Versatiles - Partie 2
Sud-est du Mur Sina, 17 février 852
Marion et Livaï galopaient dans une plaine légèrement en reliefs, sous une pluie particulièrement agaçante. Ils en étaient à la dernière ligne droite de leur retour, et la chercheuse était encore plus fatiguée qu'usuellement. Passer ses matins et après-midis à voyager, et ses nuits à dormir dans des auberges toutes plus différentes les unes que les autres, n'avait pas été de tout repos.
Toutefois, autre chose la perturbait : elle n'avait pas envie de retourner au Bataillon. Elle avait la désagréable impression qu'on lui avait arrachée le peu de tranquillité qu'elle avait réussi à construire, qu'on l'avait brutalement jetée d'une bulle confortable et rassurante. Et, surtout, elle avait peur. Son état n'avait fait qu'empirer depuis la dernière bataille ; revenir sur les lieux où elle avait vécu un véritable cauchemar ne l'enchantait pas.
Il n'y avait plus Antoine pour la rassurer : il s'était transformé en Livaï, de la coiffure au tempérament en passant par les abdominaux... Ce même Livaï qui n'était plus que son supérieur. Fabien était également rayé de la liste. Il s'appelait désormais Kenny, et l'avait de toute façon torturée avec trop de soin. Même si elle appréciait beaucoup Annie, elle n'était clairement pas compétente dans ce domaine ; Eren faisait des efforts, mais ils se révélaient assez vains ; Armin... Je n'ai toujours pas essayé, concéda-t-elle.
Mais dans tous les cas, les deux personnes qui l'accompagnaient dans son quotidien étaient affreusement impassibles, malgré les rares sourires de la blonde. Hansi était la seule personne énergique, et la seule qu'elle voulait bien revoir. Elle aimait les autres, mais les relations qu'ils entretenaient n'étaient pas comparables avec celle qu'elle avait nouée avec sa collègue. Mais bon, il y a Marcel...
« On arrive à la forêt », lui lança le caporal-chef par-dessus le bruit des sabots et de l'averse. Elle la discerna au même moment – du mieux qu'elle le pouvait, puisque les gouttes s'amusaient à mouiller vicieusement ses verres. On aurait presque dit qu'elles tenaient à la faire rager encore un peu plus. Son manteau du Bataillon était déjà alourdi, et son pantalon au blanc trempé collait désagréablement à ses jambes. Seule son écharpe noire était intacte. Je déteste la pluie.
Vingt longues minutes passèrent, au bout desquelles son supplice s'arrêta enfin. Plus d'eau sur la gueule : les arbres géants qui se dressaient à n'en plus finir au-dessus de leur tête les protégèrent mieux que n'importe-quel parapluie. Et, surtout, le silence gagna un terrain considérable.
La scientifique soupira longuement, retira sa capuche, et tenta d'essuyer ses lunettes du revers de la manche. Quelle ne fut son horreur en réalisant qu'elle avait empiré leur état ! « Et flûte », grogna-t-elle. Le petit homme, qui avançait à sa droite, lui jeta un regard.
« Quoi ?
— Rien... Juste mes verres. »
Il fronça les sourcils. « Retire-les, alors. » Oh, c'est vrai... Elle le fit donc, et chercha à tâtons une poche libre dans son sac. Il devait bien en reste quelques-unes, à l'avant... Mais sa main seule se débrouillait comme un pied. Elle se résolut à prendre entre ses dents l'élastique servant à fixer l'objet sur sa caboche, et à fouiller avec ses dix doigts.
« Enfin », marmonna-t-elle. Elle rangea difficilement ses lunettes. Elle pouvait dire adieu aux détails qui se trouvaient à plus de quinze mètres, mais c'était toujours mieux que de ne rien voir du tout. Lorsque son cheval manqua de glisser sur un caillou, elle se dépêcha d'autant plus à attraper de nouveau ses rênes...
« Marion ! »
... ce qu'elle ne fit jamais. Elle eut tout juste le temps de voir le regard inhabituellement alarmé de Livaï avant qu'il ne se jette sur elle. Ses bras forts la ceinturèrent brutalement : son souffle se coupa.
Il les retint de justesse de rouler sur le sol humide, et se rattrapa sur le bout de ses pieds à la place. La chercheuse, elle, tomba sur les fesses. Mais la douleur qui suivit ne fit que l'effleurer : elle était trop occupée à regarder avec ébahissement la dizaine de personnes armées de fusils d'assaut qui avait tenté de leur foncer dessus depuis des branches hautes.
« Et merde ! » jeta son supérieur. Leur équipement... « Marion, laisse ton sac ! » Elle obtempéra, mais ne détacha pas ses prunelles de leur combinaison kaki et des réservoirs de gaz compressé attachés sur le côté de leurs cuisses.
Il l'attrapa de nouveau, et lança son axe sur un tronc, mais fut vite stoppé par dix autres ennemis qui surgirent de nulle part. Ses yeux s'écarquillèrent, cherchèrent rapidement une issue de secours qu'ils ne trouvèrent pas.
On est encerclés, réalisa-t-elle avec choc. Le premier groupe s'était posté en hauteur ; le second, deux mètres en-dessous ; un troisième était resté au sol. Un enchevêtrement de câbles les surplombait.
Trente... Elle jeta un coup d'œil affolé à son supérieur. Ils sont trente... Lui-même serrait rageusement les dents. Il dégaina ses lames, et se plaça devant elle.
« Ne bouge pas, articula-t-il.
— Mais ils sont...
— Beaucoup, oui.
— Qu'est-ce qu'on fait ?
— Demande-leur ce qu'ils veulent. »
Elle déglutit. « Qu'est-ce que vous voulez ? » dit-elle dans un anglais tremblant. L'une des femmes posa deux pupilles impassibles sur elle. Elle ne répondit pas, et se contenta de braquer son arme sur Livaï. Marion constata avec horreur que tous venaient de faire de même.
Une demi-seconde plus tard, ils ouvraient le feu dans un bruit qui lui déchira les tympans. Tous les tirs convergèrent sur l'officier ; elle écarquilla les paupières... Mais ils ne criblèrent que le sol.
Trois cadavres tombèrent à sa droite. Il s'était lancé à une vitesse fulgurance dans les airs, et sa lame prise à revers tailladait déjà quatre autres adversaires. Sa subalterne béa quelques secondes : il se mouvait avec une agilité inégalable.
Il planta son axe dans un arbre à sa gauche, se jeta à l'autre bout du cercle humain qui l'assaillait, et prépara ses épées... Pour percuter quelque chose. Les câbles ! Il manqua de perdre l'équilibre. Une balle lui frôla l'arcade ; il dut descendre de nouveau au niveau du sol. Chacun de ses mouvements était suivi à la trace par une salve de coups. Et, pendant ce temps, personne ne s'approchait d'elle.
Ils veulent le tuer... Il se démenait comme un beau diable, esquivait du mieux qu'il le pouvait, arrivait à peine à trancher. Ils veulent le tuer. Il remonta en flèche pour exploser le ventre de l'un d'eux, et se retourna sur son voisin dans un tourbillon de rage. Il ne l'atteignit pas ; les agressions du reste du groupe le força à virer de nouveau à droite.
La panique frappa Marion en plein ventre. Elle le savait, il allait perdre cette bataille-là. La toile qui le plafonnait l'empêchait d'atteindre l'équipe la plus haute : s'il continuait d'être entravé comme cela... Ses lèvres s'entrouvrirent. Bien entendu !
Elle dégaina une épée, et la balança au-dessus d'elle du plus fort qu'elle le put. Deux cordes furent sectionnées ; un jeune homme chuta face à elle. Elle profita de sa surprise pour lui mettre son pied dans la face.
Est-ce que je peux atteindre les autres ? Elle s'apprêta à recommencer l'opération, mais n'en eut pas besoin. Livaï venait de l'imiter. Trois rejoignirent le premier dans un hoquet de surprise enterré sous les rafales ; les six restants de leur groupe, toujours statiques, durent replier leurs axes. Encore dix-sept. Après tout, ceux à terre n'étaient plus vraiment en état de bouger.
Mais alors qu'elle croyait que la situation allait s'arranger, la brutalité de leurs assaillants redoubla. L'atmosphère se fit brusquement irrespirable, ses mains se mirent à trembler. Elle pouvait presque voir l'envie de tuer de ses ennemis. Le danger l'enserrait avec tant de violence qu'elle manqua de dresser une nouvelle fois son sabre.
Non. Elle contracta les poings. Pas maintenant ! Elle se força à rester spectatrice du carnage qui se déroulait devant elle. Au même instant, le petit homme décapita un brun... Et ne vit pas le canon qui visait son crâne.
Mais l'américain n'eut pas le loisir de tirer. Une pierre frappait déjà violemment sa tempe. « Essaye, et t'es mort ! » hurla-t-elle malgré elle. Elle se prit un bref regard stupéfait de son supérieur, qui redescendit en une fraction de seconde. Ses bottes rasèrent l'herbe alors qu'il décimait une poignée des combattants à terre.
Huit. Il se lança de nouveau en l'air. Sept. Il fit volte-face, réalisa trop tard que le groupe encore debout se jetait désespérément sur lui. Sept. Un coup lui entailla la joue, un autre, la jambe. Sept. Ses pointes se plantèrent dans le sol derrière lui ; la balle de l'un des ennemis, dans son bras.
Le cri de douleur qu'il poussa horrifia sa subalterne. Non. Une seconde se ficha dans sa cuisse, et une rafale le suivit dans sa chute. Non... Livaï gratifia Marion d'un regard affreusement désolé. Juste avant d'atteindre le sol, il tira son avant-dernière lame...
Et la jeta sur elle.
Lien vers l'image : https://www.deviantart.com/darkvickie/art/Levi-vs-Beast-titan-663765995
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