Pacte de sang :
╭┈─────── ೄྀ࿐ ˊˎ-
❝-Les liens du cœur sont les plus importants de la vie. Pas de liens, tu meurs... ou tu deviens une machine inhumaine
-Michelle Gérin❞
Ce fut une mauvaise idée, une très mauvaise idée.
Léo savait qu'Aki était quelqu'un de sensible. Il savait aussi qu'Aki ne l'appréciait pas vraiment. Et surtout, il savait qu'il n'était pas le meilleur pour comprendre les sentiments des autres... mais à ce point ? Tout ce qu'il avait voulu, c'était se rapprocher de ami. Alors pourquoi tout avait-il dû tourner si mal ?
Ils étaient un groupe de quatre amis, et parmi eux, Léo était de loin celui qu'Aki aimait le moins. Non, c'est sûr, il le détestait ! Quand il entrait dans une pièce, Aki en sortait. Quand ils marchaient dans la même direction, Aki changeait de trottoir. Et quand ils s'asseyaient par hasard face à face, Aki changeait de place. Léo n'avait jamais compris pourquoi tant de haine envers lui. Il savait qu'il n'était pas la personne la plus agréable ni la plus futée, et qu'il avait dû le froisser à un moment donné, mais à ce point ? Pourtant, lorsqu'ils parlaient sur internet, ils s'entendaient bien. Alors pourquoi en personne tout se passait-il si mal ?
Il se sentait tellement mis de côté. Mais s'il y a bien une chose que tous ces animes lui avaient apprise, c'est de ne jamais abandonner ! Tel est l'esprit des plus grands héros de shōnen qu'il admirait.
Donc, dans l'optique d'améliorer leur relation, il avait décidé de faire une activité avec Aki. Et quoi de mieux pour tisser des liens que de regarder un film d'horreur ? Vivre une situation de stress ou de danger ensemble renforce les liens, c'est ce qu'avait assuré un étrange livre de psychologie en promotion à la librairie du coin. Il avait même choisi un jour de tempête rien que pour l'occasion ! Alors pourquoi tout cela avait-il si mal tourné ?
- Ne m'approche pas ! hurla Aki, terrifié, en repoussant la main tendue de Léo.
Cela faisait plusieurs minutes qu'Aki traversait une intense crise d'angoisse, hurlant et sanglotant de toutes ses forces, refusant obstinément l'aide de Léo. Avait-il fait quelque chose de mal ? Le film était-il trop effrayant pour lui ? Léo savait qu'Aki n'avait pas eu une vie facile. Quelque chose dans le film avait-il réveillé de mauvais souvenirs ? Il n'en avait aucune idée... et dire qu'il se prétendait être son ami ! Pas étonnant qu'Aki ne l'aime pas...
Si Anna ou Reyndai avaient été là, elles auraient su quoi faire.
Mais malheureusement, la tempête avait coupé le réseau du petit village où vivait Aki, obligeant Léo à faire face à ce problème seul.
- Je t'ai dit de ne pas m'approcher !
- Si tu ne me laisses pas t'approcher, comment veux tu que je t'aide à aller mieux, hein ?
- MAIS QUI A DIT QUE JE LA VOULAIS TON AIDE ?!
Sur ces mots, Aki stoppa de se débattre, essoufflé par son agitation, et posa la statuette de Bouddha qu'il s'apprêtait à lancer. Léo resta hébété quelques instants. Était-il vraiment un si mauvais ami que ça ?
- Vous êtes tous pareils ! continue-t-il. Quand vous en aurez marre de moi, vous me jetterez comme un vulgaire jouet ! Je n'ai pas besoin de votre aide ! Je ne veux pas de votre aide ! Sinon... sinon...
Ces derniers mots, Aki ne les avait pas hurlés. Il les avait murmurés dans un sanglot, comme s'il ne voulait pas connaître la suite de sa propre phrase. Dans une ultime tentative de se protéger, il se recroquevilla sur le fauteuil et se couvrit avec un plaid.
Léo eut à ce moment un éclair de lucidité, un moment de trans comme les protagonistes en pleine bataille critique qui comprennent enfin les enseignements de leur maître. Il n'était ni Anna, ni Reyndai. Et il n'avait besoin d'être aucune des deux. Il n'était pas aussi empathique qu'Anna, ni aussi sage que Reyndai. Mais ce n'était pas grave. Il était quelque chose de bien plus spécial que ça.
Il était...
Il était...
Il était...
UN OTAKU !
- Aki ! Faisons un pacte de sang !
Aki resta un moment figé, tellement pris au dépourvu que même sa crise d'angoisse sembla s'arrêter. Que diable passait-il dans la tête de cet énergumène ? Comment en était-il même arrivé à cette conclusion ?
- ... Hein ? fut tout ce qu'Aki réussit à dire.
- Tu as dit que tu n'avais aucune garantie que je serais toujours là pour toi, non ?
C'est pas du tout ce que j'ai dit, pensa Aki très fort, incapable de répondre à cause de sa voix cassée.
- Avec un pacte de sang, tu seras sûr que je ne pourrai jamais te trahir !
Le silence qui suivit cette déclaration fut parmi les moments les plus gênants que Léo ait jamais vécus, rivalisant facilement avec le jour où il avait pété en déclarant sa flamme à une fille. Le vent qui frappait les fenêtres et les reniflements réguliers d'Aki ne faisaient qu'accentuer le malaise.
Mais quel idiot ! À quoi t'attendais-tu ? Que devait-il faire maintenant ?
Le silence fut rompu, contre toute attente, par Aki.
- D'accord.
- Hein ?
- Je suis d'accord.
- À propos de quoi ?
- Du pacte de sang, crétin ! Ne me prends pas pour un abruti ! aboya Aki en se levant d'un bond, faisant voler le plaid.
Ça avait marché ? Aki était d'accord ? Était-ce aussi simple depuis le début ? Pourquoi n'y avait-il jamais pensé ? Qui aurait cru que le froid, distant et sérieux Aki aimait ce genre de trucs ?
- Oui, faisons-le !
- ...
- ...
- Et ?
- Et ?
- Comment on fait un pacte de sang ?
Ah.
Léo devait avouer qu'il n'avait pas pensé à cette partie du plan.
- Tu sais au moins comment on fait, n'est-ce pas ? Aki décandit du fauteuil et se plaça devant lui, un air interrogateur, un certain mépris dans les yeux.
- B-Bien évidemment que je sais comment faire ! Le nombre d'animes et de mangas qui parlent du sujet ne se compte pas !
- Alors, on commence par quoi ?
Le blond se mit à réfléchir, jouant avec la queue d'un chat en peluche qui eut le malheur de traîner ici. Il rassemblait à une vitesse terrifiante toutes les informations qu'il avait sur le sujet. Le principe de base était de mélanger leur sang, que ce soit en le versant dans une coupe ou en touchant la plaie de l'autre, peu importe. Mais tout d'abord, il fallait mettre l'ambiance propice à ça ; qui fait des rituels dans une pièce si illuminée et colorée ?
- Tout d'abord, il faut mettons-nous dans l'ambiance, éteignons les lumières !
- Hors de question, rétorqua Aki d'un ton froid.
- Hein ? Pourquoi ? !
- Comme ça.
- Oh, allez Aki, ne fais pas ta chochotte.
- Non, c'est non ! J-je ne veux pas être dans le noir.
Oh, il doit avoir peur du noir, quel idiot ! Si Anna avait été là, elle m'aurait sans doute frappé.
- Dans ce cas, mettons des bougies ! On les mettra en cercle autour de nous, ce sera grave stylé. Oh, mais tu ne devrais pas en avoir d-
- J'en ai, elles sont dans le tiroir de la cuisine, je les ramène.
Aki sortit du salon à toute vitesse, profitant de l'occasion pour éteindre la télé mise en sourdine.
Ce court moment de pause laissa le temps à Léo de réfléchir. Que diable était-il en train de faire ? Les mangas lui avaient pourtant appris à ne jamais interagir avec le surnaturel sous peine d'être entraîné dans une intrigue qui lui ferait risquer le destin de l'univers chaque jour. Et si, après ça, il se faisait réincarner dans un autre monde ? Et s'il recevait une punition divine ? Non, pire, si Aki se révélait être un démon à qui il vient de vendre son âme ? Ce serait bête de mourir comme ça.
Non, il ne devait pas se dégonfler, pas maintenant. C'était la première fois qu'Aki voulait faire quelque chose avec lui. Même le film, c'était plus Léo qui s'était incrusté chez lui qu'une réelle soirée entre amis. S'il abandonnait maintenant, il ne pourrait jamais être l'ami d'Aki, et cette idée l'insupportait. Donc, serrant davantage la peluche dans ses bras, il se jura que, peu importe ce qui l'attendait, il irait jusqu'au bout de ce rituel !
- Les voilà.
Le plus jeune tendit à son aîné un paquet de bougies blanches encore dans leur emballage. Léo se mit aussitôt à les déballer.
- Parfait ! Tu n'aurais pas de quoi les allumer ?
- Hum, j'ai ça.
- Il sortit de la poche de son pyjama un briquet aux élégants motifs de fleurs.
- Pourquoi tu as un briquet dans ta poche ? Ne me dis pas que tu es pyromane ? !
- Je suis fumeur, fu-meu-r, donc arrête de dire des bêtises, dit-il en lui donnant une pichenette au front.
- Tu fumes ? ! Je n'avais jamais remarqué...
Aki haussa les épaules et se mit à déplacer tous les objets qu'il avait jetés plus tôt.
- Je m'assure de ne jamais fumer en présence de non-fumeurs et puis, tu sais... Ce n'est pas quelque chose dont je suis fier...
Oh, pendant tout ce temps, il avait fait l'effort d'éviter de le déranger. Peut-être l'appréciait-il plus qu'il ne le pensait ?
Non, Léo, ne sois pas heureux pour une chose aussi bête, ça fait juste partie de ses principes. Aki est quelqu'un de droit.
- Peut-être, mais ce n'est pas quelque chose dont tu dois avoir honte.
Ces mots heurtèrent Aki plus qu'il ne voulut l'admettre. Ce n'est pas comme si c'était la première fois qu'on lui disait ça ni qu'il avait spécialement honte de fumer. Alors, pourquoi cela le touchait tant ? Mais avant même qu'Aki puisse répondre quoi que ce soit, il se fit couper par un Léo tout fier.
- Tada ! J'ai terminé ! Tu trouves ça comment ?
- Les bougies dansaient sereinement, formant un rond entouré par les fauteuils bleus du salon, donnant une aura sonnante à l'endroit, parfait pour l'occasion. Mais...
Si une bougie tombe, je peux dire adieu à ma maison...
- Oh, il faut éteindre les lumières, j'y vais !
Léo, qui se trouvait au milieu du cercle, tenta d'y sortir, renversant presque une bougie. Aki, qui tenait à sa demeure durement gagnée, se leva immédiatement.
- C'est bon, reste là, j'y vais.
- Oh, thank you ! Ah, et ramène avec toi un parchemin, un pinceau et de l'encre.
Bien que perplexe, Aki s'exécuta, fouillant dans le tiroir de son bureau. Il en sortit le pinceau, l'encre et même le parchemin qui allait avec. Comment Léo savait qu'il avait ces choses ? Ce n'est pas comme si tout le monde en avait. Il n'avait pourtant jamais dit à quelqu'un qu'il faisait de la calligraphie, si ?
Oh, et puis, qu'importe. Il ferma minutieusement le tiroir et se redirigea vers le salon.
- Me revoilà.
- Il éteignit les lumières et pénétra dans le cercle sacré. Il ne sait pas pourquoi, mais en entrant, il ressentit un frisson lui parcourir toute la colonne vertébrale. Ce rituel était-il vraiment effectif ? Il s'assit à côté de son ami, lui offrant les nécessaires.
- À quoi va servir tout ça ?
- À écrire notre contrat, bien sûr ! La plupart des pactes de sang n'ont pas d'écrit, mais j'ai pensé que ce serait mieux d'avoir une preuve physique.
- Pourquoi ne pas le faire normalement alors ?
- Oh, Aki, come on ! Tu comptes écrire les lois qui tisseront notre lien éternel avec un stylo à bille sur du papier A4 ?
- C'est bon, j'ai compris. On commence par quoi ?
- Humm, tout d'abord, il faut écrire une introduction du style "Moi, Léonard Dubois, jure sur mon sang à ne jamais enfreindre ce contrat, que les dieux me punissent si je romps à mon devoir" !
- Tu t'appelles Léonard ? Ça ne te va tellement pas ! Tu m'étonnes que tout le monde t'appelle Léo.
- Ha-ha-ha, très drôle, moque-toi de moi autant que tu veux, mais assure-toi juste d'écrire ce que je dis, je ne sais pas écrire japonais, moi.
Aki se mit à tracer des caractères élégants d'une main habile. Que se qu'il était doué, Léo se demandait comment il avait appris ça.
Ce dernier s'arrêta un moment, réfléchissant à la suite, puis déclara.
- Je pense que je vais écrire la même chose, "Moi, Akihiko Kurogane-"
- Stop, stop, stop ! Tu t'appelles Akihiko Kurogane ? Tellement stylé ! Pourquoi mon nom est-il ringard ? Ce n'est pas juste.
- Je ne le trouve pas ringard, moi, mais j'avoue qu'il a l'air d'être trop raffiné pour quelqu'un comme toi.
- Pour toute réponse, Léo lui donna une pichenette au front, revanche de celle qu'il lui avait donnée avant, et, surprenamment, Aki en rit. Quand est-ce qu'il avait vu Léo rire d'un rire aussi franc ? L'avait-il même un jour vu ?
- Hey, Léo, ça va ? s'inquiéta le plus jeune en se rapprochant du concerné pour mieux le voir dans l'obscurité.
Cela eut simplement le don d'encore plus déconcerté Léo. Depuis quand lui parlait-il aussi gentiment ?
- O-oui, tout va bien ! J'étais simplement en train de penser à la clause du contrat. Plus il y aura de clauses, moins ça donnera l'impression d'un contrat mystique. Faisons simple : "Si le destin vient m'obliger à me retourner contre mon frère, que le karma me punisse et que mes incarnations se souviennent de leur dette."
Traçant sur le parchemin, les deux continuèrent d'ajouter des lois aussi farfelues, parlant de démons renards à neufs queues et de clans shinobi. Aki ne put s'empêcher de trouver cette activité très amusante. Les moments avec Léo avaient-ils toujours été si agréables ?
Ils finirent par une douzaine de règles.
- C'est bon, je pense qu'il y en a assez, maintenant la partie la plus importante ! Il faut signer avec notre sang. Aki, tu peux ramener de quoi faire une petite entaille ? Le but n'est pas de nous blesser, juste de faire couler un peu de sang.
Le concerné se mit à fouiller dans sa poche.
- Tiens, un cutteur.
Le blond resta un moment déconcerté.
- Quoi ?
- Aki, pourquoi tu as un cutteur dans la poche de ton pyjama ?
Ah. Erreur de débutant. Il s'était senti si à l'aise qu'il a oublié de se montrer prudent.
Tu commences ou je commence ? dit le plus jeune en détournant le regard vers le parchemin.
- Aki... supplia l'aîné des deux.
Mais le concerné s'obstina.
- Je commence en premier alors.
Léo soupira vaincu.
- Non, laisse tomber, c'est moi qui vais le faire d'abord.
Léo prit le cutteur et hésita un instant. Se blesser soi-même était bien plus difficile qu'on ne pourrait le penser, surtout quand c'est pour faire un rituel qui scellera à jamais ta vie à celle d'une autre personne. Mais bien déterminé à aller jusqu'au bout, il fit glisser la lame sur son pouce puis tamponna le parchemin. Sur le moment, la plaie ne lui fit rien, et après avoir essuyé le cutteur, il le donna à Aki.
Il fut triste de constater le manque d'hésitation d'Aki quand il se coupa et espéra intérieurement que ce n'est pas pour la raison qu'il pense.
Je devrais en parler à Tachibana demain.
Avec délicatesse, Aki tamponna au même endroit que son camarade quelques secondes plus tôt. Ça y est, c'est fait. Il était maintenant lié au blond par un rituel pseudo sacré fait en totale improvisation. Il ne savait pas trop comment se sentir vis-à-vis de ça. Quand il s'apprêta à parler, il sentit soudain un poids le faire tomber et le pousser dangereusement vers les bougies toujours allumées.
T'es fou ? ! Tu veux me tuer ou c'est comment ? !
- Ça y est, tu es mon frère de sang ! Maintenant, tu passeras le restant de tes jours avec moi !
- Hein ? Je n'ai pas signé pour ça, moi !
- Trop tard héhé. Le jour où je me révèlerai être le descendant d'un grand clan shinobi dont je dois prendre la tête après la mort mystérieuse de son chef, mon arrière-grand-père, tu seras obligé de m'accompagner dans mon voyage initiatique !
Aki se sentait étrangement léger à ce moment-là. Il ne savait pas si c'était dû à la douce chaleur des bougies, aux éclatantes couleurs du parchemin ou à l'éclatant sourire que lui offrait son compagnon. Mais ce qu'il savait, par contre, c'est que depuis cette nuit, il ne se sentit plus jamais seul.
Quel drôle de type, se disait-il souvent en repensant à cette nuit, un sourire aux lèvres.
╭┈─────── ೄྀ࿐ ˊˎ-
2840 mots
Je déteste cet OS.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top