Rebonjour... Ah, non - Partie 3
Marion sursauta ; une silhouette pâle, décharnée et boiteuse sortit de la pièce d'à côté, plongée dans l'ombre. Un homme au visage allongé et aux cheveux châtains posa deux yeux marron, marqués par la fatigue et la maladie, sur elle. Un bandage grossier entourait sa jambe droite, soutenue par une béquille de fortune.
« Jan, s'exclama Sven en se levant, inquiet. Tu d'vrais pas t'lever comme ça ! R'tourne dans ton lit, c'pas bon pour ta jambe...
— T'en fais pas, lui répondit-il en s'effondrant sur le sofa. J'ai juste quelques questions pour cette fille.
— Ouais, s'tu l'dis... Fais gaffe, quand même, marmonna l'autre. »
Le dénommé Jan lui indiqua un fauteuil ; elle s'assit prudemment, mal à l'aise.
« Tu viens de l'armée ? Tu n'as pas la carrure d'un soldat.
— Je suis chercheuse, balbutia-t-elle. Je n'ai suivi aucun entraînement.
— Tu appartiens à quel corps ?
— Le... Bataillon d'Exploration.
— Tu es un cas plutôt singulier, alors. Une exploratrice qui ne se bat pas. »
Elle déglutit.
« Je vais pas te demander pourquoi on a falsifié ton identité, ni comment tu t'es retrouvée scientifique dans le Bataillon. Seulement... Pourquoi tu t'es engagée ? demanda-t-il d'un ton intéressé. Tu voulais échapper à ta famille, ou quelque chose comme ça ?
— En fait... Je n'avais pas le choix.
— Tu as été contrainte ?
— Pas vraiment... Comment dire... Le fait est que c'était le meilleur choix à faire dans mon cas.
— Mmh. C'est comment, là-bas ?
— Jan... l'interrompit Mert.
— Je veux savoir, c'est tout. »
Elle réfléchit un moment. Elle avait passé ses journées à faire des découvertes horrifiantes. L'enthousiasme d'Hansi l'avait brièvement galvanisée. Mais, surtout, il y avait eu Emilie. Emilie. Livaï, parfois. Ils étaient vivants, très certainement.
« C'est... fatiguant, finit-elle par laisser tomber. J'aurais aimé rester comme avant...
— Je vois. »
Il ferma les yeux un instant. « Qu'est-ce qu'ils t'ont fait, tes ravisseurs ? » demanda-t-il soudainement. L'adolescente se raidit, et son interlocuteur afficha un air d'excuse. Il a l'air gentil, remarqua-t-elle. Il est seulement... Dans un sale état, je suppose.
« Ils vont venir te chercher ? Tes collègues.
— Je ne sais pas, murmura-t-elle. Je ne pense pas qu'ils sacrifieraient autant de temps dans un moment aussi critique pour eux... Ça serait insensé. Je ne suis qu'une gosse, rit-elle nerveusement.
— Hein ? Ils abandonnent leurs potes comme ça ? s'insurgea le balafré.
— Ils ne m'abandonnent pas. Ils ont juste des priorités...
— Des priorités, hein ? J'vais leur en foutre, moi, des priorités ! C'est dégueulasse, c'qu'y font. Tu les as aidés et y te r'donnent rien en échange ! Tu d'vrais te r'muer un peu, merde !
— Je ne me permettrais pas de leur en vouloir, souffla-t-elle. Ils sont partis à la reconquête de Shiganshina. Ils ne peuvent pas s'éparpiller dans un moment aussi crucial.
— Donc ils viendront plus tard ? »
Elle se mordit la joue.
« Je ne sais pas, avoua-t-elle.
— Sven, dit alors Jan. On peut pas la laisser aux mains des autres.
— De qui ?
— Ceux qui l'ont enlevée. Ils te recherchent dans toute la cité souterraine, l'informa-t-il. En entendant ça, on a envoyé des hommes un peu partout pour te trouver et les faire chanter. Mais dans ces circonstances... Ça me fait mal de faire ça...
— Jan, on a besoin d'fric, protesta l'autre. 'puis, c'pas la première fois qu'on fait ça.
— Je sais. Mais les gens qu'on enlève ou qu'on tue, c'est des raclures. Les marchands qu'on vole, ils sont déjà bourrés de fric, on s'en fout. Mais elle, elle nous a rien fait, et en plus, elle est pas capable de se défendre seule.
— Mais elle a tué un type !
— Il voulait la violer, nan ? Et, je pense pas qu'elle serait capable de le refaire. Regarde sa tête. »
Les trois hommes l'observèrent. Son cœur battait la chamade. Ils vont vraiment me protéger ? Mais si le Bataillon vient me chercher, au final ? Elle baissa la tête. Non, je n'ai aucun espoir de sortir d'ici. Ils seraient venus avant... A moins que l'opération ait échoué et qu'ils...
L'angoisse l'enserra violemment dans ses serres froides. Il n'y aura personne pour revenir me chercher... Hansi, Emilie, Livaï, Eren sont peut-être morts depuis longtemps... Mon seul espoir et de faire confiance à ces gens.
Les larmes lui montèrent aux yeux. J'espère qu'ils sont en vie. Même s'ils ne viennent pas... Qu'ils soient en vie, juste ça...
« Eh, qu'est-c'que t'as ? T'as pas l'air bien, d'un coup.
— Pardon, balbutia-t-elle en s'essuyant les joues.
— Bon, on peut t'garder, j'suppose. Faudra qu'tu nous aides, quoi. T'es une tête, nan ? Tu peux nous prêter tes méninges ? Enfin, d'jà, faut qu'on s'débarrasse des aut'. Ouais, on verra ça, d'jà, on va pas t'laisser dans c't'enfer, t'inquiète.
— Merci infiniment, parvint-elle à articuler. »
Un miaulement s'éleva de la pièce d'où était sorti Jan. Celui-ci se leva et s'y traîna avec difficulté. Sven se tourna vers la jeune fille en soupirant.
« On essaie d'rassembler du fric pour lui, expliqua-t-il subitement. L'avait été envoyé dans un hosto au-d'ssus, mais ils ont interrompu les soins, ces enfoirés.
— Pourquoi ? balbutia-t-elle.
— 'cause de Rovoff, grogna-t-il. L'avait passé un accord avec trois d'nos hommes, mais ça a foiré, et y l'a rameuté ici. T'as intérêt à nous aider, ça coûte plus que tu l'penses de t'garder ici. »
Elle acquiesça, la gorge nouée. Ce système la révoltait. Comment est-ce qu'on peut renvoyer un type qui est dans une santé déplorable comme ça ? Mais déjà, le chef de gang enchaînait sur un autre sujet. Ils parlèrent ainsi un moment ; sous ses airs de brute, il se révéla être très bavard et sympathique.
Elle apprit qu'il aimait les chats, et qu'ils en recueillaient quand ils le pouvaient. « On a trouvé une p'tite madame avec trois gosses », lui expliquait-il. En voyant les yeux de la scientifique briller, il l'emmena dans la chambre annexe, posant son index contre sa bouche. « Jan dort », murmura-t-il.
Trois têtes aux oreilles duveteuses sortirent d'entre les poils écaille-de-tortue de leur mère. Les chatons ouvrirent leur petite gueule en un cri silencieux, montrant de minuscules canines.
« Ah, ils sont trop mignons ! chuchota-t-elle, aux anges, en leur gratouillant le menton.
— C'est vrai, sourit l'autre. Tiens, regarde le p'tit gris, l'a l'air de bien t'aimer. »
L'un des trois bébés, au pelage tigré, frotta sa joue douce contre la main de Marion en ronronnant. Elle retint un cri d'enthousiasme et le prit dans ses bras, un sourire radieux s'étalant sur son visage. Un bruit dans la pièce principale retentit alors.
Le criminel se raidit, et elle lui lança un regard affolé. « Rest' là », ordonna-t-il en sortant un couteau de sa ceinture. Il avança prudemment jusqu'à l'embrasure de la porte ; d'un coup, ses larges épaules se relâchèrent.
« On a rien trouvé, dit une voix.
— Normal. Marion ?
— Oui ? bafouilla-t-elle en le rejoignant. »
Cinq délinquants à la carrure solide se tenaient là, la gratifiant d'un air sidéré. « Sven, articula l'un d'eux, pourquoi elle a un des chats dans les bras ? » Il leur expliqua la situation d'un air grave, et ils hochèrent plusieurs fois la tête.
« Alors elle entre dans la bande ?
— 'Faut voir, dit le chef. Faut d'jà attendre de la sortir de c'pétrin. Mais j'vous préviens, dit-il en la prenant par les épaules, on va les éclater, et on aura un cerveau en plus ! »
Tous rirent, et elle esquissa un léger rictus. C'est peut-être mieux pour moi d'être ici... songea-t-elle. Même si ce sont des meurtriers. Bon, il y a mieux comme situation, c'est sûr... Elle les regarda parler avec force, souriants et enthousiastes. Ils avaient tous l'air de se connaître parfaitement, et une ambiance fraternelle régnait dans la pièce. Mais à l'évidence, on ne viendra pas me chercher. Toutes les « bonnes choses » ont une fin, hein ? Même si... Le visage d'Antoine s'imposa dans son esprit. Même si, là-dehors...
« C'est quoi, cette tête d'enterrement ? » s'exclama un blond qui devait avoir un peu plus de vingt ans. Elle réalisa alors que six de plus les avaient rejoints ; certains restaient dehors, et d'autres étaient assis dans le salon, discutant avec animation.
« Oh, non, rien, se précipita-t-elle.
— T'es la nouvelle, c'est ça ? Je t'avais pas remarquée. T'es plutôt petite, nan ? »
Elle lui arrivait tout juste à l'épaule.
« Mais... protesta-t-elle. Je... Vous...
— Je plaisante, rit-il en lui tapant le bras. »
Elle poussa un petit cri de douleur et plaqua une main sur sa bouche. Il venait de toucher l'une de ses contusions. Elles ne se voient pas sous mes vêtements, devina-t-elle à son air étonné.
« Beh quoi ? Je t'ai juste effleurée !
— Ah, oui, désolée, s'exclama-t-elle en tripotant sa chemise, gênée.
— T'as quoi à l'avant-bras ? »
A peine commença-t-il à relever sa manche qu'elle se dégagea dans un sursaut effrayé.
« Bah alors ! Fais voir !
— Non... Enfin, si ! Je veux dire...
— Niko, qu'est-c'tu fous à cet' pauvre Marion ? s'éleva la voix de Sven.
— Je lui ai à peine caressé l'avant-bras et elle a réagi comme si j'allais lui foutre un couteau dans le ventre, se défendit-il. »
L'autre s'approcha, intrigué. Le silence se fit dans la salle. Mal à l'aise, la jeune fille recula de quelques pas. Je ne veux pas qu'ils voient ça... Mais déjà le chef lui attrapait le poignet, la regardant droit dans les yeux.
« J'veux pas t'forcer, hein. Mais au moins qu'tu saches que c'est p'têt' mieux qu'on voie c'que t'as, car ça peut êt' grave, tu vois.
— Oui, balbutia-t-elle. C'est pas grand-chose, hein...
— T'es sûre de toi ?
— Je... Bon, d'accord, céda-t-elle. »
Après tout, ils veulent regarder mon bras gauche. Et il faut que j'apprenne à leur faire confiance... Ils découvrirent avec stupeur sa peau bleuâtre et gonflée sur laquelle s'était déchaîné Rhys. Merde, c'est vraiment pas une bonne idée, en fait...
« On t'a tabassée ? finit-il par demander.
— Plus ou moins, grimaça-t-elle. »
Son regard s'assombrit. « J'peux rien faire pour tes bleus », dit-il. « D'habitude, on finit pas comme ça. Bon, écoute, j'te propose d'oublier tout ça, ok ? Ça d'vait pas êt' marrant, mais vaut mieux pas r'sasser, tu vois ? » Il l'assit sur le canapé, au milieu des autres. Elle déglutit.
« Tire pas c'te tronche », s'exclama-t-il en lui donnant une pichenette sur le front. Elle couina et se frotta la tête. « Là ! » Il partit chercher le chaton tigré et le mit sur ses genoux. « Tiens, j'ai même du vin, s'tu veux. Mais merde, allez ! J'ai jamais pris soin d'gosses, moi ! »
En voyant son air perdu qui contrastait joliment avec son allure de brute épaisse, elle ne put se retenir de rire. « Ça va, ça ira », hoqueta-t-elle en gratouillant l'animal. Semblant ne pas avoir remarqué son refus, il lui tendit la bouteille d'alcool.
« T'as d'jà bu, j'espère ? Sinon, ça en f'ra plus pour nous !
— Ah, euh, oui, un peu, mais reprenez-là, je ne voudrais pas...
— Mais non, j'plaisante, vas-y ! Et tutoie-moi j'ai pas quat'-vingt piges ! »
La chercheuse observa le liquide rouge un moment. Le regard de la bande pesait lourd sur elle. Bon... Elle porta le goulot à ses lèvres. Ce n'est pas comme si j'étais mal accompagnée, ironisa-t-elle intérieurement.
Un goût fort et amer lui envahit la bouche. Elle se raidit. Putain, c'est dégueulasse ! Déjà que j'aime pas le vin de base... Mais je peux pas le recracher, ça doit valoir un bras, pour eux. Elle avala donc, grimaçante ; sa gorge se réchauffa brusquement. Elle tendit le mini-nabuchodonosor au chef.
« Alors ? C'est une perle, hein ? » Elle leva le pouce, un sourire crispé sur la figure. Il éclata de rire et but à son tour. La bouteille passa d'individu à individu, et les conversations remplirent de nouveau la pièce.
Marion, murée dans son silence, observa les autres s'agiter. Le petit chat lui mordilla le doigt ; elle lui mit une petite tape sur le nez et il secoua la tête, contrarié. Elle rigola légèrement et lui chatouilla le ventre. Bientôt, il se dégagea pour retomber maladroitement au sol, et galoper jusqu'à son panier.
Au bout d'un certain temps, Niko vint lui parler, et lui demanda comment était la vie là-haut. Ils discutèrent un moment ; le litre de rouge passa une fois, puis deux, puis sept, entre leurs mains. Au bout d'une heure et demie, elle cessa de compter.
Ses joues se réchauffèrent légèrement, et elle se mit à parler un peu plus fort. Sa timidité envolée, elle se leva et raconta, avec de grands gestes dynamiques, comment Emilie avait mis à terre un type trois fois plus grand qu'elle.
« Et cet enfoiré a rien vu venir ! Sa tête... C'était de l'or, j'vous jure. Et ensuite, y a le caporal-chef, aussi. Avec lui, c'est moins marrant, d'un coup. Il est, genre, tout petit, mais ça, ça veut rien dire ! Il te foutrait une tatane en pas deux ! Avec ces deux yeux perçants, là... Et il arrêtait pas de me suivre, partout ! Je crois qu'il me surveillait, en fait. A un moment, y a une nana qu'a voulu me tuer, mais il s'est rameuté, et Emilie aussi, et un grand au gros nez. J'étais pas très bien..., céda-t-elle plus sombrement. M'enfin. J'ai récupérer mon compte-rendu, en tout cas !
— Alors, y t'a dit quoi ? la pressa Sven en se tordant.
— Rien, mais il avait pas l'air content. »
Niko croisa les bras.
« Mais genre, t'as mis la priorité sur un compte-rendu ? Ça m'étonne pas que ton caporal-truc ait halluciné !
— La science, c'est précieux ! protesta-t-elle avec véhémence. Les connaissances, c'est tout ce qu'on a face à cette guerre. Bon, avec les armes, aussi... M'enfin, c'est vachement important, quand même !
— Je te crois, je te crois ! rit-il. T'en as d'autres, des comme ça ? »
Elle réfléchit un instant en se frottant le menton. « Nan, je crois pas. Enfin... » Du sang coula subitement de son nez. « Tiens, ça faisait longtemps ! » s'exclama-t-elle en se pinçant les narines. On lui tendit un bout de tissus, et elle retint le saignement.
« C'quand même grave, que t'aie pas pu te défendre face à la nana.
— J'avais aucune chance.
— Tu sais pas te battre ? demanda le châtain, les yeux ronds. »
Elle s'immobilisa avec surprise.
« Quoi ? Ah, non.
— Hein ? Comment tu peux t'en sortir, alors ?
— Bah, je sais pas... »
Il se redressa et la plaça au milieu de la salle. Redressant sa mèche rebelle qui lui tombait devant ses yeux, il se mit fermement en appui sur ses pieds, jambes légèrement fléchies.
« Vas-y, attaque-moi pour voir.
— Hein ?! Mais, non, je peux pas faire ça, je me suis jamais battue vraiment, tu vas m'exploser direct, je veux pas...
— Je vais juste t'apprendre, la coupa-t-il en souriant. T'inquiète ! Je te ferai pas mal. »
Elle mit le mouchoir imbibé de sang dans sa poche et dressa ses poings en ronchonnant. Je fais comment, moi ? Uraken ? L'allure du jeune homme était pleine d'assurance, et elle pouvait déceler une pointe de malice dans son regard. Son cœur s'accéléra. Allez, après tout... Il en a vu des vertes et des pas mûres, c'est pas moi qui vais changer grand-chose, hein ?
Elle remonta son majeur afin d'en faire une légère bosse, puis inspira un grand coup. Dans un cri, elle s'élança et entama maladroitement un crochet droit. Il l'immobilisa immédiatement. « Recommence, allez. »
La jeune fille pinça les lèvres. Ils se remirent en position, et elle l'étudia un peu plus. Lorsqu'il m'a maîtrisée, il a bloqué mon poignet et l'a mis dans mon dos. Il n'a pas semblé user de sa force, donc il a utilisé la mienne... Il est capable d'analyser le moindre de mes mouvements. En même temps, avec une approche pareille... Elle promena ses yeux verts sur lui. Si je tente autre chose, comment est-ce qu'il réagira ?
Elle essaya un coup de pied, mais se retrouva à terre, grimaçante. Il faut que j'ai des appuis plus sûrs, réalisa-t-elle. Là, j'étais en équilibre sur un seul point, et il en a immédiatement profité. Il l'aida à se relever et attendit.
Elle se jeta sur lui, poing levé. Au moment où il allait se saisir de sa main, elle changea de trajectoire et visa son ventre avec son genou. Il esquiva de justesse en riant et tenta de la déséquilibrer, mais elle s'appuya sur son épaule et lui frappa le menton avec son coude. Il recula, légèrement sonné. Des exclamations s'élevèrent dans le petit groupe.
Avant qu'elle n'ait eu le temps de s'excuser, il leva son pouce. « Fais ça, plus rapidement. » Elle recommença, mais il parvint à la contrer. Au bout de quelques essais infructueux, elle s'appuya sur ses genoux, haletante. Le monde tournait autour d'elle. Son bras la brûlait. Non. Elle ne devait pas y penser. L'alcool, c'était juste l'alcool.
« J'ai une meilleure idée », dit-il. « A chaque fois que tu vas frapper, compte à voix haute. Et fais-le plus rapidement ! » Elle se remit en place, concentrée. « Un ! » cria-t-elle en envoyant son poing vers sa joue. « Deux ! » Elle s'apprêta à le frapper au ventre, mais il esquiva. « Trois ! » s'époumona-t-elle en visant son menton. Elle rata intentionnellement pour enchaîner avec une manchette qui le fit légèrement vaciller.
« Désolée ! bafouilla-t-elle en le voyant se frotter le visage. Je ne voulais pas... Je...
— Non, non, c'est très bien ! rigola-t-il. Tu apprends de tes erreurs. Juste, tu manques cruellement de force, et tes gestes ne sont pas assez précis. Mais au moins, tu sais rester stable !
— Mais je fais comment, si j'ai pas de muscle ?! gémit-elle.
— Ah, ça ! Tu peux y pallier : tu es du type à feinter pour créer des failles, et en profiter. Une future stratège ! Regarde, Sven, il est quatre-vingt-dix pourcents bourrin, dix pourcents calculateur. Et c'est le chef !
— Eh ! protesta l'intéressé en se levant d'un bond.
— J'ai pas dit que c'était mauvais ! s'amusa-t-il. Et notre ancien chef, il était cent pourcent dans les biscoteaux, et cent pour cent dans l'analyse. Une élite ! Enfin bon, ce que je veux dire, c'est qu'il y a de tout : des barbares, des fins, des rapides... Même si la crème de la crème, c'est de réunir tout ça, tu peux t'en sortir !
— C'est vrai ? s'écria-t-elle, des étoiles dans les yeux.
— Ouais ! »
Elle poussa un cri de victoire.
« Ça s'rait pas mal s'tu lui apprends quelqu' trucs.
— Ça marche ! Tu es d'accord ?
— Carrément ! s'exclama-t-elle en souriant de toutes ses dents. »
Il eut un petit rire et lui ébouriffa les cheveux. Ils s'assirent de nouveau, coincés entre les autres qui s'agitaient. Les paupières de Marion se firent lourdes ; elle commença à dodeliner de la tête.
Quelqu'un se mit à jouer un air de guitare sèche qu'elle reconnut vaguement. Où est-ce que j'ai entendu ça ? Et cette pièce, aussi... Elle me paraît familière... Et Mert, et Jan... Les voix s'éloignèrent progressivement. Elle trouva un appui sur sa gauche et s'endormit.
Mert sursauta légèrement lorsqu'une tête se posa contre son épaule. La chercheuse dormait à poing fermé, les joues roses. Tu as bu trop de vin, toi, songea-t-il. Il se tourna vers les autres et reprit sa discussion avec Niko, le cœur léger.
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