[ Il sourit un peu ]

- Mais pourquoi tu veux toujours t'en aller loin de moi ? Je t'aime moi pourtant !
- Mais justement ! Si tu m'aimes, laisse-moi partir !

Son regard s'assombrit d'un coup et un rictus horrifique se fixa sur son visage. Il avança lentement vers moi et caressa ma joue. Je tremblais à son contact et tournais la tête.

- Jeff...

Son sourire s'élargit encore et un rire malsain lui échappa.

- Tout va bien mon ange.

Soudain, une douleur vint assaillir ma tête et mes paupières se fermèrent malgré mes efforts pour les maintenir ouvertes. Le noir envahit peu à peu mon esprit et j'eu la sensation désagréable de ne plus sentir mon corps et de tomber dans le vide.

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Le réveil fut brutal et douloureux.

Mes mains étaient attachées dans mon dos avec du scotch et j'étais couchée sur un lit. Je me relevais doucement, me retrouvant assise sur la couette. Je regarde la chambre. Ce n'est pas celle que je connaissais... Elle est plus grande et complètement plongée dans le noir. Aucune trace de cadavre non plus. Elle semblait ne plus être occupée depuis un long moment. Une odeur de poussière régnait et me fit éternuer à plusieurs reprises. Les murs étaient d'une couleur blanc passé, tachés de traces de doigts rougeâtres. Certaines parties avaient même été lacérées à coup d'ongles.

Soudain, la porte s'ouvrit violemment, dévoilant Jeff, sourire aux lèvres, cheveux ébouriffés, et regard fou. Je paniquai et me plaquai contre le sommier du lit.

- Enfin réveillée mon chaton ! Je commençais à m'inquiéter !

La haine commençait à me ronger mais la terreur me paralysait toujours.

- J'ai eu peur d'avoir frappé un peu trop fort...
- Arrête.

J'arrivais enfin à articuler de nouveau. Mon coeur battait fort dans ma poitrine et mes dents ne se desserraient pas.

- Comment ça, "arrête" ?
- Arrête de faire semblant. J'ai très bien compris ce que tu comptais faire Jeffrey. J'ai été incroyablement conne de penser que je pouvais te faire confiance. Tu n'es qu'un psychopathe.

Mon ton était froid mais je restais terrorisée. Même si j'avais compris que mon corps rejoindrai bientôt ceux des poubelles chez lui, la peur restait là, à refuser cette idée de mort imminente.

- Tu vas me tuer. Je l'ai capté tu sais ? Je ne suis pas débile non plus.

Il soupira un peu et afficha un air profondément ennuyé. Il s'assit sur le lit et fixa ses doigts quelques secondes avant de lâcher quelques mots.

- Je sais que tu n'es pas débile, tu es même sûrement la fille la plus intelligente que je connaisse.

Il se tourna vers moi et planta son regard dans le mien. Toujours ce bleu envoutant et dérangé. Il regarda mes poignets scotchés et soupira de nouveau.

- Donne, je vais te détacher.

Je le fixai quelques secondes. Toute poussière de confiance ou de tendresse que j'avais pu ressentir pour lui s'était évaporée. Mon instinct de survie était plus que jamais à l'affut et tout mon corps semblait électrisé. Je lui tendit pourtant mes poignets en me tournant avec prudence. Je le senti les saisir avec délicatesse et sortir son Opinel. Il me lança un rapide coup d'oeil avant de couper mes liens. Il rangea directement son couteau tandis que je frottai ma peau rougie et endolorie. Il se remit à fixer ses doigts en les tordant dans tous les sens, les faisant bruyamment craquer.

Le silence devenait gênant.

Il le brisa d'un coup.

- Est-ce que tu pensais réellement ce que tu disais dans la forêt ?

Je tournais la tête vers lui, étonnée.

- Et bien... Si on oublie le fait que tu prévois de m'éviscérer et que tu m'as encore enlevée...

Je le fixai d'un air blasé. Il soupira et leva les yeux au ciel. Je laissai un rire m'échapper.

- T/P, je suis sérieux la ...
- Oh ! Je vois. Alors, oui, je pensais ce que j'ai dit.

Une étincelle d'espoir passa dans son regard. Je détournais les yeux, perplexe. Pensais-je réellement ce que j'avais dit ? Je n'en étais plus si sure. Mes sentiments pour Jeff étaient mitigés. D'un côté, je le détestais profondément, depuis le premier jour mais d'un autre côté, je l'aimais. Pas vraiment d'un amour sentimental ou physique mais d'un amour viscéral, contre-nature, anormal. Tout comme lui au final. Tout comme ma vie actuelle en fait. Je le regardais à nouveau et pour la première fois, je cru déceler une teinte triste noyée dans l'océan d'émotions présent dans ses iris. Il était brisé, meurtri, détruit. Au final, il avait été sa première victime, il était celui qu'il avait tué en premier. Toute cette horreur, toute cette violence, il se l'infligeait d'abord à lui-même. Malgré tout ce que je pouvais lui offrir, malgré tous les chemins pour retourner vers la lumière que je pouvais lui montrer, il était trop tard pour lui. La folie s'était emparé de lui, et rien ne pouvait le sauver. Pas même un psy.

Pas même moi.

Pas même l'amour que je pouvais lui porter...

- Jeff, je t'aime.
- Je t'aime aussi T/P...

Je passai une main dans ses cheveux. Il s'approcha de moi et posa ses lèvres sur les miennes. Une larme perla sur ma joue. Je reculais violemment. Je tentai désespérément de faire entrer l'air dans mes poumons. Mais ils se remplissaient d'autre chose, quelque chose de chaud au goût dérangeant. Une goutte de liquide rouge perla au bord de mes lèvres. Je levais les yeux vers Jeff. Lui aussi avait du sang qui coulait de sa bouche et de son nez. Je baissais les yeux et remarquai enfin la trace du couteau dans mon abdomen.

- Ne me déteste pas...
- Je te ferai la peau quand on se retrouvera de l'autre côté Jeffrey. Je te jure que je te ferai la peau...

Il m'adressa un sourire vide avant de caresser ma joue avec son pouce.

- Merci...
- Pourquoi...?
- Merci pour tout... Merci de m'accompagner...

Je crachais une gorgée visqueuse sur le matelas. Jeff me regarda faire, désolé. Il essuya une goutte qui glissait le long de son menton. Il avait encore le couteau qui m'avait planté enfoncé dans son propre ventre. Une main tenait sa blessure et tout son corps était crispé de douleur. Mais il ne disait rien. Il me regardait simplement avec un regard apaisé.

D'un coup, il se leva et me prit dans ses bras.

- Comment tu fais ça ...? T'es en train de mourir...
- Je sais pas...

Il sorti de la chambre et traversa de longs couloirs noirs avant de sortir dehors. Je ne regardai même pas où nous étions. Le sang continuait à s'écouler hors de mon corps.

Anormal.

Je me blotti contre Jeff, la tête calée contre son torse. Son sang avait tâché mon jean. Le mien avait maculé son sweat. Il marchait, le souffle court, les jambes flageolantes. Ses mains restées crispées contre mon corps. Je toussai et poussai un petit grognement.

- Jeff... T'es un menteur au final...

Il baissa un regard affolé vers moi.

- Non... Pourquoi tu dis ça...
- Tu m'avais juré que si tu ne changeais pas, tu me laisserai partir...

Il me sourit.

- Je te laisse partir princesse...

Il s'assit par terre, me gardant en boule contre lui, sur ses jambes pliées en tailleur. Il leva la tête vers le ciel. Mon regard devenait trouble. Je clignais des yeux. J'avais froid. Je me blotti un peu plus contre lui. Il me serra doucement.

- Je voulais pas mourir...
- Moi non plus...
- Alors, pourquoi est-ce que t'as fais ça ...?

Il soupira longuement avant de me répondre d'un ton clair.

- Je savais que je ne pourrais jamais changer, et que je serai incapable d'arrêter de faire ce que je fais, il fallait que je trouve une solution pour y mettre un terme... Je ne voulais plus te voir souffrir... C'est la seule solution que j'ai trouvé pour pouvoir te laisser tranquille définitivement ...

Je fronçais les sourcils.

- Mais pourquoi tu t'es poignardé toi aussi...?
- Après te l'avoir fait, je me suis rendu compte que je ne voulais pas te laisser toute seule...

Je souris doucement et épuisai mes dernières forces pour me relever et l'embrasser. Je retombai aussi vite. Il se pencha et m'embrassa encore.

J'avais froid. Lui aussi je pense.

- Je t'aime T/P... Je t'aime tellement... Je suis désolée pour tout...
- C'est bon, ne t'excuse pas... On se retrouvera de l'autre côté de toute façon...

Il hocha la tête et afficha un petit sourire. Je lui rendis.

- J'ai pas envie de fermer les yeux...
- Moi non plus...

Ma nuque laissa doucement ma tête pencher sur le côté. Jeff caressait mes cheveux. Ça ne dura pas très longtemps. Ses doigts restèrent en suspens avant de tomber dans le vide.

Une flaque de liquide rouge nous entourait, mélangeant son sang avec le mien.

Je pris sa main froide et entrelaçai nos doigts. J'affichai un sourire.

Je t'aime...