Chapitre 26 : Te perdre
— Il va se réveiller si tu écris sur lui.
— Personne ne pourra jamais réveiller Rabastan.
— Comme tu veux. Tu ne t’étonneras pas s’il voudra t’étrangler à son réveil.
Lucius, de bonne humeur, trempa sa plume dans l’encre et l’approcha du visage de son ami profondément endormi. Evan faisait semblant de prendre note des mots de Mr.Binns, alors qu’en réalité, il guettait la réaction de Rabastan. L’héritier Malefoy parvint à dessiner le début d’une moustache sans qu’il ne se réveille. Il continua son trait, de plus en plus amusé. Le jeune Lestrange grogna, mais n’ouvrit pas les yeux. Une fois le dessin terminé, Lucius fut fier de son travail. Une fille assise proche soupira d’exaspération, mais il l’ignora.
— Elle est un peu de travers quand même, commenta Evan.
— J’ai fait comme j’ai pu.
La porte de la salle s’ouvrit brusquement, réveillant la moitié des élèves et coupant l’enseignant dans son discours très passionnant.
— Lucius Malefoy ? demanda un petit homme, habillé comme un fonctionnaire du Ministère.
Rabastan releva la tête, une moustache peinte au dessus des lèvres. Un groupe de filles éclata de rire. Evan en eu envie lui aussi, mais cet appel l’inquiétait plus que tout. Lucius se leva et rejoignit l’homme. La porte se referma derrière eux.
— Pourquoi est-ce qu’elles me regardent comme ça ? demanda Rabastan.
— Quand on sortira je t’expliquerai.
Binns reprit là où il en était et Evan essaya de se concentrer. Il avait les ASPICS à passer, alors il avait intérêt de s’y mettre, et rapidement. Ce n’était pas en faisant l’idiot en classe qu’il allait finir premier de sa promotion. Son père avait été clair : il ne se marierait pas s’il ne faisait pas honneur à sa maison. Il trouvait nul que son avenir avec Lucretia dépendent de foutues notes, mais bon, son père était toujours celui qui posait les règles.
Cependant, au moment où il réussit à noter une phrase importante, la porte se rouvrit avec force, découvrant un Lucius Malefoy en colère.
— Evan ! l’appela-t-il. Viens.
Le Serpentard ne se le fit pas répéter deux fois et sortit en compagnie de son meilleur ami. Le petit homme les attendait dans le couloir d’un pied ferme, un dossier dans les bras.
— Ce monsieur refuse de me concéder la tutelle de Lucretia.
— Ce n’est pas moi, Mr Malefoy, c’est la décision du juris. En vue de votre jeune âge est de vos fréquentations, il a été jugé préférable de placer votre sœur dans un endroit sûr.
Evan lâcha un petit rire nerveux et croisa ses bras sur sa poitrine.
— Ses fréquentations ? Que voulez-vous dire par là ?
— La communauté des sang purs n’est pas un lieu recommandé pour une jeune élève de Poudlard, et encore moins quand un Mage noir se...
— Mais Lucretia est une sang-pur, par Merlin ! s’énerva Lucius. Cette communauté est la sienne !
L’homme n’apprécia pas cette interruption et releva la tête d’un air de défi.
— Je ne fais que vous informer. Si vous n’emmenez pas votre sœur vous même au Ministère, sous l’autorisation exceptionnel de Mr.Slughorn, bien entendu, on viendra la chercher.
— Et moi je suis son fiancé, je...
— Les fiançailles n’ont rien d’officiels, Mr.Rosier. Mais, toutes mes félicitations.
Ça méritait d’être clair.
Quand il fut reparti, Lucius eut une envie immense d’enfoncer son poing dans le mur.
— Cygnus m’avait assuré que la tutelle fonctionnerait, et que les fiançailles influeraient sur ça !
— Tu le connais. Il parle beaucoup pour rien.
— Mais sur ça ! Sur quelque chose d’aussi important ! Je lui faisais confiance !
Evan s’adossa au mur pour réfléchir. Il ne pouvait pas se marier, car elle n’avait pas atteint la majorité. La demande de Lucius venait d’être rejetée. Chez qui voulaient-ils qu’elle aille ? Il ne lui restaient que sept mois avant ses dix sept ans. Pourquoi ne pas oublier le dossier et la laisser vivre sa vie ?
— Ils l’enverront dans une famille d’accueil, conlut-il.
— Chez ces sang de bourbe pathétiques ? Hors de question.
— Et si quelqu’un de notre cercle s’y inscrit ?
— Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
— Un couple sang pur que l’on connaît demande à être famille d’accueil. Ils la prennent et la renvoient au Manoir.
Lucius prit quelques minutes pour y réfléchir.
— Ça me paraît une bonne idée. Mais qui ?
***
— Je suis ridicule.
— Arrête. Tu es parfaite.
Bellatrix avait l’impression d’être étranglée sous ce nœud en soie verte. C’était Narcissa qui le lui avait prêté, pour lui donner une allure de "jeune femme voulant devenir maman". Tout à fait absurde. Mais bon. Elle avait une dette envers Lucretia.
Devant le bureau d’administration du Ministère, elle tenait le bras de son mari, Rodolphus. Il avait l’air grave dans son costume, aussi Bellatrix lui rappela que sourire faisait partie de son rôle.
— On dirait que tu veux la prendre pour la tuer. Sois plus allègre.
— Plus vite cette comédie s’arrêtera, et mieux ce sera, grogna-t-il.
La porte devant eux s’ouvrit. Une femme d’une quarantaine d’année, des lunettes carrés sur le nez, tenait une feuille devant elle.
— Monsieur et Madame Lestrange ?
— C’est nous !
Elle avait peut être un peu trop exagéré sur l’exclamation. On aurait dit une de ces femmes couinantes qui tremblait d’émotion devant tout et n’importe quoi. Cependant, la fonctionnaire ne souligna pas ce comportement singulier et les invita à entrer. Ils s’assirent devant son bureau, bien droits sur leur siège.
— Vous avez donc demandé à garder l’enfant Lucretia Malefoy jusqu’à ses dix-sept ans chez vous, dans votre Manoir.
Elle fut tenté de lui répondre que non, elle voulait la garder dans une grotte, mais elle s’abstint. Lucius la tuerait si elle gâchait leur opportunité si facilement.
— C’est cela oui, répondit Rodolphus après s’être raclé la gorge.
Décidément, ce costume lui donnait vraiment une allure sexy. Même la femme attarda son regard sur lui à plusieurs reprise.
— Nous avons plusieurs raisons de vous refuser sa tutelle. Non seulement votre statut, qui vous rapproche de l’ennemi, mais aussi votre toute nouvelle arrivée. Les services familiaux ne sont pas très développés dans le monde magique, mais nous faisons tout de même attention à où nous plaçons les enfants.
Sa manière de parler irritait Bellatrix, mais elle prit sur elle pour ne pas exploser sa tête contre le mur d’un simple coup de baguette.
— L’enfant dont vous parlez a 16 ans. Si nous pouvons l’accueillir dans un endroit auquel elle est déjà familière, elle se sentira bien mieux. Et puis, ce n’est qu’une question de mois.
Elle n’attendrait néanmoins pas sept mois pour la renvoyer chez son frère. Leur Manoir n’était pas une garderie.
— Nous prendrons soin d’elle, assura Rodolphus. Nous sommes un couple aimant.
Sur ces mots, il lui prit la main et la serra, bien à la vue de la femme. Elle ne sut quelle image ils renvoyaient, mais c’était certainement à vomir.
— Un autre couple s’est proposé. Ils ont déjà deux enfants adoptés et vivent dans un quartier moldu. Leur situation est plus favorable que la vôtre.
Elle imagina Lucretia entrer dans une maison moldue avec deux garnements excités et se retint d’éclater de rire. La jeune fille ne qualifierait pas cette situation de "plus favorable". La femme se montrait sévère. Bellatrix décida de jouer sur son côté émotionnel. Si elle en avait un.
— Vous savez, c’est très dur de ne pas pouvoir avoir d’enfant. Quand j’ai appris cela, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Je voulais une fille, vous savez ? Pour lui acheter des robes, la coiffer le matin, la maquiller. Lucretia est une occasion merveilleuse pour apprendre à être mère. Si vous nous refusez cette tutelle, je... je ne sais pas ce que je ferai...
Elle sortit un mouchoir en soie de sa poche et tapota le coin de son œil avec. Rodolophus observa alternativement la femme et Bellatrix, émerveillé par les talents d’actrice de celle ci. Elle pleurait. Par Merlin, elle pleurait vraiment ! Il dut se mordre violemment la joue pour ne pas se tordre de rire. Au lieu de cela, il posa une main dans son dos et adressa à la fonctionnaire un regard coupable.
— Ma femme a beaucoup souffert. S’il vous plaît. Nous nous occuperons bien d’elle.
La sorcière hésita longuement. Ils pouvaient toujours la faire céder sous l’Imperium, ce qui faisait d’ailleurs partie du plan B, mais cela paraîtrait suspect.
— Je vais réfléchir.
Sur ce, elle leur désigna la porte et Bellatrix lui serra la main avec force, les yeux toujours humides.
— Vous ferez le bonheur d’une famille, dit-elle d’une voix tremblante d’émotions.
Si Rodolphus ne la connaissait pas assez bien, il l’aurait crue. Une fois sortis, néanmoins, elle ne se gêna pas pour lâcher tous les jurons qui pesaient sur sa langue.
— Petite idiote sans cervelle. Une famille née moldue ! Pour une sang pur ! Quelle honte !
Elle arracha le nœud en satin de son cou et défit son chignon strict. Une masse de boucle brunes se déversa dans son dos. Il n’y avait pas à dire, il la préférait comme ça.
— Qu’allons-nous dire à Lucius ? Il y a de l’espoir ?
— Je pense, marmonna-t-il. Et s’il y en a pas, nous passerons au plan B. Le Seigneur des Ténèbres deviendrait fou si un de ses futurs soldats s’en allait dans une maison moldue.
— Qui dit que Lucretia deviendra Mangemort ?
— Quand elle apprendra que son frère et son fiancé le sont, elle ne tardera pas à les suivre. Et puis, c’est dans ses gênes. Elle a toujours été faite pour.
— Et moi ? J’étais faite pour, non ?
Une pique de jalousie transperçait sa voix. Rodolphus sourit.
— Tu es née pour.
Elle préférait ça.
***
Avery était un homme mort.
Cela faisait déjà la troisième fois qu’il le voyait en compagnie de Narcissa, rigolant à gorge déployé et posant sa main à des endroits où il ne fallait pas. Son bras. Sa hanche. Sa taille. Lucius n’avait rien dit jusque là. Il ne voulait pas faire son jaloux en l’éloignant de tous les garçons de Poudlard. Mais il ne fallait pas exagérer non plus.
Alors qu’Avery et Narcissa discutaient gaiement dans la cour intérieure, il se posta derrière une colonne, à l’affût. Il ne suffit que d’une minute pour que cet abruti s’approche d’elle et passe son bras autour de ses épaules. Les joues de Lucius se mirent à chauffer. Ses poings se serrèrent. Il ne payerait rien pour attendre.
Il sortit de sa cachette et se dirigea vers eux à grands pas, sa baguette en main.
— Eh, Avery !
Ce dernier se retourna. Erreur. Un sort le projeta deux mètres plus loin. Narcissa cria. La rage l’envahissait, si ardente dans ses veines qu’au milieu du mois de Mars, il avait chaud. Plusieurs élèves s’avancèrent pour voir ce qui se passait. Lucius avait la tête d’Avery en horreur. Sa bouche pour avoir raconté des calomnies sur sa sœur, ses yeux pour s’être posés sur Narcissa. Tout ce dont il avait envie, c’était frapper à coup de poing ce visage dégoûtant, l’écrabouiller contre une pierre et admirer son sang couler et la terre s’en abreuver. C’est ce qu’il commença à faire. Il attrapa le col de sa chemise avec véhémence et lui asséna un premier coup. Il se débattit un moment, le supplia d’arrêter, mais le deuxième l’empêcha de parler. Lucius continua. Il voulait le tuer. Vraiment le tuer.
— Lucius, arrête, s’il te plaît !
Il entendait Narcissa pleurer, mais la colère l’aveuglait tellement que ses mots n’eurent aucun sens. Pour lui, le monde s’était résumé à ce sang qui s’étalait sur ses poings et à ce visage qu’il défigurait. Soudain, des mains s’enroulèrent autour de ses bras et le tirèrent en arrière. Lucius se débattit un instant puis abandonna la partie. Avery était allongé au sol, inconscient. Il espérait qu’il soit mort. Cela ferait un idiot de moins dans ce monde. Il se dégagea des emprises de ses deux meilleurs amis.
— Tu l’as pas raté, commenta calmement Rabastan.
— Non mais tu es fou ! s’exclama Narcissa en arrivant à sa hauteur, les yeux débordants de larmes. C’est quoi ton problème ?
— Mon problème ? tonna-t-il. Mon problème c’est qu’il se place là où il ne devrait pas être ! Et toi tu le laisses faire !
— C’est un ami, rien de plus !
— Oh, arrête. Tu sais ce qu’il a fait à Lucretia, et tu sais comment il agit avec toi, alors ne le défends pas !
— C’est de la jalousie maladive !
— Je ne suis pas jaloux, mais ce qui est à moi est à moi, fin de l’histoire.
Elle recula de quelques pas, comme blessée physiquement.
— Je n’appartiens à personne, Lucius. Personne. Regarde tes mains. Elles sont tâchées de sang. Tu as fait ça pour me garder, mais regarde. Voilà que tu viens de me perdre.
Le visage du Serpentard se décomposa à ses mots. Il prit conscience du sens qu’ils portaient. Son cœur s’arrêta de battre, l’instant de quelques secondes. C’était un cauchemars.
— Non.
— Si. C’est terminé.
Elle ne pouvait pas dire ça. Ils s’aimaient. En tout cas, lui, il l’aimait comme un fou. Il serait capable de se jeter du haut d’une falaise pour elle. Narcissa était sa boule de lumière, son bol d’air frais. Quand il avait perdu ses parents, elle avait été là pour le consoler, essuyer ses larmes et le remettre debout. Non. Elle ne savait pas ce qu’elle disait.
Et pourtant, elle partit sans un mot de plus. Sans même un dernier regard amoureux. Rien que du dégoût. Lucius vit son monde s’effondrer. Ce fut à ce moment là que McGonagall apparut, horrifiée par l’état d’Avery.
— Que s’est-il passé ici ?
Il fut incapable de répondre. Ses yeux restaient fixés sur l’endroit que Narcissa venait de laisser vide. Il ne pouvait pas la perdre. Pas elle. Pas maintenant.
— Monsieur Malefoy, veuillez me suivre immédiatement dans mon bu...
— FOUTEZ MOI LA PAIX MERDE !
Toutes les personnes présentes sursautèrent. Lucius passa une main sur son visage avant de se rendre compte qu’il ne faisait qu’étaler le sang. Sa vue se brouilla. Le sang de ses parents. Ce même sang qu’il avait vu incrusté dans la chair de sa mère, couvrant une moitié de son visage violet. Le sang de son père. Sur ses vêtements. Partout.
Partout, partout, partout.
— Eh, mec, ça va ?
La voix d’Evan résonnait loin, très loin. C’est terminé. Narcissa devait revenir. C’est terminé. Ses parents devaient revenir. C’est terminé. Sa sœur devait revenir. D’ailleurs, où était-elle ? Il analysa la foule mais ne la trouva pas. Et si on la lui avait enlevée, elle aussi ? Et si elle avait disparu, et si on l’avait emportée sans qu’il n’en sache rien ?
— Où est Lucretia ?
— Pourquoi tu...
— OÙ EST-ELLE ! hurla-t-il, ses mains commençant à trembler.
— Calme-toi !
Deux mains se posèrent sur ses épaules. Evan lui fit face, la mine grave.
— Lucretia va bien, ok ? Elle est dans la Salle Commune.
— Non, elle arrive, corrigea Rabastan.
Mais Rabastan mentait, Lucius en était certain. On lui avait pris la dernière chose qui lui restait, il le savait. Son souffle s’entrecoupa et les larmes vinrent piquer ses yeux. Il voyait rouge. Le sang. Encore du sang, toujours du sang. Le sang de Narcissa. Le sang de Lucretia. Deux bras s’enroulerent autour de lui et attirèrent sa tête contre une poitrine. Ce parfum, il le connaissait mieux que personne. Lui même le lui avait offert. Ses jambes flanchèrent et il s’écroula au sol, mais la présence de sa sœur resta contre lui, étouffant le cri de désespoir qu’il voulait hurler. Elle lui caressait les cheveux, lui murmurait des mots qu’il ne comprenait pas.
— Elle est partie... lâcha-t-il d’une voix rayée.
— Elle reviendra. Je te le promets.
C’étaient les mêmes mots qu’il lui avait dit petit, alors que leur mère était partie un soir d’orage chez sa sœur malade. Lucretia avait pleuré car elle avait eu peur de la voir disparaître pour toujours dans la nuit noire, et dans cette bourrasque violente. Il l’avait alors attiré contre lui et lui avait dit "Elle reviendra. Je te le promets".
Aujourd'hui, leur mère était partie. Et elle n’était pas revenue.
Et s’il arrivait la même chose à Narcissa ? Si elle non plus ne revenait pas ? Il s’agrippa à la cape de sa sœur, comme pour l’empêcher de s’éloigner. L’empêcher de disparaître dans la tempête. Il ne perdrait pas la seule personne qu’il lui restait. Hors de question.
— Reste, prononça-t-il d’une voix rauque.
— Toujours.
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