Les meilleurs cosplays du monde - Partie 2
Des bruits de pas précipités firent relever la figure fine de Livaï. Il fronça les sourcils, et lâcha son crayon, qui retomba sur une feuille recouverte d'une écriture régulière et ordonnée.
La pièce dans laquelle il se trouvait était peu meublée et rangée : un lit qui semblait n'avoir jamais servi longeait le mur à droite de la porte, parallèle au bureau. Une armoire de bois, installée en face de la couchette, se dressait de toute sa mince fierté. A sa droite, une fenêtre dévoilait la cime des pins entourant le bâtiment.
Aucun grain de poussière n'était visible, et les meubles étaient si bien nettoyés qu'ils en brillaient presque. La flamme dansante d'une lampe à huile posée sur une table de nuit projetait une lumière chaude dans la chambre. La propreté et l'ordre semblaient y régner en maître.
Sa chevelure mi-courte, couleur ébène, tomba sur son crâne du reste rasé lorsqu'il tourna la tête. Quelques mèches cachèrent son visage pâle et jeune, doté d'un petit nez et d'un menton pointus. Il les repoussa brièvement du bout de ses doigts, et se leva.
Ses yeux bleu horizon, marqués par des cernes, restaient parfaitement impassibles. Son pantalon et sa chemise blancs suggéraient un corps sec et musclé. Malgré sa taille, il dégageait une aura presque intimidante.
On frappa à la porte. « Entrez », lâcha-t-il. Le battant, sur lequel étaient suspendus un court blouson marron et une cape verte ornée de deux ailes, laissèrent place à un adolescent particulièrement grand, aux cheveux blonds et rasés de près.
Sa face rectangulaire, au même titre que ses petites prunelles noisette, reflétaient une confusion peu habituelle chez lui. Reiner Braun, reconnut-il ; une nouvelle recrue particulièrement compétente, qui le salua d'ailleurs, le poing droit plaqué contre sa large poitrine. Il est équipé, remarqua-t-il en étudiant les fourreaux de lames fixés à ses hanches. Il lui fit signe de ne pas trop se déranger avec cette convention supérieur-subalterne. Une demi-seconde de cette démonstration artificielle du potentiel respect qu'il lui vouait était largement suffisante.
« Caporal, le major vous demande dans le hall. » L'intéressé plissa brièvement les paupières. Dans le hall ? Endroit curieux, pour une réunion entre officiers. Il attrapa tout de même sa clef, quitta sa chaise, et sortit dans le long couloir, tout juste éclairé par la lumière chaude de ses torches.
Il s'apprêta ensuite à verrouiller sa chambre... « Il voudrait que vous veniez armé. » ... pour s'arrêter net.
« Armé ? Qu'est-ce qu'il se trame là-bas ?
— Je ne sais pas, caporal, répondit Reiner avec malaise. J'ai croisé Emilie, c'est elle qui m'a transféré l'ordre.
— ... Soit. »
Il y retourna donc, mi-intrigué, mi-irrité.
Son armoire. Il s'accroupit devant, ouvrit le tiroir du bas, et en extirpa le seul et unique objet qu'il contenait : une froide mallette métallique, laquelle renfermait son équipement tridimensionnel. C'était une chance qu'il n'ait pas encore retiré les lanières qui compressaient ses cuisses, serraient sa taille, et passaient éventuellement sous ses pieds – sans oublier le torse, ou le tout ne serait pas assez tarabiscoté... Et surtout parfaitement inutile.
Ses lames et autres bouteilles de gaz trouvèrent leur place sur ses flancs ; le propulseur à air comprimé, dans le bas de son dos ; les manettes de commandement, non loin de ses aisselles. Cela faisait beaucoup d'acier, se fit remarquer le caporal-chef. Il ne s'y attarda toutefois pas. Il y avait manifestement urgence.
Ainsi sa porte fut-elle enfin verrouillée. Il prit à droite dans le corridor, ignora l'humidité des murs de pierre taillée, et repéra rapidement le battant de bois qui menait à l'antichambre. Des voix agitées parvenaient déjà à ses oreilles, et recouvrirent bientôt le claquement de ses hautes bottes contre les dalles inégales. Seulement agitées. Il n'y avait pas – encore – eu de boucherie ; cette théorie se vit vérifiée dès qu'il tourna la poignée ronde, et fit un pas dans le hall.
Il était toujours aussi carré. Aucun mobilier ; seulement d'autres entrées et sorties, et les deux hauts battants foncés qui menaient à l'extérieur. Le toit, lui, était singulièrement plat. Ce n'était pas un mal que le Bataillon d'Exploration vive dans cette sobriété miraculeuse. Leur quartier général restait un château, après tout, et aussi vieux soit-il : ils avaient eu du pot d'y trouver une simplicité quasi-militaire.
Au beau milieu de la pièce, la poignée de soldats du groupe deux de sentinelles était tournée vers un même point. Ils venaient juste de revenir, devina-t-il à la terre qui salissait encore leur cape verte. Il repéra notamment Jean, ce garçon de quinze ans à la longue face méfiante ; et, surtout, Erwin, le fameux major.
Lui était toujours aussi grand. Sa coiffure blonde était toujours ordonnée, et ses traits rectangulaires, toujours impassibles. Les choses ne bougent pas trop, en ce moment, pensa Livaï avec ennui... Ennui qu'il balaya de lui-même en voyant une vigilance un peu trop explicite dans son regard bleu. Il suivit celui-ci, pour froncer les sourcils.
La source de tout ce fouillis était une jeune femme agenouillée à terre, et menottée avec brio. S'il fut assez perplexe en voyant son étrange pantalon délavé et son chemisier fin relativement terreux, ses chaussures l'irritèrent tout particulièrement.
D'étranges bottes courtes au cuir noir et sale ; saleté qui se propageait jusqu'aux liens qui l'unifiaient ; ces liens, d'épais fils – ou étaient-ces des cordes ? –, tout aussi sombres, vicieux, et surtout boueux ; boue qui collait particulièrement à la semelle brune qui soutenait le tout. Nul doute, cette inconnue avait souillé le sol. C'était quelque chose qu'il ne pouvait pas laisser passer. L'animosité grandit, il daigna enfin remonter ses pupilles sur sa tête, il se figea l'instant d'après.
Son visage petit, rond, et criblé de quelques tâches de rousseur qu'on ne voyait presque plus à côté du rouge de ses lunettes ; ses dents serrées par la peur, et peut-être aussi par l'énervement, que découvraient ses lèvres un poil fendues ; son carré châtain et mêlé, si mêlé qu'il en cachait ses yeux. Il n'en vit le vert que lorsqu'elle les posa sur lui.
Ils s'écarquillèrent immédiatement. Le choc qui modela brutalement les traits de l'inconnue fut presque égal à celui qui heurta Livaï. Elle ouvrit immédiatement la bouche, éberluée au possible.
« Toi ?!
— Moi ?
— ... Vous. »
Silence complet.
Ils se dévisagèrent avec incompréhension. ... Un, deux ? Il n'y a pas de doute, mes neurones sont en phase. Maintenant... Il prit une courte inspiration. Qu'est-ce qu'il vient de se passer ? Et c'est que l'inconnue ne devait pas en savoir plus que lui, au vu de son air perdu... Puis désespérément désillusionné. Face à ce changement subit, il plissa les yeux.
« Elle... », finit par souffler Reiner. Il se prit des regards stupéfaits de la part de l'assistance, qui était déjà bien trop muette. Le caporal-chef le regarda avec suspicion se raidir. « Oh, mince, j'ai dit une connerie », traduisit-il. « J'ai mis mon nez dans une merde un peu trop noire à mon goût. » « Pourquoi mon cerveau est-il aussi incompétent ? » « Si seulement mon QI était proportionnel à ma taille... »
« Livaï. » L'intéressé se tourna illico vers Erwin. « Oui. » Les yeux ciel du major, une fois sûrs qu'ils avaient son attention, se baissèrent de nouveau sur la jeune femme... Laquelle observait le vide, de nouveau dévorée par l'angoisse.
« Le groupe de Jean l'a retrouvée dans la forêt à trente minutes d'ici. » Le petit homme s'avança, et l'observa cette fois-ci avec impassibilité. Puis, il leva le menton vers le fameux Jean, qui venait de passer machinalement une main derrière ses courts cheveux châtain clair. Sur son long visage, un trouble agacé.
« Emilie a entendu du bruit. Elle est immédiatement allée voir, et a trouvé cette femme sur le point de se faire attaquer par un loup. Elle l'a sauvée, et l'a ramenée avec elle. Elle était en larmes et complètement perdue. Mais puisqu'elle était sur les terres du Bataillon... On l'a menottée. Et, une fois ici, elle a commencé à dire des choses incompréhensibles – du moins jusqu'à ce que vous arriviez...
— Oh, lâcha son supérieur en fixant l'intéressée. J'aimerais bien entendre ça. »
Elle déglutit. « Je... », s'étrangla-t-elle. Rien ne suivit. Mais alors qu'il commençait à sérieusement douter de l'étendue de son vocabulaire, elle finit par poser ses prunelles vertes sur lui.
« Je ne vois pas ce que vous voudriez entendre », débita-t-elle d'une voix tremblante. « Vous m'enlevez, puis vous me demandez des justifications ? Ce n'est pas... », Elle serra les dents.
« Ce n'est pas normal ! s'écria-t-elle enfin dans une colère peu assurée. Bravo, c'est super bien fait, je vous félicite, vous devriez gagner le prix des meilleurs cosplays du monde avec ça... Mais je ne suis pas idiote à ce point ! C'est contre les droits de l'Homme d'enlever quelqu'un, de le droguer trois fois et de le laisser quasi mort dans une forêt, avec... Avec des loups assez affamés pour dévorer des humains !
— Je te demande pardon ? »
Elle écarquilla les paupières, mais ne pipa mot.
« Je te retourne le compliment », articula-t-il donc lugubrement. « Te retrouver sur nos terres, alors même qu'elles sont gardées ? A quoi tu t'attends, dans le contexte actuel ? Un tapis de fleurs ? » Il fit tourner son couteau dans sa main. L'air de son interlocutrice tourna à l'horrifié. « Mais au vu de la manière dont tu te fais dessus, je doute que tu sois d'une grande menace pour moi. Je ne vais pas me répéter : réponds à nos questions. Tu ne voudrais pas que j'use de la force. »
De longues secondes coulèrent, deux ou trois larmes les imitèrent sur la peau de la jeune femme. Il les nota, légèrement mitigé, mais ne releva pas. Le silence d'Erwin, lui, fut relativement parlant : Livaï reprit l'interrogatoire.
« Ton nom.
— Marion Griffonds, murmura-t-elle.
— Ton âge. »
Elle bloqua un instant, l'air hagard : il fronça les sourcils, mais elle répondit avant qu'il ne fasse remarquer son hésitation.
« ... Dix-sept ans.
— Qu'est-ce que tu fous là ?
— Je ne sais pas. »
Il raffermit sa prise sur le manche de son poignard ; la panique frappa la dénommée Marion.
« Je ne sais vraiment pas ! s'écria-t-elle.
— Je ne vais pas avaler ça.
— Vraiment... Je n'y comprends rien !
— Continue à déblatérer ces conneries, et...
— Livaï, coupa le major. »
Il s'immobilisa un instant, puis retrouva son impassibilité. « Je vois », lâcha-t-il. « Tu t'es réveillée un matin, et, pouf, tu t'es retrouvée dans la forêt. » Silence. Silence un poil étrange. L'adolescente baissa le menton... Et commença à raconter ses péripéties.
Il n'en comprit pas grand-chose, à l'image d'Erwin et de tous les autres soldats. Toutefois, une chose s'avéra sûre : elle ne faisait pas partie du camp ennemi. Jean lui-même avait retrouvé son calme. Il n'y eut que Reiner pour rester en retrait, ses bras forts ballants ridiculement ; cependant, Livaï ne prit pas le temps d'analyser son expression affreusement sombre.
Elle termina ses babillages, le major ferma brièvement les paupières. Elle a l'air plutôt innocente, conclut son collègue... mais il ne baissa pas sa garde pour autant. Il ne pouvait pas se le permettre – du moins, pas avant que l'autre ne le lui ai clairement ordonné. Cette Marion restait une inconnue. Une inconnue suspecte. Ce constat ne s'arrangea pas lorsqu'il remarqua l'étrange objet noir, sobrement noir, aussi parfaitement noir que ses chaussures, qui dépassait de la poche de son pantalon.
Il tira immédiatement une lame ; tous sursautèrent, l'étrangère comprise. « Qu'est-ce que c'est que ça ? » articula-t-il. Elle eut un mouvement de recul. De nouveau, de l'effroi.
« De quoi est-ce que vous parlez ? débita-t-elle.
— Ça. Dans ta poche. »
Elle baissa le regard dessus, retourna dans sa fatigue lancinante.
« Rien. Vous pouvez le prendre. C'est juste un...
— Carnet, oui, coupa Erwin. »
Il s'accroupit devant elle de lui-même, attrapa rapidement l'ustensile, le glissa dans sa propre veste. « Nous y jetterons un œil plus tard », annonça-t-il. Le caporal-chef le dévisagea un instant. Qu'est-ce qu'il a derrière la tête ? En voyant son air, le blond le gratifia d'un air entendu. « Je t'expliquerai plus tard », je suppose.
Il rangea donc son épée, et ne remarqua qu'à peine l'horreur aussi horrifiée qu'horrifiée de Reiner. Il dut en être de même pour Erwin, car il se redressa avec impassibilité sans poser une seule fois ses prunelles bleues sur lui. « Jean, amène-la aux cachots », dit-il. L'intéressé hocha simplement la tête ; son supérieur tourna les talons.
« Retournez à vos postes », annonça-t-il plus fort. « Reiner, va chercher Hansi, et reprend ton tour de garde. Livaï, viens avec moi. Marion... », Il la gratifia d'un dernier coup d'œil. « Nous éclaircirons certains points demain. »
Et ce fut tout. Il quitta simplement la pièce, la laissant dans les mains du garde.
***
Le soir même
Noir. Il faisait noir. Assez noir pour que Reiner ne puisse pas discerner proprement la face allongée et incertaine de Bertolt, son camarade brun plus grand encore... Mais certes moins baraqué que lui. Ils étaient de garde sur le toit, face à la forêt qui s'étendait loin, très loin, sous ce ciel azur particulièrement étoilé.
Sur cette portion des chemins de garde, séparée du vide par des créneaux et autres merlons parfaitement rectangulaires, ils n'étaient que deux. Une aubaine pour eux ; ce n'était pas dans le dortoir commun qu'ils avaient la possibilité de discuter tranquillement.
« Tu es sûr que c'est elle ? murmura Bertolt. On nous a bien donné une description...
— Longs cheveux châtains, yeux verts, lunettes rouges, récita l'autre. C'est définitivement Marion. Je veux dire, elle l'a dit elle-même lorsque le caporal lui a demandé son nom : Marion Griffonds. Elle avait même son téléphone. Il n'y a pas plus clair. La seule chose qui diffère, c'est que là, elle a une coiffure en carré.
— Mais nous n'avons rien reçu de nos supérieurs...
— Ça ne saurait tarder. S'ils l'ont bien transférée ici...
— Je ne sais pas, souffla le brun. »
Reiner lui jeta un coup d'œil étonné. « Elle ne devrait pas être près du Bataillon, pas en plein milieu de nos ennemis. C'est un risque bien trop gros... S'ils devaient l'amener dans les Murs, ça serait vers Sina... », Il marqua une courte pause ; le blond, lui, frotta son menton carré du bout des doigts.
« Quelque chose cloche », admit-il. « Peut-être que ce n'est pas nos supérieurs qui ont pris cette décision. » Hochement de tête approbateur. « Et si tu as raison, cela veut dire qu'il y a des ennemis ici. La capture d'Annie a déjà l'air suspect... Et envoyer Marion là ne fait que nous ralentir ! Bon sang... »
Il soupira longuement, bras croisés. « Dans tous les cas, nous avons encore des camarades dans les autres corps d'armée. Eux aussi seront probablement informés. N'oublions pas Kenny non plus ; une élite chez les élites. Sans parler d'Isaac, même si c'est un yandere mal rafistolé... En bref, Livaï lui-même ne peut pas rivaliser. Il en va de même pour Erwin : avec le commandant Reiss en face... Peu importe les coups bas qu'on essaie de nous porter, nous ne sommes pas à notre désavantage. »
Ses yeux noisette quittèrent le sol de vieille pierre, pour dériver sur la mer de hauts pins qui s'étalait devant eux. « J'en suis convaincu : les ordres ne sauraient tarder. » Court silence. « Mais, Reiner... » Il se tourna vers lui avec stupeur : les traits allongés de Bertolt avaient tourné à l'horrifié.
« Elle sait, pour nous, non... ?
— Nous ?
— Notre identité ! débita-t-il. Si elle a lu le manga, elle le sait, non ?! »
Le blond mit un long moment à réaliser l'urgence de la situation : finalement, il baissa les mains sur ses manettes de commandement, les yeux écarquillés au possible. « Non », laissa-t-il tomber. « De quoi est-ce que tu parles ? Elle m'a vue. Elle aurait réagi. Elle aurait paniqué. Elle aurait crié au traître. Elle n'a rien fait de cela. Elle n'en sait rien. Elle n'a peut-être vu que l'anime. Et n'a pas eu le temps de voir la saison deux. »
Une pause. « Peut-être » fut tout ce que laissa tomber son camarade. Ils se murèrent de nouveau dans le silence... Silence qui pesa affreusement sur les épaules du semi-géant. Et quand bien même..., pensa-t-il. Il observa longuement ses fourreaux métalliques, dents serrées. ... elle n'aura pas le temps d'en parler.
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