Chapitre 22 : Je t'aime
— Laissez-moi passer bande de gamins ! s’époumonna Bellatrix dans la Salle Commune Serpentard.
— Laisse-moi te rappeler que tu n’as que quatre ans de plus que nous, et tu n’en es pas plus intelligente.
— Écoute moi bien Malefoy, tu vas gentiment me laisser passer pour que je parle avec ma petite sœur. Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, il se passe des choses graves en ce moment.
— Sauf que ta petite sœur n’a pas envie de te voir.
— C’est absurde.
— Mais c’est comme ça.
Lucretia se tenait devant les escaliers, les bras croisés contre sa poitine. Bien décidée à respecter la volonté de sa meilleure amie, elle n’avait pas l’intention de céder. Surtout pas devant celle qui lui avait infligé deux Doloris sans aucune pitié.
— Rabastan. Vire ton amie de là.
Mal à l’aise, le jeune homme s’agita sur le canapé. Ce fut une Victoire révoltée qui réagit :
— Il n’est pas ton chien.
Sa main était posée sur sa cuisse pour l’empêcher de se relever. Lucius, adossé contre la cheminée, lui lançait un regard de "si tu obéis, je m’occupe de toi après". Entre la pression des deux Serpentard, son choix fut vite fait et il s'enfonça de nouveau dans le canapé.
Bellatrix soupira d’exaspération. Elle semblait se retenir de tous leur tordre le cou.
— Slughorn m’a donné l’autorisation de me rendre jusqu’ici, ce n’est pas pour être arrêtée par une vulgaire bande de chérubins attardés. J’ai besoin de voir Narcissa.
— Pour lui expliquer quoi ? renchérit Lucretia. Que sur deux grandes sœurs, la première a fui avec un sang de bourbe comme une lâche et la deuxième n’a même pas daigné de la prévenir ? Quel exemple vous donnez, dans cette famille.
— Je l’ai prévenue mais la let...
— La ferme Bella, intervint cette fois ci Lucius. Jamais une seule lettre ne s’est perdu de votre Manoir à Poudlard depuis ton entrée ici, et pile à ce moment, ça arrive ?
Lucretia ne savait pas d’où il la connaissait assez pour l’appeler "Bella", mais elle passa outre ce détail. Ce n’était pas vraiment le moment de jouer les curieuses. Le visage de la concernée vira au rouge.
— Très bien, vous voulez la vérité, vous l’avez : je voulais retarder ce moment le plus possible pour ne pas lui faire de mal.
— Très réussi, vraiment, railla la blonde.
— Maintenant laisse moi passer.
— Après cet aveu ? Tu peux toujours rêver. Narcissa aurait dû être la première à être mise au courant.
— Mais je ne voulais pas lui faire de mal ! s’agaça la brune.
— Qu’est-ce que tu crois, qu’elle n’est qu’un cœur bon à se briser à tout moment ? Une petite chose fragile à garder précieusement ? Elle est peut être la plus sensible chez les Black, mais elle se situe dans les plus fortes parmi nous ! Et ce n’est pas parce qu’elle n’a pas des idées psychopathes comme toi qu’elle n’est pas capable de supporter cette situation !
Bellatrix tiqua sur le "idées psychopathes". Inévitablement, Lucretia faisait référence aux Doloris. Et à d’autres choses qu’elle avait entendu dans les journaux. Non pas qu’on la citait directement, mais entre sang purs, on était capable de mettre des noms partout. Tout se savait avant tout le monde. La fuite d’Andromeda mettrait sûrement une bonne semaine avant d’atteindre les oreilles de la nouvelle et insupportable Skeeter.
— Très bien. J’aurais pas vengeance Malefoy.
— Je crois que c’est plutôt moi qui l’ai eue.
Elle lui adressa son plus faux sourire et lui désigna la sortie d’un signe de la tête. Bellatrix maîtrisa une grimace puis finit par s’en aller. Lucretia soupira de soulagement. Il lui en avait fallu du temps.
— Pourquoi est-ce que tu as eu ta vengeance ?
La blonde se tourna vers Evan, qui était alors resté silencieux tout le long. Sa question la choqua presque.
— Comment ça ?
— Elle t’as fait quoi ?
De nouveau, elle se retourna légèrement pour observer Lucius. Ce dernier baissa la tête d’un air coupable. Ce n’était pas vrai. Sérieusement, ce n’était pas un nouveau balais qui lui fallait mais un cerveau.
— Je pensais que Lucius te l’avait dit.
— Dire quoi ? insista-t-il, la voix plongeant dans la panique.
— Lors du Bal, c’est elle qui m’a infligé les Doloris.
Ses yeux s’écarquillèrent comme des billes. Il se leva de sa chaise sous la surprise.
— Attends, tu veux dire qu’on t’a torturée ? Quand ?
— Juste après que vous ne reteniez Bellatrix dans le couloirs, alors que je disais mes devinettes au Seigneur des Ténèbres, expliqua-t-elle calmement, comme s’il elle expliquait la raison pour laquelle le sang de dragon et l’huile de tentacule ne pouvaient pas se mélanger.
— Et personne n’a daigné de m’en informer ?
Décidément, dans leur famille, c’était la communication qui manquait.
— Et pourquoi je me suis évanouie d’après toi ? s’agaça-t-elle.
— Pour milles et une raison, qu’est-ce que j’en sais moi ! éclata-t-il.
— Pourquoi tu t’énerves ? cria-t-elle à son tour.
— Parce que j’aurais bien voulu refaire la face à Bellatrix sans que ça paraisse hors contexte, tu vois !
— Je suis très bien capable de me débrouiller toute seule ! Pas la peine que tu repasses derrière moi à chaque fois !
Il fulminait. Ses poings s’étaient serrés et ses lèvres se pinçaient pour emprisonner toute sa colère à l’intérieur de lui. Lucretia n’en revenait pas. À croire qu’elle était incapable de se défendre elle-même. Elle ne l’avait pas attendu pour se venger, et elle ne l’attendrait pas à chaque fois. Il était au courant à présent, il n’y avait pas de quoi en faire tout un plat. Irritée, elle alla pour sortir à son tour de la Salle Commune quand elle s’arrêta en plein milieu pour planter son regard acier dans le sien.
— Et comme tu sembles détester ne pas être au courant de tout, sache que le Seigneur des Ténèbres m’a proposé de faire partie des siens. J’ai refusé.
Elle sortit sur cette petite touche personnelle, fière de son coup. Elle ne sut quelle fut sa réaction à ce moment là, mais elle n’avait pas envie de savoir. Tout l’agaçait. Sa crise de nerf était tellement puérile à son goût. Ok, il avait le droit de s’inquiéter pour elle, mais pas l’engueuler parce que personne ne l’avait mis au courant.
— Lucretia !
Si elle n’avait pas reconnu la voix, elle aurait continué son chemin sans même se retourner. Avadys la rejoint, essoufflée par sa course.
— Ton frère est complètement con, se contenta-t-elle de dire, les joues enflammées par la colère.
— Il est juste surprotecteur. Il fait la même chose avec moi si ça peut te rassurer, mais en m’étouffant encore plus.
— Et tu ne dis rien ?
Elle secoua la tête, une peine lisible dans ses iris marrons.
— Je le comprends. Il est comme ça, et tu devrais te réjouir qu’il s’inquiète pour toi. Certains garçons se foutent de la gueule de leur petite amie à la place.
— Il m’a carrément engueulé !
— Non, il était en colère contre vous deux, pas seulement contre toi. Personne n’était au courant à part toi et Lucius.
— Je pensais que Lucius lui avait dit.
— Comme tu as pu le remarquer, non.
— Sans blague.
D’autres pas se firent entendre dans leur dos. En moins de cinq secondes, Victoire se jeta à son cou, plus excitée que jamais.
— Félicitations ! Ta première dispute avec ton mec !
Ok, donc tout le monde avait décidé de pêter un câble aujourd'hui. Elle s’écarta, le regard pétillant.
— C’était ma-gis-tral.
— Vous avez tous un problème, maugréa Lucretia.
Vu l’attitude d’Avadys, elle semblait être du même avis. Victoire ne semblait pas se rendre compte de l’idiotie de ses propos, puis qu’elle continua :
— Evan et Lucius sont en train de se disputer.
— Quoi ? s’étrangla la blonde. Encore ?
Victoire hocha la tête. Milles jurons faillirent franchir ses lèvres.
— Ils font chier.
Elle rebroussa chemin et descendit les escaliers en colimaçon des cachots. Des voix masculines s’élevaient, plus furieuses que jamais. Lucretia parvint à séparer les deux garçons de justesse, juste avant qu’ils ne se jettent dessus pour s’étrangler. Rabastan et quelques troisième année observaient la scène avec grand intérêt. La jeune fille réussit à maintenir du mieux qu’elle put Evan, par sa seule présence.
— Vous manquez de neurones ma parole !
— Dis ça à lui, ricana Lucius en lançant un regard mauvais à Evan.
Ce qu’elle vit alors lui coupa le souffle. Un éclair de jalousie avait brillé dans ses iris grises. Lucretia aurait voulu que ce moment n’arrive jamais. Ils avaient eu la chose sous contrôle pendant pas mal de temps, et tout à coup, ça dérapait. Trop vite. Quelqu'un allait s’en rendre compte.
Et Evan n’était pas un idiot non plus.
— Calme toi ! ordonna-t-elle en posant ses deux mains sur son torse.
Il passa une main dans ses cheveux, prêt à se les arracher à tout moment. Ses yeux sondaient son meilleur ami du regard, tentant de deviner la vérité qui se cachait derrière son rictus mauvais. Et un instant, Lucretia eut peur qu’il sache.
Énervée et paniquée à la fois, elle attrapa le bras de son frère et le tira vers la sortie, empruntant ces escaliers pour la dixième fois dans la journée. Arrivée en haut, elle se tourna vers lui, les mains sur les hanches.
— Tu joues à quoi là ?
— Non mais regarde le ! On dirait qu’il est responsable de toi et que...
— Pourquoi tu ne lui as rien dit ?
Son visage se ferma. Le fameux point sensible.
— J’ai oublié.
— Non, tu n’as pas oublié. Par Merlin, Lucius, c’était censé rester de l’amour fraternel !
— Ça l’est, se braqua-t-il.
— Non, c’est en train de t’échapper et Evan n’est pas dupe !
— Evan est sérieusement en train de me faire chier.
— Evan est ton meilleur ami et mon petit copain, peut-être même mon futur mari vu l’avance que prends Père sur notre mariage, alors tu vas prendre sur toi même et t’excuser.
Il faillit s’étrangler.
— M’excuser ? M’excuser de quoi ?
— De l’avoir maintenu dans l’ignorance. Il méritait de savoir. Et puis... faut que ça s’arrête, ce truc entre nous. Maintenant.
— Pourquoi ?
C’était une question simple, neutre, mais Lucretia crut entendre une petite rancœur dans le timbre de sa voix.
— Parce que ça nous amène à rien et ça va briser nos couples.
— J’aime Narcissa, mais de manière différente. Ça n’à rien avoir avec...
— Bon, et bien je t’invite à le lui expliquer en face. Je pense sincèrement qu’elle va apprécier.
Lucius n’aima pas l’ironie forcée de son propos. Une grimace lui tordit la face.
— Ok, on arrête.
Sur cet accord, il redescendit, les mains dans les poches de son uniforme. Lucretia eut tout à coup un poids envolé. Elle ne s’en était pas rendue compte, mais ce secret lui avait pesé bien plus qu’elle ne se l’était imaginée. La suite de la journée continua sur un silence de mort. Lucius passa la majorité de son temps aux côtés de Narcissa, qui se remettait peu à peu de son choc émotionnel. Lucretia avança ses devoirs, Avadys disparut elle ne sut où et Victoire partit récolter quelques ingrédients pour le cours de Potions avec un élève de Serdaigle avec qui elle faisait équipe. Evan, quand à lui, n’apparut pas jusqu’à l’heure du dîner, la mine maussade. Aucune parole ne fut prononcée entre eux, et pourtant, Lucretia s’en voulut. Plus elle repassait l’épisode dans sa tête, et plus leur dispute lui semblait puérile et vide de sens. Dans la bibliothèque cette après-midi midi, sa présence lui avait manqué. Dans la Salle Commune aussi. En fait, elle était tellement habituée à tout le temps l’avoir à ses côtés qu'elle ne s’était pas rendue compte à quel point il lui était cher.
— Tu réserves la chambre des garçons ce soir ?
Il releva la tête, surpris de l’entendre lui adresser la parole.
— Rabastan va râler.
— C’est bien, je m’en fiche.
Un petit silence passa, silence dans laquelle elle ne sut s’il hésitait entre accepter ou l’envoyer balader.
— Ok.
À l’heure convenue, donc, après avoir passé trois quart d’heures avec les filles, elle monta dans le dortoir des garçons et ouvrit la porte. Evan était seul, assis sur son lit, sa tête enfouie dans ses mains. La nuit était tombée ; elle ne discerna la silhouette que grâce à la lumière de la lune.
— Je suis là.
Il ne se retourna pas. Indécise, elle referma derrière elle et se plaça devant lui, encore debout pour lui faire face. Aucune parole ne fut prononcée. C’était elle qui avait demandé à le voir, mais à présent, elle ne savait pas par quoi commencer.
— Je... je suis désolée. Pour t’avoir caché tout ça.
Aucune réaction. Il prolongeait son immobilitée, telle une statue de glace.
— Evan, réponds s’il te plaît.
Il laissa échapper un soupir. Enfin. C’était peut être petit, mais c’était quelque chose. Son regard fixait obstinément le sol, et Lucretia dut lutter contre l’envie de lui redresser la tête avec force.
— Je crois qu’il n’y a aucun équilibre entre nous.
Elle s’attendait à tout sauf à ça. La crise existentielle arrivait de loin. Super.
— Comment ça ?
— J’ai l’impression que ça te fait chier que je m’inquiète pour toi, alors que je trouve ça on ne peut plus normal. Tu restes à mes côtés par obligation, et dès que tu en as l’occasion, tu fuis je ne sais où. Des journées entières se passent dans le silence, c’est à croire que tu n’as rien à raconter, puis quand je te vois avec les filles c’est un roman que tu leur raconte.
Il avait lâché ça dans un souffle, et à présent, ses yeux bleus se plantaient dans les siens avec sévérité.
— Les choses que je leur raconte à elles n'ont rien à voir avec les choses que je te raconte à toi.
— Ça c’est sûr, ricana-t-il, puisque tu n'as rien à me raconter.
— Donc c’est sur ça que tu te bases ? Le fait que je te raconte ma vie ou non ?
Leur discussion commençait à glisser dangereusement, et elle appréhendait la suite. Elle n’avait aucune idée d’où il venait en venir.
— Tu sais très bien de quoi je parle.
Le regard qu’il lui lança se voulait presque accusateur.
— Non. Désolée.
Sa mâchoire se contracta. Il essayait de retenir toute sa colère, mais cela allait finir par expliquer. Lucretia le sentait. Elle n’allait pas sortir de cette chambre comme elle était entrée.
— J’ai besoin que tu sois sincère, dit-il enfin avec une voix qui se voulut calme mais qui dérailla à la fin.
Elle hocha la tête, redoutant la suite.
— Est-ce que tu m’aimes ?
C’était la dernière chose à faire. Vraiment. Et elle le savait. Mais là, tout de suite, se retenir fut impossible. Elle posa une main sur sa bouche pour étouffer son fou rire. En fait, elle ne savait pas vraiment pourquoi elle riait. Peut être parce qu’elle trouvait sa question un peu bête. Ou peut-être pas.
— Alors ? s’enquit-il, les yeux brillants.
Lui ne rigolait pas du tout. Au contraire, ses muscles étaient sous tension et son âme au bord du précipice. Son cœur n’avait jamais couru aussi vite.
— T’es sérieux là ?
— Oui. C’est une simple question, tu réponds oui ou non et...
— Evan, c’est tout sauf une simple question !
— Ah oui ? s’écria-t-il en se levant. Moi je pense que pour quelqu’un en couple depuis plusieurs mois, la réponse devrait venir toute seule !
Son visage était si près du sien. Lucretia sentit son souffle se couper. La surpassant de plusieurs centimètres, imposant dans sa colère et sa tristesse, elle en avait presque peur. Mais surtout, elle fut happée par le bleue de ses iris : pas un bleu calme et doux, non, le bleu d’un océan déchaîné, le bleu d’une vague gigantesque frappant le monde. La frappant elle.
— Je... je t’aime.
— Menteuse.
Jamais elle n’avait eu aussi mal. Comme une douleur qui naissait dans les profondeurs de sa poitrine et lui aspirait tout son bonheur. Elle leva sa main pour lui toucher le visage, réduire cette distance minime et ridicule qui les séparait, goûter à ses lèvres, à lui tout entier, mais il la chassa avec brusquerie.
— Tu sais ce que je crois ? Tu as trop de personnes autour de toi qui t’aiment et te chérissent, si bien que tu ne te rends pas compte de la chance que tu as. Tu les utilises comme de vulgaires outils, pour t’assurer le bonheur et une place dans cette société. Personne ne t’as trahie, personne n’est parti, personne ne t'as jamais fait du mal. C’est peut être pour ça que tu es aussi forte. Personne n’a encore eu l'occasion de te briser.
Lucretia releva son menton pour tenter de lui faire face avec dignité, mais tous deux savaient que c’était vain.
— J’espère sincèrement être le premier regret de ta vie.
Il lui avait craché ça, sans pitié, sans compassion, avant de partir pour la laisser seule dans la chambre. Ça ne pouvait pas se terminer comme ça, pas eux, pas maintenant. Jamais.
Sans même pouvoir s’en empêcher, elle se mit à pleurer. Est-ce que ça faisait mal ? Évidemment. Mais ce n’étaient pas ses mots qui étaient le pire. Non, le pire, c'était la vérité qui s’en dégageait. Depuis petite, elle avait toujours obtenu ce qu'elle voulait. Une enfant pourrie gâtée, voilà ce qu’elle était. Une fille qui ne savait pas profiter de ce qu’elle avait. Une fille qui ne supportait pas l’idée qu’on lui retire quelque chose de cher. On lui avait retiré Evan, et même hurler pour qu’il revienne n’y changera rien. Tout cela à cause d’elle. Tout cela pour son incapacité à dire trois foutus mots.
Il avait raison. Personne n’avait jamais eu l’occasion de la briser. Jusqu’à maintenant.
— Lucretia ?
En posant son regard sur son frère, elle revit son crime, son péché absolu et se dégoûta d’elle-même. À ce point. Elle avait été capable de d’arriver à ce point. Evan ne méritait pas cela.
— Dégage, souffla-t-elle en passant à côté de lui pour sortir.
L’horreur de ses actes lui revint en pleine face. Qu’avait-elle fait ? Pourquoi avait-il fallu qu’elle soit aussi entêtée et bête ? Égoïste à souhait, affreuse de l’intérieur, une âme noire, souillée, sale. Oui, elle était laide et mauvaise, mais une chose était claire : elle aimait Evan. Trop pour le laisser partir. Trop pour qu’il constitue son premier regret.
Elle courut dans les escaliers en colimaçon et remonta à la surface. Elle eu le temps d’apercevoir sa chevelure brune avant qu’il ne disparaisse derrière le détour d’un couloir.
— Evan ! hurla-t-elle à pleins poumons.
Puis, en pivotant dans la même direction, elle le vit. Il s’était figé, pétrifié par sa voix, sa présence. Hors d’haleine, Lucretia attendit qu’il se retourne, mais il resta de dos à elle. Peu importait.
— Tu as raison. J’ai toujours eu tout ce que je voulais. Je n’ai jamais souffert de quoi que ce soit, je n’ai jamais eu à supplier quiconque pour qu’il reste, parce que j’avais d’autres êtres chers autour de moi qui étaient capable de m’aimer de la même manière.
Elle s’avança jusqu’à le rejoindre, le cœur comprimé dans sa poitrine. Les larmes ne s’arrêtaient pas de couler, et à chacun de ses mots, elles se faisaient plus grosses, plus lourdes. Positionnée devant lui, elle aperçut ses yeux injectés de sang, prêts à déborder à tout moment. La lune, de ses rayons blancs, ne lui donnaient pas plus de détails.
Alors lentement, elle posa un genoux à terre, puis l’autre, relevant le menton à son maximum pour pouvoir maintenir son regard. Cette vue semblait l’insupporter, mais il ne fit rien pour l’aider à se relever.
— Mais aujourd'hui, je te supplis toi, Evan, continua-t-elle d’une voix tremblante. Je t’aime. Et je suis désolée si je ne suis pas capable de le montrer, ni parfois de m’en rendre compte, mais je sais qu’au fond j’ai besoin de toi. Je... je t’aime, tellement, ne pars pas s’il te plaît...
Son front se colla à son genoux, et, comme épuisée, elle se laissa secouer par ses émotions. Quelques secondes plus tard, deux bras puissants la relevèrent de force, collant son corps contre celui d’Evan. Cette proximité soudaine lui coupa le souffle, mais son odeur la rassura. Une odeur dont elle ne voudrait jamais se détacher. Plus jamais, non.
Son visage se nicha dans le creux de son épaule. Elle sentit ses cheveux passer sous ses doigts fins, ses muscles se détendre, à mesure qu’elle s’accrochait à sa chemise comme un rocher en pleine mer.
— J’aurais aimé t’en vouloir plus longtemps, avoua-t-il, la voix rauque.
Un ricanement suivi.
— Mais faut croire que je suis incapable de me détacher de toi. Tu es une drogue, Lucre'. J’espère que tu le sais.
Bien sûr qu’elle le savait. Mais si ça pouvait lui permettre de le garder le plus longtemps possible près d’elle, alors elle resterait cette drogue, juste pour lui. Juste pour lui voler un peu plus de son amour.
La rose avait piqué le serpent, et la première goutte avait coulé.
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