Chapitre 29 : Mangemort

On toqua à la porte. Lucretia jeta un coup d'oeil agacé à celle-ci, comme si elle s'était faite personnellement insultée par un vulgaire morceau de bois. Si c'était Rodolphus venu pour lui faire la moral, elle allait vite lui faire comprendre qu'elle n'était pas une gamine qu'il pouvait contrôler comme bon lui semblait.

-Quoi ?

Le grincement que produisit l'entrouverture la fit grimacer. Ce Manoir semblait être atteint d'un mal intérieur plus grand que le sien.

Finalement, ce ne fut pas Rodolphus qui apparut mais Rabastan. Le moins pire de tous les habitants de cette maison. Elle lui jeta un regard las et reporta son attention sur son livre. Les lignes noires s'allignaient sans qu'elle n'en comprenne un traître mot.

-Je veux t'emmener faire un tour.

-Si tu voulais une compagnie agréable, c'était Victoire qu'il fallait inviter.

Elle tourna la page pour lui faire croire que sa présence ne la perturbait absolument pas. Cependant, Rabastan n'était pas dupe. Il appuya son épaule contre le mur, enfonçant ses mains dans les poches de son pantalon, avec un air sceptique.

-Je trouve dommage qu'on vive sous le même toit et qu'on reste chacun de notre côté alors qu'on est amis.

-Je n'ai pas choisi d'être ici, maugréa-t-elle. Et je ne veux pas être ici.

Autant être claire dès le début. Mais il semblait déjà le savoir.

-Ça ne veut pas dire que ton séjour ici doit être un enfer.

Agacée, elle reposa son livre.

-Avec ton psycophathe de frère et une meurtrière comme tuteurs légaux, tu veux que je considère ça comme des vacances ? Je vais bénir le jour où je vais pouvoir rentrer chez moi.

Si elle rentrait chez elle. Le Ministère n'en faisait souvent qu'à sa tête, et ils étaient capable de poster des Aurors dans chaque recoin de ces terrains pour s'assurer qu'elle ne quitte pas la propriété.

-Tu ne connais pas Rodolphus. Ce qu'il t'a fait n'est rien.

Elle leva un sourcil. La pitié fut si grande à son égard qu'elle abandonna son sarcasme. Non, elle ne savait pas de quoi son frère était capable. Et elle ne voulait pas savoir. Parce qu'il arrivait à Rabastan de retourner à Poudlard brisé, et même s'il ne le montrait pas, le regard ne mentait jamais.

-Je ne le laisserai pas lever la main sur toi, reprit-il. Même si derrière, il s'en prendra à moi.

-Non, Rabastan, je...

-J'en prends la responsabilité. Tu as assez souffert comme ça.

Finalement, elle se demanda ce qui était le pire entre perdre des parents aimants et savoir que personne ne voulait son bien, pas même sa famille. Elle ne voulait pas que Rabastan paie le prix de ses caprices enfantins. Elle se promit de se tenir droite à partir de maintenant. Ne plus vexer Rodolphus afin de ne pas entendre les cris de son amis. Entre Serpentards, et surtout entre amis, ils se soutiendraient.

-Bon, tu viens ?

-Où ça ?

-Une secte où on découpe des corps et mange des organes, ricana-t-il.

-T'as vraiment un problème avec ça.

Elle se leva et ensemble, s'aventurèrent dans les couloirs. Maintenant qu'elle y pensait, c'était la première fois qu'elle se trouvait seule sur une longue période de temps avec Rabastan. Il lui avait toujours paru distant, réservé jusqu'à ce que Victoire ne s'intéresse à lui. Sa personnalité était assez difficile à comprendre. C'était certainement ce qui avait charmé Lucius et poussé celui-ci à l'inclure dans leur groupe.

-Ton père vit ici ? demanda-t-elle, se remémorant la venue subite de la veille au soir.

-Non. Ici, c'est la demeure de mon frère. Mon père nous rends visite de temps en temps mais il préfère la solitude à ses fils.

-Pourquoi tu ne vis pas chez lui ?

-Rodolphus trouvait que mon père me laissait trop de liberté. Il veut me modeler à son image. Me rendre aussi froid et cruel que lui.

-Ce que tu ne seras pas j'espère.

Il secoua la tête avec un petit sourire en coin.

-Avec vous, impossible de garder son sérieux plus de cinq minutes. Pour être cruel, je m'entraînerais peut-être sur Gros con.

-Ton frère approuverait. Tu lui offriras sa tête et ses griffes comme preuve.

-Très certainement.

Elle remarqua qu'il l'emmenait vers une aile plus sombre du Manoir. L'air avait ses relents de moisissure et de renfermé. Elle lui jeta un regard curieux jusqu'à ce qu'il déverrouille une porte. Là, un nuage de poussière s'infiltra dans ses poumons et la fit tousser. La lumière du soleil s'infiltrait faiblement à travers des volets cassés. Le planchet grinça, et elle eut peur un instant de tomber à travers. Cela ferait un beau spectable à voir.

Des meubles en tout genres étaient recouverts de tissus blancs, donnant une allure de spectre à la pièce. C'était comme si le temps s'était arrêté pendant des siècles. On y sentait l'abandon et le regret.

-Tu comptes jouer à cache-cache ?

-C'était les anciens appartements de ma grand-mère. Je m'y rends quand... quand tout va mal.

Elle hocha la tête, ne poussant pas plus profondément ses dires.

-Le fait que tu y sois déjà rentré ne se voit pas.

-Tu ne sais pas, peut-être que je suis moi-même un fantôme.

Elle posa une main sur sa bouche d'un air faussement choqué avant de sourire bêtement. Ce qu'il était idiot parfois.

-La dernière fois, j'ai trouvé des anciennes robes. Du coup je me suis dit que ça pouvait t'intéresser.

Il ouvrit une armoire déjà découverte pour lui exposer sa trouvaille. De longues robes occupaient tout l'espace. Des corsets, des rubis poussiéreux, des jupons à moitié rongés par les mites. Étrangement, cette vieillesse précoce rajoutait encore plus de charme aux toilettes.

Lucretia et Rabastan passèrent deux heures à se vêtir comme dans un bal d'antan. Le Serpentard trouva des vêtements d'homme dans la pièce d'à côté tandis que Lucretia se revêtissait des magnifiques robes de son ancêtre. Ils sortirent la vaisselle, allumèrent des chandelles, se lancèrent les draps poussérieux sur eux. Rabastan fit surgir des groseilles et des myrtilles qu'il qualifia de "mets délicieux" avant qu'ils ne finissent écrasés dans ses cheveux. Lucretia n'avait jamais autant ri depuis la mort de ses parents. C'était comme retourner à l'enfance, oublier son malheur pour se concentrer sur l'instant présent.

Et ça lui fit beaucoup de bien.

Après avoir affirmé que le Baron Sanglant aurait envie de la prendre pour épouse si elle retournait habillée ainsi à Poudlard, Lucretia rétorqua qu'elle avait déjà un fiancé sur lequel elle possédait des envies de meurtre puis monta sur le canapé et tomba à la renverse quand une latte de bois cassa. Sa chute provoqua le fou rire de Rabastan pendant plusieurs minutes, jusqu'à ce qu'elle le tire jusqu'au sofa déboîté et qu'ils s'affalent tous deux dessus. Avachis l'un sur l'autre, Lucretia fit venir à elle les groseilles et commença à les fourrer dans sa bouche.

-Pourquoi tu ne donnes pas une chance à Victoire ? demanda-t-elle brusquement.

Il se renfrogna et visa le plafond. Comme si des planches de bois trouées étaient plus intéressantes que sa question.

-Tu l'aimes au moins ? insista-t-elle.

-Je suis vraiment obligé de répondre ? soupira-t-il.

-Oui.

Non, mais elle était très curieuse.

-Bien sûr que je l'aime.

Elle pressentit le piège dans sa réponse. Plissant les yeux d'un air suspicieux, elle avala une autre groseille.

-C'est à dire tu l'aimes ?

-C'est comme ma meilleure amie. Ou ma petite soeur.

-Non non non non non.

Elle se redressa brusquement, sur le point de s'étrangler avec un fruit rouge qu'elle avait mal avalé. Il fallait remettre les choses en ordre dans son petit cerveau. C'était terminé le délire de la meilleure amie ou elle ne savait quoi. Ils avaient fait l'amour sur une maudite table irelandaise devant tout le monde.

Une main posée derrière sa tête, il l'observa avec un air amusé dans les yeux. Ça pouvait bien le faire rire, mais ce n'était pas drôle.

-Quand j'emploie le mot "aimer", je me réfère à l'amour. Le vrai amour, le passionnel, le irrationnel, le...

-Evan et toi, quoi.

-Exactement.

-J'ajouterais l'adjectif charnel et explosif dans ce cas.

Elle le fusilla du regard, sachant exactement à quoi il faisait référence. Mais elle laissa sa remarque s'envoler et continua.

-Pourquoi vous restez chacun dans votre coin alors que vous ressentez des choses l'un envers l'autre ?

Il secoua la tête d'un air las.

-C'est plus compliqué que ça.

-Et en quoi ?

-Écoute Lucre', peut-être que pour toi aimer est naturel. Tu as aimé tes parents, tu aimes ton frère, tu aimes Evan et chaque membre du groupe. Mais moi, j'ai grandi dans la haine. On ne m'a pas appris à valoriser les relations que j'avais. On m'a enseigné à les détruire.

-Si tu t'en rends compte, tu sais donc ce qu'il faut faire.

-Non, je ne sais pas, parce que je suis perdu. Je n'ai jamais aimé mon frère, la seule personne envers j'ai montré de la sympathie a été Lucius et Evan, puis toi et les filles. Mais vous êtes des amis. C'est différent.

Il se redressa, abandonnant son air nonchalant.

-Mais tu le sens bien qu'il y a une différence entre ce que tu ressens pour moi et pour Victoire ?

-Oui, il y en a une.

-Et donc ?

-Je ne peux pas.

Elle n'y comprenait plus rien. Quel était le problème s'il se rendait compte que ses sentiments différaient pour elle ? C'était un bon signe pour s'y retrouver. Un indice d'attachement amoureux. À moins qu'il n'ait un concept différent de l'amour, et dans ce cas, elle était curieuse de savoir lequel.

-Si elle reste avec moi, elle souffriras, avoua-t-il, la tête basse.

Il la laissa sans mot.

C'était tellement stupide. Faire souffrir une personne en la repoussant pour ne pas qu'elle souffre plus tard. Où était la logique là-dedans ?

-Tout le monde finit par souffrir de quelque chose.

-Tu vois bien comment est mon frère. Tu peux deviner ses intentions rien qu'à la manière dont il me regarde. Il fera de moi un tueur, un fidèle prêt à sacrifier sa vie pour une cause qui n'est pas la mienne. Et je sais qu'un jour, je succomberai. Il a toujours eu une influence trop grande sur moi.

-Victoire serait une bonne raison de lutter contre lui.

-Si je lutte et que je gagne, il ne me restera plus rien, rétorqua-t-il.

-Il te restera elle.

-L'amour ne nourrit pas et ne crée par des lits et une maison par magie.

Elle comprit alors où il voulait en venir. Il voulait offrir le meilleur pour Victoire, mais s'il décidait de s'unir à elle, il allait devoir abandonner son frère. Et si Rodolphus se rendait compte de ses intentions, il le déshériterait. Rabastan ne pourrait rien donner de nouveau à Victoire. Seulement ses coffres vides.

-C'est seulement pour ça que te te voiles la face ?

-Parfois, il faut savoir renoncer à son bonheur pour le bien de l'autre. Même si sur le coup, ça fait mal.

Ces mots étaient durs, mais empreints de vérité. Lucretia n'eut rien à répondre à ça. Après tout, c'était son choix. Elle le pouvait pas lui en vouloir pour vouloir protéger Victoire, même si cela ressemblait bien trop à une tragédie avalée par les regrets.

Le jour tomba et, après avoir rangé avec l'aide de leur baguette, ils retournèrent dans leur chambre respective pour se changer. Au dîner, elle ne prononça pas mot, se contentant de regarder fixement son assiette, finissant le plat par la force. Le silence fut mortel. Même l'elfe de maison frisonna quand il entra pour reprendre les couverts.

Bellatrix lui avait promis de l'emmener quelque part le soir, et ce fut chose faite. Recouverte d'une cape noir, elle cacha sa chevelure blonde et attendit les indications de la jeune femme. Rabastan et Rodolphus semblaient déjà être partis depuis plus d'une heure, comme s'ils étaient tous attendus au même endroit mais à des heures différentes. Lucretia trouva ce comportement louche. Néanmoins, elle garda sa bouche fermée.

Et effectivement, ses craintes se révélèrent vraie. Quand elle aperçut les ruines qui se dressaient sur une plaine envahie de ronces et d'herbes hautes, quand elle remarqua de longues silhouettes noires recouvertes de capes semblables à la sienne disposés en cercle autour d'un centre concret, elle comprit.

Et au fond, elle s'en était toujours doutée.

Bellatrix lui demanda juste de rester en retrait et de regarder. Les silhouettes étaient masquées, leur visage cachés derrière des plaques argentées aux différentes expressions pour chacun. Au milieu, un homme à la peau translucide et aux yeux vitreux leur parlait. Il leur promit milles choses. Il déroula sa langue pour leur offrir des visions d'un avenir parfait. Même elle finit par y croire.

Mais elle n'avait pas besoin de ses beaux discours pour se sentir poussée par le meurtre. La Libération, ce groupe d'impurs, avaient tué ses parents. Ils avaient violé sa mère comme si elle n'était rien, qu'un butin de guerre. Ils les avaient pendu. Juste au dessus de leur porte. Lucretia rêvait du jour où elle pourrait faire la même chose avec eux. Si seulement on lui permettait de leur arracher les entrailles, son bonheur lui serait remis immédiatement. Sa famille serait vengée. Plus personne n'oserait s'en prendre à un des leurs.

Perdue dans ses pensées révolutionnaires, elle n'écouta pas les quelques fidèles qui prenaient la parole. La réunion se termina sur des propositions d'attaques, trop vagues pour qu'elle ne les retienne avec précision. Les silhouettes s'aparpillèrent un peu partout et Lord Voldemort se volatilisa.

Elle avait senti son regard brûler avant de le voir disparaître.

Il l'avait su ici. Peut-être même que son discours avait été uniquement pour elle.

-Hey.

Elle tourna la tête dans un sursaut. Evan tenait son masque dans la main, un sourire gêné coincé entre deux lèvres. Elle le dévisagea. Longuement. Depuis quand ? fut la première question qui lui traversa l'esprit.

Il était de ces fidèles. Il allait se battre. Risquer sa vie pour tuer des impurs. Elle eut soudain peur. Et le ridicule de s'être énervée contre lui parce qu'il avait voulu la protéger fit monter le rouge à ses joues.

-Alors tu es... un mangemort ?

Elle avait l'impression de le connaître pour la première fois. Le Evan qui se tenait raide sous cette cape n'était pas celui qu'elle connaissait. Ses traits étaient tirés, son visage grave. Même si une marque de tendresse subsistait pour elle, toute trace d'enfance venait de s'envoler en un claquement de doigt.

Il releva lentement le manche de sa chemise et lui montra, à la lumière de la lune, le tatouage dont l'encre colorait de noir sa peau. Elle s'approcha et le toucha délicatement.

-Pourquoi tu ne m'as jamais dit ? demanda-t-elle doucement.

Elle n'avait même pas envie de s'énerver. Elle voulait juste savoir.

-Je n'ai pas voulu t'inquiéter davantage. Je me suis engagé avec Lucius, juste après le meurtre de tes parents.

Son regard se planta dans le sien. Il avait fait ça pour elle. Pour sa famille. Il cherchait à venger leurs morts. À la venger elle.

-Je suis désolée.

-De quoi ?

Il sembla réellement surpris.

-Pour avoir été si méchante sur le quaie. Après tout, mes réactions sont si diverses que ça doit être difficile pour toi de décider quoi faire.

-Non, Trésor. J'aurais du te tenir au courant depuis le début. C'était ton droit parce que ça te concernait. Je ne l'ai pas mal pris, même si ça ma fait de la peine de te voir partir en te sachant énervée contre moi.

Il enroula un bras autour de sa taille, la ramenant tout contre lui. Son odeur l'enveloppa et le soulagement l'envahit. Il lui avait manqué. Elle avait beau jouer la dure à se fâcher contre le monde entier, elle n'arrivait pas à tenir longtemps loin de lui.

Elle joua avec un fil de sa cape, sentant son regard enflammer la peau de son visage.

-Je t'aime, murmura-t-il.

Comme ça, sans raison. Il l'embrassa, elle lui retourna le baiser. Rien ne fut plus évident qu'en cet instant même.

Elle déboula dans la pièce en ruine d'à côté d'un air déterminé, consciente qu'elle venait d'interrompre une discussion importante. Lucius se tourna vers elle, la fierté animant ses yeux gris. Les yeux de serpent du Seigneur des Ténèbres se plantèrent sur elle à la manière de lames aiguisées. Derrière, Evan la suivait, tapie dans son ombre.

-Faites moi Mangemort, demanda-t-elle.

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