attack_on_titan&0.7 - Partie 2
« Kenny... » L'énième appel douloureux de Marion fit un peu plus ployer ses épaules ; il ferma les yeux, pour les reporter sur la pièce dans laquelle ils se trouvaient.
Ils étaient retournés dans leur petite auberge de jeunesse bas-prix. Le jeune homme était agenouillé sur le plancher lisse de leur chambre étroite, sobrement meublée d'un bureau, de deux lits simples et d'une armoire.
La lumière du soleil de fin de matinée filtrait avec peine au travers des rideaux bruns, tirés devant leur fenêtre rectangulaire au double-vitrage douteux. Leur couleur foncée contrastait étrangement avec le bois clair des meubles. S'ils étaient là depuis deux jours, il ne s'y était toujours pas habitué, peut-être car leur piaule de la base possédait des couleurs bien réglées. Ainsi observa-t-il et observa-t-il et observa-t-il encore...
Mais il devait se rendre à l'évidence : il n'allait pas parvenir à se détacher des tremblements de la chercheuse.
Elle s'était laissé tomber par terre dès qu'ils étaient revenus. Son visage était désormais réfugié dans son veston noir, que ses doigts enserraient d'ailleurs avec un talent cruel. Il l'avait laissée faire, comme toujours. Son bras entourait son dos, sa main maintenait l'arrière de sa nuque, son pouce caressait brièvement ses cheveux secs.
Peu importe que Philippe soit en train d'attendre, adossé à la tapisserie jaunâtre du couloir. De toute façon, même s'il avait été là, il aurait été trop horrifié par les évènements pour remarquer la singularité de la scène. Kenny qui rassure une gonzesse ? C'était une blague du même niveau que le mec qui rentrait dans un bar, voire dans un café en cas d'extrême nécessité.
Elle avait choisi les américains. Les Résistants avaient tenté de s'y opposer, il les avait mis hors de nuire ; la jeune mère y était passée, mais cela relevait de l'accident, puisqu'une voiture s'était précipitée devant eux. Marion l'avait bien vu, elle ne lui avait rien reproché.
La science avait primé, et ce n'était pas étonnant de sa part. Après tout, les États-Unis lui offraient un sujet de recherche qu'elle ne pouvait retrouver nulle-part ailleurs. « Tant pis pour le monde », avait-elle dit : c'était parole tenue. Et puis, une fois son frère parti, il comptait bien lui expliquer pourquoi elle pouvait toujours revenir sur ce choix.
D'ailleurs, le cadet l'avait vue, la baston... Et n'avait rien dit. C'était quelque chose que Kenny appréciait chez lui : il ne se mêlait pas de ce qui ne le regardait pas. Marion venait du futur ? Pas de problème. Les américains menaient depuis plusieurs décennies un complot qui allait changer la face du monde ? Quelle aventure. Stéphane Bern était le général d'une organisation secrète qui s'y opposait avec ferveur ? Grand bien lui fasse. Si Kenny était un connard d'élite, Philippe majorait chez les lâches, et cela avait des côtés positifs non négligeables.
« J'ai fait le mauvais choix, non ? » Son menton se baissa.
« Bah... Tu peux gérer ses répercussions, voire changer d'avis.
— Et les attentats...
— Dommages collatéraux. Et puis, tu penses vraiment qu'ils auraient pris le risque de prévenir un truc pareil ? »
Elle releva la tête avec surprise. Il put remarquer qu'aucune larme n'avait coulé sur ses joues.
« Ils auraient pu se faire démasquer.
— Oh, c'est vrai... »
Elle prit une grande inspiration, au bout de laquelle elle posa son front brûlant contre son torse. « Cette situation est fatigante. Les tours jumelles, la femme... J'ai l'impression que mon cerveau va exploser. C'est la première fois que quelqu'un se fait renverser à quelques mètres de moi... » Un long soupir s'échappa de ses lèvres. « J'espère que les secours sont arrivés à temps... »
Bien entendu qu'ils sont arrivés à temps. Son crâne n'était pas du tout éclaté par terre, voyons, elle avait toutes les chances de survivre... Toutefois, il ne releva pas. Elle semblait s'être calmée, nul besoin de lui foutre de nouveau la tête sous l'eau.
Suivit ce fameux instant d'immobilisme. Le jeune homme était peu enclin à le briser, et la scientifique semblait être du même avis. Elle y était déjà habituée, après tout. Enfin quoi, elle et son fameux meilleur pote en avaient passé, des heures, à faire la sieste sur ses pauvres épaules qui n'avaient rien demandé. Et devant Cendrillon, en plus ! Incompréhensible.
Dans tous les cas, elle ne bougea pas. Son statisme aurait pu être complet s'il n'était pas brisé par sa respiration. Mais, au bout de longues secondes, elle se détacha subitement de lui, mit son visage à sa hauteur, et le prit par les épaules.
« Bon », lâcha-t-elle. Son ton, son air, son aura inhabituellement irrités lui arracha un froncement de sourcils.
« Je suis vraiment une drama queen...
— Une quoi ?
— Tu sais, les filles dans les telenovas !
— ... Dans les quoi ?
— Je sais pas, on s'en carre ! ragea-t-elle subitement. J'en ai marre de ces histoires à la noix ! La Résistance 2.0 peut aller se faire mettre ! »
Ouah. « De toute façon, j'ai jamais aimé Secrets d'Histoire ! J'ai une tronche à sauver le monde, moi ? » Elle serra les poings. « Je finirai cette théorie. Je la mettrai même en pratique, au diable le reste ! Et elle naîtra, cette machine à voyager dans le temps ! »
Silence. Il resta là, bouche bée, à contempler avec stupeur ce retournement de situation inédit. L'autre parut le remarquer, car elle inspira longuement, et ancra son regard dans le sien.
« Écoute, Kenny... » L'intéressé déglutit, sous pression ; il ne savait trop quoi penser de son sérieux soudain. Quelques secondes coulèrent. Qu'est-ce qu'elle allait faire, encore ? Tenter de le tuer, comme d'habitude ? Après ce qui parut être une mûre réflexion, elle ouvrit enfin la bouche.
« Je sais que tu te prends pour une petite merde. » Son cœur rata douloureusement un battement. Elle mettait ça sur la table maintenant, sans sourciller ? C'était brusque, trop brusque, mais son ton honnête l'empêchait de l'interrompre. « Un connard qui ne pense qu'à lui, et patatras. Mais, bon sang... » Elle pinça les lèvres. « Si tu en étais un, tu n'aurais pas aidé mon meilleur ami. Et... »
Elle marqua une pause, baissa ses prunelles vertes. « Tu ne m'aurais pas aidée non plus », murmura-t-elle. « Tu n'en aurais rien eu à faire. Pourtant, tu viens de retourner ta veste pour suivre mon choix. » Il ouvrit la bouche, la referma, resta interdit. « Et même avant, tu as écouté mes réflexions spontanées et mes crises de nerf et ma culpabilité sans ciller. Tu n'aurais pas été là, les choses auraient été affreuses », rit-elle nerveusement. « Alors... »
Elle releva de nouveau les pupilles. Il fut incapable de détourner les siennes. « Peu importe ce que toi, et les autres en pensent ; pour moi... » Elle toucha son front du bout du doigt. « Là-dedans, il y en a, de l'humanité. Et pour me l'avoir montré une nouvelle fois... » Un sourire sincère se dessina sur son visage ; le jeune homme écarquilla les yeux.
« ... Je t'en suis vraiment reconnaissante. »
Silence. Il resta un très long moment immobile, le souffle court. Le sentiment qui le frappait était indescriptible. De la douleur ? De la délivrance ? Dans tous les cas, sa poitrine venait de se réduire en lambeaux, et ses épaules, de fléchir sous la légèreté soudaine qui les avait attaquées. Il finit par réussir à entrouvrir les lèvres.
« Tu... » Échec total. Face à celui-ci, le « tu » en question le gratifia d'un air authentiquement bienveillant. Après quelques instants, la main de la jeune fille tapota brièvement ses cheveux ramenés en arrière. « Tu avais un chapeau, avant », remarqua-t-elle aléatoirement.
Il béa un moment. De l'humanité ? parvint-il à penser. Si quelqu'un est humain, ici, ce n'est pas moi. Et puis, tu es bien la seule personne avec qui j'arrive à être sympa. Ça ne prouve rien du tout. Mais peut-être que tu as en partie raison. Tu ne sais simplement pas que ça ne serait pas arrivé si tu n'avais pas débarqué... et rien de cela ne sortit.
Elle le scruta un moment, puis baissa le menton. « Enfin. Les attentats. » Elle déglutit, manifestement troublée. « C'est chose faite, mais c'est affreux. » Elle se dirigea vers la porte de bois lisse, et posa sa main sur la poignée. « Dans tous les cas, demain, retour à la base. » Sa face se fit déterminée.
« Personne n'aura intérêt à se mettre entre le temps et moi. »
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