Chapitre 18 : "Parce que j'aime tuer"

Je fixais Jeff puis la tartine à tour de rôle. Il me sourit toujours. Je m'assis doucement et refusais ce qu'il me tendait le plus poliment possible.

- Non merci... C'est gentil mais-
- Mange.

Je sursautais. Son regard s'était à nouveau assombri et son sourire chaleureux n'existait plus. Je pris la tartine en tremblant un peu et croquais dedans sans le quitter des yeux. Il sembla satisfait et détourna le regard pour ensuite tourner les talons et s'éloigner. Je le regardais faire, perdue. Je me levais à mon tour et le suivi en silence jusque dans la chambre, hésitante. Je le vit retirer son tee-shirt et saisir des fringues dans son placard. Je baissais les yeux pour fixer mes pieds en rougissant un peu.
Je sentis la présence de Jeff à côté de moi et relevais la tête vers lui. Il me regardais d'un air blasé.

- Habille toi.
- Pourquoi ?!

Il attrapa violemment mon avant-bras et me plaqua contre l'encadrement de la porte. Le cadre de celle-ci vint se loger entre mes deux omoplates, m'arrachant un petit cri de douleur. Jeff se pencha vers moi, les dents serrées et les pupilles sombres.

- Parce que je te le dis.

Je le fixais, tirant sur mon bras pour me libérer. Il le serrait, créant des marques blanches de pression sur ma peau (couleur/peau). Il finit par me lâcher, laissant l'empreinte rougeâtre de ses doigts incrustée dans mon bras. Il secoua la tête comme pour essayer de retrouver son sang froid. Il grogna quelques mots.

- Écoute mon chaton, j'essaie vraiment de me contrôler face à toi mais arrête de me chercher parce que jour je-

Il laissa sa phrase en suspend, comme s'il essayait malgré tout de m'épargner un peu. Il leva les yeux vers moi. Son regard me glaça, littéralement.

Un mélange de peur et de folie indéchiffrable, incontrôlable.

Il essuya une fine traînée de sang qui avait coulé de ses plaies béantes aux joues.

Comment un être humain peut-il perdre la raison ?
Comment devient-on fou ?
Est-ce simplement l'esprit qui se fissure... ou autre chose qui entre en compte ...?

Un tas de questions dansaient dans ma tête. Nos regards se mélangeaient toujours, en silence. Jeff soupira puis quitta la pièce pour de bon, me laissant en proie à mes questions débiles... et inquiétantes...

Est-ce qu'il pourrait être soigné ?
Est-ce qu'on peut réellement être soigné de ce genre de chose ?
Peut-on échapper à la folie une fois qu'elle nous a envahis...?

Je soupirais moi aussi.

Et si je devenais folle aussi ?
Et si je développais le syndrome de Stockholm ?
Et si-

Stop.

C'est pas comme ça que je vais m'en sortir. Pas le temps de se poser des questions existentielles.

Je dois me barrer.

J'ouvris l'armoire et prit un sweat noir puis enfilais mon jean de la veille qui s'était retrouvé, par je ne sais quel miracle, sur une de ses étagères.

Pas très hygiénique mais à ma taille au moins..

Je terminais de m'habiller et sorti en vitesse de la chambre. Jeff m'attendait dans l'entrée, les bras croisés, appuyé sur le mur, une cigarette éteinte entre les lèvres.
Je le regardais de haut en bas.

Donc apparemment, les tueurs en série psychopathes savent s'habiller normalement.

Il portait un jean noir déchiré et un tee-shirt blanc à écritures superposé sur un tee-shirt noir à manches longues. Il avait ramassé ses cheveux en une demie-queue simple et avait mit un masque chirurgical noir sous son menton.

Il me sorti bien vite de mes contemplations en ouvrant la porte.

- Dehors.

Je m'exécutais en baissant la tête. Lorsque je passais devant lui, un frisson remonta le long de ma colonne vertébrale, me faisant tressaillir. Il ricana légèrement.

En sortant, je pu enfin voir où il m'avait enlevé. La maison n'était, pas comme je le pensais, pommée au milieu d'une forêt lugubre et étrange, mais au bout d'une ruelle sombre, dans une zone industrielle remplie d'entrepôts de stockage.

Ouais, c'était pommé aussi au final.

Jeff se mit à marcher tout en sortant un briquet pour allumer sa clope. Il tira une ou deux fois avant d'entre-ouvrir ses lèvres pour laisser sortir un nuage de fumée grise. Il me regarda rapidement avant de rabattre son masque sur sa bouche fendue. Quelque chose me frappa d'un coup.

Il est beau. 

Ses mèches brunes encadraient parfaitement sa mâchoire carrée. Sa peau claire avait presque l'air de luire sous la lumière naissante du matin. Ses yeux clairs brillaient, contrastant avec la couleur noircie et rougeâtre de ses paupières qui semblaient fraichement cicatrisées.

Nous marchons en silence. Moi, fixant mes pieds, lui le regard droit et assuré. Nous croisons des gens en route pour le travail, des familles allant déposer les gosses à l'écoles primaire ou bien des ados, leur écouteurs vissés dans leurs oreilles. Le flux de population augmentant, Jeff bifurqua dans une petite ruelle sombre et isolée. 

De quoi terroriser les ados aux écouteurs...

Un groupe de trois gars à l'allure inquiétante se fit voir au loin. Les pupilles de Jeff s'assombrirent. Je me rapprochais de lui par reflex. 

Tout va bien... Pas vrai...? 

Les gars arrivèrent à notre hauteur. l'un d'eux me fixa avec insistance et siffla. Jeff ne broncha pas. Je rentrais la tête dans les épaules. Nous dépassons les gars lorsqu'un d'eux m'interpella en ricanant. 

- Ba alors poupée, ton copain à pas l'air d'avoir les couilles de te défendre !

Jeff marqua un arrêt. je le regardais, tremblante. Il baissa son masque, un mauvais rictus sur les lèvres. Il sorti le plus calmement du monde un couteau de poche aiguisé à souhait. Il me regarda.

- Je voulais pas que tu me vois tuer de suite, c'est dommage. 

Il haussa les épaules puis se tourna vers les gars et s'avança lentement. Les mecs ricanèrent et lui adressèrent quelques mots.

- Joli maquillage, tapette. 

Jeff éclata de rire et fit passer sa langue dans une des fentes sur ses joues, laissant entrevoir un petit bout rosé. Les ricanement s'arrêtèrent. Il répondit en gloussant presque. 

- Et toi, t'as une jolie gueule, dommage que je doive te la briser. 

Il arriva à hauteur des mecs et planta son couteau dans l'oeil du premier, le faisant hurler. Jeff lui saisit la tête et lui donna un coup de genoux violent dans le crâne puis il lui tordit le cou, lui brisant net les cervicales dans un bruit horrible d'os. Le corps tomba. 

Raide mort, son oeil "valide" révulsé. 

Jeff leva alors son regard vers les deux autres gars qui tremblaient maintenant de peur. Il brisa les deux jambes du premier et trancha la jugulaire du second. Le mec encore en vie gémissait de douleur et se tordait dans tous les sens au sol. Jeff lui écrasa la gorge, la faisant littéralement éclater, recouvrant la semelle de ses chaussures de rouge. Quelques gouttes de sang lui avaient giclé sur le visage. Il revint vers moi en les essuyant calmement. Il me fixa quelques secondes puis me sourit. 

- Allez, on y va. 

Je le suivit sans parler, lançant un regard terrorisé vers les trois cadavres laissés à même le sol. Jeff marchait les mains dans les poches, comme si de rien n'était. Au bout de deux minutes de silence pesant, je m'aventurais à lui poser une question. 

- Jeffrey... Pourquoi tu les as tué...? 

Il rit et me répondit en se tournant vers moi.

- J'ai tué ces gars parce que j'aime tuer mon chaton. 

je baissais les yeux, confuse. Ne sachant pas quoi penser. Je soupirais. Jeff s'était remis en marche en sifflotant. 

Il n'y a rien à penser... Il est fou, c'est tout...

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