Ruines - Partie 4

« Eren ! » cria-t-elle. Un sentiment urgent la poussa à se lancer vers lui. Elle planta son axe dans un mur, accéléra du mieux qu'elle le put, esquiva une main colossale qui tentait de l'attraper. Tout était flou autour d'elle. Tout, sauf le semi-titan, qui était dans l'incapacité de se relever.

Une dizaine. Elle serra les dents, se jeta sur l'un d'eux, et l'acheva. Eren se fit arracher une jambe. Elle se rua sur un autre, le tua à son tour, enchaîna avec un second. Son bras se déchiqueta, il poussa un cri. Elle en explosa deux de plus et prit un virage serré pour foncer sur un troisième. Il en restait quatre. Elle ne vit pas à temps le monstre de cinq mètres qui la saisit entre ses doigts.

Ses bras étaient prisonniers. La hargne l'envahit de plus belle lorsqu'elle vit sa bouche sanguinolente se rapprocher dangereusement d'elle. Elle ne pouvait pas mourir, pas maintenant. Elle devait le sauver avant qu'il ne soit trop tard. Si elle n'était même pas capable de faire ça...

Elle jeta un regard au brun. Dans un sursaut, il se pencha en avant, et déchira la nuque du prédateur. Son emprise se desserra, elle tomba au sol avec lui.

Elle se dégagea de ses doigts, et tenta de se relever. Une douleur atroce dans sa jambe la stoppa net. Elle ne put que regarder avec horreur un mastodonte de douze mètres mordre le haut du dos du guerrier, et celui-ci s'affaisser, inerte. Le choc la cloua sur place.

Eren était mort.

Il s'était fait dévorer, sous ses yeux, à cause de son incompétence. Elle n'avait pas été assez forte. Elle n'avait pas été assez rapide. Elle avait été incapable de le protéger comme elle s'était jurée de le faire.

Un désespoir immense l'envahit. Elle resta à terre, les paupières écarquillées. Elle ignora la tête immense qui se baissait sur elle. Elle ne pouvait pas se battre, pas après ça. Les dents du colosse se rapprochèrent de son corps : elle ferma les yeux. Le sang battait terriblement à ses tempes, les larmes coulaient en abondance sur ses joues. Elle était trop occupée à regarder son cœur se déchirer avec violence pour briser son immobilisme.

Je ne peux pas bouger. Un mètre. Je ne bougerai pas. Trente centimètres. Je ne le mérite pas. Elle sentit l'haleine putride de son ennemi, la bave gluante qui coula sur son épaule. Eren est mort. Il ne lui restait que quelques secondes à vivre. Eren est mort par ma faute...

Quelques secondes à vivre.

Une main lui saisit brutalement la jambe ; une autre, le bras. Elle se retrouva presque écartelée entre deux monstres, et laissa échapper une exclamation de douleur. Mais alors qu'on allait lui mordre le bassin, alors qu'elle allait se faire bouffer sur place, Historia déboula, et sectionna la nuque du premier prédateur. Son mollet fut libéré. Après un virage serré, quelques détours et un cri guerrier, elle abattit le deuxième.

Alors, Mikasa commença à tomber. Le sol se rapprocha d'elle à toute vitesse : la blonde la retint juste à temps. Elle ficha la pointe de son équipement dans une façade, se posa sur une maison, et la lâcha. « Où est Eren ? »

Une nouvelle fois, une souffrance indescriptible l'assaillit. Elle ne répondit pas. Lorsque sa camarade vit la carcasse du titan, elle laissa échapper un hoquet choqué. Mais elle se reprit rapidement, et lui lança un regard noir.

« Et toi, qu'est-ce que tu faisais par terre à rien foutre ? » L'intéressée baissa la tête. « Laisse-moi deviner. Tu as vu Eren mourir, et tu t'es dit que tu ne méritais plus qu'à servir de repas aux titans ? » Elle se contenta de détourner ses pupilles... Ce qui ne dura pas longtemps : l'autre la prit brusquement par les épaules. La colère flambait dans ses yeux.

« Merde, Mikasa ! On a besoin de toi au front !

— J'ai échoué, murmura-t-elle.

— Tu n'as pas échoué, tu as bien plus que ça à faire !

— Il est mort à cause de moi...

— Ta vie ne se limite pas à Eren !

— Tout ce que je voulais, c'était de pouvoir vivre avec lui après ça ! »

La blonde se raidit. Puis, elle prit une grande inspiration, et lui mit une mandale dans la gueule. La noiraude se tint la joue, ses paupières s'écarquillèrent. Elle s'attendait à beaucoup de choses... Mais pas à voir l'exploratrice aussi furieuse.

« Des gens meurent, ce n'est pas nouveau. Et tu vas arrêter de te battre car un seul a fini crevé ? » Elle serra les dents. « On n'a pas besoin d'une suicidaire ! On a besoin d'une combattante ! Comment peux-tu te targuer d'être soldate si tu abandonnes aussi facilement ?! Si tu cesses de te battre, sa mort n'aura servi à rien ! Alors arrête de faire ton égoïste, et bouge-toi le cul ! »

Son souffle se coupa. De longues secondes passèrent. Elle a raison. Historia la lâcha, et la scruta, sourcils froncés. Si j'abandonne maintenant... Mikasa jeta douloureusement un œil à son frère adoptif. ... il m'aura protégée pour rien. Elle inspira longuement, et chargea ses lames avec détermination. « Très bien. Je vais me battre. »

Mais lorsqu'elle fit volte-face, sa jambe la ramena à la réalité. « Mikasa ? » Elle tourna lentement la tête vers l'autre. « Ma jambe. Lorsqu'ils m'ont attaquée... » Des pas lourds se firent entendre.

Trois titans les encerclaient.

« Et merde ! » Lorsque l'un d'eux balança sa main vers elles, Historia poussa l'asiatique de justesse, et déchiqueta le membre. Puis, elle planta son axe dans l'épaule du colosse et s'éleva de terre. Elle s'était assez améliorée pour le tuer directement, mais à peine eut-elle le temps de s'engager vers un autre que le second se saisit d'elle.

Elle poussa un cri. Sa camarade serra les dents, et dressa ses lames. Elle tenta bien d'avancer, mais ne put que s'étaler sur les tuiles rouges. Une grimace tordit ses traits. Elle ne pouvait pas marcher. Elle pouvait tout juste ramper. Pour la première fois depuis son enfance, la peur s'immisça en elle. Elle ne voulait pas mourir, pas maintenant.

Deux doigts immenses compressèrent sa jambe, et la soulevèrent. « Non ! » cria-t-elle. Elle parvint à en trancher un, mais fut vite rattrapée par un second poing. Son écharpe tomba au sol. Les larmes lui montèrent aux yeux. Il n'y avait personne pour la sauver. Elle-même ne pouvait plus rien y faire.

Alors qu'elle rencontrait la langue chaude et gluante du prédateur, un homme cria le nom de la blonde. La dernière chose qu'elle put voir fut des cheveux platine et des yeux vairons.

Puis, la mâchoire du mastodonte claqua.

***

Mike posa ses yeux sur le cadavre désarticulé de Hansi. Autour de lui, l'Enfer. Annie et Reiner se battaient avec tant d'acharnement qu'il ne pouvait savoir lequel allait gagner. Le Titan Colossal venait de se transformer de nouveau, au beau milieu de la ville, et personne ne pouvait l'abattre.

Les soldats ennemis débarquaient de tous côtés. Les cris de ses camarades n'étaient recouverts que par le bruit vain de leurs canons et par les pas lourds des géants. Ceux-ci, au moins, ne faisaient pas la différence entre hommes des Murs et américains.

Ces derniers devaient d'ailleurs avoir appris la mort de Marion, car leur assaut n'était rien d'autre que désespéré. Ils avaient réuni tous leurs effectifs, et attaquaient sans répit. Ils n'étaient plus que des kamikazes qui fonçaient tête baissée au combat.

Et le pire, c'est qu'ils allaient gagner.

Cette ligne d'univers est foutue. Il enjamba le corps de sa collègue, et s'élança de nouveau dans les rues. Il faut que je trouve Livaï. Il renifla l'air. Les odeurs de sang, de chair brûlée et de poudre se mêlèrent à celle des soldats qu'il connaissait. Il les tria, les analysa, ignora l'étrange senteur de chèvre qu'il repéra, et trouva enfin celle du caporal-chef.

Il tourna immédiatement dans une ruelle. Il courut sur les toits, esquiva les mastodontes sans prendre le temps de leur faire une égratignure. Il vit rapidement Sasha tirer dans la tête d'un adversaire avec un regard noir. Headshot, songea-t-il rapidement avant de continuer sa route.

Et enfin, il l'aperçut. Il se démenait comme un beau diable au milieu d'un groupe d'ennemis, humains comme monstres. Il ouvrit la bouche pour l'appeler : mais à cet instant précis, le petit homme se fit trancher l'avant-bras, et se prit une balle dans le ventre. Son cri de douleur fut particulièrement éloquent. Et merde.

Il s'apprêta à chercher quelqu'un d'autre, lorsqu'une ombre blanche récupéra son collègue en plein vol, le balança sur un toit, et se tourna vers les ennemis. Elle se jeta sur eux à une vitesse fulgurante.

Isaac. Il venait certainement tout juste de se mêler au combat, car il avait l'air de péter la forme. Il n'eut même pas besoin de se transformer : américains comme colosses tombèrent comme des mouches. Un Livaï numéro deux, un Livaï sans équipement usé ni muscles en feu.

Il rejoignit celui-ci, et s'agenouilla près de lui. « Putain », grommelait-il. « Ça arrache... » Sa face, usuellement si impassible, était tordue par la souffrance : il était assis sur les tuiles rouges, et respirait avec peine. Ses prunelles elles-mêmes reflétaient terriblement sa fatigue.

Après quelques instants, il le remarqua. « Mike. Quelle est la... » Il cracha du sang.

« Quelle est la situation... là-bas ?

— Beaucoup sont morts. Notamment Eren, Mikasa, et Hansi. Je crois qu'Erwin n'en est pas très loin non plus. »

Il écarquilla les yeux, puis se prit le front, les dents serrées. « Foutus américains... » Une autre toux. « Je peux pas non plus me battre dans cet état... » Un tremblement secoua légèrement le sol. Annie venait d'exploser rageusement le visage de Reiner par terre.

Le caporal-chef baissa le menton, et retira la main pourpre qu'il avait plaquée contre sa blessure. Il en observa le sang un moment. « Le pire... C'est que tu avais raison... » lâcha-t-il. « Regarde-moi ce chantier... On crève comme des rats. Si j'avais su que Marion seule pouvait créer un désastre pareil... » Il grimaça. « Je l'aurais pas quittée d'une semelle... »

Mike ferma les paupières un instant.

« Tu l'as dit toi-même : on ne sait jamais comment les choses vont se finir.

— Certes... Mais là, on a bien merdé. Et, pour le coup, il n'y a qu'une fin possible...

— Non. Il y en a une infinité. »

Il lui jeta un regard sceptique. « Tu te souviens de ce que Marion a dit sur les lignes d'univers ? Une se crée dès qu'on fait un transfert spatio-temporel. » Il hocha la tête. « On va vivre une fin désastreuse. Mais on peut en créer une autre. »

Cette fois-ci, l'étonnement modela brièvement ses traits.

« Et tu vas la trouver où ?

— Il y en a, des choses, dans le sous-sol des Jäger.

— Je vois... Encore des secrets, hein... articula-t-il sur un ton douloureux. Tu as choisi qui ?

— Toi.

— T'as vu mon état ? jeta-t-il. Je serai complètement inutile.

— C'est toi qui la connais le mieux.

— Non... Quelqu'un d'autre ici en sait plus sur elle que n'importe-qui. »

Ce fut au chef d'escouade d'être surpris. « Envoie Isaac », dit l'autre. « Je vous retiens. J'y passerai, mais s'il faut ça... Je veux bien jouer les kamikazes. » Il réfléchit un instant. L'albinos les rejoignit justement, et posa un œil à la fois désolé et hargneux sur son ancien tuteur. Quelques secondes passèrent.

« Très bien. » Il se tourna vers le nouveau venu. « On a une issue de secours pour sauver Marion. J'ai besoin de toi. » Ceci raviva immédiatement son intérêt. Il hocha la tête, et le suivit. Mike jeta un dernier regard au petit homme, qui venait de se relever avec beaucoup de peine.

« Merci.

— Pas de quoi. Isaac... énonça-t-il entre deux crachats ensanglantés. T'as intérêt à botter leurs culs merdeux pour moi. On a peut-être des différents aussi importants que cette grande perche de Titan Colossal, mais on se rejoint au moins sur une chose... »

Il inspira douloureusement, et planta ses yeux clairs dans les siens. « Marion. »

Lien vers l'image : https://www.zerochan.net/1757473

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