Rɔulɛttɛ russɛ

MiKrOkOsMoS

La roue tourne vite, comme le barillet du revolver

La chance ne frappe jamais deux fois au même endroit

Si on te dis "fais-le", alors tu vas le faire ?

Essaie une fois, encore une dernière fois,

Soit tu gagnes, soit tu perds

Mais sache que si tu perds, tu n'y survivras pas.

Tu quitteras la Terre, direction les enfers

Et tu ne pourras t'en plaindre, la mort était ton choix.

***

Ça devait forcément se finir à l'hôpital. Même si la serre avait coûté une fortune à faire installer, les parents Jones avaient bien eu de la peine à s'énerver lorsqu'ils avaient vu l'état de leur fils. Le pauvre Oliver avait la tête en sang, et c'est sur ces derniers mots qu'il s'évanouit en plein milieu du jardin :

- Je tombe de faiblesse, mais je m'en vais en brave...

Alisha et Liam s'étaient alors regardé, incertains de la réaction adéquate à adopter. Après tout, Oliver était dans un sale état... Mais il parvenait tout de même à plaisanter.

- Allez hop, tout le monde dans la voiture, on va à l'hôpital ! Avait clamé Monsieur Jones de sa voix de baryton. 

Quinze minutes plus tard, Oliver se faisait prendre en charge aux urgences. L'ambiance dans l'infrastructure était bien singulière : il y régnait à la fois une atmosphère inquiétante et reposante quand les couloirs demeuraient déserts. 

- Qui a lancé ce pavé ? Avait alors demandé madame Jones aux enfants d'un ton autoritaire.

- C'est moi ! avaient-ils dit en même temps. 

 Ils se sont ensuite regardés avec surprise, les sourcils haussés. Ce n'était certainement pas ainsi qu'ils pourraient être crédibles. Et visiblement, les deux jeunes gens eurent la même réaction contradictoire :

- C'est lui !

- C'est elle ! avaient-ils prononcé encore au même moment. 

 Madame Jones croisa les bras en tapant du pied. Elle n'était pas du tout d'humeur à jouer à ce petit jeu de gamins immatures. Surtout que la situation ne s'y prêtait absolument pas. La mère les toisa durement du regard, provoquant des frissons de peur chez Liam. La jeune fille le remarqua aisément grâce à la chair de poule qu'elle voyait apparaître sur ses avant-bras.

- Vous vous foutez de ma gueule ?

- C'est bien moi qui l'ai fait, dit enfin Alisha.

- C'est donc toi qui va payer pour réparer ma serre ? 

 Liam s'interposa dans un élan de courage, ou peut-être inconscience. Il ne voulait pas que son ancienne copine porte à elle toute seule la responsabilité de la casse.

- Non maman, c'est moi qui l'ai lancé ! Ali n'a rien fait.

Alisha grimaça en détournant la tête. Pourquoi lui donnait-il un surnom dans ce genre de situation ? En plus, elle n'aimait particulièrement pas celui-ci. "Ali" étant un prénom masculin à l'origine, cela l'irrita d'autant plus.

- Liam, je suis très déçue, rétorqua sèchement sa mère. Attends-toi à être sévèrement puni une fois Oliver tiré d'affaire.

Puis ils s'assirent sur les fauteuils de la salle d'attente. Madame Jones les laissa seuls, rejoignant son mari à l'accueil de l'hôpital. Dorénavant, l'ambiance devint bien plus pesante et oppressante.

- T'es con, prononça froidement la lycéenne, courbée sur sa chaise.

- Je sais...

- Non, tu ne sais rien, pauv'e loque.

Un lourd silence plana durant lequel chacun observa ses chaussures avec grand intérêt. Depuis combien de temps n'avaient-ils pas été seuls dans un même espace ? Liam décida finalement de parler en premier.

- T'inquiète pas pour ma mère, j'assumerai les deux briques.

Alisha eut envie de répondre avec sarcasme qu'il était un héros, mais elle n'avait pas envie de respirer trop d'air dans un établissement de santé. La crise sanitaire à propos du Covid-19 et de ses morts lui était restée au travers de la gorge. Oui, elle était un peu hypocondriaque sur les bords, mais Alisha détestait les saletés de merdes qui polluaient aussi bien l'air que la planète. Trump fit apparition dans son esprit mais elle le chassa bien vite en le coulant dans du béton.

Pourtant, cette situation leur était familière à tous les deux. Assis comme cela, côte à côte mais si loin l'un de l'autre, dans une salle d'attente en train de patienter pour une bêtise qu'ils avaient faites. Ils avaient déjà été dans cette même situation, à l'époque. Comme si le directeur allait à tout moment sortir de son bureau, faisant tourner avec adresse son handspinner orange entre ses doigts. 

Cette merde de handspinner... Alisha lui ferait bouffer avec toutes les publicités Tik Tok si c'était possible. Saletés de merdes. Ils se rappelaient très nettement à quel point les sourcils froncés de mécontentement de cet homme miniature leur avaient donné des frissons l'année d'avant.

- Qui est là pour Oliver Jones ? Avait demandé un infirmier fatigué.

Les deux adolescents redressèrent la tête après avoir sursauté. Ils étaient tant plongés dans leurs pensées qu'ils ne l'avaient même pas entendu arriver.

- Nous.

- Le patient est dans la chambre 206, vous pouvez monter le voir.

Ils remercièrent l'homme aux cernes extraordinairement lourdes et Liam partit chercher ses parents. Alisha n'attendit personne et prit l'ascenseur. Elle était assez grande pour se débrouiller seule. Sans Liam dans ses pieds, elle goûtait de nouveau à la liberté et se sentait moins envahie par sa présence.

Lorsqu'elle arriva devant la porte de la chambre, elle n'hésita pas une seconde et entra en trombe. Si elle pouvait faire en sorte que ce crétin d'Oliver crève d'une crise cardiaque, Alisha n'en serait pas éplorée.

- Espèce de gros nul éclaté au sol, tu sais pas esquiver les parpaings ? Si tu avais été un peu plus dégourdi on serait pas ici à chopper des germes et des maladies nosocomiales ! 

Oliver sursauta dans son lit, les yeux écarquillés. Il avait un bandage autour de la tête, mais ça ne semblait pas si grave que ça au vu du martèlement endiablé de son cœur. Bon sang, elle finirait par le tuer un jour.

- Même un cholérique ne ferait pas une chiasse à ta hauteur, maugréa-t-elle en se plaçant près du lit.

- C'est quoi ça ? Un cholé... quoi ?

- Le choléra, tu connais pas ?

Le châtain réfléchit un instant le temps d'apaiser son rythme cardiaque.

- C'est la maladie où t'as tellement la chiasse que tu te vides de toute ton eau, compléta Alisha en s'affalant dans un fauteuil.

- Ta délicatesse laissera toujours à désirer...

- Encastrée dans le sol, la délicatesse.

 Oliver soupira en reposant sa tête sur l'oreiller. Cette fille lui en faisait voir de toutes les couleurs... 

Contrairement à son habitude, elle ne décrocha plus un mot et se contenta de regarder dans le vide. Si bien que le jeune homme finit par tourner la tête vers elle pour l'observer. Pas un seul jour ne passait sans qu'il ne se demande ce qui pouvait bien l'attirer chez elle. Oliver avait depuis longtemps pressenti son bon fond et la beauté de son âme, et ce malgré la vulgarité de son vocabulaire. 

Alisha finit par sentir ce regard pesant posé sur sa personne et elle leva la tête pour ancrer ses yeux dans ceux de son camarade de classe. Cet échange fit bondir leurs cœurs dans leurs poitrines. La jeune fille détourna la tête en grimaçant.

- Pourquoi tu me fixes, espèce de chiure ? T'as jamais vu une fille de ta vie ou quoi ?

Oliver esquissa un sourire en hochant négativement de la tête. Ses yeux pétillaient et Alisha ne tarda pas à le remarquer, ce qui la rendit d'autant plus mal à l'aise.

- Tu es venu me voir, souffla-t-il sans cacher sa joie.

- Sans blague ? Minauda Alisha ironiquement comme si elle venait de se rendre compte de ses actes. Peut-être que j'aurais dû te laisser crever tout seul dans cette chambre.

Elle se plaça bien face à lui et enfila son manteau pour partir, tout en restant assise au bord du fauteuil.

- Quand tes parents arrivent, j'me barre.

- Et si je n'ai pas envie que tu partes ?

Alisha ferma fortement les yeux en fronçant les sourcils. Oh, elle voyait bien à quoi il jouait ce petit crétin.

- Je me ferai un plaisir de te refaire gratuitement le portrait, répondit-elle à travers un sourire déformé, presque sadique. 

- Ne dit-on pas que Dieu a façonné l'Homme à son image ? J'aurais au moins le privilège d'avoir un visage parf...

La jeune fille se leva d'un coup, l'attrapa par le col puis le tira vers elle en lui lançant un regard noir.

- Continue à débiter des conneries et je te jure que...

Dans un élan de folie, Oliver osa rompre le peu de distance qui les séparait et vint doucement presser ses lèvres contre les siennes en fermant les yeux. Alisha se raidit immédiatement, parcourue par des frissons qu'elle ne saurait décrire tant elle était perdue entre l'incompréhension, la colère et un étrange sentiment de quiétude. 

Derrière elle, un familier hoquet de surprise retentit dans la petite pièce et fit s'écarter brutalement la jeune fille. C'était tout le reste de la famille Jones qui venait d'entrer silencieusement pour ne pas gêner Oliver au cas où il dormirait. Mais à voir leurs réactions hétérogènes, aucun ne s'attendait à trouver le fils en train d'embrasser leur invité. Au paroxysme de l'embarras, Alisha s'empara prestement de ses affaires et quitta cet endroit immonde, la gorge sèche. 

Dans la chambre d'hôpital, il ne resta plus que de la gêne et de l'incompréhension pour les uns, de la béatitude et de la joie pour d'autres, et enfin... un cœur brisé pour Liam. Le garçon serra les poings le plus fort possible afin de ne laisser paraître aucune émotion traître. Ça faisait mal. Très mal. Beaucoup plus que ça ne le devrait.

De son côté, Alisha marchait vite jusqu'à l'arrêt de bus en face de l'hôpital. La scène, tout comme un vieux disque rayé, se rejouait sans interruption dans son esprit embrouillé. Après ça elle savait, elle sentait que plus rien ne serait comme avant.

***

Ps : La roulette russe est un jeu de hasard potentiellement mortel consistant à mettre une balle dans le barillet d'un revolver, à tourner ce dernier de manière aléatoire (assez vite pour qu'on ne puisse pas suivre l'emplacement de la chambre chargée), puis à pointer le revolver sur sa tempe avant d'actionner la détente. Si la chambre placée dans l'axe du canon contient une balle, elle est alors percutée, et le joueur perd (il mourra ou sera grièvement blessé). Dans le cas contraire, la partie continue. Un joueur ne peut gagner que par forfait (volontairement déclaré ou par la force des choses).

Par extension, cette expression désigne une décision importante, voire vitale, prise avec beaucoup de risques.

Pps : Ce chapitre merveilleux vous a été concocté en featuring avec la tout aussi merveilleuse @LyseKrollson (dites-lui merci c'est la best crêpe ever, la majorité des supers idées (dont celle du kiss kiss) vient d'elle, c'est vraiment la meilleure pour écrire des scènes aussi chou).

VOUS AVEZ AIMÉ ? PARCE QUE MOI OUI. CLAIREMENT.

Je fangirle mes persos comme jamais en ce moment *-*

Faire des chapitres avec vous c'est vraiment une des best idées que j'ai eu de toute ma vie omg. Le prochain chap je le ferai toute seule, mais celui d'après ce sera avec plaisir que je vous le laisserai ( Rgauxe ça semblait t'intéresser, et plumesurlafeuille aussi mais la semaine prochaine c'est ça ?).

Peace !

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