SCARLATTI

𝔖𝔠𝔞𝔯𝔩𝔞𝔱𝔱𝔦
𝔒𝔥, 𝔱𝔥𝔞𝔱 𝔴𝔬𝔲𝔩𝔡 𝔟𝔢 𝔪𝔶 𝔣𝔦𝔯𝔰𝔱 𝔡𝔢𝔞𝔱𝔥 ℑ'𝔳𝔢 𝔟𝔢𝔢𝔫 𝔞𝔩𝔴𝔞𝔶𝔰 𝔞𝔣𝔯𝔞𝔦𝔡 𝔬𝔣 )

Oh, pauvre Jimin. 

jimin
ballet danser!au
black swan!au
short os
major character death

(lien de ma playlist "musiques classiques qui me font penser à des méchants" qui m'a accompagné pendant l'écriture en commentaire en commentaire si vous voulez y avoir accès !!! fortement conseillé d'écouter pendant la lecture pour avoir le mood !!)

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Il n'y avait rien d'autre que lui et la musique. 

Tout était silencieux. Le hall de l'Opéra, baigné dans la noirceur ; les grands escaliers imposants, brillants dans l'éclat des derniers lustres luttant contre l'obscurité. Et même la salle de concert d'apparat dans laquelle il se trouvait, lui et seulement quelques fantômes mélancoliques qui traînaient, languissant, le long des balcons calfeutrés. Silencieuse était la salle, vide de tout spectateur — et Jimin savait, avec un sourire en coin alors qu'il se préparait à un nouveau jeté, ô combien le commun des mortels paierait cher pour pouvoir le voir danser. 

Il pouvait encore le sentir sur sa peau, derrière ses paupières ombrées, le flash des journalistes crépitant pour immortaliser son meilleur profil. Il pouvait encore les entendre vrombir dans ses os, les applaudissements effrénés du public et les douces louanges, mielleuses propositions et autres scandaleux secrets. Il pouvait encore les humer dans ses bras, les bouquets de fleurs qu'on lui offrait pour le féliciter de sa prestation, pour essayer de s'attirer les faveurs. 

Le Cygne Noir. Le Diamant Brut. 
Certains murmuraient même que Terpsichore, muse de la danse, avait embrassé son front dans son berceau. 

Il était bon, si ce n'était l'un des meilleurs ; jolie poupée de cristal qui dansait comme une marionnette contrôlée par l'Opéra, enfermé dans une cage dorée pour l'empêcher de s'envoler. Tout ce qu'il avait toujours voulu, c'était de danser ; mais voilà que la politique entrait en catimini sur les planches, discrète mais omniprésente, et à présent, toutes ces belles promesses et ces compliments et ces dithyrambes n'étaient que fades et mornes. 

Un seul projecteur, un pantalon noir, une blouse légère, et les violons crissants. 
Requiem en D mineur, Lacrimosa, de Mozart. 

Les cœurs graves et languissants du chœur accompagnant ses mouvements de bras, gracieux, s'envolant vers les cieux comme dans un supplice, comme pour prier la Mort de lui accorder quelques instants encore de vie, avant qu'Elle ne vienne cueillir son esprit dans ses griffes acérées. Comme pour lui demander le pardon, la miséricorde avant d'attenter son jugement dernier. 

Et Jimin dansait, seul sur la scène, un chassé puis un autre, tendant les mains vers le projecteur, unique lumière divine qui scrutait ses mouvements, les violons retentissant dans le silence de plomb. 

Quelle était sa douleur ? Quel était son fardeau, alors qu'il se mouvait sur les planches comme si tout le poids du monde était tombé sur ses épaules ? Quels étaient ses secrets, cachés derrière ses paupières ombrées, inavouables, qu'il essayait de transcrire dans la danse ? 

C'était une jolie poupée, mais il était fait de haine et de violence. 




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Dring !

Taehyung souffla sur l'allumette, jetant un dernier coup d'œil aux bougies disposées sur la table avec un sourire, avant de crier un "J'arrive !" en direction de la porte. Lasagnes italiennes dans le four, musique douce sur les enceintes, bougies parfumées qu'il affectionnait tant éparpillées dans le salon, et le vin rouge que Jimin adorait et qu'il avait eu le plus grand mal à trouver, débouchonné, prêt à être servi. Il avait mis son eau de cologne fétiche, avait mis de longues minutes à se coiffer, et bien malgré lui, une vague de nervosité et d'impatience commençait à monter le long de sa colonne vertébrale. 

C'était leurs 5 ans, et même si Jimin n'avait pas voulu fêter leur anniversaire en grande pompe dans ce restaurant que Taehyung avait repéré lors d'un dîner d'affaire —"juste un petit dîner en tête à tête devant un film, love. Pas de cadeau, juste nous deux, c'est tout ce dont j'ai besoin" —.... le jeune homme n'avait pu s'empêcher de déroger à la règle, si ce n'était pour le bouquet de fleurs qu'il avait fait livrer à l'Opéra ce matin-là, ou pour l'écrin en velours qui attendait sagement sur la table de chevet de leur chambre. 

Avec un autre sourire, les pieds traînant doucement contre le parquet de leur appartement, il se dirigea vers l'entrée, non sans s'attarder quelques secondes devant le grand miroir mural pour s'assurer que tout était parfait. Mais quand il ouvrit la porte... 

... Ce n'était pas Jimin qui se tenait là, debout devant lui. 

A la place, un homme brun, vêtu d'un long manteau de cuir noir, un masque tout aussi sombre couvrant la moitié de son visage — et ces yeux, pénétrants et cruels, inconfortables, qui les scrutèrent alors qu'il demanda d'une voix grave : 

"Monsieur Kim Taehyung ?

"Oui ? répondit le jeune homme avec un froncement de sourcil. 

L'homme ne lui répondit seulement qu'avec un rictus.




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Les violons continuèrent à geindre, et Jimin continua à danser, les mains s'arrachant la poitrine avant de se jeter vers le ciel, vers ce projecteur scrutant sa silhouette comme un œil divin dans le ciel. Les voix graves du cœur, ce sentiment de sanglot entrecoupé, de respiration haletante ; et ces noires, et ces arabesques, et cette tête rejetée en arrière, comme les pleurs qui à chaque fois retombent, résignés. Ce n'était pas les cris des pleureuses venant hanter les cimetières, mais celui plus violent encore de la douleur que l'on doit contenir, de larmes dignes, de cette pression des cordes qui laisse entrevoir la poitrine contenue, sur le point d'exploser. 

Et Jimin dansait, les gémissements humides fantomatiques des esprits de l'Opéra se joignant aux larmes des tenori, émus de cette beauté léthale et victimaire, de cette danse comme une dernière prière, comme un dernier pardon. L'on disait toujours qu'un danseur mourrait deux fois : la première était quand il arrêtait de danser. Jimin était jeune encore, mais la simple idée d'arrêter tout cela, que ce rêve se stoppe net comme un verre qui se brise, éclats miroitant cette vie d'antan où tout n'était qu'intense et merveilleux. Alors, puisant dans cette tristesse future et pourtant si actuelle, cette crainte palpable et nauséeuse, Jimin continua à se mouvoir sur la scène. 

Le ballet comme exutoire de ses secrets mélancoliques. 




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"Qui êtes-vous ? demanda Taehyung, fronçant toujours les sourcils. 

Il y avait cette aura autour de cet homme, cet étranger mystérieux qui semblait le connaître, une aura qu'il détestait au plus au point, qui lui faisait tendre ses muscles ; cette voix murmurant dans son esprit, cet instinct, que quelque chose n'allait pas, qu'il ne fallait pas lui faire confiance. Quelque chose dans son allure. Quelque chose dans son regard, surtout. Quelque chose de malsain, de dangereux presque. 

L'inconnu ne lui répondit pas, stoïque, ses prunelles froides. 

Mais alors que Taehyung allait réitérer sa question, un flash argenté zébra l'air. 




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Jimin s'écroula sur les planches, comme une créature vulnérable sous le châtiment divin, cambrant son dos contre la scène, ses pieds nus glissant sur le bois, se couvrant les oreilles face aux supplications et incantations latines du requiem. 

Puis la silhouette se redressa, poupée de son, marionnette momifiée, les gestes saccadés et brusques, avant d'être cueilli dans cette mort pieuse, cette fin amère. Était-ce là ce que Mozart avait imaginé en écrivant ces partitions sur son lit de mort, refusant de finir son œuvre comme pour déjouer son propre trépas ? Et Jimin, laisserait-il aussi cette chorégraphie vierge de toute fin, refusant son propre destin qui arrivait, inévitable, malgré cette arrogance profonde qui coulait dans ses veines ? 

Jimin s'imaginait le regard du compositeur, aussi cruel que les déités dans les cieux et les esprits malins de ces lieux, un autre sauté, un autre chassé, cette même expression désespérée sur son visage. 

Ô, que son tourment était âcre. C'était comme si... comme si les ailes du Cygne Noir  étaient trempées dans le pétrole, dans l'orgueil des Hommes, et dans les ténèbres de l'occulte. Lacrimosa, c'était tout cela à la fois. 




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Un flash, un éclair argenté, et une douleur vive, blanche, à la gorge, si puissante que Taehyung ne put que faire un mouvement de recul, sous le choc, retenant un cri. Que... ? 

Un instant de souffrance et de confusion. Il porta sa main à son cou, perdu, ne comprenant ce que venait faire cet inconnu devant leur porte et pourquoi il venait d'être frappé par ce mal terrible, aussi soudain que tout cela avait été. Mais quand il baissa les yeux en direction de ses paumes, celles-ci s'écarquillèrent d'horreur... 

... car elles étaient couvertes de sang. 

Comme un serpent rubicond, traînant avec cette lassitude léthale sur sa peau, la teintant du péché le plus absolu dans cette couleur écarlate. 

Et la panique s'installa. Faisant un autre pas en arrière, la respiration erratique, l'hémoglobine décorant la peau fine de sa nuque comme un collier de terreur et de supplice, les yeux écarquillés à la recherche de réponse dans le profil sombre de cet étranger — réponses qui, il ne le comprenait que trop bien, ne viendraient pas. 

Et, trébuchant sur le sol, Taehyung tomba dans son propre vermeil. 




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L'orchestre toucherait bientôt à sa fin, Jimin connaissait le morceau suffisamment par cœur pour l'anticiper ; mais ces derniers instants, ces derniers crissements des archers sur les cordes, ces derniers trémolos du chœur qui accompagnait les mouvements gracieux de ses bras — ces moments-ci étaient les plus intenses. Les plus vibrants. Les plus implacables aussi, saisissant à la poitrine comme une main de fer, et le jeune homme, comme hypnotisé, ne pouvait arrêter de danser avant que la dernière note se perde dans l'atmosphère capiteuse de la grande salle. 

Jimin imaginait d'ici, l'émotion des spectateurs s'il présentait cette pièce au public, s'il laissait le monde entier être témoin de sa souffrance et de son fardeau d'épines empoisonnées. Voyait d'ici les critiques ditilambiques, pompeuses, les éloges à outrance se frottant contre la peau du danseur de façon inconfortable. 

Et bien qu'il avait commencé cette routine avec cette confiance qui lui était propre, insolente, les mesures et les variations qu'il pourrait rejouer de mémoire l'avaient comme métamorphosé. 2 minutes 50 : c'était suffisant pour que le serpent se transforme en un oiseau emprisonné dans une cage en verre, pour qu'il se mette à craindre le divin et pour qu'il lui demande pardon. Rares étaient les personnes qui réussissaient à faire courber l'échine aux plus rebelles. 

Car pour l'heure, ce ballet était sien. Montrer ces pas à un public lui était impossible, répugnant même. Théâtre de ses émotions, échappatoire de cette vie allant à toute allure. C'était son secret — encore un —, un qui n'était pas prêt de partager de sitôt, le gardant jalousement contre son cœur, hissant dès lors qu'une âme chercherait à s'en emparer. 




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Sa vision commençait à être trouble. Au-dessus de lui, faisant pour la première fois un pas dans l'appartement, se tenait l'homme en noir, essuyant une lame contre un tissu blanc, les gouttes de sang s'étalant contre le tissu de la même façon que son propre vermillon coulaient doucement contre le parquet clair de l'entrée. Il était assez ironique que dans une telle situation, le jeune homme s'inquiétait de savoir comment il allait pouvoir récupérer la tâche, s'imaginant déjà frotter de toute ses forces pour ôter des fibres de bois le liquide vital. 

L'homme baissa son masque noir, et malgré les points aveugles dans son champ de vision, Taehyung pu observer son rictus. Mauvais. Cruel. Satisfait de sa besogne, comme un messager de la Mort qui venait jusqu'à hanter ses derniers instants de vie. 

Car le jeune homme n'était pas dupe, dans une seconde de lucidité malgré l'oxygène qui commençait à se raréfier : il finirait ici, solitaire, les lasagnes au four et les bougies étincelant dans le salon, l'horreur de sa perte jurant avec le bonheur qu'ils étaient censé partager. 

Jimin, pensa-t-il dans un de ses derniers souffles. Jimin allait rentrer de l'Opéra, et tout ce qu'il allait voir, c'était son corps sans vie derrière la porte. Une larme au coin de l'œil, en imaginant la douleur incommensurable qui saisirait son cœur, et le voyant lui, son amour de jeunesse qu'il comptait bien épouser, gisant dans une mare noire et pourpre. 

Par terre, tombé lorsqu'il avait voulu se retenir sur la petite table dans leur hall, se trouvait un cadre d'eux deux. Cela remontait à leur tout début, quand ils étaient encore jeunes et que leur amour n'était encore que timide et naissant, le blond l'enlaçant par derrière et accordant à la caméra un de ces sourires que Taehyung aimait tant voir sur son visage. Avec un geignement, Taehyung tenta tant bien que mal de se retourner pour saisir le tableau, comme un dernier souvenir, dernière vision qui l'accompagnerait dans l'au-delà. Les pharaons étaient couverts de bijoux et d'offrandes, et lui ne voulait que le sourire de son amant gravé dans son esprit avant de fermer définitivement les yeux. 

Mais la botte de cuir de l'inconnu vint écraser son avant-bras, l'empêchant d'aller plus loin, et Taehyung ne put empêcher un autre cri, faible. 

"Tsk, dit-il en s'accroupissant à côté de sa tête. 

Puis, saisissant le cadre, il le pointa au mourant avec un autre rictus, avant de murmurer dans un air de finalité et de satisfaction : 

"Ne t'en fais pas, je vais aussi m'occuper de ton petit-copain. 




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Cette danse était le purgatoire. Le pardon. L'échec. La beauté aussi, cette beauté sceptrale et antique, mystique, merveilleuse en plein de sombres façons. Quoi de mieux pour accompagner la dernière œuvre d'un artiste qu'un danseur qui n'avait plus rien à perdre, qui se donnait corps et âme pour l'art avec un grand A, quitte à en devenir fou sous le poids des symboles. Peut-être l'était-il déjà. Peut-être avait-il déjà abandonné toute logique, pour plonger dans la vésanie. Peut-être avait-il fait un pacte avec le diable, et non le sacré, pour pouvoir danser à l'infini, jusqu'à ce que ses pieds saignent et son cœur pleure. 

Peut-être était-il déjà tout cela.
L'Opéra était opulent d'or et de cristal, et Lacrimosa était lourd de sanglots et de lugubre. 

C'était deux mondes qui se rencontraient dans une tempête de sable, le beau et le languissant ; et Jimin était celui qui incarnait le mieux cette rencontre, comme l'enfant à la fois chéri et rejeté de cette union singulière. 




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Taehyung s'était toujours demandé ce à quoi il penserait quand il mourrait. S'était toujours demandé quel dernier souvenir viendrait frayer un chemin jusqu'à l'avant de son cerveau, celle qui l'accompagnerait pour l'après. C'était toujours demandé s'il existait réellement un "après", d'ailleurs. 

Il se sentait partir. Il sentait le sang couler encore le long de sa peau. Il savait que ce n'était qu'une question de minutes, de secondes même peut-être, et tout ce à quoi il pensait était la façon dont Jimin le retrouverait. Se demandait si l'homme sombre viendrait l'attendre, caché dans leurs chambres, pour l'attaquer lui aussi au moment où il était le plus vulnérable. Ne cherchait même pas à comprendre pourquoi, voulait simplement que Jimin soit en sécurité. Avec un dernier sourire, étrange et déplacé sur son visage moucheté de sang, il se dit qu'il l'aurait réellement aimé de toute son âme — et voilà qu'il en payait le prix. 

Quelle ironie que leur anniversaire soit également la date de sa mort, vous ne trouvez pas ? 




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Et Jimin dansait à en perdre la raison. 




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Et Taehyung mourrait à en perdre le souffle. 




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Et enfin, dans un dernier cri des violons, la musique se stoppa. Il avait eu l'impression d'avoir dansé toute la nuit, comme hors du temps ; à présent, la salle d'apparat était de nouveau plongée dans le silence oppressant, la lumière du projecteur braqué sur le jeune homme tournait au cru, les craquements des planches étaient plus féroces. 

Mais alors qu'il allait se diriger vers le devant de la scène pour prendre sa bouteille d'eau, il vit une silhouette apparaître au niveau des coulisses — bien réelle, celle-ci, pas comme les esprits qu'il avait rencontré depuis qu'il était rentré dans ce temple du ballet. Un homme vêtu d'un manteau noir, ses mains fourrées dans ses poches, et son regard brillant malgré la pénombre alentour. 

Le jeune homme se tendit, sa respiration se bloquant dans sa gorge... 

... Avant que l'inconnu ne dise : 

"C'est fait, Monsieur. 




Et Jimin lui rendit son sourire cruel. 






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mouahahah

ptit os assez court mais que j'avais envie d'écrire depuis super longtemps !! je kiffais l'idée, donc il fallait que je couche les mots sur le papier (ou l'écran ?)

j'espère en tout cas que vous avez apprécié ! ne vous en faites pas, des os plus longs vont bientôt venir !! j'ai fini les écrits de mon concours (je croise les doigts pour savoir si je suis prise pour les oraux et pour la suite de l'aventure ou pas !!), donc en attendant (et malgré les 98738257 de travaux de mon master), je vais essayer de vous pondre de nouveaux univers !! j'ai plein plein plein d'idées en attente hihi ;) 

hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, j'ai trop hâte d'avoir vos retours !! n'hésitez pas non plus à voter, vous abonner et partager, ça me ferait siiii plaisir !! 


prenez soin de vous les loves ! 





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