Chapitre 19 : Le Bal du Nouvel An (Partie 2)

Avadys avait compris. Aussitôt, elle se releva et affronta son frère du regard.

— Même pas t’y penses.

— Tu la fermes. Surtout, tu la fermes.

— Non ! Tu ne...

— TU PEUX PAS LA FERMER DEUX SECONDES !

Elle recula, bien trop surprise pour protester. À vrai dire, tout le monde l’était. Lucretia s’approcha doucement d’Evan et posa ses deux mains sur son torse, l’enjoignant à se calmer. Ce dernier s’efforça à inspirer lentement, les yeux fermés.

— Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-elle doucement.

— Elle... Avadys est...

Sa voix se brisa. Le désespoir injectait ses yeux de sang.

— Elle est malade, souffla-t-il.

La cadette Rosier baissa la tête. Sa main serrait toujours celle de Narcissa, un rocher dans l’immense tristesse qui la noyait. Lucretia tourna lentement sa tête dans sa direction, la suppliant d’affirmer le contraire.

— Je suis désolée, s’étrangla-t-elle. Mais je... je ne veux pas de cette pierre, remettez-la au Seigneur des Ténèbres, je refuse de...

— Non. On a un moyen de te sauver. Il est hors de question qu’on te laisse mourir.

— Mais je... je ne vais pas mourir...

— Tu vas mourir, Avadys ! s’écria Evan. Oui, c’est ça la réalité ! Je ne suis pas un médicomage, mais je sais que quand on vomit du sang, c’est rarement bon signe !

Avadys recouvrit sa bouche de sa main et se mit à pleurer. L’expression d’Evan changea. Il se rendit alors compte de la brutalité de ses paroles et regretta. Narcissa lui jeta un regard noir et serra sa meilleure amie contre elle.

— Bon ben, on est pas dans la merde, observa avec ironie Victoire. Personnellement, entre sauver Avadys et rendre ma famille plus riche, je choisis sans hésiter la première option, mais je ne suis pas sûre que le Seigneur des Ténèbres soit du même avis.

— Il sait qu’on a la pierre, se souvint Lucretia.

Rabastan baissa la tête, honteux. Tout était sa faute.

— Je peux faire quelque chose, déclara Narcissa, Avadys s’étant légèrement remise. Avec Andromeda, on apprenait à reproduire des objets, en imitant leur puissance magique. C’est de la magie noire, ça risque d’être long, mais je peux y arriver.

— Qu’est-ce que tu appelles par "long"? questionna Lucius.

— Vingt minutes.

Lucretia hocha la tête.

— C’est raisonnable. On donne la copie au Seigneur des Ténèbres, et il n’y verra verra du feu. Jusqu’à ce qu’il veuille l’utiliser, et dans ce cas, il se rendra compte qu’elle n’a aucune propriété magique. Mais en attendant, c’est la meilleure solution. De quoi as-tu besoin ?

— D’un couteau.

Lucius fronça les sourcils.

— Pour quoi faire ?

— D’après toi, soupira-t-elle. La puissance que dégage la copie, une puissance qui peut se confondre à la puissance originale que dégage naturellement la pierre, puise sa source dans la magie du sang. J’ai besoin d'en faire couler.

Il pâlit.

— Je peux le faire.

— Non, ce sera plus simple si c’est ma propre puissance. Je la maîtriserai plus facilement.

Lucretia fit venir grâce au sortilège Accio un couteau qu’elle donna à Narcissa. Elle espérait que la jeune fille sache ce qu’elle faisait. Certes, sa famille lui enseignait la magie noir, mais ce n’était pas non plus le genre à s’entraîner tous les jours. Néanmoins, elle la laissa faire. C’était leur seul chance de repartir avec la pierre en main, et de sauver Avadys.

Narcissa s’agenouilla au sol, après que Lucius et Evan l’ait aidé à ôter le tapis qui le recouvrait. La pierre froide fut bientôt aspergée de gouttes de sang frais. Elle serra son poing et répandit le liquide écarlate en dessinant un cercle, avec, au centre, la pierre que Victoire avait rendu. Soudain, en plein milieu de sa préparation, une voix aigu s’éleva. Elle provenait du couloir.

— Jolis petits chérubins ! Je sais que vous êtes quelque part par là, et la pierre avec !

— Bellatrix, murmura Narcissa avec des yeux gros comme des billes.

Super. Il ne manquait plus qu’elle.

— Je m’en occupe, informa Lucretia.

Avant qu’Evan n’ait pu la retenir, elle sortit de la chambre, sa baguette en main. La jeune femme s’arrêta dans sa marche, positionnée quelques mètres plus loin.

— Tu veux la pierre ? Viens me chercher.

Bellatrix ne se le fit pas répéter deux fois. Lucretia détala au quart de tour. Les pas de la Mangemort se répercutaient dans son dos, comme une menace toujours présente. Les pans presque transparents de sa robe gonflaient dans sa course. Elle se rendit compte rapidement que ses talons la ralentissaient. Une solution simple vint à elle : elle les retira, les laissa en plein milieu du couloir, et quelques secondes plus tard, entendit Bellatrix étouffer des jurons. Parfait.

Bientôt, la fatigue se fit ressentir. Elle avait beau connaître le Manoir par cœur, aucun lieu de survie ne lui venait à l’esprit. Les sortilèges fusaient au-dessus de sa tête : Lucretia tentait d’esquiver, mais riposter était trop compliqué, surtout quand on devait courir, se retourner et lancer des sorts à la fois. Bellatrix était féroce, bien plus féroce qu’elle.

Au détour d’un couloir, elle n’eut plus le choix. En présence d’invités, la brune n’oserait plus l’attaquer. Lucretia descendit les escaliers précipitamment, manquant de tomber à plusieurs reprises, et s’engouffra dans la salle à manger. Les Nott, ainsi que les Greengrass et d’autres familles sang purs se tournèrent dans sa direction. Avec effroi, elle se rendit compte que sa mère se trouvait parmi eux. Tant pis.

Elle courut jusqu’à l’autre bout de la pièce et se réfugia derrière la colonne de pierre. Tout le monde s’écarta, indignés d’une aussi brusque interruption. Bellatrix ne tarda pas à se montrer et, contrairement à de qu’elle s’était imaginé, elle continua de lancer des Stupéfix toutes les cinq secondes.

— Tu t’épuises pour rien, dit-elle à court d’haleine.

Elle dépassa la colonne pour contre attaquer, mais se rabattit aussitôt après que son oreille ait frôlé un Doloris. Bellatrix avait l’air énervée.

— DONNE MOI CETTE PIERRE, PETITE IMBÉCILE !

— Mmm, laisse-moi réfléchir deux secondes... non.

La porte menant au salon était malheureusement fermée. Sa mère se trouvait à quelques centimètres d’elle, choquée par la scène. Elle était son seul espoir. Après plusieurs sifflements pour attirer son attention, entre deux sortilèges d’attaque, Éléonore Malefoy daigna enfin de la regarder. Lucretia désigna la poignée du menton. Elle comprit.

Les portes s’ouvrirent, et Lucretia se précipita à l’extérieur. Là, la densité des invités fut pire. Elle dut bousculer plusieurs personnes et renverser deux ou trois plateaux. Dans son dos, Bellatrix avait cessé ses sortilèges.

Lucretia ne savait plus quoi faire pour la semer. Cela ne faisait certainement pas vingt minutes qu’elle courait. Narcissa n’en était qu’à ses débuts.

Soudain, alors qu’elle s’apprêtait à courir hors du salon, une emprise puissante accrocha son bras et la traîna loin de la foule. Elle voulut hurler, mais une main se posa sur sa bouche et étouffa le son de sa voix. Son cœur était en train de remonter sa gorge. Par pitié, que quelqu’un vienne à son secours. Parmi tous les invités, il y avait bien un courageux capable de la sortir de ce pétrin ?

Elle vit les murs changer, le silence se faire plus lourd, et des escaliers apparaître. Elle chercha à se débattre, mais le bras autour de sa taille se referma sur elle, lui coupant le souffle.

On la jeta au sol. Un cliquetis retentit. La cave.

Elle se retourna sur elle-même, encore au sol. Cygnus lui sourit, comme si c’était le moment de sourire. Bellatrix était à ses côtés, heureuse de l’avoir enfin attrapée. Lucretia paniqua. Ils lui demanderaient la pierre.

Petit problème : elle n’avait pas la pierre.

— Bien, commença le père de famille. Passons aux choses sérieuses. Tu nous donnes cette maudite pierre, et on te laisse partir.

Son regard passa alternativement de Cygnus à Bellatrix. Cette dernière parut réfléchir. La robe de Lucretia était fine, avec aucune possibilité de dissimuler un objet aussi gros. Ses mains étaient vides, car Cygnus lui avait pris sa baguette.

— Père, elle ne l’a pas.

— Fantastique, ironisa-t-il.

Il avait eu l’air lui aussi d’avoir remarqué l’impossibilité de cacher quelque chose dans sa tenue.

— J’en ai assez de vous courir après. Dis-nous où elle est.

S’il savait que sa propre fille était actuellement en train de reproduire une copie, ça lui fermerait son clapet.

— Je n’en ai aucune idée.

— Menteuse, siffla Bellatrix. Père, puis-je ? Elle ne nous dira rien de son plein gré, de toute manière.

Comment ça, "de son plein gré" ? Qu’allait-elle lui faire ? Cygnus fut pris par un instant de réflexion.

— Que ce soit court.

Un Doloris fusa l’air et frappa Lucretia de plein fouet. Son hurlement emplit les sous sols. Il ne dura que quelques secondes, mais cela suffit pour l’épuiser.

— Dis-nous ! menaça Bellatrix.

La jeune fille fut pris d’un petit rire. Les murs de cette cave n’étaient pas insonorisés. Quelqu'un finirait par l’entendre. En réponse à son silence, Bellatrix chargea une deuxième fois. Le corps de Lucretia fut secoué de convulsions, tandis que ses cordes vocales se déchiraient. Des pas s’élevèrent dans les escaliers. Ça avait été plus rapide que prévu.

— Cygnus ! tonna une voix. Comment te permets-tu !

Son père. Abraxas était fou furieux. Il déverrouilla les grilles et s’engouffra à l’intérieur de la cave. En voyant sa fille effondrée au sol, sa baguette dans les mains de Cygnus, il sembla comprendre.

— De quel droit te permets-tu une telle chose !

— Ta fille refuse de nous livrer une information. Obstinée comme elle est, il ne restait qu’une seule solution.

— Sous mon propre toit ! Je me fiche de savoir quelle information elle détient, ni pourquoi cela t’intéresse autant, mais la torturer sous mon propre toit est une honte !

Son père continua de cracher son venin, Bellatrix les observait attentivement, et pendant ce temps, Lucretia se relevait et passait derrière eux en toute discrétion. Son corps entier lui hurlait de s’allonger pour apaiser la douleur, mais Lucretia ne pouvait pas se le permettre. Il fallait qu’elle rejoigne les autres.

— Et pour ta gouverne, continuait Abraxas, ma fille ne se serait...

En tournant la tête pour la désigner, il s’arrêta dans son élan. La place face à lui était vide. Lucretia avait disparu. Cygnus poussa plusieurs jurons.

— Maudite adolescente.

Bellatrix avait déjà remonté les escaliers. Elle la chercha du regard, puis aperçut un morceau de tissu vert disparaître derrière un détour. La course poursuite reprit.

Cependant, elle ne fut pas aussi longue que la première. Lucretia eut la très mauvaise idée de prendre les escaliers menant au grand salon. Au milieu de ceux-ci, elle s’arrêta net, et son cœur avec.

Le Seigneur des Ténèbres se retourna pour lui faire face.

Sa fin était proche.

— Eh bien. Je crois que tu as quelque chose qui m’appartient.

"Qui m’appartient". Tout de suite les grands mots.

Étonnament, Bellatrix n’apparut pas à sa suite. Mais personne d’autre ne se manifesta non plus. Lucretia était seule face à un Mage noir qui lui demandait une pierre qu’elle n’avait pas. Génial.

Tous les sang purs avaient les yeux braqués sur elle. Lord Voldemort avait les mains croisés dans son dos, attendant patiemment l’objet de sa demande. Son visage était long, terriblement pâle, mais il conservait une beauté singulière. Le regard qu’il lui portât était presque bienveillant.

Il fallait juste qu’elle gagne du temps. Juste ça. Alors une idée débile lui vint à l’esprit. Mais vraiment très très débile.

— Avant, il va falloir répondre à plusieurs devinettes.

Il pencha sa tête sur le côté, curieux. Sa réaction la surprit énormément, mais cela jouait en sa faveur.

— Pourquoi ne faut-il pas faire trop de bruit ?

Silence. Une ironie de la devinette, certainement.

— Parce que Dumble dort.

A sa plus grande stupéfaction, personne ne rit, mais le seul à esquisser un semblant de sourire fut lui. Encouragée, elle continua.

— Vous devez répondre à trois devinettes avant d’avoir la pierre. Donc, la seconde : Comment est-ce que la chouette sait que son mari fait la gueule ?

Il réfléchit. Mais il réfléchissait vraiment. Lucretia avait l’impression de nager nager plein rêve.

— Je ne sais pas.

— Parce qu’hiboude !

Elle laissa échapper un petit rire nerveux, puis enchaîna sur la troisième. Elle ne savait pas d’où elle les sortait, mais visiblement, ça marchait.

— Pourquoi les livres ont toujours chaud ?

— Parce qu’ils ont une couverture.

— OUI !

Lord Voldemort avait répondu à sa blague. Lord Voldemort avait répondu à sa blague. Lord Voldemort avait répondu à sa blague.

— Qu’est-ce que dirait Rusard s’il devenait transgenre ?

Elle ne sut retenir un sourire idiot tellement elle était bonne. La meilleure de toutes, certainement. Le Seigneur des Ténèbres fronça les sourcils. Elle lui donna la réponse.

— Je ne trouve pas ma chatte.

Cette fois ci, plusieurs rires s’élevèrent au dessus des invités. Mais lui, non.

— Assez, siffla-t-il. À présent, je veux la pierre.

Ce fut Victoire qui lui sauva la vie. La jeune fille apparut en haut des escaliers, la pierre dans sa main. Lucretia soupira de soulagement.

— Tu ne l’avais donc pas, constata-t-il.

— Surprise, murmura-t-elle.

Victoire descendit des escaliers et lui tendit le trésor tant convoité. Lucretia savait qu’il s’agissait de la fausse. Mais au moment de s’en emparer, Lord Voldemort n’y vit que du feu. Il y crut, et Lucretia poussa un cri de victoire intérieur. Une victoire pour Victoire.

Ok, il fallait vraiment qu’elle arrête.

Le Seigneur des Ténèbres admira pendant un moment son trésor, puis fixa Victoire, qui était pâle comme un mort.

— Ta famille sera récompensée. Plus personne ne doutera de la pureté de votre sang. À présent, les Ills auront leur place dans l...

Lucretia ne put entendre la suite. C’était comme un bourdonnement qui emplissait ses tympans, puis sa tête entière. Le sortilège Doloris, l’angoisse du plan, la maladie d’Avadys, la trahison de Rabastan, tout lui revint comme une immense vague qui la fouetta de plein fer ; la panique, le stress, la douleur, ce Doloris, encore le Doloris, la fatigue, puis courir, toujours courir, la froideur de la cave, le sourire de Lord Voldemort, son souffle qui se coupait, la main qui étouffait ses cris

puis le noir.

Seulement le noir.

Lucretia Malefoy s’était effondrée.

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