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CHAPITRE QUATRE

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En voyant la touffe blonde de Seokjin dans l'entrée du restaurant, la première réaction de Taehyung fut de cligner plusieurs fois des yeux, comme pour s'assurer qu'il était bien là. La seconde fut de l'insulter mentalement, se demandant ce que diable faisait-il ici, et pourquoi Yoongi l'avait emmené dans cet endroit-là en particulier. 

La troisième fut de se lever abruptement de sa chaise pour lui faire face, quand il lui lança un petit sourire en coin. Il ne se préoccupa guère des autres clients qui s'étaient tus momentanément pour lui lancer un regard mauvais, pour observer ses poings couverts de peinture et serrés dans une poigne qui faisait presque blanchir ses phalanges, avant de retourner à leurs plats délicieux dans un haussement d'épaule. 

Et, comme l'un des vieux westerns en noir et blanc que son défunt grand-père regardait, affalé dans son fauteuil miteux, le blond et le brun se jaugèrent un instant, se défiant du regard, se demandant qui aller craquer le premier, qui allait faire le premier pas. Et Yoongi, dans ce duel qui s'annonçait presque sanguinaire, faisait d'avantage office de vautour sans pitié, attendant le premier cadavre fumant tombant sur le sable chaud du désert, qu'un réel médiateur de paix. Bien que, Taehyung en était à cet instant persuadé, il n'avait aucune idée de ce qu'il se passait devant ses yeux. 

"Qu'est-ce que tu fais-là? cracha presque le peintre à l'attention du nouveau venu. 

"Ce sera 'hyung' pour toi, Tae, répondit-il simplement. 

"Ça ne répond pas à ma question, Jin, renchérit le plus jeune, appuyant plus particulièrement sur le surnom. 

Face à l'échange de pseudonymes, gage du fait qu'ils semblaient tous deux bien se connaître, l'arnaqueur, toujours assis devant son assiette alléchante, fronça des sourcils. 

"Jin, vous vous connaissez? 

La voix confuse de Yoongi raisonna atrocement dans les oreilles du faussaire; et, d'une blancheur presque cadavérique, le brun se retourna lentement vers lui, les yeux éberlués et les lèvres pincées.

"Tu m'expliques? 

Sa voix était basse, un peu grondante; et son ton laissait entendre que sa question était d'avantage un ordre qu'une réelle interrogation. Comment ça, même ses soupçons les plus fous étaient vrais? Ils se connaissaient? Yoongi l'avait-il emmené ici dans le but d'une rencontre comme là, maintenant? Est-ce que tout ceci n'était qu'une gigantesque blague? 

Et avant que le noiraud n'ait pu ouvrir la bouche pour venir apporter d'avantage de clarification à cette situation de toute évidence confusante, Seokjin saisit ses deux cadets par le bras pour les traîner, sourd quant à leurs protestations et aveugle quant aux regards curieux, en direction des salles réservées au personnel du petit restaurant. 

Il poussa une porte, à côté de la chambre froide -- cela semblait être une sorte de petit bureau pour le manager --, et après avoir poussé les deux hommes trébuchants, il claqua le pan en bois et se retourna vers eux, les bras croisés. 

"Bon, commença-t-il en se pinçant l'arrête du nez, je crois qu'on a quelques points à éclaircir. 

"Non sans blague, marmonna Taehyung, que la confusion et la surprise rendaient agressif. 

Le blond lui lança un regard noir, et sous les yeux de Yoongi, le faussaire baissa les yeux -- non sans grommeler quelque chose dans sa barbe --, comme si... comme si Taehyung avait l'habitude de se faire rappeler à l'ordre par Seokjin. Et cette "découverte" s'annonçait d'avantage comme un mauvais présage pour le voleur plutôt qu'une bonne nouvelle. Tout comme son dongsaeng, il ne savait pas quel était le lien entre les deux protagonistes devant lui; et de toute évidence, ils se connaissaient depuis suffisamment longtemps, pour agir comme ceci. 

A part le nouveau venu, la pièce centrale de ce triangle étrange, tous semblaient dans un extrême désarroi. 

"Bon, très bien, dit l'arnaqueur après s'être raclé la gorge, d'où est-ce que vous vous connaissez? 

Seokjin et Taehyung se lancèrent un regard: celui du hyung semblait rempli d'une affection triste, comme brisée; tandis que celui du cadet s'apparentait d'avantage à de la haine.

"C'est mon frère, cracha le peintre sans le quitter des yeux. 

Et tout sembla s'éclaircir dans l'esprit de Yoongi -- ou du moins, en partie. Ce changement subit d'attitude du faussaire montrait que la relation qu'il avait avec son hyung s'était de toute évidence dégradée avec le temps; et sans qu'il en sache réellement les raisons, Min pouvait déjà deviner que cela l'affectait plus que le blond. Quant à ce-dernier, et ce peut importe ce qu'il y avait eu entre eux de par le passé, il semblait vouloir se réconcilier, d'une certaine manière, avec son jeune frère; et cette distance que Taehyung imposait lui était difficile. 

Yoongi n'était certes pas psychologue, mais son métier d'arnaqueur et d'escroc lui avait appris quelques trucs sur la façon de décrypter les émotions des gens. Il pouvait lire en n'importe qui comme dans un livre ouvert -- et sûrement que cela l'avait aidé lors de la récente négociation avec le faussaire hors pair. Cependant, à présent que le brun savait que son frère qu'il détestait tant le connaissait, il n'était pas aussi sûr que l'arrangement qu'ils étaient sur le point de conclure allait aboutir. 

Et il ne pouvait pas laisser cette chance passer, il en était hors de question: Taehyung était la pièce maîtresse de son nouveau projet, et si à la fin des explications il tournait les talons pour ne plus jamais se retourner, Yoongi n'aurait même pas la force de chercher pour un autre faussaire. Parce que tous n'étaient que médiocrité à côté des doigts de fées qu'il possédait. 

"Et vous? demanda le plus jeune d'un ton froid, sortant le noiraud de sa rêverie. 

"On était colloc' deux ans à l'université, répondit doucement Seokjin. 

"Oh, je vois, rétorqua Taehyung en croisant les bras devant sa poitrine. C'était avant ou après m'avoir salement abandonné? 

Sa voix était froide, cinglante, pleine de reproches. Et comme si l'atmosphère n'était pas assez rigide comme cela, la tension monta encore d'un cran, au point presque que l'air semblait se faire rare et laborieux.

"Tae, souffla son frère, excluant complètement Yoongi de la conversation, tu sais que je n'ai pas eu d'autres choix... J'étouffais à la maison, il fallait que je parte, et le plus tôt fut le mieux...

Ses yeux étaient recouverts d'un voile triste, comme s'il essayait de faire comprendre à son cadet les raisons de son départ -- qui, pour le voleur, semblaient complètement floues --, et comme s'il était encore plus peiné alors que le brun lui répondit presque immédiatement, les yeux accusateurs et éberlués devant tant de bêtise: 

"Donc tu as préféré m'abandonner? Me sacrifier pour que tu puisses avoir une vie plutôt décente? Et moi, dans tout ça, hein? J'étouffais tout autant que toi, bordel, et tu as signé mon arrêt de mort!

Sa voix, tout aussi imprégnée de haine qu'elle était il y a quelques secondes, laissait toutefois apercevoir un brin de désespoir, de douleur et de peine. Même si le motard ne comprenait pas tout ce qu'il se passait sous ses yeux, il semblait comprendre cependant que cela ait quelque chose à voir avec l'entrée à la fac de Seokjin, quittant la maison et, par conséquent, un jeune frère -- le laissant avec, apparemment, quelque chose dont il n'était pas capable de gérer tout seul. 

"Est-ce que tu sais, continua-t-il, la voix légèrement brisée et clignant furieusement des yeux pour chasser les larmes naissantes et traîtresses; est-ce que tu sais combien il m'a fait mal quand il a comprit que tu t'étais cassé? 

Cela n'apporta qu'un frisson funeste le long de la colonne vertébrale du tiers, qui comprit, à demi-mot, la raison de leur problème: ils avaient tous deux un père violent, de toute évidence; et Seokjin était parti dès qu'il en avait l'occasion. Taehyung n'avait servi que de punching-ball à un paternel furieux de voir le départ de l'un de ses fils. 

Et si le brun était sur le point de pleurer à cause de toute la haine et la déception qu'il avait contre son frère, et qui maintenant étaient libres comme le torrent furieux du barrage, Seokjin, lui, était on-ne-peut-plus ému par les mots de son cadet, le remord le bouffant littéralement de l'intérieur. 

Tout ressortait à présent, après des années à ne pas s'être parlé de peur que, justement, une conversation comme celle-ci prenne place. Trop tard, maintenant, et cela se faisait sous le regard inquisiteur du noiraud. 

Le faussaire, se souvenant qu'il ne voulait pas paraître faible -- et surtout pas devant un Yoongi qui allait potentiellement devenir son futur associé --, s'essuya rageusement les perles au coin de ses yeux, avant de pousser le blond de ses deux mains plates, comme s'il voulait qu'il s'éloigne le plus de lui. 

"Alors tu n'as pas le droit, Jin, de venir la bouche en cœur me dire que tu es désolé, alors que tout ce que tu as fait c'était de t'enfuir comme le putain de lâche que tu es, pour me laisser pour mort ! 

Le brun tremblait à présent -- était-ce à cause de la tristesse, des souvenirs de son passé ou de la fureur noire qu'il portait dans son cœur; cela n'avait au fond pas beaucoup d'importance. 

"Ecoute Tae, je t'aime, tu le sais, et je suis aussi super lié à Yoongi, mais s'il-te-plaît, refuse le marché qu'il te propose, et sors-toi de là. 

L'interpellé eut presque envie de protester, de dire que ce que faisait là son ancien colocataire n'était pas très loyal; mais il se reprit bien vite, se disant que ce n'était pas à lui d'intervenir, que ce n'était pas sa conversation, et que, plus que tout, ce n'était pas son frère. 

Contre toute attente, Taehyung lâcha un ricanement bas, comme si profondément amusé par la tournure des choses. Et, relevant son regard -- qui lui, pourtant, n'était empreint d'aucun amusement -- vers son hyung, il lui lâcha ces mots crus au visage: 

"Comment est-ce que tu peux oser prétendre savoir ce qu'il y a de mieux pour moi alors que tu m'as renié comme un vulgaire étranger? 

"Je...

"Pas de 'je', Seokjin. Ce n'est pas de toi qu'on parle, putain. Et tu sais quoi? rajouta-t-il en écartant les bras, je pense même que je vais accepter son offre, tiens, juste pour te faire chier. 

Bon, inutile de dire que Yoongi appréciait guère qu'on parle de lui alors qu'il était dans la même pièce, ni qu'on l'utilise comme instrument de vengeance. Mais encore une fois, il laissa couler, ne sachant vraiment quelle attitude adopter dans une telle situation. 

"Et toi, poursuivit Taehyung en pointant l'arnaqueur du doigt, si tu veux qu'on travaille ensemble, tu dois me prouver que tes "talents" soient vrais. Je veux un portrait de Jaeyeol Han demain soir devant ma porte; il a une galerie d'art à Séoul, et vu que tu as réussi à me retrouver chez Jeon, tu vas pas avoir grand mal à trouver mon adresse. 

Et laissant les mots planer dans le petit bureau, il tourna les talons en claquant sèchement la porte. 

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La fumée s'échappa doucement de ses lèvres, libre, enfin, pour pourvoir se mêler lentement avec les vapeurs des bougies parfumées, qui, tant bien que mal, essayaient de camoufler l'odeur parfois âcre de la peinture. Enfin, c'était uniquement parce que Jimin était venu le visiter qu'il avait craqué quelques allumettes -- il trouvait, au contraire, ce parfum de couleur d'une émotion riche et rare. 

Allongé sur son lit, un bras calé sous sa tête, Taehyung n'était en tout et pour tout vêtu que d'un caleçon et d'un kimono rouge complètement ouvert sur son corps d'Apollon. Un accoutrement étrange pour un personnage étrange, certes. Fixant distraitement le plafond, il apportait régulièrement son joint à ses lèvres, accompagné du doux son de quelques vieux vinyles de soul qu'il avait trouvé sur un marché -- qui étaient accompagné du voisin qui jouait encore du saxophone à cette heure tardive. 

Jimin s'allongea à ses côtés à son tour, lui aussi approximativement dans la même tenue que son ami -- disons qu'il avait piqué dans la collection de pièces de soie du brun, en version bleue nuit --, et dit, après avoir tiré une taffe sur sa propre tige: 

"Je ne sais vraiment pas ce qui t'as retenu de le frapper. 

Taehyung se contenta seulement d'émettre un bruit d'approbation, signe qu'il l'écoutait tout de même. Ce soir-là, son ami le sculpteur était venu pour une visite improvisée dans l'appartement miteux du peintre; c'était comme s'il avait pu lire son esprit à distance, parce que de toute évidence, le faussaire était légèrement retourné après avoir revu son frère. Et comme il ne pouvait rien lui cacher, il s'était empressé de raconter tout ce qu'il s'était passé la veille, de son altercation familière avec Jungkook à la remontée de souvenirs, dans le bureau du restaurant. 

Et pendant qu'il parlait, qu'il laissait de son coeur s'écouler un trop plein d'émotions que lui-même n'avait pas cru capable d'exister, son aîné roulait quelques "douceurs" tout en l'écoutant et en commentant, parfois. Son copain, Namjoon, était un dealer dont les affaires marchaient relativement bien; et Jimin avait sonné à la porte avec un tas d'échantillons gratuits que son amant lui avait amoureusement offert. 

Et maintenant, les voilà. Allongé sur le lit du cadet, en train de fumer des joints -- de qualité, il fallait se l'avouer --, comme quand ils étaient à l'école des Beaux-Arts et qu'ils refaisaient le monde à quatre heures du matin, alors qu'ils avaient des projets à rendre pour dans quelques heures. 

Le roux n'était pas dupe: Taehyung lui avait raconté, une seule fois, l'intégralité de ce qu'il avait vécu, de l'enfer qu'il avait traversé, quand Seokjin l'avait abandonné dans les griffes rapaces de son père violent. Certes, la vie était dure quand il était encore présent; mais le jour-même où il avait fait ses valises, rien ne fut plus jamais comme avant. Et le sculpteur savait bien que quelques-unes des cicatrices, dans son dos, n'étaient pas uniquement causées par les petites racailles de banlieue à qui le faussaire devait de l'argent. 

"Je n'aurais pas été meilleur que lui si je l'avais fait, marmonna le brun en répondant à la question de son hyung. 

Que le 'lui' s'apparente à son père ou à son hyung, l'artiste ne savait pas trop -- et n'osait demander, aussi. 

Du coin de l'oeil, Jimin le vit fixer le bout rougissant de sa tige de drogue, et il savait très bien à quoi il pensait. Il ressassait toutes les émotions qu'il avait pu traverser, toute la douleur qu'il est inimaginable d'endurer pour un ado comme lui, et même la façon dont il s'était mordu la langue quand son père l'avait pris pour un cendrier vivant -- d'où sa brûlure de mégot sur le bras. 

Décidant de changer de sujet, le roux reprit la parole:

"Bon, et ton Yoongi, là, tu le sens comment? 

Ce n'était pas parce que l'aîné des deux commençait à se tailler une réputation plutôt honorable dans le monde de l'art qu'il n'était pas au courant des activités légèrement illégales de son meilleur ami -- et il le soutenait, par ailleurs, parce que lui aussi était persuadé que les doigts de Taehyung refermaient un véritable don de la nature. Et, bien entendu, le brun avait presque le devoir moral de raconter son entrevue avec l'arnaqueur. 

"Je sais pas trop, répondit-il en recrachant doucement une nouvelle volute. Il en sait beaucoup trop sur moi, comparé à ce que je sais sur lui, et j'ai peur que ça se retourne contre moi. 

Au moment même où Jimin ouvrit la bouche, le copiste le coupa presque immédiatement en lui lâchant un regard noir: 

"Et je sais ce que tu vas dire, il est hors de question que j'aille voir Seokjin pour faire ma petite enquête. 

Le sculpteur haussa les épaules, ne souhaitant pas poursuivre sur cette voie risquée qu'était la mention du grand frère, mais roula tout de même les yeux pour exprimer son mécontentement. 

Au moment-même où il allait rallumer le bout mourant de sa tige de drogue, on sonna à la porte. L'aîné fronça des sourcils, et fut encore plus confus quand il vit la même expression que la sienne sur le visage de son dongsaeng. 

"Tu attends quelqu'un? 

Taehyung secoua la tête, et se leva lentement, ne prenant même pas la peine de refermer -- au moins un minimum -- le kimono sur son torse. Il ouvrit la porte précautionneusement, mais le couloir sombre et lugubre était vide; et il faillit fermer la porte sans voir le tube en plastique, déposé sur le paillasson.

Il reconnaissait bien ce que c'était-là: ce genre de tube étaient utilisés pour transporter ou stocker des toiles, roulées sur elles-mêmes. Presque possessivement, il saisit l'objet, avant de refermer la porte en hâte. 

Jimin fut un peu surpris, quand son meilleur ami revint sur le matelas avec le tube dans sa main, et avant qu'il n'ait eu le temps de demander ce que c'était, que le brun dévissait déjà le bouchon pour pouvoir en extraire le contenu. 

Le toucher souple de la toile sous ses doigts fut familier, alors qu'il déroulait doucement le tissu, sans cadre; et la, sous ses yeux un peu vitreux à cause de la drogue, se dévoila un magnifique portrait contemporain d'une femme. Fait de coups de peintures qui semblaient presque aléatoire, dans une ambiance rouge des plus exquises -- qui allait très bien avec son peignoir de soie, cela dit --, au regard flou mais perçant, se tenait entre les mains du peintre une oeuvre de l'artiste Han. 

Ce qu'il avait demandé à Yoongi de lui apporter, la veille, s'il voulait qu'ils fassent affaires. 

"T'aurais pu lui donner un truc plus difficile à voler, quand même, grommela Jimin par-dessus son épaule. 

Mais Taehyung ne l'écoutait pas, alors qu'il observait simplement le petit bout de papier qui était tombé du tube. Sur la note, en écriture indéniablement masculine, on pouvait y lire ces mots: 

"Alors, deal?   
- M.Y "

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je suis vraiment désolée pour ce retard, je n'arrivais pas à correctement formuler mes idées!!! + j'ai pleins d'autres projets sympa qui devraient vous plaire!!!

écrit d'une traite, au final j'ai réussi à trier mes idées on dirait ;)


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