Chapitre 12

Le souffle d'Akutagawa semblait s'être arrêté depuis maintenant plusieurs et interminables minutes. Tout était comme en suspension; les plantes ne bougeaient plus une seules de leurs feuilles, les corps des deux hommes étaient immobiles, presque inertes, et plus un chant d'oiseau ne leur parvenait. Même les chats s'étaient tus pour les fixer de leurs grands yeux perçants. C'était une longue symphonie silencieuse; peut-être accentuée de faibles battements de cœurs.

Enfin, une bouffée d'air emplie la gorge sèche du brun. Il n'osa même pas articuler un mot, il salua simplement le plus vieux avant de prendre la fuite, affolé. C'était irréel. Cela devait l'être. Il ouvrit brusquement la porte, la faisant claquer sous le regard satisfait de Mori. Il sorti dehors et ne prêta pas attention à la brise violence qui commençait à frapper le ville portuaire; il franchit vaillamment les murs puissants d'air qui se présentaient à lui. Sa respiration saccadée et son cœur embrumé, il était perdu. Comme si la transparence lipide de l'air était soudainement devenue grise, apportant en suppléent de la poussière pour lui bloquer le passage. Akutagawa ne pouvait pas avancer avec ça devant lui, mais il capitula pas. Ses réflexions avaient été abandonnées sur les bords des quais à l'horizon et seuls les actes persistaient. Il se devait de rejoindre Atsushi, qui était probablement resté inconscient de la tournure que prenaient les événements. Le noiraud s'inquiétait terriblement : il ne pourrait jamais cacher une telle vérité à son amant, et il ne le ferait pas, mais comment lui expliquer tout ça doucement ? Devrait-il simplement lui montrer la photo et le regarder se décomposer misérablement ? Il cria de rage dans sa lutte contre cet espèce de typhon d'incompréhension et finit par se détacher des chaînes que ce dernier lui imposait. Il laissa la bourrasque derrière lui et ne prit même pas le métro, bien trop pressé pour cela. Courir ne lui ferait pas de mal, mais sa poitrine, elle, s'emballait beaucoup trop et bien vite tout devint flou autour de lui. Il n'avait pas l'habitude de se dépenser d'une manière aussi vigoureuse et cela devenait vite exaltant. Sa raison finit par l'emporter sur son impulsivité et il s'arrêta. D'énormes gouttes de sueur dégoulinaient sur l'entièreté de son visage et le monde semblait bien plus opaque, ses main sur ses genoux, il essayait de reprendre en vain son souffle. Mais ses pensées dérivèrent et il se retrouva à songer au fait que cette vision était très inspirante pour de probables et futurs tableaux. Rien que cette idée su l'apaiser. Il s'imagina ensuite le visage rayonnant d'Atsushi se fondre à travers les rues bleutées et son corps s'enfoncer dans l'ambiance douce du paysage. Il put définitivement reprendre son calme et repartir une nouvelle fois vers l'appartement du blanc.

Le pied droit du brun frappait nerveusement le sol. Il avait été si fatigué en arrivant à l'accueil qu'il avait laissé de côté l'idée de franchir tout les étages de l'immeuble en courant. Cependant le temps lui semblait être au ralenti. Cet ascenseur était-il cassé ou juste inadapté au point d'aller si lentement ? La patience du noiraud avait des limites, et tout commençait à faire bouillonner dangereusement son cerveau. Des heures avaient semblé s'écouler avant que le brun n'entende la petite musique agaçante que faisait constamment ces grosses boites grises à l'arrivée. Dès que les portes s'ouvrirent, il sauta à l'extérieur pour rejoindre le garçon qui avait fait l'objet de tout ses efforts. Il s'empressa de mettre la clef, qu'il avait en double, dans la serrure et d'ouvrir la porte de cet autre monde. Tout semblait si lumineux et divin tandis que lui arrivait avec sa noirceur et ses ténèbres dignes d'une comparaison avec ceux d'Hadès.

Le plus jeune remarqua sa présence et se retourna, son éternel sourire accroché au visage. La vue était tout bonnement magnifique. Les cheveux clairs d'Atsushi bercés par le vent qui pénétrait de force dans la pièce, ses grandes et fines mains blanches sur la vitre, s'apprêtant à la fermer et toutes les feuilles qui passaient derrière son dos, formant un tourbillon informe de vert. C'était le total inverse d'Akutagawa qui se tenait à peine debout, presque appuyé sur la porte assombrie par son ombre gigantesque. Elle prenait tellement d'ampleur sur la clarté légendaire du blanc que l'esprit revint au brun. Pourtant il fut incapable de prononcer ne serais-ce qu'un seul mot.

__ Tiens ? Tu ne devais pas rentrer chez toi pour peindre ? Je te manque tant que ça ?

Atsushi en profita pour détendre l'atmosphère et taquiner le plus âgé, qui ne rit pas pour autant. A la vue de l'expression grave de son compagnon, il ne dit plus rien et se contenta de s'approcher doucement. Il ferma la porte derrière eux et mit une main réconfortante sur l'épaule du noiraud. C'était exactement comme la première fois, il l'invitait dans un morceau de son paradis. Ce geste simple suffit à rassurer le brun qui le suivit, hypnotisé par son aura. Ils s'assirent sur le lit et le plus jeune laissa le brun commencer, pour ne pas le brusquer.

__ Je l'ai trouvé.

__ De quoi tu parles ? Renchérit de suite le blanc, dans l'incompréhension.

__ L'homme de tes rêves. Je l'ai trouvé.

Atsushi se figea sur place et ne cligna pas une fois des yeux. Avait-il seulement bien entendu ? Il attendait une suite mais contre toute attente le brun n'ouvrit pas la bouche. Apparemment il était tout aussi stupéfait que son amant de la découverte qu'il avait fait, et surtout, il était stupéfait de la façon si franche dont il l'avait annoncé. Il n'avait pas prévu de le dire comme ça, mais ses mots étaient partis tout seuls. Il senti une amertume désagréable remonter dans sa gorge tant le silence de son soleil le rongeait de font en comble.

Il chercha rapidement dans sa poche et bien vite tendit la photo au garçon. Lorsque ce dernier vit les cheveux roux flagrants de Chuuya en compagnie de la tignasse fade de Dazai, son visage, jusqu'alors à peut-près teint de toute ses couleurs, devint immédiatement blanc comme celui d'un cadavre. Ses yeux jaunes se remplirent du violet. Plus une seule trace de lumière ne se fraya un passage à l'intérieur de cet immense océan qu'était les prunelles d'Atsushi. Son regard était devenu vide un instant avant de revenir à la normale et de se tourner vers celui fuyant d'Akutagawa.

__ C'est Mori qui t'a donné ça ?

Plus qu'une question c'était une demande de confirmation à son hypothèse. Le noiraud se contenta d'hocher tristement la tête. Ses yeux sombres semblaient bien plus vivants que ceux de son amant, pour une fois. Leurs deux visages face à face, compatissants et sincères ne mirent pas beaucoup de temps avant de faire fondre l'ambiance. La scène autrefois coléreuse prit la forme d'une mélancolie incroyablement puissante. Finalement la façade amorphe du blanc tomba et des sanglots lui échappèrent. Il n'hésita pas une seconde à venir trouver refuge auprès de son compagnon, qui le serra fort contre lui. Les larmes ne coulaient pas dans son cas mais sa culpabilité de franchise le gagnait petit à petit et il se répugnait au plus au point. Comment avait-il seulement pu être aussi direct ? Il aurait dû y aller avec plus de douceur ! Essayer de le réconforter avant même d'avoir dit de quoi il s'agissait. Mais le brun n'était pas doué avec les relations humains et n'avait pas su peser ses mots ni même les contrôler.

Atsushi releva la tête du cou de son amant et le regarda droit dans les yeux, perçant de toutes parts le corps du noiraud. Il avait à présent un regard déterminé fermement accroché à la figure.

__ Je sais qui il faut aller voir.

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