Chapitre 6
Atsushi se regarda une dernière fois dans le miroir, vérifiant si sa veste n'était pas un temps soit peu froissée ou si ses chaussures étaient tachées. Son reflet en disait long sur sa pensée : il voulait être irréprochable mais tout de même garder une once de personnalité dans ses vêtements; il voulait être lui. Il refusait de n'être d'un garçon bien habillé pour le brun, il voulait qu'il le voit sous sa vrai lumière. Il voulait qu'il voit le vrai lui, il voulait juste lui plaire en fin de compte.
Il tourna sur lui même, s'observant d'un air septique. Il portait une chemise blanche à moitié rentrée dans son pantalon oversize troué, et des chaînes en métal sur le côté de sa ceinture. Il avait ajouté à cela un manteau gris aux nombreux pins et décorations, une immense grue se dressait sur son dos. Il se sentait presque parfait. Cependant, il lui manquait quelque chose. Il farfouilla du regard sa chambre et arriva sur un des tiroirs de la commode, il s'y précipita et en sortit au bout de quelques instants un bracelet. Simple, vraiment, il n'avait rien de particulier mais semblait représenter une couronne sur la tête d'un roi pour le blanc. Il le fit glisser sur son poignet délicatement et l'admira un petit moment avant de rejoindre le hall et de prendre la porte.
Atsushi marchait tranquillement vers le centre ville. Heureusement, il n'avait pas eu à recourir au train ou au taxi pour s'y rendre, mais il restait tout de même angoissé à l'idée de devoir traverser une foule aussi impressionnante que celle du centre de Yokohama pour rejoindre le brun. Il devait bien y avoir une poignée de touristes bruyants sur son chemin, et ça, le blanc ne pouvait le supporter. Il voulait bien admettre qu'être dans un autre pays pouvait être excitant, mais au point de produire un tel brouhaha ! Ces cris lui brisaient les tympans, et c'était donc pour ça qu'il s'était installé suffisamment loin des lieux les plus visités du secteur; pour ne avoir à les entendre hurler sans arrêt. Après tout le blanc était un garçon clame et sensible, enfin, il était devenu un garçon calme et sensible.
Il lui restait encore vingt minutes avant l'heure du rendez-vous, et il n'était plus très loin du café en question. Cependant, il se retrouvait coincé au niveau de tous les autres commerces, eux moins petits et quiets. Il ravala sa salive, et posa un pied en dehors de l'infime ruelle, pour rejoindre la place bondée. Aussitôt, il se senti défaillir. Pourtant personne ne le bousculait ou touchait : ils étaient tous respectueux envers lui. Mais voir tant de gens devant lui le fit paniquer, et il se lança dans une course effrénée, ne s'arrêtant même pas pour s'excuser auprès des personnes qu'il poussait. Son unique objectif était de sortit de là, et ce vite.
Son souffle était court, voir même saccadé lorsqu'il fut arrivé à la boutique, apparemment française. Il balaya la terrasse des yeux et trouva, sur une table éloignées des autres, un jeune homme à la tignasse noire. Il ne bougeait pas, les yeux fixés sur ce qui semblait être un livre. Il n'y avait plus de doutes : c'était bien Akutagawa qui l'attendait. Un sourire élargit les lèvres du blanc, qui se mit en route pour le rejoindre.
__ Je suis en retard ? Demanda-t'il une fois suffisamment près du garçon.
Le brun releva la tête et ferma son ouvrage, il lui sourit gentiment.
__ Non, tu es même en avance.
Il n'avait plus l'air froid du tout, et ça rendait Atsushi très heureux. Il s'assit en face de l'homme, un air adorable accroché au visage. Et dire que leur première rencontre avait été la plus glaçante qu'il ait fait ! Maintenant, la situation était bien différente. Les deux prirent leurs aises et entamèrent une conversation basée en grande partie sur l'art.
Bien même les capacités médiocres du blanc en arts-plastiques, il avait étudié pendant un long moment l'histoire et les peintres de ce domaine. Il ne savait même pas pourquoi, mais il avait trouvé une certaine beauté dans le fait de donner des nuances distinguées et des formes à la peinture, en particulier. Alors il avait voulu se renseigner, non pas apprendre à faire des arts, mais à en connaître. Le blanc savait donc de qui et de quoi parlait le noiraud lorsqu'il racontait ce qu'il avait fait par la passé.
Leurs cafés arrivèrent en quelques minutes seulement, ainsi que deux croissant dans des plateaux en argent. Le magasin semblait être modeste de l'extérieur, mais rien n'échappait à l'œil de tigre d'Atsushi. Il était probablement un café luxueux, non seulement car la nourriture n'était pas japonaise, mais aussi car toutes la vaisselle était faite soit de porcelaine soit d'argent. La décoration était elle aussi très particulière, ornée de pots de fleurs somptueusement taillées et de plantes de l'Europe de l'Ouest. L'intégralité de l'ambiance du magasin était basé sur la couleur verte, donnant un peu de fraicheur dans le quartier urbanisé.
__ C'est un café français c'est ça ?
__ Oui, j'aime beaucoup leur nourriture. Je voulais te la faire découvrir. A moins que tu ne la connaisse déjà ?
__ Je connais vite fait mais je n'ai jamais vraiment testé.
__ Et bien, je suis content d'être le premier à te la faire goûter. Akutagawa croqua dans son croissant, et le blanc suivit le mouvement. Après les codes sont complétements différents et les plats peuvent êtres un peu plus gras et lourd, je l'admet. Et je sais de quoi je parle, j'y ai fait un stage pendant deux ans.
__ Oh. Vraiment ? Ça devait être incroyable de vivre là-bas pendant deux ans !
__ Oui, une expérience unique en son genre.
Atsushi se sentait bien, comme ça, avec le brun à ses côtés. Tous deux partageaient beaucoup mais se révélaient aussi énormément. Le blanc voulu plonger à la rencontre de tout ce qu'il ne savait pas et tout ce qu'il pouvait découvrir en compagnie de l'autre. C'était magique. La sensation du nouveau, le sentiment de sécurité et l'idée que tout ira bien. Il se sentait flotter dans un univers complétement différent, il volait à la rencontre de l'inconnu. Ça lui plaisait.
Une fois le café bu et les viennoiseries mangées, une goutte tomba du ciel pour heurter l'épaule du blanc. Ils levèrent les yeux au ciel et admirèrent ce dernier se noircir de nuages brumeux. Ils ne bougeaient plus.
__ Je n'ai jamais vu quelque chose d'aussi expressif avant... Lâcha le blanc sans cri et gare.
__ Le ciel est un lieu encore très peu exploré par l'homme. C'est normal de nous y attacher et de le trouver sublime. Expliqua Akutagawa, d'un ton nostalgique.
__ Je trouve que vous vous assemblez bien.
Il ne répondit rien. Mais il l'observait, ahuri. Akutagawa mordit sa lèvre inférieure, laissant apparaitre malgré tout un rictus flatté.
__ Toi tu ressemble à ce nuage, juste là.
Il montra du doigt une des nombreuses nuées présentes dans le ciel assombri. Malgré l'atmosphère chargé et la couleur obscure de son environnement, elle restait d'un blanc implacable. Atsushi rit au compliment du noiraud, qui se mit à l'imiter, trouvant sa réaction plus que charmante. Leurs voix ne tardèrent pas à s'assembler, en harmonie avec le son mélodieux de la pluie contre les toits alentours. C'était une scène bien étrange pour les passants, étrangers à la situation.
__ Ah, on est trempés. Constata le blanc.
__ Tu es celui qui habite le plus près non ? Moi j'ai dû prendre le train pour venir.
__ Je pense, oui. Si on se dépêche on pourra arriver avant d'être totalement mouillés.
Et sur cette dernière phrase, les deux garçons se mirent à courir, hilares. Sans le remarquer, le blanc venait de prendre la main d'Akutagawa et de l'entraîner avec lui. Le brun n'avait rien dit, semblant apprécier. Ils menaient une dance effrénée sous le torrent d'eau qui tombait du ciel et celui de leurs émotions; ils tournoyaient et sautaient sans le moindre complexe.
C'était une nouvelle pour le brun, jusqu'alors inexpérimenté dans ce genre de choses, mais il la trouvait si agréable qu'il ne pouvait que se laisser aller. Et pour la première fois, il s'était senti réchauffé, c'était comme si sa glace intérieure avait fondu dès que ce garçon avait croisé son chemin. Il avait de suite été submergé par une tonne de questions sans réponses et de battements de cœurs incompréhensibles. Mais ça, il ne lui avait jamais dit. Et il ne lui dira sûrement jamais.
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