Il faut sauver le soldat Marion - Partie 4
Elle posa son regard sur lui, ses yeux s'écarquillèrent. « Isaac », souffla-t-elle. Et merde. Son pouls s'emballa. « Qu'est-ce que tu fais là ? » Comment je fais, maintenant ? Il fut incapable d'esquisser ne serait-ce qu'un mouvement. Elle le scruta un moment, puis baissa le menton. « Peu importe », souffla-t-elle avant de se diriger vers une petite porte annexe.
Il resta planté là, complètement abasourdi. Est-ce qu'elle venait juste de le snober ? Il ne savait pas s'il devait être triste ou soulagé. Par défaut, il laissa la colère l'envahir. Il venait de faire foirer tout son plan. Il allait devoir s'infiltrer de nouveau, il n'avait pas le choix.
Le soleil se coucha. Il fila vers la réserve, qui se trouvait juste devant l'aile ouest. Rester discret. Il attendit, un œil rivé sur les fenêtres du réfectoire. Rester discret. Il regarda la danse qui se fit interminable. Enfin, Livaï et Marion quittèrent la cantine et revinrent, et Hansi se dirigea à son tour vers la sortie. Là ! Il courut vers les portes, et les ouvrit en silence.
Il assomma le garde bien plus grossièrement qu'avant, et se plaqua au même endroit qu'avant : dans le hall, juste avant le couloir. Le soldat passa une première fois chercher le gâteau et le vin. Il se tapit dans l'ombre lorsqu'il revint. Marion allait bientôt arriver. Il devait l'interpeller avant que la criminelle ne fasse son apparition.
« Baston ! Baston ! » Il serra les dents, et garda ses pupilles fixées sur le corridor. L'explorateur revint avec les cadeaux sans le voir. « Erwin, joyeux anniversaire ! » Là, il s'avança, et regarda des deux côtés. Ses paupières s'écarquillèrent.
Marion venait de sortir de la pièce, les larmes aux yeux. Elle le scruta un long moment d'un air horrifié. Il fit un pas vers elle : elle cria quelque chose, manqua de trébucher, et partit en courant.
Et merde ! Il s'apprêta à la suivre, lorsque des bruits de bottes s'élevèrent derrière lui. Il fit immédiatement volte-face. Une silhouette, cette fois-ci sans capuche, se tenait juste devant le battant par lequel était passée la chercheuse l'après-midi même. Bien évidemment... Ils ne mettent pas de gardes ici ! Il n'eut pas le temps de fondre dessus qu'elle fuyait déjà.
Il se raidit un instant, puis regarda de nouveau derrière lui. Par où devait-il aller ? Il contracta la mâchoire. Une vague de stress l'engloutit. Qui devait-il suivre ?
Marion, pensa-t-il immédiatement.
Il s'avança à droite, vers la sortie du réfectoire. Mais il n'eut pas le temps de la dépasser qu'on se jeta sur lui.
Il se retourna sur-le-champ. Livaï venait de le prendre par le bras, et lançait son genou vers son abdomen. Cette fois-ci, l'énervement le piqua sérieusement. Il esquiva le coup, se dégagea brusquement, et brandit son poing vers sa mâchoire.
Il le savait, il allait se faire plaquer au sol. C'est d'ailleurs ce qui arriva : l'autre lui faucha les pieds, le mit dos à terre, et immobilisa ses poignets. Les rôles s'étaient inversés. C'était exactement ce qu'il voulait.
« Qu'est-ce que tu fous ? » lâcha l'officier sur un ton mi-surpris, mi-irrité. D'autres personnes arrivèrent. Il attendit une réponse qui ne vint pas. « C'est vrai que tu ne peux pas parler. On va faire autrement. Le cri, c'était Marion ? »
Il acquiesça. « Tu as fait quelque chose ? » Il secoua la tête. « Oh. Mais tu parais beaucoup trop suspect pour que j'avale ça. » Tu peux pas attendre deux secondes ? « Elle quitte le réfectoire, et, quelle surprise, tu te montres exactement à ce moment. » Je t'ai déjà entendu déblatérer des conneries, mais là... « Alors, tu as intérêt à me répondre franchement. » Ferme ta mère !
« C'est toi, oui ou non ?
— Un assassin, dans la base. »
L'autre laissa échapper un hoquet de surprise, et écarquilla les paupières. Lui-même put entendre sa voix terriblement féminine résonner dans le corridor. Il regretta immédiatement d'avoir parlé : il était définitivement mieux dans son mutisme. Il ne venait pas seulement d'abandonner la cicatrice la plus importante à ses yeux, mais de leur exposer ce qu'il détestait le plus chez lui.
« Un assassin, dans la base », répéta le noiraud. Il acquiesça. « Et comment tu le sais ? » Il pinça les lèvres, et détourna les prunelles. « Je viens du futur », finit-il par laisser tomber au prix d'un effort colossal. Cette fois-ci, le regard de l'autre se fit définitivement méfiant.
« Tu penses que je vais te croire ?
— Oui. »
Il serra brièvement les dents. Cette situation était réellement pénible, mais il poussa encore un peu le mur de honte qui lui barrait le passage. « Dans tous les cas », reprit-il donc, « il y a un assassin, dans la base. Et Marion est partie par là. »
Le caporal-chef et Hansi échangèrent un regard. « Annie, Hansi, commencez les recherches. Moblit, dit aux autres de les renforcer. Toi, tu viens avec moi », articula-t-il en le laissant se relever.
Il le poussa jusqu'au réfectoire, qu'Erwin et Mike s'apprêtaient à quitter. « Il va falloir qu'on cause avec lui », dit le plus petit. Son collègue le dévisagea un instant, avant de se diriger rapidement vers une table.
« Tu viens du futur. » Nouvel acquiescement. « Fais bref : qu'est-ce qu'il s'est passé ? » Il leur résuma rapidement la situation. Comme la dernière fois, ils réfléchirent, et Mike signala que sa réaction était cohérente.
« Nous n'avons pas de temps à perdre. Marion devrait être facile à trouver : notre priorité, c'est d'attraper l'assassin. On étend les recherches à la ville. Livaï, Mike, prévenez les soldats. Isaac... Aide à chercher. Laissez la meurtrière en vie », précisa-t-il avant de se lever.
Les deux officiers acquiescèrent, et partirent de leur côté. Isaac, quant à lui, s'engagea dans le corridor. Cette fois-ci, il allait suivre les ordres comme il se doit. Cette fois-ci, je la sauverai.
***
Annie s'engagea dans le couloir des dortoirs du deuxième étage. Ses yeux bleus rebondirent sur chaque porte qui s'offrait à elle, ses doigts jouèrent avec son couteau. Au moindre mouvement, au moindre bruit, elle était prête à attaquer ou à défendre.
Elle fit un pas. Rien. Elle en fit un second. Pas grand-chose de plus. Elle continua encore, avec silence et concentration. Qu'allait-elle fouiller en premier ? Les chambres ? Les douches ? Ouvrir les portes sans bruit n'était pas un problème pour elle.
Elle commença donc. La première était vide. La deuxième, la troisième, la quatrième aussi. Elle les enchaîna toutes, toujours plongée dans un mutisme profond : il n'y avait que des paillasses et des tables de chevet. Il ne restait plus que les sanitaires.
Elle referma le dernier battant avec soin, et se tourna vers la dernière pièce. Elle se souvenait très bien du moment où elle y avait fait le ménage avec Marion. Quelqu'un s'y cachait-il ? Elle n'allait pas tarder à le savoir.
Elle s'approcha de la porte de bois. Elle n'eut pas besoin de tourner la poignée : elle était déjà entrouverte. Ses paupières se plissèrent. Peut-être qu'un soldat l'avait mal fermée. Elle posa sa main fine dessus. Ou peut-être que, en effet, que Marion ou le tueur s'y trouvait. Elle la poussa lentement.
Peut-être qu'elle allait devoir se battre.
Elle la laissa s'ouvrir, et se décala sur le mur. Pas un bruit. Elle y jeta un œil. Ses paupières s'écarquillèrent, son cœur rata un battement. Marion était affalée au fond de la salle.
Elle resserra son emprise sur le manche de son arme, et s'approcha doucement. Elle ne put s'empêcher de déglutir. La chercheuse ne bougeait pas. S'était-elle déjà fait tuer ? A cette idée, ses dents se serrèrent. Si c'était le cas, il ne valait mieux pas que l'ennemi se mette sur son chemin.
Seuls cinq mètres les séparaient. Si elle est morte... Quatre. Si elle s'est fait assassiner... Trois. Et si je croise la personne qui a fait ça... Deux. ... elle va le payer... Un. ... et pas seulement de mes mains.
Zéro. Elle y était. Elle se trouvait juste devant elle.
Elle s'agenouilla, et dirigea sa main vers le cou de la jeune femme. Elle pinça les lèvres. Elle allait bientôt savoir. Elle allait bientôt décider si elle allait massacrer ou pas. Ses doigts touchèrent la peau toujours chaude de la scientifique, et cherchèrent son pouls. Elle ne trouva rien. Elle n'en eut pas le temps : l'autre lui attrapa brusquement le poignet.
Elle sursauta, le cœur battant. Les prunelles vertes de la scientifique se levèrent vers elle. « Annie », souffla-t-elle faiblement. « Qu'est-ce que tu fais ici ? »
L'intéressée soupira de soulagement.
« On te cherche.
— Non. Qu'est-ce que tu fais ici ?
— Je fouillais, répéta-t-elle. »
Les paupières de Marion s'écarquillèrent, les larmes lui montèrent aux yeux. « Je suis désolée », gémit-elle. Elle saisit le col de son sweat-shirt, et posa son front contre ses clavicules. La blonde la sentit contracter la mâchoire. « Je suis désolée... »
Elle lui tapota l'épaule, les joues légèrement roses. Est-ce qu'elle s'en voulait d'avoir quitté le réfectoire ? C'était plutôt à eux de lui présenter des excuses. Ils n'avaient pas fait attention.
« Dis, Annie », dit alors la chercheuse d'une voix plus calme. « Où est-ce que je suis ? » Sa garde fronça les sourcils. Elle a dû boire, réalisa-t-elle.
« Tu es dans les douches.
— Non. Où est-ce que je suis ?
— Dans les douches, Marion. »
Celle-ci se redressa brutalement, et regarda autour d'elle. « Je suis dans les douches. » Elle baissa alors le menton. Ses cheveux tombèrent sur son visage, ses épaules tremblèrent. « Je suis dans les douches. » Au bout de quelques secondes, elle éclata de rire.
Annie plissa les yeux. Elle est vraiment bourrée. Elle se leva à son tour, et recula de quelques pas. Il ne faut pas qu'elle fasse autant de bruit, ou l'assassin... Mais au vu de son état, si je lui dis que quelqu'un veut la tuer, elle va paniquer. Elle inspira un coup.
« Écoute, Marion, on doit sortir d'ici.
— Pourquoi ? demanda-t-elle avec curiosité.
— Tu es ivre. Il faut que tu boives de l'eau...
— Non. Il faut que je me tue. »
Ses paroles tombèrent comme une bombe. L'ex-ennemie entrouvrit les lèvres. Elle tenta bien d'articuler quelque chose, mais aucun son ne sortit de sa gorge. L'autre rigola encore.
« Je suis un désastre. Je suis une boîte de Pandore. Les cadavres, ça ne parle pas. Je ne peux pas... Pas toi... Tu as les yeux d'Emilie », parut-elle réaliser. « Tu as les yeux d'Emilie. Emilie est morte. Annie, tu es pâle. Peut-être que tu as de la fièvre. Tu devrais aller à l'infirmerie. Non ! » cria-t-elle subitement.
La blonde ne put qu'écarquiller les yeux. « Bravo, c'est super bien fait, je vous félicite, vous devriez gagner le prix mondial du meilleur cosplay avec ça ! » Elle pouvait voir son amie se briser littéralement juste devant elle. « C'est juste contre les droits de l'Homme d'enlever quelqu'un, de le droguer trois fois et de le laisser quasi mort dans une forêt... » Son visage allait du désespoir à l'hilarité, en passant par la fureur. « Je vous dénoncerai... Je vous dénoncerai... » Sa voix elle-même semblait dérailler.
« Je ne rentrerai pas chez moi... »
Le silence qui suivit fut seulement brisé par les sanglots de Marion. Annie inspira profondément. Elle avait beau être horrifiée, son cœur avait beau se serrer, elle devait avant tout sauver la jeune femme. Il faut que je l'amène à Livaï ou Erwin. Elle s'approcha d'elle. Il faut la mettre en sécurité avant qu'elle n'attire...
Elle s'arrêta net. « Annie », l'appela une voix familière derrière elle. Elle se raidit, et se retourna lentement vers la porte. Lorsqu'elle reconnut celle qui l'avait interpellée, elle se figea complètement.
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