PARTIE II

Episode n°2

Quand Louise ouvrit les yeux, elle devina qu’au travers du volet blanc et de l’épais rideau, il faisait déjà jour ; cependant, il lui était impossible de distinguer si un ciel bleu faisait place au temps maussade de la veille. Mais, comme disait souvent Sebastian en riant : « le vent, en Bretagne, nous donne les quatre saisons en une journée ».

Elle se leva d’un bond, reposée, la faim au ventre. Ce qui lui plaisait en particulier chez sa fille, c’était le calme, le silence environnant qui lui permettait parfois de faire une nuit complète.

Elle dormait dans ce qu’ils appelaient « la chambre d’amis », une vaste pièce au rez-de-chaussée, avec une salle de douche attenante. Toutes les autres chambres ainsi qu’une très grande salle de bain, se trouvaient au premier étage où Sebastian et Annie dormaient avec les enfants.

Louise ouvrit sans bruit la porte de sa chambre et fonça dans la cuisine pour se préparer un frugal petit déjeuner. Il était un peu plus de sept heures. Pendant que le café diffusait son parfum âpre, elle s’amusa à remonter un à un, les volets électriques du salon dont les multiples baies vitrées laissaient peu à peu pénétrer la douce lumière du dehors. 

Après déjeuner, elle regagna sa chambre, fit sa toilette tranquillement et remit en place la couette qui garnissait son lit. Lorsqu’elle retourna dans la cuisine, la pendule lui indiqua qu’il était plus de neuf heures et elle se réjouit de constater que tout le monde dormait encore.

Alors elle se plongea dans les mots croisés, son passe-temps favori et lorsque, les yeux fatigués, elle leva la tête vers la pendule ; il était presque onze heures. 

Cette fois, elle fut un peu surprise que les deux bambins n’aient pas manifesté le désir de se lever ; en effet, en matière de signal d’alarme, le matin, ils étaient les champions et dès que l’un d’eux était éveillé, c’est la maison toute entière qui explosait de joie, de cris et de rires.

Louise eut un moment d’hésitation. Elle se pencha au bas de l’escalier et écouta, pour le cas où Annie, qui était toujours la première levée, ferait sans bruit sa toilette. Rien !

Elle décida alors de monter sur la pointe des pieds. Après tout, si l’un des petits-enfant commençait à lancer des cris de sioux, il était tout de même onze heure passées ! Elle devait repartir le surlendemain et voulait un peu profiter de la journée qui s’annonçait belle.

La lumière de l’escalier était restée allumée toute la nuit mais c’était l’habitude pour que les petits n’aient pas peur de l’obscurité en s’endormant. Louise entra tout d’abord dans la chambre de Nicolas car il se réveillait toujours avant sa sœur et demandait instantanément à aller jouer en bas. Dans la mi-obscurité de la chambre, Clara se frotta vivement les yeux : elle avait cru voir en entrant dans la pièce, deux yeux verts qui la regardaient mais se ressaisit immédiatement en se souvenant qu’elle avait la veille, tourné complètement vers le mur, la tête de l’horrible personnage. Pourtant, en remontant légèrement le store de tissu bleu de la fenêtre de chambre, elle constata que la tête avait repris sa place normale et que l’homme cornu se tenait droit dans la pièce, l’air décidé, les yeux plus verts que jamais, arborant toujours son cruel sourire. « Toi et moi, pensa-t-elle, on n’est pas prêts d’être copains. » 

Comme par bravade, elle retourna de nouveau la tête noire vers le mur. Mais ses gestes se figèrent en se retournant vers le petit lit d’enfant sur lequel jonchaient pêle-mêle, peluches et doudous : Nicolas n’y était pas ; elle souleva bêtement la couette. Rien. Peut-être était-il parti aux toilettes tout seul bien que cela soit inhabituel. Toutes les portes, y compris celles des toilettes, étaient sagement fermées et aucun bruit ne fusait au travers de l’une d’elles.

Louise se tourna alors vers la porte de Mélinda. « Il a dû aller voir sa sœur », pensait-elle. Elle l’ouvrit précautionneusement, redoutant à chaque instant que Sebastian ou Annie ne déboule en lançant furieusement un : « pour une fois qu’on pouvait dormir ! »

Sur le seuil, son cœur se mit à battre. Il lui semblait…, oui, en s’approchant jusqu’au petit lit défait, elle resta interdite : Mélinda n’y était pas non plus !

Pour le coup, une boule dans la gorge, Louise sentit l’angoisse monter. Personne ne pouvait être sorti sans qu’elle s’en aperçoive, puisqu’elle était là depuis sept heures du matin. Que s’était-il passé ?

Le cœur battant, elle se décida à frapper doucement à la porte de chambre de Sebastian et Annie. Elle gratta tout d’abord sa main le long de la porte pour éveiller seulement Annie mais aucun bruit ne lui apporta de réponse. Alors, elle entrouvrit puis ouvrit toute grande la porte et ce qu’elle vit faillit la faire tomber à la renverse : le lit n’était pas défait et dans la chambre, il n’y avait personne. Sur le lit, aucun vêtement ne traînait.

Elle passa dans la chambre juste à côté, qui servait de bureau, ouvrit en trombe toutes les portes des autres pièces et sous le coup de l’émotion, s’assit un instant par terre. Il n’y avait personne. Pour une raison qui l’inquiétait de plus en plus, elle était totalement seule et la maison lui semblait d’autant plus gigantesque.

Puis, vidée, elle descendit d’un pas mal assuré l’escalier qui menait au salon, entra dans la cuisine et tourna la clé d’une petite porte qui menait à la buanderie et au garage. Les deux voitures étaient bien garées l’une à côté de l’autre. Rien ne bougeait, rien ne semblait avoir disparu hormis les habitants et la maison était comme morte.

Alors, prête à défaillir, elle regagna le salon en se tenant aux meubles ; saisissant le combiné du téléphone, elle prévint la police. 

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