubilé par la vision à damner un saint que présentaient les deux êtres devant lui.
Et, perdu dans sa contemplation, il n'entendit presque pas Hoseok lui demander s'il était prêt à se rendre dans la chambre à coucher, laissant l'enfant de la Lune lui renvoyer un regard inquiet.
"Est-ce que ça va ? Tu es nerveux ? Tu veux revenir sur des termes du contrat ?
Le bel éphèbe se souvenait de l'appel qu'ils avaient échangé, quelques jours auparavant — l'aîné se rappelant cruellement que la dernière question de leur entretien, la question la plus importante en réalité, était restée en suspens, sans réponse. Alors, se mordant la lèvre inférieure, l'étudiant avait confirmé, en présence des deux êtres superbes : Jeongguk pouvait être plus entreprenant lorsqu'il lapait le sang du brun, du moment qu'Hoseok était là avec eux dans la pièce, et du moment qu'il y avait toujours leur mot de code qui lui offrirait une porte de sortie en cas de besoin.
"Non, répondit Taehyung en secouant la tête et avec un sourire qui se voulait rassurant. Juste pensif.
Il s'efforça de continuer à avancer lorsqu'il sentit la main chaude et tatouée de Jeongguk dans son dos, le touchant à peine, l'incitant gentiment à suivre son maître le long du grand couloir obscur.
Une porte, et puis la suite ; le jeune homme ne savait pas réellement à quoi il s'attendait, à quoi une chambre de vampire ressemblait, mais le lit avait l'air confortable, la décoration était sophistiquée, les grandes fenêtres laissaient les lumières de la ville danser sur les murs, et le parfum de l'encens et des bougies les suivaient jusque dans les confins de l'inimité.
Il avait l'impression de rester figé un instant sur place, sortant de sa torpeur lorsqu'il vit du coin de l'œil Jeongguk s'asseoir sur la couche.
"Tu veux retirer ton T-shirt ? demanda doucement Hoseok, comme pour ne pas le brusquer.
Il s'exécuta dans un hochement de tête, pestant silencieusement en jetant un coup d'œil à son haut blanc — excellent choix vestimentaire, Tae, vraiment très approprié. Il essaya d'ignorer les regards lourds des deux vampires sur son corps, admirant les vallées de son torse avec un appétit non dissimulé, pour grimper sur le lit aux côtés du nouveau-né.
"Tu te souviens de notre safeword ? questionna de nouveau le plus vieux, sans que l'étudiant ne sache réellement qui était le destinataire de l'interrogation.
"Champagne, murmura-t-il tout de même.
Le sire lui sourit, un de ces sourires qui le faisaient presque frissonner, et ce fut suffisant pour que le violoniste s'allonge le long des draps, remerciant par avance la serviette de bain sous lui et le confort des oreillers contre son dos.
Et... Et Jeongguk retira à son tour son pull, et Taehyung dut se mordre l'intérieur de la joue pour s'empêcher de regarder trop longtemps, d'admirer encore et encore l'encre s'enroulant autour de son bras comme du lierre sauvage, ses grains de beauté si proche de ses bourgeons de chair et la finesse de la sculpture de son ventre. Par tous les saints, avait-il sauvé une nation entière dans ses précédentes vies pour mériter un tel présent ?
Du coin de l'œil, il avait l'impression de deviner le rictus en coin d'Hoseok, la façon dont il savait presque les pensées qui spiralaient dans l'esprit de l'humain, mais ce dernier n'eut le temps de s'intéresser aux autres dons télékinétiques et télépathiques qu'on attribuait parfois à ses hôtes — car Jeongguk se rapprochait de lui sur le lit, les épaules roulant contre les félins dans les grandes herbes avant de se jeter sur leurs proies, le regard lourd de mille et une promesses lascives.
Taehyung était la proie. A la merci des deux vampires. Ils pourraient faire ce qu'ils voulaient de lui, pouvaient le vider de son sang et jeter sa carcasse dans un terrain vague, pourraient le tuer rien qu'en brisant sa nuque. Mais le frisson qui parcourut son échine n'était pas emprunt de peur, bien au contraire.
Sans même sourciller, Jeongguk grimpa sur les cuisses du brun pour s'installer confortablement, sentant la fraîcheur émanant de la peau de la créature même au travers du denim, les bras de part et d'autre de lui.
"Je vais mordre assez bas, pour que tu puisses le couvrir facilement, dit-il bassement.
La proposition était sincère et franche, jurant face aux yeux lourds de stupre fixés sur ses clavicule. Le jeune immortel s'approcha, lentement, comme pour ne pas effrayer le gibier tremblant qu'était devenu Taehyung, laissant son nez caresser doucement la douceur de son épiderme pour respirer son parfum à plein poumons dans un grognement à peine contenu.
"Hyung, gémit-il en direction d'Hoseok. Il sent si bon...
Taehyung manqua de frémir de nouveau à l'entente de ce compliment, un du genre qu'il ne pensait jamais recevoir, avant que le ricanement bas de l'aîné ne surgisse à côté de lui — quand est-ce que le vampire avait tiré une chaise pour se rapprocher d'eux ? —, le visage à moitié camouflé dans la pénombre et les orbes brillants d'une étincelle sombre.
"J'ai pris un donneur AB -, le sang le plus rare, rien que pour toi precious. Tu vas te régaler.
Taehyung aurait voulu dire quelque chose, aurait voulu réfléchir plus longuement à ce surnom qui venait de quitter les lippes du basané, aurait voulu réfléchir au fait qu'il n'était que le festin d'un vampire assoiffé ; mais Jeongguk laissa ses lèvres murmurer contre le creux de son cou un "Je vais y aller, d'accord ?", et le jeune homme ne put qu'hocher la tête d'impatience et —
Oh.
La douleur, d'abord. Les dents s'enfonçant dans sa chair comme deux lames aiguisées, dans un flash de géhenne blanche et muette, avant que le poison ne pulse dans ses veines — et tout ce qu'il ressentit, c'était le plaisir, le plaisir brut et magmatique qui coulait le long de ses doigts dans une coulée de lave paresseuse, le corps si lourd et si léger à la fois, le laissant avec l'impression de flotter dans le ciel. Ses oreilles bourdonnaient, et c'était tout juste s'il entendit le gémissement bas du noiraud.
Lapant le liquide carmin, encore et encore, comme un alcoolique qui prenait son dernier verre, un oasis au milieu du désert, laissant son instinct de chasseur prendre le dessus. Ses doigts glissèrent le long de la mâchoire de l'humain pour tourner sa tête davantage, délicatement — comme si malgré tout Taehyung n'était qu'une poupée de porcelaine —, avant de se remettre à boire à la source de ce puits de jouvence, encore, encore, encore.
Ce fut tout juste si le jeune homme entendait ses grognements bas et s'il sentait la façon dont ses hanches se mouvaient timidement contre les siennes, perdu dans ce brouillard chaud et réconfortant, les paupières papillonnant bien malgré lui pour vagabonder dans des contrées reculées.
"Gguk...
La voix d'Hoseok était lointaine, si lointaine, que Taehyung crut que ce n'était qu'un rêve, soupirant lorsqu'il sentit les mains de Jeongguk se raffermir autour de lui d'un geste presque possessif, comme s'il ne voulait pas que la gazelle qu'il était ne file entre ses griffes.
"Gguk, répéta plus fermement son sire.
Et soudain, la bouche de Jeongguk quitta sa peau dans un claquement de lèvres.
"Je crois que tu en as eu assez pour aujourd'hui, dit-il doucement.
A présent que les dents du vampire n'étaient plus fermement ancrées dans ses clavicules, la bruine basse qui rendait son esprit brumeux et vaporeux se dissipa lentement, comme le vent qui chasse les nuages dans le zéphyr.
Hoseok avait ses doigts glissés dans la tignasse corbeau du plus jeune, la main ferme mais affectueuse, et Jeongguk... Dieu, Jeongguk. Ses pupilles étaient dilatées de plaisir, d'un noir sombre comme il en avait rarement vu, pantelant, la bouche obscène maculée de vermeil alors qu'il laissait sa langue attraper quelques dernières gouttes de carmin sur ses lèvres — et surtout, surtout, son érection douloureuse que Taehyung pouvait sentir contre sa hanche.
"Messy, murmura l'aîné avec un air qui aurait pu être désapprobateur si ce n'était pour l'étincelle de malice et d'appétit qui brillait au fond de ses orbes —
— avant d'approcher la tête de son cadet pour écraser ses lippes contre les siennes avec force, dévorant sa bouche et suçotant les derniers restes d'hémoglobines qu'il restait. Comme si Hoseok gouttait à l'élixir de Taehyung par interposé, et l'humain dut agripper les draps sous lui de ses poings pour ne pas chercher le contact des hanches de Jeongguk, tant la vision était peinte de luxure.
Il savait que les vampires n'étaient pas religieux mais... Par tous les saints.
Son contrat avec les deux êtres de la nuit promettait d'être intéressant.
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Les jours passèrent. Les rencontres dans l'appartement d'Hoseok et Jeongguk également. Le sang continua de tâcher les lèvres du plus jeune dans un rictus foudroyant, et Taehyung tomba dans cette routine si agréable, aussi facilement qu'il était de tomber amoureux.
C'était toujours le même ballet, ancré à présent dans sa mémoire musculaire qu'il ne suffisait que d'un regard pour que les deux vampires et lui se comprennent : sonner à la porte, saluer ses aînés, enlever son T-Shirt, s'allonger sur le lit douillet, et se laisser bercer par le souffle de Jeongguk contre sa peau et les mots tendres d'Hoseok dans son oreille. Et, une fois que le noiraud était repus, la faim éloignée pour un temps, et que le jeune homme redescendait lentement de cet ascenseur tourbillonnant et entêtant, ils discutaient, parfois plus longtemps que le contrat le précisait, et Taehyung... Taehyung était bien. En paix. Confortable, entre eux deux. Comme s'il était la pièce manquante d'un puzzle qui évoluait sous ses yeux — leurs sourires en coin, leurs regards pétillants et les baisers volés quand il pensait que l'humain ne pouvait les voir ou les entendre.
Parfois, quand les gargouillements de son ventre étaient trop sonores, ils s'installaient dans les canapés moelleux du salon, l'assiette du délicieux repas qu'Hoseok venait de leur préparer en équilibre sur les genoux.
Parfois, quand les grelottements en hiver étaient trop violents, Jeongguk lui prêtait un de ses sweats qui sentait si bon l'encens et le musc, dédaignant avec un rictus qu'il ne craignait pas le froid dans tous les cas.
Parfois, quand Seokjin lui indiquait qu'il ne rentrerait pas seul ce soir-là, les créatures le laissaient rester un peu plus longtemps, savourant un verre de vin ou disputant une partie sur la console du salon, les rires euphoriques ricochant entre les murs de l'appartement.
Ce fut la cinquième fois où Taehyung sonna à la porte qu'il s'endormit dans le lit des maîtres de céans. Il avait appris avec le temps que si son sang avait l'effet d'un aphrodisiaque sur le jeune vampire, son poison était comparable à cet orgasme délicieux qui appelle Morphée pour qu'il nous cueille dans ses bras — et nombre de fois s'endormait-il au creux des draps moelleux, satisfait, se réveillant dans la chambre d'ami, au son, parfois, des soupirs et des râles bas de Jeongguk dans la salle de bain, suppliant son Hyung d'aller plus vite et plus fort. Il venait peut-être de perdre du sang, mais ses joues se coloraient toujours de cette teinte rosée à l'entente des escapades des deux immortels à seulement une porte de là.
Mais lors de leur cinquième rendez-vous, lorsqu'il ouvrit un œil après s'être abandonné au sommeil, quelle ne fut pas sa stupéfaction de découvrir qu'il était toujours dans la grande suite des hôtes de maison... et Jeongguk profondément endormi contre lui, son nez enfoui dans son cou et un bras possessif recouvert de tatouages intrigants emprisonnant sa taille.
Et puis vint la forme d'addiction.
Taehyung savait que nombre d'humains qui travaillaient pour l'Agence faisaient ça pour l'argent, mais une autre partie, de plus en plus majoritaire, faisait également cela pour l'excitation. Le frisson. L'adrénaline. Il s'était toujours dit qu'il n'était pas comme eux. Mais le poison qui recouvrait les canines de Jeongguk devint petit à petit sa drogue. Souriant de bien-être lorsqu'il sentit la bouche contre son cou. Laissant ses doigts se promener contre la morsure encore endolorie quand il était sous la douche, en cours, dans les transports, ou quand sa main se glissait sous son bas de pyjama au creux de la nuit. Pensant à la prochaine fois, comptant les jours avant de les revoir, leurs yeux pétillants le poursuivant jusqu'à ses songes.
Imaginait aussi la façon dont Hoseok se pencherait au-dessus de lui pour boire de son cou, de ses poignets, de ses cuisses — car seul Jeongguk avait goûté à son précieux nectar à la source, l'aîné se contentant de laper les quelques perles empourprées sur la bouche de son protégé, les orbes ourlées de désir comme se retenant de se jeter sur la proie que représentait l'humain. Il ignorait que son sang était aussi succulent, mais la façon de les voir ainsi, buvant jusqu'à la dernière goutte, le laissait pantelant. Imaginait la façon dont il prendrait son temps, plus calme, plus mature, dégustant son cruor avec sagesse, comme on savoure un restaurant 5 étoiles, un bourbon de 12 ans d'âge ou un fin cigare, et que l'on fait durer le plaisir.
Et Taehyung tomba dans cette routine, aussi facilement qu'il était de tomber amoureux.
Peu importe si l'ange qu'il était devait se brûler les ailes sous le regard des deux créatures démoniaques.
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Il pouvait sentir la musique vibrer dans sa cage thoracique. L'alcool bourdonner le long de sa peau. Les protecteurs illuminer son profil, éclats d'étoiles ou flashs de paparazzi d'une nuit. La chaleur des corps pressés autour de lui, désinhibés, lui donnait l'impression de flotter et pourtant d'être si présent, si vivant, là, au milieu de cette boîte de nuit huppée. Sa veste rouge lui tenait chaud, peut être un peu trop, mais il savait qu'il était absolument divin dedans, et Seokjin lui avait prêté un de ses lourds colliers brillant sur ses clavicules de la plus délicieuse des façons.
En parlant de son colocataire, il ignorait où il était — peut-être au bar en train de descendre son énième shot de tequila, ou à genoux dans les toilettes miteuses, pour gémir de plaisir ou d'inconfort face à la bile âcre, il ne saurait réellement dire. Il lui aurait envoyé un message s'il lui arrivait quelque chose, son téléphone glissé dans la poche arrière de son pantalon en cuir, mais pour l'heure, Taehyung n'avait cure de tout cela. Tout ce qui voulait, c'était danser, rejeter la tête en arrière au son des platines, fermer les yeux et savourer l'instant.
Oublier, aussi.
Quand son hyung lui avait proposé de sortir au Jack in the box, ce soir-là, l'étudiant avait immédiatement sauté sur l'occasion. Seokjin avait besoin de décompresser au sujet de ses examens qui approchaient à grands pas, et Taehyung... Taehyung avait besoin d'oublier.
Oublier ces regards sombres qui le faisaient frissonner. Oublier cette bouche ourlée d'un rictus satisfait, le plus souvent gorgée de son propre sang. Oublier la sensation si tremblante de cette peau froide comme le verre, comme le marbre, contre la sienne, si chaude et volcanique. Oublier les mains d'Hoseok dans ses cheveux quand il redescendait de son apex. Oublier les mouvements désespérés des hanches de Jeongguk contre les siennes quand il restait pantelant contre son cou, respirant à pleins poumons son parfum si particulier — et si humain. Oublier tout cela, lui qui était devenu dépendant de leurs souffles et de leurs sourires.
Oublier les deux créatures, tout simplement.
Car il n'était pas dupe : s'il était facile de les apprécier, peut-être même de les aimer, il devait garder à l'esprit qu'il n'était qu'un prestataire. Que les deux immortels le payaient pour qu'il s'allonge dans leur couche. Hoseok l'avait sélectionné pour son sang — si rare et si délectable, comme aimait le gémir le noiraud quand il en avait fini avec lui —, pas pour l'homme qu'il était. Sûrement que Seokjin, sa mère, Namjoon, et toute personne censée qui tenait ne serait-ce qu'un peu à lui, seraient horrifiés des mots qu'il employait pour se décrire lui même. Mais Taehyung avait besoin de cela, avait besoin de se dire qu'il n'était qu'une convenance, qu'il n'était qu'une banque de sang, qu'un produit de consommation qu'ils jetteraient une fois que Jeongguk aurait contrôlé ses pulsions et qu'il pourrait boire d'un autre humain sans la présence de son aîné à ses côtés pour le contrôler quand la gourmandise était trop forte. Il avait besoin de se dire qu'il était remplaçable, que la seule raison qui les réunissait était un contrat, parce qu'il avait besoin de protéger son cœur. La chute, une fois qu'ils rompraient leur transaction, sera moins dure et fatale.
Hoseok était le sire de Jeongguk, et Jeongguk était le protégé d'Hoseok. Il n'était certes pas un expert en culture vampirique, mais boire le sang d'une autre créature — c'était un acte si intime, si profond, si complet et émotionnel, que même deux amants ne s'adonnaient pas à cela. C'était le fait d'être vulnérable pour l'autre, d'offrir sa nuque avec un petit rictus encourageant, d'avoir confiance en l'autre car, à cet instant, le chasseur était chassé. C'était une façon de laisser sa marque, indéfiniment, indélébile dans sa fragrance, s'installant jusqu'au plus bas de sa poitrine, de la même façon que les humains glissaient une bague à l'annuaire gauche de leur amour de leur vie.
Et le violoniste ne pouvait concurrencer cela. Jeongguk pouvait chercher le fantôme d'un orgasme contre son ventre, sentant son membre pulser malgré les couches de vêtements qui les séparaient, mais à la fin de la journée, quand l'étudiant fermait la porte de leur appartement derrière lui, c'était Hoseok qui le tenait dans ses bras. C'était Hoseok qui embrassait son cou, ses lippes et ses cheveux, en lui murmurant qu'il était fier de lui. C'était Hoseok qui le faisait crier de plaisir quand ils pensaient que l'humain dormait encore. C'était Hoseok qui le réveillait de ses caresses légères et de ses rires, la voix rauque du matin et les jambes encore emmêlées dans les draps.
Et les vampires prenaient les "je te jure fidélité pour l'éternité" un peu trop au pied de la lettre.
Avec le temps, Taehyung avait appris que la meilleure façon de panser un cœur meurtri se trouvait au fond d'un verre. En avait fait les frais après son ex, après le départ de Namjoon pour le Canada, après avoir foiré ses épreuves. Sûrement que Seokjin avait vu la façon dont ses yeux étaient encore bouffis de larmes dans la cuisine au petit déjeuner, mais au moins avait-il la décence de ne pas l'interroger à ce sujet. Sûrement que son stress des examens n'était qu'une excuse, un vil prétexte pour obliger son cadet à sortir de sa bulle et de laisser ses nerfs se vider sur la piste de danse, au moins pour une nuit.
Quel ami en carton, pensa-t-il avec un petit sourire, sans rancune aucune, que de me laisser là à me morfondre de mon célibat pendant qu'il part chasser de la queue.
Les paupières toujours closes, emplies des flashs des néons et les cheveux sûrement décorés de confetti, il finit d'une traite son verre, claquant ses lèvres contre les siennes dans un soupir de contentement. Il avait besoin d'une autre vodka-cranberry.
Alors, ouvrant enfin les yeux, les clignant une, deux fois pour s'habituer aux danses des lumières autour de lui, il repéra le bar non sans mal, déterminé à vider son compte en banque en alcool si cela impliquait de ne plus penser à eux. Dans un balancement de bassin véloce, le jeune homme se dirigea vers le comptoir, avant de trébucher sur ses pas lorsqu'il rentra en collision avec une épaule.
Et avant de se figer en découvrant qui était-ce.
Le premier constat auquel il aboutit fut que la boisson n'avait été en réalité d'aucune utilité pour s'annihiler de leurs souvenirs — la vérité était que Jeongguk, devant lui, avait hanté ses pensées au moment même où il avait passé le pas de la boîte. Les cheveux noirs tombant devant ses prunelles sombres, son bomber souple brodé d'un dragon élégant ouvert sur son torse nu et laissant deviner le détail de ses tatouages, la bouche étirée dans un sourire mutin, il était encore plus beau que dans ses songes.
Il ne semblait pas surpris de le voir ici, ses lippes décorées d'un rictus qui en savait trop.
"Bonsoir, Taehyung.
La voix était grave, l'humain ressentant les vibrations de son écho jusque dans sa poitrine malgré les basses qui continuaient de secouer le club, et, comme hypnotisé par son regard sous les néons rougeâtres, ne put s'empêcher de demander :
"Qu'est-ce que tu fais ici ?
Sa question était stupide, en soit ; que pouvait-on faire d'autre dans une boîte de nuit, mis-à-part son but initial ? Le vampire était littéralement une créature de la nuit, et bien que la société avait mis du temps avant de se défaire des stéréotypes, notamment celui selon lequel les immortels ne sortaient qu'une fois le soleil couché, sûrement qu'ils appréciaient la douceur du crépuscule et les éclats de la lune ronde. Ce genre d'établissement était ouvert à tout être, surnaturel ou non, et certains humains, une fois l'alcool pulsant dans leurs veines, avaient cette fâcheuse tendance d'offrir leur nuque à toute personne possédant des canines acérées. Mais avant que la bulle de jalousie ne vienne éclater dans sa gorge, le noiraud en face de lui lui répondit :
"Je suis au carré VIP avec 'Seok et quelques amis. Tu veux te joindre à nous ?
Il ne fallut qu'une demi-seconde pour qu'il jette tous ses principes par la fenêtre. Il avait suffit d'un seul sourire de Jeongguk pour qu'il oublie la raison principale de sa venue ici — comment diable avait-il pu osé penser pouvoir les oublier ? —, et Seokjin n'était nulle part à portée de main pour l'empêcher de faire une bêtise, alors Taehyung hocha idiotement la tête. Il gérerait les conséquences plus tard.
Il ne s'attendit pas, en revanche, à sentir la grande main décorée d'encre s'enrouler autour de son poignet pour le tirer à sa suite, fendant la foule de son aura oppressante, n'ayant cure des contemplations appréciatrices qui coulaient le long de son profil, et n'ayant cure des joues rougissantes de Taehyung derrière lui en réaction aux regards noirs de jalousie.
Les carrés VIP étaient légèrement en hauteur par rapport à la foule, et Jeongguk n'eut besoin de dire mot face au garde de la sécurité prostré à l'entrée — empêchant quelques filles éméchées de se glisser sous les barrières pour s'asseoir sur les genoux d'un gosse de riche arrogant en échange d'un peu de liqueur, ou inversement. Le carré qu'ils avaient choisi était dans l'angle, à la vue de tous, les flashs colorés illuminant leur prestance opulente, famille mafieuse qui contrôlait un territoire et qui venait se pavaner dans leur empire pour rappeler à tous le prestige qui habillait leur nom. Sûrement que cette comparaison avait quelque chose de vrai, pensa le brun en découvrant les créatures assises sur les fauteuils de cuir rouge, car s'il se souvenait bien, Jung était une figure importante dans la communauté aux yeux rouges, un visage respecté empreint d'une noblesse auguste et illustre.
Et Hoseok... dieu, Hoseok.
Assis dans un des fauteuils, le bras étendu sur le dossier de cet air supérieur qui lui allait si bien, il jouait distraitement avec le liquide ambré qui tournoyait dans le verre dans ses mains, les jambes si délicieusement emprisonnées dans son pantalon en cuir qui ne laissait que peu de place à l'imagination, sa chemise sombre aux motifs cuivrés, écho appréciable à sa crinière de feu, outrageusement ouverte sur son torse de quelques boutons de trop. Mais alors qu'il était en train de passer une main dans sa chevelure incandescente, il remarqua la présence du nouveau venu du coin de l'œil.
"Bonsoir, Taehyung, dit-il d'une voix basse que le jeune homme entendit malgré la musique tambourinant dans ses oreilles, comme un écho des paroles de son protégé quelques minutes plus tôt.
Il n'avait pas l'air surpris non plus — avaient-ils repéré son odeur en entrant ici la première fois, ou usé de quelconque autre super pouvoir qu'ils possédaient ?
L'étudiant sursauta presque en sentant la main lourde et chaude de Jeongguk dans le bas de son dos, l'encourageant à prendre place entre lui et son sire. Il eut la prétention de croire que c'était l'atmosphère lourde du club qui lui donnait chaud, pas la façon dont Hoseok tourna toute son attention vers lui, ni la façon dont son cadet lui servit un verre du magnum de champagne qui trônait au milieu du carré VIP, laissant la pulpe de ses doigts gracier sa main quand il le lui tendit.
"Je ne m'attendais pas à te voir ici, murmura-t-il d'un ton chaud dans son oreille, avant d'apporter son propre bourbon à ses lèvres.
Mais alors que Taehyung allait répliquer — même s'il n'avait aucune idée de ce qu'il pouvait bien dire, l'auréole de pouvoir qui émanait des deux hommes si lourde qu'il ne pouvait que suffoquer et être à leur délicieuse merci —, une voix plus légère s'éleva à leurs côtés :
"Allons Hoseok, tu ne nous présentes pas ?
Trop obnubilé par le couple, il n'avait prêté attention aux deux autres personnages sur le canapé d'en face.
Ce fut la femme qu'il remarqua en premier. Belle, trop belle même, de cette beauté froide, majestueuse et spectrale propre aux vampires, les longs cheveux blancs cascadant sur son haut à paillettes noires, sa bouche pourpre et son teint de lait. Il y avait quelque chose de si fascinant chez elle, mais de plus sombre, de plus dangereux, de plus mortel presque. Car si l'aura des deux vampires de part et d'autre de sa silhouette étaient d'ores et déjà redoutable, malgré toute la douceur qui imprégnait leurs gestes dès qu'ils s'occupaient de lui, la belle de nuit était couronnée d'un nimbe sinistre. Lugubre. Presque carnassière. Elle était la définition même des enfants de la Lune que la société avait pendant si longtemps tenté de combattre, les mères inquiètes avertissant leurs progénitures de ne jamais croiser leur chemin.
Jouant distraitement avec une flûte, au liquide bien trop parme pour être du champagne, son sourire s'étira en quelque chose de mauvais en observant le regard curieux et fasciné de l'humain fixé sur elle.
A côté de l'éternelle, se tenait un homme à la prestance tout aussi patibulaire et caverneuse, le bras allongé sur le dossier du sofa derrière la chère tête blonde, le col roulé noir s'étirant sur son torse ferme, les mèches aussi sombres que celles de la femme étaient blanches. Il avait cette grâce tout aussi magnétique, mais silencieuse, tapi dans l'ombre telle une bête sauvage prête à bondir sur sa proie, presque plus létale encore que le mannequin à ses côtés — et il suffit qu'il ouvre les yeux pour planter ses prunelles directement dans celles de Taehyung, pour que ce-dernier ait l'impression d'être transpercé de part en part.
Il était la brebis au milieu des loups.
"Lisa, Bo-gum, je vous présente Taehyung. Il aide Gguk dans sa transition.
Peut-être rêvait-il, mais il avait l'impression que la voix d'Hoseok était descendue de quelques octaves, le ton comme un avertissement à l'attention des deux créatures en face d'eux de ne pas faire de conneries — et il avait l'impression aussi que Jeongguk s'était rapproché un peu de lui, imperceptiblement.
Une étincelle qui ne plut guère au jeune brun naquit dans les orbes charbons de Lisa.
"Oh ? demanda-t-elle en se penchant doucement en sa direction, au-dessus de la table, comme une féline qui s'étire. L'humain au sang rare ? Ggukie m'a beaucoup parlé de toi. Comme quoi tu serais délicieux.
L'air de la boîte avait beau être si lourd, et pourtant Taehyung ne put s'empêcher de réprimer un frisson, la bouche pâteuse et la poitrine comprimée. Hoseok et Jeongguk ne l'avaient jamais objectivé de cette manière, comme une vulgaire poche de sang ou un pur produit de consommation, quand bien même cherchait-il à s'en convaincre pour protéger son cœur. Mais là... Lisa le regardait avec appétit, les yeux emplis de cette gourmandise salace ; tournant la tête légèrement sur le côté, son sourire s'agrandit de façon effrayante, un sourire avec beaucoup trop de dents pour être amical :
"Je pourrais goûter aussi ?
"Noona, gronda dangereusement Jeongguk à ses côtés, si proche de lui que leurs flans se touchaient presque.
La belle de nuit rejeta la tête en arrière avec un petit rire.
"Allons, Ggukie, on ne t'a jamais appris qu'il fallait partager ? Tu as ce caramel à ta disposition de tout temps, qui offre sa nuque et ouvre ses cuisses à la moindre occasion, et je n'aurais pas le droit de boire un peu aussi ?
"Lisa !
La voix d'Hoseok tonna, si bien que les autres membres des carrés VIP tournèrent la tête en leur direction avec un froncement de sourcil. L'affront de la femme et la promesse obscure qui scintillait le long de ses canines étaient suffisants pour tirer un frisson du jeune homme, mais le ton protecteur du vampire à ses côtés le laissait presque pantelant. Jamais ne l'avait-il vu aussi énervé, la colère léchant ses orbes comme les vagues qui s'échouent sur la digue — il avait toujours été bon et doux avec lui, de ce premier café qu'ils avaient échangé dans leur appartement en négociant les termes du contrat, aux feedings qui le laissaient vaseux. Il y avait quelque chose d'inquiétant, dans la façon dont il se tenait, le dos droit, la tête haute, la mâchoire fermement serrée et les yeux plus sombres que la nuit la plus noire... mais quelque chose de terriblement excitant également, que Taehyung s'empressa de chasser loin de ses pensées.
La jeune femme en face d'eux eut un petit rire, avant de lever lentement les mains, dans ce signe universel qu'on ne veut aucun mal.
"Par Lucifer, 'Seok, pas besoin de t'énerver de la sorte ! Tu as bien changé depuis le siècle sanglant, où tu ne te gênais pas pour planter tes dents dans le moindre cou qui passait sous ton nez, empilant les cadavres derrière toi.
"Lisa, grogna le roux une nouvelle fois d'un ton sans appel.
Mais le mal était fait ; car si les flammes de la tentation avaient léché sa gorge à la vue de la noirceur tentatrice de son aîné, les propos de la nocturne avaient eu l'effet inverse, figeant tout son être dans un seul et même bloc de glace ; les grands yeux bruns fixant, telle une proie sans défense, le profil de Jung.
Qu'il avait pu être stupide. Leur bonté, leur gentillesse et les caresses affectionnées qu'ils laissaient sur son corps dès qu'il venait dans leur antre l'avaient distraits de leur véritable nature. Hoseok était sur cette Terre depuis près de 1300 ans, et qu'il aurait été naïf de croire qu'il avait toujours été un saint. Les vampires étaient des tueurs, des mercenaires, tout en haut de la chaîne alimentaire, se nourrissant du sang des hommes et n'ayant cure qu'ils buvaient jusqu'à la moindre goutte, essuyant paresseusement l'hémoglobine qui gouttait sur leur menton pour passer à leur nouvelle victime, l'hypnotisant pour qu'elle soit docile et pour qu'ils puissent ôter toute son essence vitale. Jeongguk était encore jeune, il n'avait à peine qu'un an, alors on pouvait lui attribuer le bénéfice du doute, mais Hoseok ? Qu'avait-il fait pour être une créature aussi respectable au sein de la communauté vampirique ? Qu'avait-il fait, depuis tout ce temps ? Avait-il simplement observé l'Histoire se dénouer devant lui, ou avait-il pris part aux grands massacres d'humains, fort de son nouveau pouvoir et en quête d'encore plus ? Etait-ce pour cela qu'ils avaient engagé Taehyung ? Parce qu'il était trop effrayé que son protégé reproduise les mêmes erreurs ?
Soudain, ce fut comme si l'alcool qu'il avait consommé se retournait contre lui.
"Je ne me sens pas très bien, avoua-t-il à mi-mot, sachant pertinemment que le couple l'entendrait.
"Laisse-moi te raccompagner chez toi, proposa Jeongguk en se levant et en lui offrant sa main pour aider l'humain à se hisser des fauteuils.
"Non, secoua le brun de la tête avec un petit sourire qui n'atteignit pas ses prunelles. Restez ici vous amuser. Je vous vois bientôt. Merci pour le champagne.
Mais alors qu'il fit un premier pas, le noiraud l'interrompit de nouveau :
"Laisse-moi te raccompagner jusqu'à la sortie alors.
Il y avait un ton si suppliant dans sa voix, que le bel éphèbe ne pouvait se résoudre de refuser — et il y avait une part de lui, encore effrayé, qui voulait s'assurer que Bo-gum et Lisa ne le suivent pas jusque dans les rues adjacentes pour tenir leur sombre promesse.
Tandis que Jeongguk le guidait d'une main chaude et rassurante dans son dos, le violoniste ne put s'empêcher de se retourner une dernière fois pour jeter un coup d'œil à Hoseok — et si ce n'était pour le vampire à ses côtés, Taehyung aurait pu flancher. Car ses yeux étaient un tourbillon d'émotions, qu'il n'arrivait réellement à nommer, mais toutes criaient plus forts que les mots et la musique qui secouait la boîte de nuit. Il n'était pas certain de ce qu'ils signifiaient, mais il pouvait au moins y déceler une pointe d'inquiétude.
Comment vouloir les oublier, comment vouloir les éviter, quand ils étaient si protecteurs à son égard ?
---
"Hyung, gémit Jeongguk contre le cou de l'humain, la bouche suçotant avec véhémence et une certaine admiration la peau au goût de miel.
Taehyung avait l'impression qu'il était assoiffé à son tour, la respiration laborieuse alors que le noiraud soupirait au-dessus de lui, ses mains enfouies profondément dans sa tignasse et le long de sa hanche alors qu'il prenait, encore et encore, laissant l'étudiant fermer les yeux de bonheur en laissant son venin faire effet. Il y avait quelque chose de diablement excitant, que de le voir — et de le sentir — se retenir de laisser ses hanches se mouver de façon erratique contre celles du violoniste. C'était si étrange, de voir son aura si composée, si arrogante, ses yeux profonds sûrs d'eux et décidés, s'effriter pour laisser place au plaisir et à la concupiscence qu'apportait son sang.
Cela faisait une semaine depuis... l'incident dans la boîte de nuit. Ce soir-là, Taehyung était rentré à pied, les bras serrés autour de sa veste et la tête baissée vers le trottoir, agrippant fermement son téléphone dans l'éventualité que Seokjin l'appelle pour lui demander depuis combien de temps était-il parti du club. Mais même les étoiles brillant dans le firmament ne furent suffisantes pour distraire ses pensées de ce à quoi il venait d'assister.
Il s'était plongé dans le travail et dans son bénévolat auprès des enfants du centre pour dévier son esprit de toutes ces questions sans réponses, pour oublier qu'il devait les oublier et qu'il n'y arrivait pas. Et puis Hoseok lui avait envoyé un message pour savoir s'ils pouvaient avancer le jour du feeding, et le jeune homme s'était préparé et dirigé vers leur appartement dans un réflexe presque reptilien.
S'il agissait de façon différente qu'habituellement, Hoseok ne fit aucun commentaire lorsqu'il lui ouvrit la porte, et bien vite, comme une valse qu'ils connaissaient par cœur, comme une chorégraphie qui les hantait même dans leurs rêves, ils retombèrent dans cette routine si réconfortante — et Taehyung se laissa bercer par les sourires, les caresses et les louanges chuchotées de Jeongguk contre sa peau.
Ses lippes étaient si, si chaudes contre sa nuque, et ses paupières ne pouvaient que papillonner à la sensation de sa langue qui lapait son vermeil avec force et appétit. Cela faisait longtemps qu'il travaillait avec les goules, et pourtant Taehyung ne s'était toujours pas habitué à cette sensation — l'impression de s'enfoncer dans le plus profond des océans ou de léviter au-dessus des nuages. Comme un orgasme éveillé.
Doucement, tels les nuages qui se mouvent lentement dans le ciel, il sentit le moment où le noiraud en avait eu assez. Hoseok était toujours à leurs côtés lors des séances, s'assurant que le plus jeune ne blesse pas l'humain, mais avec le temps, Taehyung avait également appris à écouter ses limites, à interpréter les picotements dans ses doigts et sa vision qui se troublait et noircissait. Ce n'était jamais soudain, jamais brutal ou violent, mais davantage comme lorsqu'on s'endort petit à petit — une minute de plus, et Jeongguk aurait trop bu, et il se serait endormi plus longtemps.
Alors, délicatement, humant d'une voix basse, l'étudiant glissa sa main dans les mèches couleur cendre de l'homme au-dessus de lui, tirant légèrement sur ses cheveux pour l'inciter à relever la tête.
"Tu en as eu assez pour aujourd'hui, murmura le roux à côté d'eux d'un timbre chaud et réconfortant.
Taehyung ne sut réellement la raison de son frisson — le ton si rauque de son aîné, vibrant jusque dans ses os, ou la façon dont les lippes de Jeongguk se détachèrent de son cou dans un claquement de bouche caractéristique, son souffle chaud embrassant sa peau meurtrie. L'enfant de la Lune se redressa légèrement, laissant l'humain contrôler ses mouvements d'une simple caresse de la tête, les yeux vitreux par le plaisir et les dernières nuances délectables de son repas. Il y avait quelque chose de si barbare, violent, et pourtant si beau et pécheur à la fois, que de le voir ainsi, l'esprit embrumé, la bouche glossée de son cruor carmin.
Il y a longtemps, avant de les rencontrer, Taehyung aurait été effrayé d'une telle vision. A présent, il avait appris à l'aimer, de cette vague de possessivité à l'idée que c'était son sang sur ses lèvres, à l'idée qu'Hoseok embrassait toujours son amant pour goûter avec délectation son essence si précieuse, et cela ne pouvait que procurer chez lui quelques picotements le long de son épiderme.
Le jeune homme prit le temps de l'admirer — il en avait tous les droits après tout, Jeongguk venait de boire près d'un demi-litre, alors il pouvait prendre son temps en prétextant que c'était les vapes qui le rendaient dans cet état. Prit le temps d'admirer ses pupilles dilatées, de lire les émotions qui passaient dans ses orbes comme les lumières défilantes d'un caroussel, de se perdre dans cet univers si complexe qui s'offrait à lui, à l'infini, galaxie d'étoiles les plus brillantes du firmament. Prit le temps, comme si c'était la dernière fois qu'il le faisait.
Et de calmer le soudain vertige qui saisit son cœur quand il crut comprendre et déchiffrer les sentiments qui dansaient au fond de ses pupilles.
"Hyung, souffla Jeongguk doucement, perdu lui aussi dans les prunelles de son aîné, presque admiratif, contemplatif.
L'humain sut qu'il n'était pas le seul à sentir la façon dont l'atmosphère autour d'eux se chargea d'électricité, la façon dont la tension se glissa dans l'air entre leurs deux corps. Il lui semblait que le sire à leurs côtés avait fait un mouvement, infime, imperceptible presque, juste un haussement de sourcil peut-être, mais Taehyung était trop occupé à essayer de ne pas se noyer dans la mer d'huile charbon qui s'offrait à lui pour y déceler les signes. Trop occupé à se souvenir de respirer, pour ne pas couler dans cet océan ivre, pour ne pas remarquer que le noiraud au-dessus de lui rapprochait son visage du sien, lentement, presque inconsciemment, comme s'il voulait observer de plus près le ballet raffiné dans ses yeux.
"Hyung, souffla-t-il de nouveau.
Et Taehyung sortit de sa torpeur quand il sentit sa respiration ricocher sur ses lippes, beaucoup, beaucoup trop près.
Il ne sut réellement ce qu'il se passa ; ne sut comment il l'avait repoussé, ce qu'il avait crié, la façon dont Hoseok avait bondi de sa chaise, mais l'instant d'après, il était tout contre la tête de lit, la respiration incontrôlable, les yeux fous. Et, de l'autre côté du lit, Jeongguk — qui venait d'essayer de l'embrasser par tous les saints —, les prunelles écarquillées en réalisant ce qu'il avait fait, essuyant mécaniquement d'un revers de la main les gouttes vermillon qui coulaient le long de son menton.
"H-Hyung !
Il tenta de s'approcher, mais se stoppa aussi sec, alors que Taehyung leva sa main devant lui pour lui intimer de s'arrêter.
"Non !
"Taehyung...
Hoseok, à ses côtés, essaya à son tour de s'avancer pour le rassurer, le consoler, n'importe quoi en réalité qui permettrait de calmer la proie effrayée qu'il était devenue, mais le violoniste le prit de court de nouveau en secouant la tête de droite à gauche.
"Je... Je suis désolé. Je ne peux pas.
Il se leva sans perdre un instant, rassemblant ses affaires grossièrement, jetant à peine un regard aux deux vampires, répétant inlassablement d'une voix tremblante :
"Je ne peux pas. Je suis désolé.
Puis, saisissant ses chaussures dans l'entrée sans prendre le temps de les enfiler, il murmura une autre excuse, avant de claquer la porte derrière lui, et de laisser les deux créatures se perdre dans le silence.
---
Taehyung était stupide.
Taehyung était stupide, inconscient, vulnérable, irréfléchi, et la première chose à laquelle il avait pensé en sortant de l'appartement d'Hoseok et de Jeongguk, c'était d'aller prendre une cuite dans le club Jack in the Box. Le cou encore couvert de son propre sang qu'il n'avait pas essuyé quand le noiraud avait bu de sa nuque, l'odeur si délicieuse pour toute créature s'approchant de lui, comme s'il portait une pancarte lumineuse qui indiquait "Allez-y, servez-vous, c'est open bar". Il avait vu les regards pesants, les sourires en coin plein de sombres promesses.
Il était la brebis au milieu de la meute.
Que disait le conte de la chèvre de Monsieur Seguin, déjà ? De ne pas se précipiter tête la première dans un milieu inconnu ?
Oh, mais c'était exactement ce que Taehyung avait fait, depuis le début. Il s'était précipité dans ce contrat avec la fièvre de la découverte, s'était précipité dans les écueils des sentiments qu'il accordait aux deux vampires, s'était précipité pour accorder de l'importance à leurs sourires et leurs caresses, s'était précipité ici alors qu'il signait peut-être son arrêt de mort en passant la porte de la boîte de nuit. Il était triste, saoul, il avait perdu beaucoup de sang, mais tout ce qui lui importait à présent était d'essayer d'oublier de nouveau. La dernière fois, sa quête de distraction n'avait pas fonctionné, mais peut-être que cette fois-ci...
Jeongguk avait tenté de l'embrasser. Son cadet mystérieux, au regard sombre, à cette aura écrasante de pouvoir que l'on ne pouvait que suffoquer, le même homme qui gémissait dès qu'il respirait à pleins poumons le parfum de sa peau, celui qu'il avait appris à connaître depuis quelques semaines, quelques mois déjà, avait tenté de l'embrasser.
Le violoniste se complaisait à dire qu'il arrivait plutôt bien à compartimenter sa vie : ses études, son bénévolat auprès de l'orphelinat, ses amis, son colocataire, son travail. Chaque chose devait être à sa place. Mais cela faisait bien longtemps que la frontière entre son job auprès de l'Agence et sa vie sentimentale était brouillée, confuse, comme un enfant qui balaye une ligne dans le sable, comme le vent qui courbe les arbres, et le fait que Jeongguk ait tenté de l'embrasser n'était qu'une preuve de plus.
Mais Taehyung se le refusait. Il se refusait de donner son cœur au couple, car le lien qui les unissait était plus fort que tout ce à quoi les humains pouvaient rêver, et il refusait qu'une fois que le nouveau-né soit accommodé, ils le congédient avec un sourire — non sans écraser son espoir et son amour pour eux d'un coup de pied traître. Trop de fois, avait-il trop donné pour ne rien avoir en retour, que de la tristesse et de la désolation. Il préférait garder ses sentiments pour lui, proche de sa poitrine, tel un bijou en cristal précieux, plutôt que de laisser le soleil éclairer ses reflets et lui faire miroiter quelque futur qu'il ne connaîtrait jamais. Refusait de se laisser bercer par leurs douces promesses, parce qu'il était mortel, et pas eux ; parce qu'il était humain, et pas eux ; parce qu'il ne se nourrissait pas de sang, pas comme eux. Il ne connaîtrait que ce genre de vampires dans sa vie, mais eux, combien d'humains connaîtront-ils en retour ? Combien d'amants auraient-ils ? L'éternité s'étirait comme un fleuve paresseux entre le cosmos, et ce n'était pas une rencontre de quelques mois dans leur immortalité si longue et si fortunée qui allait faire trembler leur conscience de marbre.
Alors le brun préférait se faire du mal plutôt que d'imaginer quoi que ce soit avec eux — un baiser, une relation, un amour, une vie. Sa grand-mère lui murmurait toujours un vieux dicton au-dessus de son berceau, un qui avait régit son existence entière : prends soin de ton cœur, car il se lit sur ton visage.
Il avait par conséquent décidé de les oublier. Demain matin, à la première heure, il appellerait Hwasa, sa coordinatrice, pour lui demander de changer de client. S'il était assez brave, sûrement leur enverrait-il un petit message pour leur dire qu'il s'était bien amusé, qu'il était reconnaissant, mais qu'il ne voulait pas continuer.
Et pour le moment... la vodka et les basses étaient ses seules meilleures amies.
Il ne saurait dire depuis combien de temps il dansait, là, au milieu de la foule suante et alcoolisée, ne saurait dire combien de cigarettes avait-il grillé au fumoir en se laissant entêter des parfums et de la concupiscence presque palpable, ne saurait dire combien de verres il avait bu d'une traite. Mais il était bien. Pendant un instant, tout semblait être hors du temps, ses tracas, ses soucis, ses papiers à rendre pour la fac et le regard de braise des deux créatures nocturnes s'étaient envolées, loin, très loin.
Simplement la musique. La vodka. Le sentiment de liberté.
Mais ce sentiment s'évapora bien vite quand, tournant sur lui_même au son d'une chanson commerciale du moment, il entra en contact avec un torse ferme. Bredouillant une excuse, le jeune homme fit un pas en arrière pour s'assurer que son verre ne s'était pas renversé sur les vêtements de l'inconnu malgré sa vision trouble... avant de se figer en reconnaissant le visage illuminé par les flashs.
Bo-gum.
Sa respiration se coupa dans sa gorge alors que ses yeux rencontrèrent les pupilles ténébreuses du vampire en face de lui, un sourire en coin étiré de la plus frissonnante des façons sur ses lippes. Jack l'éventreur, Edmund Kemper, Richard Chase, Ed Gein, n'avaient rien à envier au monstre que l'on devinait derrière son regard mauvais. Réprimant un frémissement, Taehyung lui servit un rictus qu'il espérait satisfaisant comme excuse, avant de se retourner dans l'optique de s'éloigner le plus de lui. Mais il fut de nouveau coupé court : car devant lui, s'approchant comme une panthèse — comme une hyène — encerclant la pauvre gazelle sans défense, se tenait Lisa, les mêmes cheveux blancs cascadant sur ses épaules et les orbes peintes de cendres sombres.
Ce fut le bon moment pour se rappeler qu'il n'avait pas essuyé son sang sur le cou, et par les dieux, ce qu'il pouvait être stupide.
"Tiens, l'humain au sang rare, salua la jeune femme d'une voix cristalline, dénotant avec son aura écrasante qui obligeait les danseurs autour d'eux de s'écarter.
Le brun lui rendit un sourire poli, quoique crispé, essayant tant bien que mal de calmer sa respiration de plus en plus courte et sèche, pour ne pas donner le plaisir à la goule de savourer sa peur.
"Lisa, répondit-il avec un hochement de tête.
"Tes gardes du corps ne sont pas avec toi ?
"Ce ne sont pas—
"Non, bien sûr, coupa l'immortelle avec un petit rire en laissant son doigt écarter un pan de chemise, révélant les clavicules maculées d'hémoglobine. Leur seigneurie sont déjà repus.
Il y avait un ton si narquois, si sarcastique et moqueur, que le violoniste faisait tout pour calmer les battements de son cœur — il était certain qu'elle pouvait l'entendre d'ici — et s'empêcher de riposter, pour ne pas voir sa tête décapitée rouler sur le sol crasseux de la boîte. Mais l'humain ne put empêcher, en revanche, le coup d'épaule pour obliger la blonde de lâcher sa chemise, mouvement auquel elle répondit par un autre rictus carnassier.
"Et toi, que fais-tu là, humain ?
S'il y avait bien une chose qu'Hoseok et Jeongguk avaient mis un point d'honneur à faire dès le début de leurs échanges, quand bien même contractuels, c'était de toujours l'appeler par son prénom. De ne jamais montrer quelconque supériorité de leur part, de ne jamais lui faire ressentir que c'était un être inférieur, qu'ils étaient presque des dieux et que lui n'était rien, pas même de la poussière. Mais il savait pertinemment que d'autres adorateurs de la nuit n'étaient pas nécessairement de cet avis, et Taehyung avait été surpris de voir que Jung, dont le nom rimait pourtant avec la noblesse vampirique de ces terres, ne considérait pas que sa longévité et son expérience lui donnait un pouvoir de vie ou de mort sur les mortels sous lui. De toute évidence, Lisa faisait partie de la deuxième catégorie.
"Hm ? renchérit-elle face au silence du brun. Regarde-toi, humain. Ton cou à découvert pour que n'importe quelle créature plante ses crocs dans ta chair. C'est pour ça que tu es ici, n'est-ce pas ? Tes maîtres ne te satisfaisaient plus ?
"Ce ne sont pas mes maîtres, grogna-t-il derrière les dents serrées.
"Et quelle grave erreur est-ce là, répliqua Lisa en s'approchant encore plus. Ils auraient dû mettre un collier autour de ta gorge et te tenir en laisse, graver quelconque signe de propriété sur ta peau comme nous le faisions lors des glorieuses années où les humains étaient nos esclaves.
L'étudiant réprima un frisson.
"Ne vous approchez pas de moi, eut-il la présence d'esprit de prévenir, bien que ses paroles étaient sans effet.
"Mais Hoseok a toujours eu pour les mortels de la compassion. De la pitié. Comme lorsqu'on recueille un oisillon blessé.
Il tenta de reculer, mais les grandes mains de Bo-gum le plaquèrent contre son torse pour l'empêcher de s'enfuir, et les premières bulles de panique vinrent éclore au creux de sa poitrine avec un goût de bile amère.
"Oh, ce qu'ils vont regretter de ne m'avoir laissé te goûter la dernière fois—
Ce n'était qu'une quête de pouvoir, pensa-t-il en tentant de se débattre contre la prise de fer de la créature, et le terrain de chasse est mon corps.
"— car, sans chaînes autour de tes jolis poignets, rien ne m'empêche de te vider jusqu'à la dernière goutte et de faire de ta peau une nouvelle veste en cuir, acheva-t-elle avec un ton si terrifiant que Taehyung crut que ses genoux allaient s'effondrer sous lui.
Il allait mourir.
Il allait mourir, au milieu de ce club miteux, après avoir claqué la porte au nez de Jeongguk et d'Hoseok, laissant Seokjin l'attendre dans leur appartement, l'angoisse léchant sa colonne vertébrale en ne le voyant pas rentrer.
Lisa fit de nouveau un pas en avant, satisfaite de la réaction qu'elle tirait de sa proie, les lèvres retroussées dans un rictus terrifiant sur ses dents blanches, et tout ce qu'il vit avant de fermer les paupières, c'était le projecteur coloré illuminant le brillant de ses canines, et... et.... et...
Mais la douleur n'arriva jamais.
A la place, un gémissement d'inconfort, lui faisant ouvrir les yeux... avant de les écarquiller en découvrant la scène qui se déroulait devant lui.
Hoseok était là, devant lui, resplendissant comme il l'était toujours, ses cheveux roux aux lueurs rubicondes, reflet de ses propres orbes rougies et incandescentes, l'aura si sinistre que Taehyung en eut le souffle coupé ; Hoseok, la main écrasant le bas du visage si poupon de Lisa entre ses doigts impardonnables, n'ayant cure des longs ongles de la jeune vampire griffant ses avant-bras pour se défaire de son emprise d'acier.
"Ne m'oblige pas à te briser la nuque, Lalisa, cracha-t-il avec tout le dégoût du monde.
"Tu oublies que je suis une Manoban, articula-t-elle difficilement, ses griffes laissant quelques traînées rougeâtres sur la peau basanée. Tu ne voudrais pas créer une crise diplomatique entre nos familles, cher cousin, pas pour une simple pute comme lui.
L'aîné grogna, comparable au feulement d'un prédateur, sa grimace mauvaise. Elle était pathétique, et tout de son expression dangereuse reflétait son état de pensée.
"Et tu oublies que je suis un Jung. Insulte encore une fois mon protégé, et c'est moi qui te vide de ton sang.
Il laissa la menace planer dans l'air, implacable et cousue de cette promesse funèbre, avant de relâcher son visage en la repoussant, ses yeux saturniens et orageux ne quittant pas sa silhouette recroquevillée. Il y eut un silence, assourdissant et paradoxal au vu de la piste de danse, et Hoseok saisit le poignet de Taehyung pour le tirer derrière lui et se diriger vers la sortie, sans un autre regard pour les deux enfants de la Lune.
La prise de son aîné autour de sa peau était sévère et féroce, la hargne s'échappant de lui telles des volutes de fumée, et le jeune homme, encore tremblant de ce à quoi il venait d'assister — de la Faucheuse qui était passée devant ses yeux dans un court instant qu'il croyait être le dernier —, eut du mal à garder le rythme.
"H-Hoseok, hoqueta-t-il, alors que la porte de la sortie claqua dans un bruit métallique contre le mur en brique face à la force du vampire.
Ce fut suffisant pour que l'immortel se retourne, et au moment même où les prunelles inexpiables et tourmentées, tourmenteuses, de la créature se posèrent sur celles du bel éphèbe, que son expression se transforma tout à coup.
"Putain, Taehyung.
En un clin d'œil, que ses mains prenaient son visage en coupe, son regard si doux et si inquiet, scrutant son profil à la recherche de la moindre blessure.
"Tae, sweetheart, est-ce que tout va bien ? Tu n'es pas blessé ?
La main droite de l'étudiant s'enroula autour du poignet de son aîné — pas pour le repousser, mais pour l'obliger à rester à côté de lui, à le rassurer, ravalant avec difficulté un gémissement anxieux qui menaçait de bourgeonner dans sa cage thoracique. Il hocha doucement la tête.
"H-Hyung...
"Sweetheart, je suis terriblement désolé, Hyung s'en veux tellement, je... Je n'avais pas réalisé que tu étais inconfortable avec Gguk, avec moi, avec nous, alors que je te l'avais promis, et... et putain, j'étais trop obnubilé par toi, que j'en ai oublié ton bien-être et...
"Hyung, coupa-t-il en posant une main contre son torse d'un geste réconfortant.
Le basané prit une respiration hachée.
"Tu as raison, il faut qu'on parle, mais d'abord, je veux que tu sois à l'aise, alors demande moi quelque chose, n'importe quoi, et je m'exécuterai. Tu veux que je t'appelle un taxi ?
"Comment m'as-tu retrouvé ?
"C'est Seokjin qui m'a prévenu. Tu... Tu veux que je te dépose chez toi ? proposa-t-il, sondant ses perles charbon en quête de réponse.
Il y eut un petit silence, les bruits de la boîte étouffés de là où ils se trouvaient, et Taehyung mordit sa lèvre inférieure.
"Tu... déglutit Hoseok, comme s'il marchait sur des œufs — 1 300 ans d'existence et un simple humain le rendait hésitant. Tu veux que je te raccompagne chez nous ?
Chez nous. C'était chez Jeongguk et lui, mais la façon dont il avait à le dire était emplie de promesses que le brun n'avait jusqu'alors osé caresser du bout des doigts. Peut-être qu'il méritait de s'accorder un peu de bonheur, après tout.
Sa bouche s'ouvrit avant qu'il n'ait le temps d'y réfléchir davantage.
"Chez toi. Ramène-moi chez toi.
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Rentrer de nouveau dans le penthouse du dernier étage, après tout ce qui s'était passé, avait un goût étrange sur la langue. Le trajet dans la voiture noire d'Hoseok avait été silencieux, le vampire n'osant prononcer un mot qui pourrait briser la confiance précaire que le jeune homme avait placé en lui, lui tendant simplement avec un petit sourire un linge pour enfin essuyer le sérum raisiné barbouillé sur son cou — et Taehyung s'était exécuté, encore un peu tremblant, refusant d'observer sa coiffure défaite et les vestiges de peur panique sur son visage quand il avait descendu le petit pare-soleil pour ouvrir le miroir sur le siège passager. Les messages de Seokjin sonnaient à répétition sur son téléphone, lui demandant avec inquiétude si tout allait bien, si Hoseok l'avait retrouvé, ce qu'il s'était passé, et le brun lui avait simplement répondu qu'il était sain et sauf et qu'il rentrerait bientôt.
S'il s'était calmé, avait serré ses mains jusqu'à ce qu'elles ne flageolent plus à l'intérieur de la voiture, au moment même où l'homme aux yeux rouges ouvrit sa porte en arrivant en revanche, il eut l'envie de vomir toutes ses tripes — composé uniquement d'alcool et de quelques cacahuètes.
C'était le moment. Le moment qu'il redoutait tant. Le moment où il leur annoncerait qu'il ne pouvait pas continuer ainsi, que même s'il s'était autorisé un moment de faiblesse purement alimenté par la crainte de ne se réveiller le lendemain, il préférait protéger son cœur et se priver du bonheur plutôt que de récolter les morceaux piétinés de son organe vital. Le moment où il affronterait le regard de Jeongguk, le même qui lui avait offert quand il avait tenté de l'embrasser, pour lui dire qu'il mettait fin à son contrat.
La montée en ascenseur était péniblement longue, et si Hoseok entendait son cœur qui faisait des galipettes dans sa cage thoracique alors qu'ils s'approchaient de la porte d'entrée, il ne fit aucun commentaire — et le mortel lui en fut reconnaissant.
Il ne sut réellement ce qu'il découvrirait en franchissant le seuil de leur demeure. Que Jeongguk l'accueille avec le même regard sombre qu'il avait porté sur Lisa lorsque Taehyung les avait croisé la première fois, qu'il lui réponde froidement et qu'il lui demande même de partir d'ici. Il s'attendait à tout.
Il ne s'attendait pas, en revanche, à retrouver le nouveau-né la tête dans les mains, assis sur l'accoudoir de leur sofa, les mèches ébouriffées par l'anxiété. Le jeune vampire releva la tête au son de la porte qui se ferme derrière eux, et Taehyung se dit qu'il devait être obnubilé par ses pensées pour ne les avoir entendu ou senti depuis qu'ils étaient sorti de l'ascenseur — avant de retenir son souffle lorsqu'il posa ses yeux sur le visage de l'enfant de la Lune.
Dire qu'il était préoccupé était un amer euphémisme. Ses prunelles étaient cerclées de rouge, mais bien différent du grenat habituel distillé dans ses orbes ; une amarante qui s'apparentait davantage à des larmes, et avant que le violoniste n'eut le temps de s'interroger sur cette vision, Jeongguk bondit sur ses jambes pour s'approcher de lui à grands pas.
"Hyung, souffla-t-il.
Il tendit la main vers lui, comme s'il brûlait de l'étreindre, de le toucher, n'importe quoi, mais son bras retomba mollement le long de son flanc après une seconde d'hésitation. Taehyung déglutit difficilement, et la voix presque un murmure, brisa le silence inconfortable autour d'eux :
"Je... Je crois que nous devrions parler.
Jeongguk hocha vivement la tête, presque désespéré d'avoir cette conversation tant redoutée, et Hoseok se tourna vers l'humain :
"Tu préfères t'asseoir dans le salon ?
C'était une proposition honnête — il savait que dans la chambre, assis sur le lit sur lequel il avait souhaité qu'il se passe tant de choses, ses pensées deviendraient irréfléchies et déraisonnables, et il avait besoin de rester a minima lucide pour réussir à arracher les mots de son cœur. Hochant doucement la tête, il laissa le roux le guider jusque dans la pièce à vivre, sa main n'osant toucher le bas de son dos pour le conduire délicatement, mais l'empreinte de son aura tout de même perceptible, au moins où le brun réprima un frisson.
"Bien, commença prudemment Hoseok en s'asseyant à son tour. Tu—
"Hyung, coupa Jeongguk en se tournant vers Taehyung, le regard fou et inconsolable avide de réponses. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? J'ai fait quelque chose de mal ? Je suis désolé, hyung, je n'avais pas conscience que...
Taehyung était venu chez eux avec la volonté d'en finir, mais ce n'était qu'un homme, pas une créature froide sans once d'humanité comme pouvaient l'être Bo-gum et Lisa, et il ne pouvait se résoudre à l'idée de voir son cadet se torturer de toutes ces questions, interrogeant sans cesse le moment qui avait dérapé depuis que l'humain avait quitté le penthouse en claquant la porte. Alors, levant une main pacifiste, pour le calmer avant qu'il ne devienne fou à son tour, le brun l'interrompit doucement :
"Ce n'est en rien de ta faute, Gguk.
"Alors... ?
L'étudiant prit une profonde respiration avant de se jeter à l'eau — il fallait arracher le pansement tant qu'il était encore temps, et il préférait avoir la peau qui brûle de douleur plutôt que de laisser la souffrance planner plus longtemps encore au-dessus de sa tête ; alors, se rappelant encore une fois que c'était la seule raison pour laquelle il était ici, il choisit ses mots pour répondre :
"J'ai signé le contrat en me disant que je n'étais pas comme tous les autres à l'Agence. Que je ne m'attacherai pas à mes clients, car vous avez l'éternité devant vous, et je n'ai que quelques années tout au plus. Que, de toute façon, une fois que Gguk aurait fini sa transition, vous n'aurez plus besoin de moi.
"Taehyung, ce n'est—
"Laisse-moi finir, s'il-te-plaît, implora l'interpellé en direction d'Hoseok, la gorge nouée et le sourire plein de sanglots.
Il avait besoin d'être fort, et c'était un combat qu'il voulait mener seul.
"Je savais que ce n'était qu'une question de temps. Cela fait des mois que nous travaillons ensemble, et Gguk a de moins en moins de mal à s'arrêter de lui-même, alors... alors je ne voulais pas alimenter une affection pour vous sachant que notre relation n'était que purement professionnelle.
Il lâcha une respiration saccadée, sous le regard nerveux des deux immortels.
"Mais... Mais j'avais tort. Je n'ai pas eu beaucoup d'expérience avec l'Agence, mais je sais pertinemment que... que ça, dit-il en les pointant tous les trois du doigt, ce n'est pas ce qu'il se passe habituellement. On ne fait pas à manger pour l'humain, on ne le laisse pas dormir autant de temps qu'il le souhaite dans une chambre d'ami, on ne l'invite pas en club pour prendre un verre. Et vous étiez vous, si doux et flamboyant et bien loin de tout ce qu'on pouvait imaginer d'un vampire, alors je n'ai pas pu m'empêcher de...
Il déglutit une nouvelle fois, plantant ses ongles dans ses paumes. Il n'avait plus qu'à faire le saut de l'ange à présent.
"... De tomber amoureux.
Jeongguk hoqueta son nom, et Taehyung s'essuya rageusement une larme avant de continuer, ne leur donnant la possibilité de l'interrompre.
"Alors quand tu as essayé de m'embrasser, tout à l'heure, je ne savais quoi penser. C'étaient les phéromones, c'était mon sang, qui parlaient pour toi, pas parce qu'il y avait quelconque once de réciprocité. Et... Je suis parti. J'étais paniqué, je ne savais pas comment agir, comment gérer le fait que j'étais qu'une distraction dans votre couple—
"Taehyung, souffla de nouveau Hoseok, les yeux écarquillés.
"Je suis désolé, dit-il alors que les larmes dévalaient le long du vallon de ses joues. Pour tout. Demain, j'appelle Hwasa, et je lui demande de me trouver d'autres clients, et j'espère que vous serez heureux et que ta transition se finira bien, et—
"Sweetheart.
La voix d'Hoseok eut le mérite de le figer dans ses mouvements, alors qu'il allait se redresser pour sortir promptement de leur appartement — et de leur vie. Il renifla, peu élégamment, avant de se rasseoir et de chuchoter :
"Cela fait trois fois que tu m'appelles ainsi.
Et le sourire que l'homme en face de lui lui rendit... était aussi doux que s'allonger dans un lit aux draps de soie ou laisser la brise caresser son visage pendant un coucher de soleil. Un sourire beaucoup trop doux pour une créature aussi mortelle que lui, un sourire beaucoup trop doux pour un prédateur qui avait fait trembler des continents entiers de son nom, un sourire beaucoup trop doux pour un être qui avait menacé de réduire en cendres une autre de ses comparses il y a quelque temps à peine.
Un sourire beaucoup trop doux pour ce que le brun méritait, en réalité.
"Parce que je le pense, offrit son aîné avec une étincelle dans les yeux.
Puis, il ajouta, sans laisser le temps au jeune homme de déchiffrer ses prunelles :
"Il est vrai que ce que nous partageons, Gguk-ah et moi, ce lien qui nous unit... n'est pas entendable pour les humains. C'est quelque chose de fort, qui rapproche deux âmes à travers le temps, et l'Histoire nous a bien appris qu'il faudrait être fou pour s'interposer entre un sire et son protégé.
Jeongguk prit la main de son amant dans la sienne avec un petit sourire ému, avant de poursuivre à son tour :
"Mais cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas capables d'aimer d'autres que l'autre. Cela ne veut pas dire que nous sommes pas capables d'éprouver quelconque autre sentiment, et...
Il plongea ses orbes charbons dans les siens, avant de murmurer, à peine plus fort qu'un souffle :
"Ce ne veut pas dire que nous ne sommes pas capables de t'aimer en retour.
Taehyung retint sa respiration dans sa gorge, et ce fut à son tour de laisser une plainte passer la barrière de ses lèvres :
"Jeongguk...
"Tu n'as aucune idée de l'effet que tu nous fais, n'est-ce pas ? continua Hoseok presque tendrement. Tu n'as aucune idée de la façon dont tu as renversé nos vies ? Cela fait 1 300 ans que je suis sur cette Terre, et je pense avoir compris quelques trucs au sujet de l'amour — qu'il n'est qu'éphémère pour des hommes pour moi, que maintes fois j'ai enterré des amants et en ait vu d'autres naître. Avec Jeongguk, c'était différent. Différent au point de vouloir le transformer. Et je pensais que nous allions vieillir ensemble, je pensais que je n'avais plus rien à découvrir, plus rien à apprendre, parce que j'avais déjà tout vu. Mais j'avais faux. Ô par Lucifer, ce que j'avais faux.
Le maître de céans leva la main pour caresser de son pouce la joue délicate du mortel assis à côté de lui, et le jeune homme à la chevelure fauve eut du mal à retenir le hoquet de surprise dans sa bouche ; rien ne l'avait préparé au tournant que la conversation allait prendre, et il n'était pas sûr de comprendre réellement la portée de leurs paroles.
"Parce qu'avec toi, j'ai appris qu'il était possible de tomber amoureux de deux êtres à la fois.
Une larme coula sur le beau visage du violoniste.
"Tu n'as aucune idée de l'effet que tu nous fais, hm ? répéta-t-il en écho aux paroles de son protégé, essuyant la perle salée sur sa peau. Tu n'as aucune idée que cela fait des semaines que Jeongguk a fini sa transition ?
Cette dernière phrase eut le mérite de le rendre perplexe, et, surpris, Taehyung tourna la tête vers le nouveau-né, le regard incrédule et plein de questions. Ce-dernier se glissa le long du sofa pour se rapprocher de lui, infiniment plus près comme il l'avait fait dans le club, pour prendre la parole en retour, l'expression si pure qu'il n'avait rien d'une créature démoniaque à cet instant-ci :
"Cela fait longtemps que, techniquement, je n'ai plus besoin des services de l'Agence. Hoseok est un bon professeur, et j'ai rapidement su comment m'adapter. Mais tu es entré dans nos vies, ajouta-t-il, et il nous était impossible de t'en voir en sortir. C'était purement égoïste de notre part, de te garder près de nous sans t'expliquer ce que l'on ressentait, nous en avons bien conscience et nous sommes infiniment désolés pour cela, mais... mais s'il-te-plaît, ne t'en vas pas.
Les mots s'entrechoquaient dans l'esprit du jeune homme, tentant difficilement de tirer le fil rouge de la conversation. Mais son visage se tournait vers les deux créatures face à lui, passant d'un regard à un autre comme s'il pouvait trouver une lueur au fond de leurs orbes sombres qui viendraient nier toutes les paroles enchanteresses, une leur qui viendrait pointer du doigt leurs mensonges et leurs maux, leurs sombres desseins et la raison pour laquelle ils lui servaient sur un plateau d'argent un espoir fou et inimaginable. Mais il ne trouva rien.
Jeongguk glissa sa main le long de son autre joue, reflet de la caresse du roux, pour souffler, toujours plus près, presque contre ses lèvres.
"On a conscience qu'il faut parler. Si tu souhaites partir et plus nous voir, jamais, nous comprendrons. Mais si tu souhaites rester... Alors restes ce soir avec nous. S'il-te-plaît.
La voix du noiraud était si suppliante, pleine d'une détresse à l'idée de voir l'humain glisser entre ses doigts comme un mirage de fumée, que Taehyung ne put que déglutir difficilement, les yeux mercure tombant sur les lèvres de son cadet, si proches et si cataleptiques, comme si la pulpe de ses croissants de chair allaient lui donner toutes les réponses qu'il avait besoin — toutes les réponses qu'il connaissait déjà, en son for intérieur.
"Est-ce que... demanda l'adorateur de la Lune dans un murmure ; Est-ce que tu vas t'enfuir de nouveau si j'essaye de t'embrasser ?
Le brun ne sut réellement ce qu'il dit, ce qu'il fit, qui poussa le vampire à parcourir les quelques millimètres qui le séparaient de sa bouche, mais soudain, ses lippes furent sur les siennes, et il eut l'impression que son cœur s'était arrêté. Il n'avait jamais aimé les descriptions littéraires des grands romantiques qu'il étudiait à l'école, comparant les premiers baisers au ciel qui s'ouvre, à la Terre qui cesse de tourner et aux trompettes qui chantent, mais peut-être que ces écrivains-là avaient raison après tout — car cela faisait si longtemps qu'il attendait secrètement cette rencontre doucement brutale et si haletante, cela faisait si longtemps qu'il imaginait le goût de ses lèvres sur les siennes plutôt que sur sa peau, cela faisait si longtemps qu'il avait rêvé honteusement de ce moment dans le creux de ses draps, que le baiser ne pouvait être que formidable. Stupéfiant. Redoutable. Etourdissant. Un tsunami, un tremblement de terre, l'alignement des astres, tout.
Jeongguk était si ferme sous lui, son torse si proche du sien, qu'il pouvait juste lever la main pour sentir la fraîcheur de sa peau sous ses doigts. Comment un homme à la froideur du marbre pouvait donner des baisers si chauds et si frissonnants ?
Mais avant que le bel éphèbe n'eut le temps de savourer plus encore le goût de miel de ses lèvres, une main tira doucement sur ses cheveux pour les séparer — Taehyung n'eut le temps d'ouvrir les yeux pour s'indigner faiblement, que déjà une autre bouche se plaquait avec ferveur contre la sienne. Si Jeongguk embrassait avec l'intensité d'un explorateur à la recherche d'un élixir secret ou d'un trésor enfoui, Hoseok embrassait comme un homme qui savait ce qu'il faisait. Qui avait passé des années, des siècles même, à perfectionner son art, ses lèvres si déterminées et immuables chantant des louages au fond de sa poitrine.
Taehyung avait passé trop longtemps à se refuser ce moment, cette liturgie bienfaitrice, que, à présent que les deux créatures étaient corps et âme — sans mauvais jeu de mot, si tenté ils en avaient encore une — à lui, qu'il se refusait de les laisser dériver loin de lui.
Trop perdu dans ses pensées, alors qu'il s'autorisa enfin à vivre le moment présent sans se soucier des conséquences que cela pourrait apporter, la suite se déroula dans un brouillard sombre et lacé de concupiscence. Ne sut dire ce qu'il se passa exactement. Simplement qu'il hocha vigoureusement de la tête quand Hoseok lui demanda s'il était sûr, si c'était ce qu'il voulait, s'ils n'allaient pas trop vite, s'il voulait rester avec eux ce soir — et peut-être les soirs à venir —, et l'instant d'après, il fut jeté sur le matelas, comme tant de fois il s'était allongé dessus auparavant, mais cette fois, l'ambiance était tout autre.
Les deux vampires se tenaient au bout du lit, leurs yeux affamés et appréciateurs détaillant avec luxure son corps contre les draps blancs, et Taehyung ne put que lâcher un long gémissement en sentant les ombres aux yeux rouges grimper sur la couche à leur tour.
Il était la brebis au milieu des loups, pensa-t-il de nouveau, mais peut-être que le conte de la chèvre de Monsieur Seguin offrait une morale diamétralement différente de celle qu'on racontait aux bambins avant de dormir — peut-être que, lorsque la chèvre s'était aventurée dans la montagne et qu'elle avait rencontré le prédateur, alors avait-elle marchandé sa liberté contre une rencontre brève et nocturne.
Sans perdre un instant, Hoseok s'installa entre les cuisses outrageusement ouvertes de l'humain, qu'il n'avait même pas eu conscience d'ouvrir, les mains parcourant toute sa silhouette comme s'il ne pouvait plus se passer de lui, et l'espace d'une seconde, le brun ne put que se complaire dans le pouvoir qu'il ressentait à cet instant. Les créatures de la nuit avaient toujours été ceux qui avaient le plus de contrôle, le plus d'influence et de puissance, et le mortel n'auraient rien pu faire contre eux. Mais à présent, alors qu'il avait les deux hommes à sa merci, il se dit que le rapport de dominance avait changé, et ne sut dire si le frisson qui parcourut sa colonne vertébrale était lié à cette découverte ou aux baisers incandescents que l'aîné peignait sur sa peau.
Lento, comparable à un fauve, Hoseok remonta le long de son ventre, le long de son torse, caressant sa peau à travers son T-shirt, avant de laisser ses lèvres rougir la peau de ses clavicules.
"Sais-tu combien de fois j'avais envie d'arracher Gguk à ton cou pour pouvoir te goûter moi-même ? Combien de fois je me suis contenté du parfum de ton sang sur ses lèvres, imaginant le goût qu'il aurait directement à la source ?
Il y avait une noirceur presque territoriale dans sa voix, dangereuse et possessive, mais loin d'être effrayé, Taehyung ne put que se cambrer dans un frisson, impatient et presque déjà délirant, offrant sa nuque au plus vieux dans un murmure suppliant :
"S'il-te-plaît...
"Tu es sûr ? confirma Hoseok en laissant sa main lourde et chaude glisser contre son cou, le pouce dessinant des arabesques le long de sa veine proéminente, au bleu si tentateur zébrant son épiderme basané.
S'il en était sûr ? Il en avait rêvé, ô que trop de fois, s'était imaginé ce que cela ferait d'avoir ses lippes tout contre son pouls, lorsqu'il observait d'un regard appréciateur son protégé consumer avec envie sa jugulaire. Bien évidemment qu'il en était sûr.
"S'il-te-plaît, hocha Taehyung désespérément de la tête, marque-moi, fais-moi tiens, montre que je vous appartiens, à toi et Gguk, s'il-te-pl—
Il n'eut le temps de finir son oraison supplique, car déjà, les dents aiguisées du vampire ébréchèrent sa peau.
Et c'était... si l'étudiant pouvait faire la différence entre leurs deux baisers, pouvait déceler leurs divergences dans la façon dont ils dévoraient sa bouche, il pouvait appliquer ces mêmes analyses comparatives à la façon dont ils buvaient de son sang. Jeongguk buvait avec l'alanguissement d'un alcoolique qui levait son dernier verre, avalant jusqu'à ce que la source se tarisse et bien après que la soif soit étanchée, mais Hoseok... Hoseok prenait son temps. Il buvait comme un amateur de vin sait reconnaître un bon millésime, comme un homme qui tient son whisky et qui peut retracer les arômes de caramel et de fruits rouges en fermant les yeux. Bien malgré lui, Taehyung sentit ses paupières papillonner de délice — il pouvait le sentir, dans ses veines, dans son organisme, le venin insidieux et aphrodisiaque que le roux laissait s'échapper, son corps si lourd et si léger à la fois, et la dernière fois qu'il avait ressenti une telle sensation, c'était quelques minutes avant que Jeongguk ait tenté de l'embrasser.
Et il crut réellement que les goules étaient dotés du don de télépathie, car, alors que la bouche chaude de l'aîné était au creux de son cou, il sentit les lèvres du noiraud se poser sur les siennes, se frayant une place dans l'esprit du brun aux côtés de son amant, comme pour se rappeler à son bon plaisir. Taehyung aurait voulu se cambrer sous le désir, sous les attaques de volupté brute et magmatique qui s'écrasaient contre son corps comme la plage qui accueille les vagues charnelles, mais le poids d'Hoseok au-dessus de lui et les lippes de Jeongguk le clouaient au lit, ne pouvait que subir, que recevoir, et gémir pour en demander plus.
Il lui semblait que cela faisait une éternité, quand Hoseok se détacha de sa peau tel un plongeur qui avait retenu son souffle pendant trop longtemps à la limite de la surface, et d'un geste si obscène que Taehyung pouvait se sentir d'ores et déjà durcir dans son jean, il lécha si lentement, languissant, la goutte carmin qui coulait le long de son menton, le regard sombre et lourd de plein de promesses nocturnes — par tous les saints, avait-il un blood kink ?
"Par le diable, souffla l'aîné après que Jeongguk ait léché sa bouche pour avoir le goût de l'hémoglobine épicée de l'humain sur sa langue. Je comprends pourquoi Ggukie avait du mal à se détacher de toi, au début.
On avait bu sur lui, et pourtant, le jeune homme ne pouvait que se retrouver rougissant au milieu des draps de soie. Puis, se rapprochant de lui, le vampire lui demanda, si proche qu'il aurait pu presque goûté ses paroles sur sa langue :
"Qu'est-ce que tu veux ?
Taehyung n'eut pas le temps de réfléchir. La réponse était toute trouvée.
"Tout.
"Hmm, murmura Hoseok avec un petit sourire en ôtant son T-shirt de la plus naturelle des façons, avant de se tourner vers Jeongguk pour faire de même. C'est assez vague... Tu es sûr que tu n'avais pas d'idée plus précise en tête ?
Mais tous les arguments s'envolèrent en découvrant leurs torses musclés par les dieux, façonnés dans le Styx et durcis par les chaleurs de l'Enfer, sa langue si, si pâteuse alors qu'il découvrait enfin l'objet de ses convoitises nocturnes et secrètes, quand Seokjin était enfermé dans sa chambre et que sa main se glissait le long de son bas de pyjama. L'encre rebelle s'enroulait autour de leurs épidermes comme la clé de tous les secrets, un appel à la luxure auquel le jeune homme ne pouvait que succomber, l'envie de tracer les intrigantes runes le long de leurs biceps du bout de sa langue, du bout de ses lèvres, dégustant les mille années qu'ils avaient passés et tout le savoir qu'ils avaient révoltés depuis lors. Amusé par le soudain trouble qui saisissait son aîné, Jeongguk se rapprocha de lui, le sourire en coin si hypnotisant sur son visage, pour souffler doucement :
"Tu n'as jamais rêvé de nous ?
Taehyung eut tout le mal du monde à hocher la tête.
"Nous sommes tout à toi, darling, ajouta-t-il en faisant un clin d'œil à son sire derrière lui.
Puis, saisissant la main fine et si chaude, si vivante, du jeune homme, il l'apporta contre son torse pour la plaquer contre son cœur — ou du moins, pensa-t-il, là où jadis son organe vital battait si fort, car il n'y avait rien contre la peau marbrée, pas un seul pouls, pas une seule flamme —, et chuchota, plus sérieusement qu'il ne l'aurait voulu :
"Tu as nos cœurs entre tes mains. Si tu veux bien de nous... Alors nous sommes tiens. Un seul mot, et nous nous exécuterons.
Le bel éphèbe se dit que même si cela faisait qu'un an qu'il avait été transformé, le noiraud avait rapidement adopté les expressions parfois venues d'un ancien temps d'Hoseok, tel un chevalier servant ou un guerrier prêt à mourir pour sa dame, et cette vision-même, des deux vampires en armure lustrée et brillante, lui tira un sourire.
"Et si...
Le mortel déglutit. Depuis le début, les créatures s'étaient chargées de prouver leur admiration et leur dévouement le plus total, et c'était tout comme s'ils offraient leurs nuques — Taehyung aurait tranché leurs têtes d'une grande épée en argent, et ils lui auraient dit merci. C'était à présent à son tour de montrer ô combien il avait envie d'eux...
"Et si je vous montrais ?
Leurs regards s'assombrirent comme le ciel d'été se couvre avant la tempête du soir. Et le brun ne put que sauter, sans mauvais jeu de mots, sur l'occasion ; se redressant sur les genoux, bien que fébrile et impatient pour la suite, et sous le regard appréciateur des hommes aux yeux rouges, il accrocha les doigts autour de la boucle de ceinture du noiraud, pour le tirer vers lui.
"Viens là, murmura-t-il.
Il le plaça tel qu'il l'imaginait, à genoux contre la tête de lit, les jambes si puissantes contenues dans son jean, à deux doigts de saliver en devinant ce qui se cachait sous le denim ; laissant ses doigts caresser ses boutons de chair avec la promesse d'y revenir de sa langue et de la chaleur de sa bouche.
"Dès que tu buvais sur moi... commença-t-il paresseusement, les yeux ourlés d'une luxure non contenue ; j'avais tellement envie de te prendre en bouche, et de découvrir si je pouvais te tirer les mêmes soupirs que lorsque tu gémissais dans mon cou...
"Doux Jésus, s'étrangla le nouveau-né en renversant la tête en arrière, dans une prière à l'attention d'un dieu auquel il ne croyait pas.
"Ce n'est pas Jésus que tu dois appeler, Gguk, répliqua le brun avec une arrogance toute nouvelle. Ce soir, il n'y aura que mon nom sur ta langue.
Hoseok eut un rire sombre derrière lui.
Lentement, si lentement et douloureusement lentement, Taehyung ne quitta pas les yeux presque aussi noirs que l'encre ou le fond des océans du vampire à la crinière corbeau, et, un sourire en coin en entendant les premiers gémissements peinés, laissa sa langue caresser le long de son torse. Admirant les bourgeons bruns, baisant ses abdominaux sursautant au passage de sa bouche, et léchant le sentier qui le menait plus bas, encore plus bas. Se faisant, toujours agenouillé, il descendait lui aussi, pour tomber sur ses avant-bras, laissant Hoseok derrière lui admirer glorieusement son postérieur retenu dans son pantalon de cuir qu'il avait enfilé avant d'aller en boîte. Laissant son dos se cambrer tout contre la braguette du roux. Laissant Hoseok pester un leitmotiv d'insultes.
"Bloody hell, sweetheart...
Taehyung trouva l'injure amusante.
Finissant d'embrasser la parcelle de peau de Jeongguk juste au-dessus de sa ceinture, il regarda par-dessus son épaule pour découvrir son aîné les mains serrées à ses côtés, comme n'osant le toucher, le regard aussi sombre que les cendres qui maquillaient celui de son protégé, et feula tel un chat qui avait eu le pot de crème :
"Je veux que vous me baisiez ainsi.
Il sentit le coup d'œil que s'échangèrent les deux vampires au-dessus de lui, et il suffit que d'un instant pour qu'ils se débarrassent de leurs derniers vêtements. Son sexe était si lourd entre ses jambes, et aussitôt que sa nudité glorieuse fut illuminée par les lampes de chevet, que les mains de ses nouveaux amants se posèrent là où elles purent, découvrant chaque vallée, chaque forme qu'étaient les siennes avec l'ébahissement de celui qui trouve la foi pour la première fois, avec l'émotion discrète de celui qui retrouve la vue après des années dans la noirceur. Les grandes mains d'Hoseok peignaient la subtilité de ses fesses, les écartant pour laisser l'air chaud de son souffle titiller son antre quémandeuse ; tandis que celles de Jeongguk s'emmêlaient dans ses cheveux caramel fauves de son amant mortel.
"C'est la septième lune ce soir, chuchota Hoseok en embrassant lentement le dos de Taehyung, qui ne put que se cambrer sous ses caresses.
"Sais-tu ce qu'elle représente pour les vampires ? demanda à son tour Jeongguk, alors que le jeune homme enroulait ses mains autour des hanches de son cadet, sa bouche chaude suçotant sa peau sensible juste au-dessus de son caleçon.
Taehyung l'ignorait. Il avait honte de le dire, mais il n'avait pas grande connaissance de la culture vampirique, mis à part les légendes urbaines sur l'astre nocturne. Que depuis les temps anciens, la Lune était associée à l'exacerbation de tous les maux, rendait les gens fous — au Moyen-Age, les peines étaient allégées lorsqu'un meurtre était commis pendant la pleine Lune —, les poussaient au suicide, au somnambulisme, ou même en la transformation des loups-garous. Que la Lune rendait fertile. Que des extraterrestres habitent sur le satellite, que ce serait un vaisseau spatial creux. Que dans le folklore bouddhiste, un lapin courrait sans cesse autour de l'étoile.
Il ignorait quel mythe les vampires accordaient au Soleil noir.
Mais plus encore, il ignorait pourquoi ils décidaient de lui en parler maintenant.
"Pour les vampires, reprit Hoseok de sa voix si chaude en le tirant de ses pensées, tandis que ses doigts continuaient leur tortueuse descente le long de son épiderme, la septième lune, la lune de Juillet, est pleine de symboles.
" 'Seok, gémit-il en entendant le bruit de la bouteille de lubrifiant qu'on ouvre.
Mais, impassible, réchauffant le gel entre ses doigts, il poursuivit :
"Selon la légende, c'est sous la septième lune que le premier vampire est né. Et sous la septième lune que, quelques printemps plus tard, il trouva le second vampire de la terre. Et qu'il en tomba amoureux, aussi.
Il y eut quelques secondes, où il lui sembla que son cœur cessa de battre face à l'implication derrière ce conte, comme l'aveu timide de leurs sentiments derrière les belles histoires que l'on racontait enfant. Il n'avait jamais cru aux âmes sœurs, n'avait jamais cru à la destinée, mais...
Avant qu'il n'eut le temps de finir cette réflexion, Jeongguk glissa son pouce entre les lèvres rougies du brun sous lui, tandis que l'aîné glissait à son tour ses premiers doigts contre son antre. Son cri de jouissance eut le mérite de faire tressaillir ses deux amants, et Taehyung lui-même ne saurait dire si c'était à cause des sensations toutes nouvelles qu'Hoseok réveillait en lui, ou de la signification lourde derrière la légende qu'ils venaient tous deux de leur conter.
Mais il fallut d'un regard. Un seul regard, le violoniste plongeant ses prunelles dans celles du bel éphèbe au-dessus de lui, pour que tout bascule, et que les trois hommes se laissèrent enfin consommer par le plus scandaleux et éblouissant des aphrodisiaques.
Taehyung prit soudainement Jeongguk en bouche, si palpitante contre sa peau tendue, tirant des grognements qu'il n'avait entendu que lorsqu'il buvait de son carmin, ses mains s'entremêlant dans ses mèches encore plus pour se perdre dans la concupiscence que l'humain lui apportait.
Hoseok continuait de le préparer avec une intensité toute nouvelle maintenant qu'il était encouragé par les bruits de ses cadets, tirant quelques frissons chez le brun, ses doigts si jouissifs et pourtant si implacables, parfois accompagnés d'un coup de langue salvateur.
Et puis, l'union. L'union la plus charnelle, quand l'homme à la chevelure incandescente se glissa enfin en lui, incandescente comme leurs bassins se rencontrant dans un chant d'un assouvissement gracieux. Plus charnelle que lorsqu'on partage son cruor rougeâtre, plus charnelle que les sombres promesses que l'on pouvait lire dans les prunelles de Lisa et Bo-gum, plus charnelle que ce que Taehyung avait imaginé en pensant à l'issue de cette conversation. C'était si intense, la façon dont le vampire fit de son corps le sien, que le brun ne put que quitter sa mission gourmande pour lâcher un gémissement stupre — d'une sensualité cupide et passionnelle, ricochant à l'intérieur des poitrines des créatures pour leur donner une vigueur toute nouvelle, chassant l'acmé au bout de la ligne d'arrivée avec une détermination inédite.
Taehyung n'avait jamais été adepte d'avoir plusieurs partenaires à la fois. Seokjin si, et ses anecdotes étaient suffisantes pour alimenter secrètement ses fantasmes encore naissant, les premières fois qu'il s'était rendu dans le penthouse du couple. A présent, c'était comme si toutes les pièces du puzzle s'étaient assemblées, rencontrant l'autre à la perfection, comparable à ces éclats de verre que l'on recolle ensemble pour former un diamant d'une pureté inégalée — les va-et-viens d'Hoseok contre ses hanches, impitoyables mais si divins ; la langue si chaude de Taehyung venant apprécier la félicité de l'érection du noiraud, enroulant ses mains dans les draps et le long des cuisses puissantes de son amant ; les paroles obscènes et hypnotisantes de Jeongguk, embrassant son sire au-dessus du dos de l'humain.
Bordel, darling, tu es si bon pour nous.
Ne t'arrête pas, tu aimes quand hyung fais ça, hein ? Est-ce qu'Hoseok-hyung te baise bien ?
Ta bouche, Tae, par tous les saints...
Hyung, hyung, n'est-il pas parfait ?
Peut-être que la Terre cessa de tourner, finalement. Peut-être que les anges chantèrent en cœur et que le ciel s'ouvrit dans un orchestre de trompettes, Taehyung ne saurait dire. Mais il lui semblait bien. Peut-être était-ce l'effet de la septième lune, ronde et brillante dans le ciel, qui donnait à leurs ébats un parfum de fortune et d'extase tout autre, le poids des légendes et des siècles de traditions cousues dans leurs gestes et dans leurs étreintes. Peut-être était-ce l'adrénaline du danger de perdre presque la vie dans le club qui poussait Taehyung à célébrer sa survie avec la volonté d'un homme qui avait vu passer la mort de près, et de la plus glorieuse et euphorique des façons. Peut-être était-ce cette sensation de s'être enfin trouvés, après des mois à s'être appréhendé de loin, à avoir rêvé de l'autre sans oser franchir le premier pas, qui rendait leurs gémissements plus mélodieux, leurs baisers plus sucrés, leur coït plus renversant.
Ce qui rendit la recherche de leur orgasme plus désespérée et plus magique, aussi, alors que les claquements de peau contre peau étaient plus forts, que les soupirs de Jeongguk étaient plus étranglés, et que les griffures de Taehyung le long des cuisses de son cadet étaient plus profondes, tentant tant bien que mal de garder le rythme face à la vigueur véhémente et impitoyable d'Hoseok.
"Hyung, hyung, hoqueta Jeongguk alors que le brun lapait avec verdeur son sexe sensible, je crois que je vais...
Taehyung haleta en relâchant l'objet de ses convoitises, la respiration saccadée et hachée de ses propres lamentations :
"Viens sur mon visage, Gguk, supplia-t-il de ses grands yeux fauves. Marque-moi, fais moi tiens.
Et ses dernières paroles, écho à celles qu'il avait prononcé alors qu'Hoseok se penchait au-dessus de sa nuque, eurent le mérite de faire basculer le jeune nouveau-né de l'autre côté de l'abysse, dans ce vide immense et cotonneux et confectionné des rêves les plus fous ; et la muse eut à peine le temps de fermer les yeux, que déjà il sentait les rubans blancs décorer ses traits.
"Putain, murmura l'homme au-dessus de lui, les yeux vaseux comme le guerrier qui vient de rentrer de bataille, laissant son pouce étaler sa semence le long des lèvres rougies de son amant.
Léchant les perles salées, Taehyung ne put qu'apporter sa main à sa propre érection, douloureuse et négligée, en rejetant sa tête en arrière — avant de se redresser, quelque peu tremblant, le long du torse du vampire aux mèches cendrées, pour jeter un coup d'œil par-dessus son épaule. Hoseok avait les sourcils froncés de concentration, les dents plantées dans sa lèvre inférieure si fort que ses canines aiguisées tiraient quelques larmes de sang, et son regard était si brûlant et ardent, perdu dans la plus belle des luxures, que la seule réponse que le brun apporta fut un gémissement troublé.
"Hoseok, Hoseok, hyung, je t'en prie, dit-il, pantelant, accrochant une main autour de la nuque de son aîné. S'il-te-plaît, hyung, fais moi jouir...
Taehyung devait avoir débloqué un super pouvoir, car là également, ses mots furent suffisants pour réveiller une bête encore ensommeillée au fond de lui, celle qu'il gardait tapie le plus longtemps possible avant le sprint final ; ses coups de reins si brutaux, que si Jeongguk ne s'était pas rapproché de lui pour le tenir par les épaules, le bel éphèbe serait retombé contre les oreillers pour gémir contre les draps une litanie de louanges panégyriques. Une bouche contre la sienne, une main autour de ses bourgeons de chair, une autre le long de son intimité, et mille autres caresses le long de son épiderme comme le souffle de soie, et cette phrase, chuchotée contre ses lippes :
"Viens pour nous, darling...
Et puis le Paradis. L'Enfer. La création du monde. Son acmé le percutant de plein fouet — tsunami de sensations, feu d'artifice crépitant dans sa poitrine, myriade d'étoiles contre sa langue, couleurs les plus chatoyantes des peintres impressionnistes derrière ses paupières. Un cri silencieux déformant sa bouche. Et les deux vampires étaient là, de l'autre côté, l'embrassant et l'étreignant, le laissant retomber dans leurs bras, avec cette sensation au-fond de son cœur que ce n'était certainement pas la dernière fois.
Ils devraient parler plus. Ils devraient échanger sur leur vision sur eux, de comment ils envisageaient les choses, de quoi était fait leur lendemain. Mais Taehyung se dit —alors que Jeongguk l'allongeait sur leur couche avec des mots apaisants et qu'Hoseok était parti chercher une serviette et de l'eau, l'esprit encore brumeux par toutes ces émotions — que lorsqu'on était immortel, de telle conversation pouvaient attendre le lendemain.
Et lorsque les deux hommes s'allongèrent auprès de lui, l'étreignant entre leurs corps froids et paradoxalement si chauds, le brun à la frontière du sommeil, c'était comme une évidence.
Ce n'était pas encore de l'amour. Mais Taehyung savait qu'il lui faudrait moins d'une éternité pour les aimer irrémédiablement.
.
!!!!
wtf je me suis lachée sur cet os ptdr ??? c'est le plus long de tous, on est à 20k de mots, mais je sais pas j'étais vachement inspirée et j'avais envie de faire les choses bien !! voyez ceci comme un petit cadeau de l'été, vu que je ne reposterai pas avant minimum septembre !
j'espère en tout cas que cela vous a plu ! qu'en avez-vous pensé ? après des semaines et des semaines à vous parler de cet os, était-il à la hauteur de vos attentes ? (et OUI, je continuerai de mettre "champagne" comme safeword, depuis le temps vous êtes habitués ptdrrrr)
l'ajout de lisa et de bogum est uniquement due à ce fanart (et leurs présences de malade au défilé) (credits à pinaporu !)
en tout cas merci mille fois pour avoir lu jusqu'ici !
n'oubliez pas, au cas où vous l'avez manqué (il est caché au milieu des os !), mais skoll partie 3 est disponible, n'hésitez pas à aller y faire un tour !
prenez bien soin de vous,
champagne
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