MoOn

J'aurais aimé te chanter mes vers
Mais on ne peut pas chanter à travers des lignes
J'ai un rythme mélancolique en tête, et sans mentir
Il tourne en rond sans jamais pouvoir sortir

***

- Pourquoi tu acceptes une punition que tu ne mérites même pas ?

Seul le silence résonnant dans le réfectoire lui répondit, ricochant sur les murs comme une balle rebondissante déjantée.

- Eh oh ? J'te parle Alisha.

- Pourquoi tu restes dans le réfectoire alors que les cours sont terminés, imbécile ? Répliqua-t-elle alors d'un ton aussi cinglant qu'un sabre de rônin.

Oliver, habitué, esquiva la lame tranchante tel un ninja expérimenté.

- Qu'est-ce que tu crois ? Je suis venu ici exprès pour te faire la morale, dit-il comme une évidence.

Adossé à une table, il soupira de frustration en regardant sa camarade s'affairer à droite à gauche.

- Un croche-patte ? Sérieusement ? Souffla-t-il. Ils t'ont puni pour un croche-patte merdique qui n'a jamais existé, et toi tu ne dis rien ? 

Il leva la tête vers le plafond immaculé.

- Encore, tu lui aurais mis un bon pain dans la gueule à la blondasse, je pourrais bien y croire. Ça te ressemble assez. Mais un croche-patte ? C'est nul ! Ils te font passer pour quel genre de personne, là ?

Alisha ne soufflait mot. Oliver se plaignit encore pendant cinq bonnes minutes et elle ne fit que l'écouter en passant l'éponge sur les tables d'un air appliqué. Puis, ne tenant plus en place, le garçon se saisit de la serpillière et commença à faire évacuer son indignation en frottant le sol avec hargne. Il continuait à parler sans s'arrêter, et en temps normal Alisha lui aurait demandé de se la boucler ferme.

Mais pas ce jour-là. Elle avait besoin d'entendre quelqu'un se plaindre aussi pathétiquement qu'elle aurait aimé le faire. Et Oliver était parfaitement pathétique à ce moment-là.

- Tu sais, lui dit-elle alors qu'il reprenait sa respiration entre deux monologues enflammés, quoique je fasse je n'aurais pas pu échapper à la punition.

- Qu'est-ce que tu racontes, bien sûr que si ! Si tu avais raconté la vérité au directeur !

Alisha pouffa.

- Que peut-on faire face à une diva enragée qui hurle à la tentative d'assassinat et une prof antipathique qui nous déteste comme si on lui avait spoilé sa série préférée ? Ces sorcières sont toutes les deux complètement chtarbées...

- Tu veux dire que le directeur ne t'aurait pas cru ? Il fallait m'appeler, j'aurais donné mon témoignage...

- Si j'avais fait ça tu aurais fini pareil que moi, à nettoyer cette foutue cantine après les cours en ruminant des insultes...

Alisha se stoppa dans sa phrase et leva la tête vers Oliver. Les deux enfants se regardèrent un instant avant d'exploser de rire ensemble.

- Je crois bien que c'était écrit, pouffa Oliver.

Alisha essuya une larme de rire au coin de son œil droit et se remit à frotter les tables. Son rire franc ne résonnait plus dans la grande cafétéria, mais il résonnait encore dans la tête du garçon comme des dizaines de grelots gelés.

"C'est la première fois depuis longtemps que je l'entends rigoler aussi bien..."

Et il se dit que cette punition n'était pas si mal que ça, au final. Après quoi il fixa la serpillière entre ses doigts.

- Eh puis pourquoi je suis en train de t'aider, moi ? S'indigna-t-il tout à coup. Pour te remercier d'être toujours aussi méchante avec moi ?

Il balança le balai à franges dans le seau. Alisha lui balança en réponse l'éponge gorgée d'eau dans la tronche.

- Quand est-ce que j'ai été méchante avec toi, sale merde ?

Il s'essuya la joue vivement.

- T'appelles ça comment la façon dont tu me traites ? C'est quand même assez violent...

- La violence c'est de la méchanceté ? Depuis quand ?

Oliver ouvrit la bouche, laissa un début de phrase s'en échapper, mais coupa le flot de parole comme on couperait de l'eau claire en petit morceaux. Que répondre à cette question existentielle ?

- Allez frotte, lui ordonna Alisha. J'ai envie de rentrer tôt aujourd'hui. Et relance-moi l'éponge, aussi.

Le garçon, dépassé par l'autorité de la jeune fille, s'énerva tout seul en tapant des pieds comme un enfant. Puis il se baissa pour ramasser l'éponge, la lança à Alisha qui la rattrapa de justesse et tendit mollement le bras vers la serpillière pour se remettre au nettoyage.

- Comment je pourrais tenir tête à un tel monstre... Grogna-t-il.

- Qui est le monstre, saleté ? Tu veux des coups peut-être ?

- Ça ira, merci ! J'ai bien vu l'état dans lequel tu laissais tes victimes.

- Quelles victimes ? Est-ce que tu parles de ton frère ? Demanda-t-elle un sourire en coin. Liam n'était pas une victime, juste un mec qui avait besoin d'une remise à jour.

- Et quelle mise à jour ! Rit-il. Je ne te remercierai jamais assez pour ça.

- Pas besoin de me remercier, frotte bien le sol c'est tout.

- Oui Caporal-chef ! Cria-t-il.

- Et ferme ta gueule, tu veux ?

C'est ainsi que se termina la journée pour les deux lycéens, frottant la saleté dans un restaurant scolaire plein de vide. Pleins de vide comme leurs vies inintéressantes qu'ils partageaient étrangement ensemble.

Full of emptiness.
Fool of emptiness.

***

Merci à Rgauxe pour tous ses messages ultra encourageants depuis le tout début de l'histoire ❤️ t'es un amour

Merci à ame_euphorique ma fiancée trop mim's pour son soutien qui me fait chaud au cœur 🧡

Rendez-vous demain, ou plus tard... ça dépend de ce que nous réserve la vie ;) Peace