Chapitre 4

Atsushi regardait le sol de l'ascenseur nerveusement, il n'osait pas prononcer un seul mot, mort de honte. Ses mains s'entortillaient entre-elles, cherchant en vain un quelconque refuge dans cette situation. Il avait demandé à rester avec le bel homme sur le coup, sans réellement y réfléchir. Comment aurait-il pu prévoir qu'Akutagawa accepterai ? Sans poser de questions, en plus ! Vraiment, Atsushi était perdu.

Par conséquent, il se trouvait là, tout près du logement du brun : en chemin plus exactement. Il ferma les yeux, les joues cramoisies par la gêne et les doigts serrés à son pantalon noir. Il ne voulait pas regarder son vis à vis, car s'il se faisait remarquer, il était persuadé de mourir sur le champ. Néanmoins, le blanc ne put empêcher son désir de voir le beau visage du peintre et jeta un léger coup d'œil. Il n'en fut pas déçu : toujours aussi resplendissant. Avec ses yeux sombres plongés dans un autre univers et sa posture stricte il n'y avait pas à revenir sur son charme; il avait bel et bien un charisme inégalable. Vite, le garçon redirigea son regard quelque peu persistant vers le bas. Il mordit sa lèvre inférieure en signe de soumission à la noblesse du jeune homme.

__ Au fait, je ne t'avais pas demandé, mais pourquoi veux-tu dormir chez moi ?

Atsushi fut prit de court par la prise de parole soudaine d'Akutagawa. D'une voix bredouillante il répondit simplement.

__ Je ne suis pas à l'aise avec les transports en commun : à ce moment là de la journée ils sont vraiment bondés. Surtout le train. Encore désolé de t'importuner.

__ Ce n'est rien, de toute façon je me sentais un peu seul dernièrement.

Le brun se tourna vers Atsushi et quand ses yeux perçants s'encrèrent dans ceux de son vis à vis, une sorte d'alchimie se créa. Un sentiment étrange fit conquête de la poitrine du plus grand, qui ne sut définir ce qu'il venait de ressentir. Quant au blanc, ce fut des tambourinements incessants qui lui rendirent visite.

Akutagawa ignora ce qu'il venait de se passer et reprit son air impassible de d'habitude. Il continua d'une voix platonique.

__ Accepterais-tu de me tenir compagnie le temps que je termine la toile ?

Atsushi n'en cru pas ses yeux. Des milliers de frissons et de picotements convulsèrent tout son corps. Son corps si frêle... il ne tiendrait peut-être même pas le coup. Sa peau monta jusqu'à sa couleur de saturation, il était désormais rose. Rose comme une jolie petite pivoine réservée, mais aussi rose comme un camélia gracieux qui étendait ses pétales aussi loin que le soleil se lèverait. Le blanc se demandait si sa réaction avait été trop excessive; bien sûr, il était gêné de devoir affronter le regard ahuri du beau brun qui le fixait, mais ça, il ne pouvait l'éviter, au contraire de son attitude. A moins que le brun eu été aveugle, il était obligatoire qu'il eu remarqué le comportement hilarant du garçon, ce qui avait l'air d'être le cas. Donc, la question d'Atsushi s'était dirigée automatiquement vers l'autre interrogation possible.

__ Ou-oui... Articula-t'il finalement avec difficulté.

Akutagawa laissa quelques secondes de silence avant de pouffer légèrement. Il le regarda et fit un léger sourire, pas faible, léger. Il était sincère. Cela ne fit que capturer encore plus le cœur du garçon, qui se senti défaillir.

Le bruit sourd de l'ascenseur arrivant à l'étage désiré les coupa dans leur moment d'intimité, et, un peu embarrassés, ils sortirent. Le brun s'aventura dans le long couloir et le blanc ne fit que le suivre.

Atsushi était complétement déboussolé. Il s'imaginait des refus, des reproches, des visages inexpressifs... il s'attendait à tout mais pas à ce genre de sourires ou requêtes. La conduite du brun l'avait retourné. En réalité, Akutagawa était beaucoup plus complexe que ce que le blanc avait présumé de lui. Il ne l'avait vu que sous son aplomb légendaire, et c'était comme s'il avait oublié qu'il était aussi un humain, tellement obnubilé par sa beauté semblable à celle d'un dieu.

__ C'est ici. Annonça le brun en ouvrant une des vingtaine de portes du couloir.

Les deux garçons pénétrèrent dans l'appartement, Akutagawa posa sa veste sur le porte manteau et invita Atsushi à faire de même, ce qu'il fit. Les yeux du blanc se perdirent dans les multitudes de détails accrochés à la pièce. Cette dernière était spacieuse, pas autant que celle de l'autre garçon, mais réellement grande pour le lieu de résidence. Sur les murs, des croquis. Parfois des hommes nus s'y présentaient, esquissés au fusain avec une harmonie parfaite entre le crayon et le dessinateur, tandis qu'il pouvait aussi y avoir des fleurs bleutées à l'aquarelle, somnolant dans leur propre splendeur. Il était émerveillé. Un immense bureau jonchait une partie de la paroi, prenant pratiquement toute la place. Un lit modeste était positionné juste en face de la table noire. Puis, des papiers par terre, beaucoup de papiers. Il y en avait une tonne, c'était colossal. Certains indiquaient des fonctions, d'autres n'étaient que des ébauches fait au stylo; et enfin : le tableau. Un immense portrait de Dazai. Un soin incroyable y était porté, cela était évident, on comprenait rien qu'avec un coup d'œil. Atsushi se demanda comment Akutagawa pouvait reproduire à merveille un homme qu'il n'avait même pas connu. Son talent l'épatait. Avait-il fait des études ? Depuis quand dessinait-il ? Pourquoi ? Atsushi voulait savoir. Il voulait apprendre à connaître le brun. Il s'intéressait, tout simplement.

Le brun s'assit et se mit au travail, sans un mot. Il peignait avec tellement de grâce... c'en était presque indécent. Atsushi s'affala contre le mur et posa sa tête entre ses genoux. Il contemplait Akutagawa faire avec souplesse toutes les précisions des cheveux couleur châtaigne de Dazai. Sur le portrait, l'homme était assis contre un arbre fleurissant, un sourire très fin et distingué aux lèvres et les yeux fermés. Il semblait apaisé. Atsushi se senti un peu triste d'un coup. Dazai n'avait pas montré un seul signe d'assouvissement avant sa mort. Tout comme pour Odasaku. Ils avaient toujours l'air préoccupés ou tendus, chose que le blanc avait remarqué mais avait décidé de ne pas prendre en compte, pour une raison quelconque. Et maintenant, il s'en voulait.

A présent qu'il le voyait de cet œil, il était fort possible que le suicide du châtain ait un lien avec cette attitude stressé qu'il abordait pratiquement tout les jours. Et aussi avec Odasaku. Ça paraissait presque logique, mais Atsushi n'y avait pas pensé. Ils avaient eu la même façon d'être durant cette période et étaient tout deux morts en même temps. Mais pas au même endroit. Et puis... Odasaku ne s'était pas suicidé. Il soupira. Les regrets le consumeraient donc pour l'éternité ? Il n'espérait pas... mais avec toutes ses pensées malheureuses, il désespérait.

__ Tu connaissais cet homme n'est-ce-pas ?

Le regard attristé d'Atsushi rencontra celui sérieux d'Akutagawa, il avait arrêté son activité pour se concentrer pleinement au garçon. Le blanc en aurait peut-être été touché s'il eut remarqué cette attention du brun.

__ Oui. C'était mon tuteur légal.

__ Et qui est ton tuteur maintenant ? Tu n'es pas encore majeur si je ne m'abuse.*

__ J'ai presque 19 ans. Je fais si jeune ?

__ Non, pas spécialement.

__ Enfin... légalement c'est Kunikida, un ami à Dazai, qui s'occupe de moi. Et toi, tu as quel âge ? Tu ne parais pas plus vieux que moi.

__ J'ai eu 20 ans récemment.

Le blanc ne rajouta rien, laissant Akutagawa retourner à son travail. Il baissa les yeux et réfléchis à ce qu'il venait de se dire. Quelque part, c'était vrai : Atsushi vivait seul et légalement c'était répréhensible. Seulement, il était proche de la majorité et, bien même sa dépression, Kunikida lui faisait suffisamment confiance pour le laisser habiter seul. L'adulte venait tout de même le voir une à deux fois par semaine pour lui apporter de la nourriture ou simplement de la compagnie, chose qui lui maquait sûrement beaucoup trop, comme pour Akutagawa. "Simple déduction" songea le blanc en regardant le brun.

Atsushi ne pensa plus à rien, trop fatigué pour se torturer l'esprit avec ce genre de choses, et s'assoupit.


* Au Japon, la majorité est à 20 ans. Je n'ai pas changé l'âge des personnages donc Akutagawa à 20 ans et Atsushi 18 ans. Aussi (petite parenthèse), l'écart d'âge est trop petit pour qu'on puisse appeler ça du "détournement de mineur" et encore moins un "abus de pouvoir" car Akutagawa n'exerce aucune pression physique et/ou psychologique sur Atsushi.

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