Chapitre 11
__ J'ai fais un rêve bizarre cette nuit.
Akutagawa tourna tout d'abord les yeux, puis la tête et enfin vint tout le corps, qui pivota sur le côté. Ses deux mains remontèrent sur le cousin où se trouvaient celles du blanc et les saisirent avec tendresse. Un doux regard se posa sur Atsushi et se furent les lèvres rosées de l'ainé qui y passèrent ensuite. Atsushi comprit à ces gestes que son amant était tout ouïe quant à son histoire. Comme d'habitude, il allait raconter au brun ses étranges escapades au pays des rêves, parfois fantasmés d'un peu trop d'érotisme. Ce genre de songes non plus n'étaient pas cachés à l'amant du blanc, qui connaissait par cœur toutes les choses obscènes qu'il souhaitait lui faire. Akutagawa était fasciné par la facilité qu'avait le plus jeune à expliquer dans les moindres détails n'importe laquelle de ses illusions. Le magique et l'imaginaire vivait encore de manière active dans la tête du plus jeune, bercé par de nombreux idéaux toutes les nuits. Le brun se sentait même parfois triste de ne pas pouvoir se souvenir des rêves qu'il faisait. Sûrement n'en valaient-ils pas le coup. Il était parti depuis bien longtemps sur l'hypothèse qu'ils étaient trop basiques pour être retenus.
__ Il y avait Chuuya... et il était dans une pièce toute blanche. Atsushi sembla pour la première fois de sa vie hésiter à raconter un de ses rêves. Comme souvent il portait un chapeau noir avec deux rubans rouges accrochés autour. C'était ses couleurs préférés je crois. Il noya son sentiment d'inconfort par des détails inutiles avant de passer au vif du sujet, sans pour autant rassuré. Enfin bref, la pièce était complétement vierge, pas de trace ni rien. Un blanc immaculé.
Le brun écoutait attentivement, il n'était pas plus surpris que ça, car tous les rêves d'Atsushi étaient différents les uns des autres. Celui ci n'échappait évidemment pas à la règle. Il n'avait absolument rien à voir avec celui d'hier, qui se résumait en licornes et arcs en ciel. Il semblait comme... un peu plus horrifique. Akutagawa avait cependant remarqué le changement d'humeur de son amoureux et en fut quelque peu déstabilisé. Mais il n'en dit rien.
__ Et il n'avait pas de visage. Je veux dire, il ne montrait aucune expression faciale. Ses yeux étaient vides, complétement inertes. Après, il s'est assis sur une chaise. Elle n'était pas là avant, elle est apparue comme par magie.
Akutagawa était étonné que le blanc ne mette pas beaucoup d'entrain dans son explication. D'habitude il était toujours enjoué, même quand les gens normaux auraient criés, pleurés ou sursauté. Alors son comportement le faisait s'inquiéter. Le rêve de ce dernier lui semblait étrangement réel en plus de cela. Réel au point de s'imaginer parfaitement la scène, en mettant bien sûr les aspect magiques de côté. Le lien entre le rouquin qu'il ne connaissait qu'à travers les anecdotes de son copain et ce qui se passait dans les songes du blanc était étrangement bien réalisé. Pour une raison qui lui était inconnue, l'ainé trouvait que cet homme, Chuuya, était englobé d'une aura extrêmement singulière, d'un mystère encore irrésolu. En tout cas, c'était ce qu'il en déduisait à travers les souvenirs d'Atsushi. On ne savait pas qui il était, ce qu'il voulait, ses amitiés ou ses amours peut-être, personne ne savait rien de lui.
__ Après j'ai entendu comme des bruits de pas, je pense que la personne qui marchait portait des mocassins ou des chaussures de ville. Sa silhouette était grande et plutôt fine, il avait aussi un style très raffiné de ce que j'ai pu apercevoir de son ombre. Mais je n'ai pas vu son visage.
__ Si tu as autant de détails, tu ne peux pas imaginer un portait ?
__ Si je devais rajouter des informations purement hypothétiques ce serait qu'il viserait vers la fin trentaine et qu'il serait épuisé par quelque chose. Son dos était courbé c'est pour ça.
Akutagawa réfléchit un instant. Un homme sophistiqué... est-ce-qu'il fréquentait un homme de ce type là ? Curieusement, ce rêve ressemblait au début d'une longue enquête policière et le noiraud semblait s'y intéresser. Il se demandait sérieusement s'il connaissait un tel individu, par hasard. Car honnêtement, il se sentait mal pour le blanc, qui n'avait pratiquement aucune réponses concernant cette histoire et qui ne s'en était probablement pas remit, étant donné qu'il en faisait encore des cauchemars. Il soupira, son petit-ami était en déni, il en était persuadé. "Je ne veux pas savoir". En réalité, il la désirait, cette vérité. Mais il était trop effrayé d'être blessé s'il découvrait ce qu'il en était vraiment. Alors il se cachait dans un fausse satisfaction.
Le brun se redressa finalement, se grattant le crâne en guise d'étirement matinal. Cette histoire était survenue bien trop tôt pour qu'il y prête plus d'attention que ça. En fait, Akutagawa voulait surtout oublier ça pour un petit moment, pour ne pas broyer du noir et trop réfléchir comme il avait l'habitude de le faire. Atsushi, lui, s'était recouché, sous les couvertures et bien au chaud, protégé du froid qui pourrait l'attaquer par mégarde puisque, de toute façon, l'été était déjà là avec son grand soleil. Mais sait-on jamais. Un an... cela faisait déjà un an qu'ils étaient ensemble. Ils dormaient souvent dans le même lit, comme deux mariés, mais il n'y avait encore jamais eu de nuit de noces. Depuis ce jour, bien même que la présence du blanc à ses côtés le rassurait, Akutagawa ne s'était pas encore débarrassé de ce traumatisme qui le hantait.
Le plus jeune attrapa la taille dénudée de son amant d'entre ses bras et râla de son départ. Son langage corporel était toujours si expressif qu'on pouvait facilement deviner ce qu'il pensait. "Reste là". Mais quand bien même, le noiraud se leva en frottant la tignasse rebelle d'Atsushi en guise d'excuse. Ses pas légers se dirigèrent vers la salle de bain, où sa brosse à dents l'attendait. Alors qu'il se lavait, la mousse tout autour du visage, il pensa que leur situation était vraiment poussée, voir même folle à certains moments. Les deux vivaient comme un couple, Akutagawa en venait presque à habiter chez son petit-ami tant ses séjours chez ce dernier se prolongeaient dans le temps. Son véritable appartement n'était devenu plus qu'un bureau de travail à se stade là. Ce qui l'étonnait le plus fût qu'il puissent dormir nus dans le même lit sans qu'il ne se passe rien. Le brun avait instauré une relation platonique entre eux et ça l'embêtait, bien même qu'il ne se sente toujours pas prêt. "Le temps viendra". Il en était persuadé, et jusqu'à ce que ça arrive, il ferait de mieux pour laisser son passé sur le côté. Il s'envolerait bientôt au loin, de ses ailes azures; celles qu'Atsushi lui avait donné. Tout deux partiraient au loin, au dessus des nuages gelés et du soleil brulant. Il savait que cela paraissait un poil idyllique, mais il y croyait.
Il entendit le blanc lui crier une question depuis le chambre mais il ne l'avait pas comprise pour la simple et bonne raison que le plus jeune était affalé au lit et ne voulait pas sortir le tête de son oreiller. Ainsi donc, ç'avait été plus un baragouin qu'autre chose.
__ T'as dis quoi ? Essaya de comprendre l'ainé, parlant la bouche à moitié pleine à cause du dentifrice.
L'interlocuteur releva finalement la tête de son petit cocon douillet et fini par sortir de son matelas, pourtant si confortable à son goût. Il arriva derrière son amant et saisit sa taille une nouvelle fois en l'enlaçant de ses grands bras. Il posa sa tête sur l'épaule du noiraud et lui demanda d'un ton bien plus clair cette fois :
__ Est-ce-que tu vas voir Mori cet après-midi ?
__ Oui pourquoi ?
__ Je savais plus si c'était aujourd'hui ou samedi prochain.
Akutagawa se détacha de l'emprise d'Atsushi pour se rendre dans la cuisine, où il trouva son bonheur : c'est à dire une tranche de pain. Comme toujours son copain le disputa comme quoi il devait manger plus pour sa santé et que ça ne suffisait pas, mais le brun n'avait jamais eut grand appétit. Il soupira en baisant le front de son partenaire avant de quitter l'appartement sous le regard dépité de ce dernier. Il se rendait chez Mori. Il allait revoir cette décoration lugubre et cette façon si particulière qu'il avait de parler lorsqu'il racontait sa vie. Il allait revoir ses manières démesurées, son faux sourire amère et il était loin d'en être ravi. Il roula les yeux au ciel, comme un supplice qu'il faisait aux dieux pour qu'ils l'aident à traverser cette mauvaise passe et à l'idée de revoir cet homme qu'il n'appréciait pas. Il se demandait encore pourquoi il tenait son contrat avec lui et pourquoi il s'embêtait avec tout ce travail acharné qu'il fournissait chaque année en période de soleil et de chaleur. Il y avait beaucoup de propositions bien plus alléchantes qui l'attendaient de l'autre côté de la rive, mais il restait là, enchaîné à ce quadragénaire qui lui semblait si malsain d'un certain point de vue.
En réalité, il avait bien sa petite idée de pourquoi il n'arrêtait pas, mais ça lui paraissait absurde. Il se serait attaché au châtain qu'il peignait tout les ans. Et ensuite il le ferait aussi pour son amant. Ces deux raisons étaient tout bonnement excessive dans le sens de l'amour pour le noiraud. Il peinait à croire qu'il était autant attaché à un garçon qu'il avait rencontré il y a seulement un an et à un homme qui était déjà mort. Comment aimer ? Comment faisait-il ? Lui même n'était pas sûr des réponses. Il n'avait jamais autant donné d'affection depuis bien longtemps et soudainement il se dit qu'Higuchi était surement ravie, de là où elle était.
Un long râle passa l'entrée de ses lèvres et une main se posa sur son front alors que la rame le secouait de plus en plus et le pressait aux autres passagers. Comment était-il arriver dans ce métro d'ailleurs ? Des brides de mémoires lui écharpaient parfois, ou plutôt il ne les avait même pas rencontré puisqu'il était trop submergé par ses autres pensées pour y prêter une quelconque attention. Finalement, il se retrouva devant l'immense bâtiment qu'était la maison de l'autre brun et il eut un mouvement de recul, par réflexe. Il n'avait jamais aimé aller à la rencontre du plus vieux et encore moins rester longtemps dans sa demeure.
Quand Mori lui ouvrit la porte, un frisson parcouru l'entièreté de son corps. Cet homme était effrayant d'une manière profonde et cachée. Car de face, il ressemblait à un père de famille tout à fait normal, rien de plus. Néanmoins, l'instinct d'Akutagawa lui disait qu'il ne l'était pas. Il était bien plus qu'un simple homme et père de famille heureux. Il ravala sa salive et le suivit dans les longs et interminables corridors du hall d'entrée. Il se sentait minuscule par rapport à tout les tableaux accrochés aux murs, dont il était certaines fois l'auteur, mais aussi face aux gigantesques plantes qui s'emmêlaient les une aux autres et aux peu d'angles que possédait ces sombres couloirs. Les mains dans le dos et la tête droite, Mori commença à parler sans jeter ne serait-ce qu'un coup d'œil au plus jeune, acte qui ne passa pas inaperçu.
__ Bon, c'est bientôt son anniversaire. Je vais te passer la référence. Finit-il par annoncer après quelques banalités.
Le noiraud acquiesça d'un hochement de tête mais ne rajouta pas un mot. Bien même que le quadragénaire ait tenté de paraître normal et agréable avec ses préoccupations du genre : "comment vas-tu ?" ou "comment va ta carrière ?"; Akutagawa s'était bien rendu compte qu'il était différent de d'habitude. Il était étonnamment froid et disant, allant plus vite droit au but et coupant court les conversations qu'il commençait lui même. Mais le brun ne disait rien de plus, préférant ne pas s'attirer d'ennuis et partir le plus vite possible de cette terrible maison.
Ils arrivèrent dans la fameuse pièce aux tableaux et Mori saisit une enveloppe de couleur marron, alias la couleur des cheveux du défunt, et la tendit au plus jeune. Le noiraud la prit, peu confiant sous le regard acerbe de son ainé, et avant de la ranger dans sa sacoche en regarda le contenu. Ce devait être une photo mémorial du châtain comme celles qu'il avait pu voir auparavant, mais il souhaitait quand même y jeter un coup d'œil avant de partir. Lorsqu'il eut l'image sous le yeux, son sang ne fit qu'un tour. Avait-il bien vu ? Il leva un regard tétanisé vers l'homme et faillit mourir en croisant ses deux prunelles acrimonieuses.
Mori souriait.
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