Chapitre 22

Le vent était si fort qu'Atsushi avait du mal à avancer; mais il aimait cette animosité. Après tout, autour de lui, les paysages étaient simplement somptueux : c'était ça la campagne. C'était les rizières humides et le soleil chaud, c'était les vents violents aussi, ceux qui font trembler les branchages, puis les animaux sauvages et les variétés époustouflantes d'arbres.

Décidément, Akutagawa avait un goût prononcé pour l'esthétique. S'il avait décidé de les amener avec lui dans son village natal, c'était bien parce qu'il savait que sa beauté réussirait à les apaiser. Malheureusement, ils n'étaient que trois à profiter du spectacle. Ranpo n'était pas venu avec eux, ce que le blanc trouvait décemment décevant étant donné ce que son frère ratait. Mais soit, il était naturel qu'il veuille retrouver son logis, son lit et Kyōka. Atsushi ne le blâmerait sûrement pas là dessus, mais en revanche, il le blâmait d'avoir était si dur avec son amant les jours d'avant.

« Allons faire du Shinrin Yoku. Je connais un endroit idéal pour ça. »

« Je te demandes pardon ? »

« Allons faire du Shinrin Yoku. »

« Tu te fiches de moi ? Une re-connexion à la nature ? C'est bien d'être "vert" mais il y a des limites à la stupidité. Il est littéralement en train de crever, et toi tu veux l'amener en campagne ? Et bien bonne chance pour les autorisations de sortie et n'essayez même pas de compter sur moi pour vous accompagner. Je retourne à Tokyo, moi, au moins, je suis rationnel. »

La discussion s'était achevée ainsi, si brutalement. Mais par miracle ils avaient réussi à obtenir après quelques semaines seulement un accord de l'hôpital pour repartir au Japon en apportant le roux avec eux. Atsushi suspecta bien évidemment Ranpo d'avoir regretté ses actions et de leur avoir finalement filé un coup de main en cachette; parce qu'il était évident que son frère n'était pas un si mauvais garçon au fond. Il avait cependant fallut attendre encore certains mois avant le réveil de Chuuya, et donc de pouvoir s'en aller.

Ce dernier n'était par ailleurs toujours pas dans un état de conscience parfait. Sans mains et un de ses pieds, il ressemblait un peu à un papi sur son fauteuil roulant. Avec son cadet qui le poussait sur les minuscules collines d'Ochiai, il semblait redécouvrir un aspect de la vie. Et malgré les dégâts, Atsushi avait prit la responsabilité de sa rééducation à partir de leur départ d'Amérique. Si cela semblait dépitant, il restait positif et même heureux de revoir le rouquin, surtout lorsqu'il arrivait à prononcer une phrase censée -il devenait alors l'homme le plus joyeux du pays dans ces moments là-.

Souvent lorsqu'ils se promenaient ainsi sous le soleil levant, Atsushi pensait à la décision d'Akutagawa. Il se disait que tout de même, le noiraud devait lui faire sacrément confiance pour l'amener chez ses parents. De plus, il n'avait pas eu de mal à le présenter comme son amoureux, ce qui avait terriblement embarrassé le blanc, rouge comme une pivoine lorsque les mots étaient sortis.

Et, depuis deux semaines maintenant, il vivait en temps que membre dans la famille de son amant. Seulement, il y avait une petite chose qu'Akutagawa ne lui avait pas dit : leur particularité était qu'ils prospéraient à la traditionnelle.

Au début, mettre de kimonos tout le temps et s'acharner au travail de cultivateur de riz le plombait, et même si les balades lui plaisait, c'était bien la seule chose. L'immense maison avait beau être des plus magnifiques qu'il n'ai jamais vu, les couloirs étaient trop nombreux pour qu'il s'y retrouve facilement; alors, non, il n'aimait pas du tout. Il ne se sentait en fait simplement pas dans son élément, lui qui avait l'habitude de l'industrialisation et des objets modernes, il se croyait presque en formation lorsqu'il servait le thé à l'heure du couché de soleil.

Mais au final et après quelques jours, il s'était accommodé bien plus vite qu'il ne le pensait à ce mode de vie et avait même apprit à l'apprécier comme il était.

Pour en revenir à Akutagawa, il avait une petite sœur, comme lui, prénommée Gin. Elle lui ressemblait comme deux gouttes d'eau : pratiquement aussi froide au premier abord, brune aux yeux ténébreux, mais très attentionnée envers ses êtres chers. Atsushi l'avait aimée au premier regard : elle avait cette aura de bienveillance malgré ses airs de chien errant enragé. La seconde femme de la famille était tout leur inverse : douce et agréable de l'extérieur mais très stricte au fond. Malgré tout, on ne pouvait pas la détester non plus, ses petites attentions qui pouvaient passer inaperçues étaient bien trop gentilles pour ne pas être relevées. Le blanc se souviendrait toujours de ce soir où il s'était tué le dos au champ et où elle lui avait déposé une tisane devant sa porte sans qu'il ne lui demande quoi que se soit. Et puis, il y avait le père : grand et peu bavard, forcément il avait intimidé le nouveau venu. Mais il s'était révélé avoir un sens de l'humour aiguisé et un petit côté fragile lorsque sa femme lui frappait les côtes pour le remettre à sa place.

Et, plus vite qu'il ne l'avait imaginé, Atsushi s'était senti intégré à la petite famille. Gin l'aidait même avec Chuuya parfois, ce qui le mettait vraiment de bonne humeur.

Le fait que personne ne dise rien à propos de leur homosexualité lui plaisait aussi car, à vrai dire, il avait eut peur du rejet pendant longtemps et aborder le sujet le rendait terriblement mal à l'aise. Là, ils étaient tranquilles, sans remarques et sans blagues.

Vraiment, le noiraud avait eut la meilleure solution. Autant pour eux deux, encore couverts d'hématomes sur certaines parties de leurs corps, que pour Chuuya qui semblait de plus en plus vivant chaque jour qui passait. Quand un papillon se posait sur son nez, il émettait de petits sons s'apparentant à un rire d'enfant. Une voix cristalline et dénuée de souvenirs. Il redécouvrait.

Comme un vieux ayant perdu la mémoire, Atsushi était heureux de l'accompagner dans la re-construction de ses nouveaux souvenirs, ceux qu'il se faisait maintenant, avant de, peut-être, retrouver ses anciens. En toute franchise, le blanc ne l'espérait pas. Ce traumatisme qu'il avait eut, Dazai et Fiodor, mieux valait qu'il ne s'en souvienne pas et que tout appartienne au passé. Qu'il re-grandisse un peu dans un esprit sain. Enfin, un jour il se demanderait bien pourquoi il n'avait plus de main, et là, Atsushi sera dans l'obligation d'agir. Mais ce n'était pas pour tout de suite.

Pour l'instant, il profitait simplement.

Le soleil tomba progressivement sans que le blanc ne s'en rende compte et il fallut l'intervention d'Akutagawa pour qu'ils se décident enfin à rentrer.

Ce soir là, le dîner était fantasmagorique : des milliers de plats éparpillés sur l'entièreté de la table, sans trous, accompagnés de sauces toutes différentes déposées dans de minutieux ramequins.

Entre les nouilles aux pousses de bambous et les viandes exquises qui se faisaient de plus en plus rares sur ces terres, tout était délice pour leur papilles gustatives. Atsushi se demanda bien depuis combien de temps il n'avait pas mangé quelque chose d'aussi exquis. Sûrement assez longtemps pour ne pas s'en souvenir.

Il demanda naïvement après s'être empiffré pour quelle occasion s'organisait un tel festin, et à sa grande surprise Gin lui répondit qu'aujourd'hui était l'anniversaire de son frère.

Akutagawa avait détourné le regard à ce moment là, comme gêné sous tous les yeux surpris braqués sur lui.

Lorsque le repas se termina et que les deux amants retournèrent dans leur chambre, une conversation étrangement calme débuta entre eux :

__ Pourquoi tu me l'as pas dis ?

__ Dire quoi ?

__ Que c'était ton anniversaire.

__ ... je voulais te faire une surprise.

__ Une surprise ? Ç'aurait pas été plus à moi de t'en faire une ?

__ Ouais, dans un sens c'est vrai. Mais je voulais le fêter personnellement avec toi. Faire deux fêtes. Tu vois quoi.

Silence.

__ Je vois.

Ils entèrent dans leur chambre sans un mot de plus et Atsushi s'affala de tout son long sur le futon en soupirant. Il ne savait pas réellement ce que signifiait son acte, mais ce n'était pas de la fatigue. Il regarda Akutagawa fermer la porte coulissante dans un mouvement lent et se retourner vers lui. Sans la lumière des lanternes de dehors, ils étaient complétement plongés dans le noir. Le blanc ne pouvait apercevoir que la silhouette mince de son amant, étant en contre-jour total. Le noiraud ne bougea pas d'un poil jusqu'à ce que l'autre ne se redresse en s'asseyant parfaitement cette fois, c'est à dire sur les genoux les pieds en pointes.

Akutagawa s'approcha langoureusement de son petit-ami dès que se dernier s'immobilisa complétement. Une fois pile devant lui, il se mit à sa hauteur en le regardant droit dans les yeux, captant son regard malgré l'obscurité. Ses mains virent ses poser sur les épaules d'Atsushi et sa tête ses caler au creux de son cou. Il effleura sa peau laiteuse du bout des lèvres avant de la contourner pour se mettre à dévorer la bouche du blanc sans retenue, et avec de nombreux coups de langue.

__ Cette fois, c'est à moi de te demander... je peux te le faire ?

Atsushi n'hésita pas une seconde avant d'hocher la tête. Depuis combien de temps attendait-il ça ? Bien sûr, il l'avait déjà voulu, mais il avait attendu que son amant soit près. Aujourd'hui, c'était ce dernier qui semblait dominer la situation; une grosse prise de confiance tout de même. Comme il l'avait pensé quelques mois plus tôt, lors de leur agression, il voulait réellement faire l'amour avec Akutagawa. Plus que tout.

Le noiraud ne s'impatienta pas plus après l'acceptation de son amant et recommença là où il venait de s'arrêter. Entre suçons et baisers passionnés, Atsushi s'y perdait. Sa tête tournait et son échine se courbait, sensible aux chatouilles que lui procuraient les mains d'Akutagawa dans son dos. Le haut de son kimono tomba au sol, laissant encore à couvert ses jambes. Son ainé ne s'y attarda pas de suite et préféra se concentrer sur les deux boutons de chair qui s'offraient à lui. Il s'appliqua à les lécher correctement pendant d'Atsushi lui caressait les cheveux d'un geste timide. La pièce suait la sensualité tant les légers gémissements du blanc la remplissait indécemment.

Akutagawa retira à son tour son vêtement, laissant Atsushi contempler son corps à la limite de la maigreur. Il s'attendait à un mouvement de recul de la part de son amant, mais, au contraire, ce dernier prit la taille du brun d'entre ses fins doigts et la redessina, comme fasciné par sa beauté singulière. Il posa même sa tête contre le ventre de son vis à vis, lui laissant une trace à son tour.

Leurs mains se joignant un coup et se délaissant l'autre, leur plaisir se formait tout d'abord sur leurs trajectoires éphémères et emplies d'une douceur extrême. Ils arrivaient tout juste à se concentrer sur autre chose que leurs corps en harmonie, c'est à dire leurs paroles. Tout ce qu'ils pouvaient dire était le prénom de l'autre, inlassablement.

Atsushi se sentait revigoré. Surtout après avoir enfin prononcé le prénom de son petit-ami.

"Ryonosuke"

"Nakajima"

Leur voix se mélangeant l'une à l'autre sur un ton saccadé et inconscient leur faisait presque autant d'effet que leurs touchés. Cet acte représentait leur libération.

Finalement, leurs habits s'étalèrent entièrement au sol, leurs sexes exposés à l'un à l'autre. Akutagawa se sentit traverser par une vague de frissons excitant dès qu'il vit l'intimité du blanc, lui aussi dans le même état.

Comme s'ils étaient ivres, leurs doigts se croisèrent en se ratant pour arriver dans un sursaut sur leurs parties respectives.

De douces caresses emplirent leurs esprits pendant qu'eux caressaient leurs corps en sueur. Leurs lèvres n'arrêtaient pas de se joindre et leurs yeux de se fermer, comme pour fuir la réalité, comme pour ne rien voir et mieux ressentir après.

Plusieurs minutes à ainsi se palper passèrent, et Akutagawa tomba bien vite dans les bras d'Atsushi, qui lui se laissa étaler sur le matelas à son tour, à bout de souffle. La paume de sa main vint tapoter le dos du brunet dans une minuscule étreinte avant d'elle aussi sombrer dans un sommeil profond, rejoignant son amoureux Morphée.


Le soleil traversa assez tôt la moustiquaire de la porte, ce qui réveilla un peu trop brutalement Atsushi à son goût. Akutagawa n'était plus à ses côtés.

Il enfila donc rapidement son vêtement et s'apprêta à sortir de la chambre pour regarder s'il trouvait son petit-ami dehors, ce qui était probablement le cas d'ailleurs, mais alors qu'il allait saisir la poignée, cette dernière se tourna seule.

Le noiraud surgit de devant lui, un vase dans les mains. Il avait sur lui quelques gouttes de rosée du matin, sûrement qu'il était parti à l'aube.

__ Oh, tu es réveillé. Bonjour. Dit simplement Akutagawa en rentrant, posant le pot de fleur sur une des tables en même temps.

__ Oh. Oui... bonjour.

Atsushi était un peu déstabilisé par cet éveil peu commun et son étonnement se fit encore plus grand lorsqu'il vit ce que son amant venait d'installer près de lui.

__ Des camélias ?

__ Il en poussait dans le jardin. En les voyant,  j'ai pensé que ça te ferai plaisir.

__ Mais je ne t'ai jamais dis que...


Akutagawa le coupa en souriant :

__ Je l'ai toujours su.

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Fin

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