attack_on_titan&0.7 - Partie 1

TW : 11 septembre 2001. Pour passer la scène, passer au chapitre suivant.

New York City, 11 septembre 2001

Huit heures vingt du matin : Kenny et Marion se trouvaient dans cet endroit magique qu'était le centre-ville de New York. En vacances, qu'elle était. Elle aurait certainement préféré rester à la base, mais Rebecca, à laquelle son état n'avait pas échappé, l'avait forcée à voir un peu de monde.

Ils auraient simplement pu aller dans une ville paumée du Nevada. Cependant, Philippe en avait décidé autrement, en l'appelant en urgence le premier septembre. Ça avait été une surprise pour le jeune homme : son frère était quelqu'un de plutôt discret. Ils s'entendaient bien, mais cela faisait un moment qu'il n'avait pas eu de nouvelles. Alors, qu'il le contacte sans prévenir...

Ils devaient se retrouver à l'ouest du World Trade Center, au bout de la Fulton Street, qu'ils étaient d'ailleurs en train de remonter. La chercheuse paraissait plus à l'aise ici qu'à Las Vegas. Les hauts immeubles gris qui les encadraient fermement, criblés d'une infinité de fenêtres carrées, se voulaient bien moins extravagants.

Bon, il y avait toujours autant de bagnoles et de bougres qui se promenaient avec des sacs de shopping, mais c'était plus humain. Et puis, le temps doux et ensoleillé arrangeait de tout. La clarté du ciel leur permettait d'ailleurs de le voir, leur point de rendez-vous, avec ses hautes tours... En même temps, la rue est en ligne droite, là.

« J'ai faim », entendit-il la scientifique marmonner. Il lui jeta un œil. Ses mains étaient enfoncées dans les poches de son jean. Elle s'appliquait tout aussi bien à cacher le haut de son visage derrière ses boucles châtaines. Il la voyait depuis qu'elle s'était levée, sa mauvaise humeur : mais lorsqu'il lui en avait demandé la raison, elle lui avait expliqué qu'elle ne pouvait pas en parler.

Il ne pouvait qu'espérer que ce n'était pas lié à une quelconque envie de se foutre en l'air. Bien que son comportement se soit légèrement amélioré depuis qu'elle squattait son lit, le risque n'était toujours pas écarté. Au moins dormait-elle plus longtemps, puisqu'il feignait un « ciel, je défaille » chaque soir à vingt-trois heures trente. Elle n'y croyait probablement pas, mais jouait quand même le jeu.

D'ailleurs, c'était une chose curieuse. Qu'elle vienne pioncer avec lui après un gros coup de blues, il saisissait. Mais qu'elle réitère... Il ne demandait rien, pourtant. Aucun de ses gestes ne laissait transparaître un quelconque désir de rapprochement. Est-ce qu'elle le portait assez en estime pour venir vers lui comme ça ? Peut-être bien.

Il observa ses traits fins ; elle choisit ce moment pour poser ses yeux verts sur lui. « Qu'est-ce qu'il y a ? » L'intéressé détourna immédiatement le regard, le cœur battant. « Rien. » Youpi, tralala, j'ai encore frôlé la crise cardiaque.

« Kenny », dit-elle alors. Il déglutit.

« Marion.

— J'ai un mauvais pressentiment. »

Il la gratifia d'un air étonné, qui se renforça d'autant plus lorsqu'il la vit étudier ses chaussures sombres avec trouble.

« J'ai l'impression d'avoir oublié quelque chose d'important, souffla-t-elle.

— Tu t'en souviendras peut-être plus tard.

— J'espère, car...

— Fabien ! »

Tous deux se redressèrent subitement. Un petit gars blond et un poil baraqué était en train d'avancer à grands pas vers lui. Il n'avait probablement pas pu attendre qu'ils arrivent au World Trade Center, puisque ses deux tours caractéristiques étaient encore à environ deux cents mètres devant eux. « Philippe. Comment tu v... » Il ne finit pas sa phrase. L'autre venait de se saisir de son veston noir... Ou plutôt, de se réfugier dedans. Ses sanglots subits le frappèrent de plein fouet.

« Oh, Philippe, articula-t-il.

— Je suis désolé de venir comme ça, hoqueta celui-ci.

— Non, t'inquiète, mais...

— Fabien, balbutia-t-il, je ne sais pas quoi faire, j'ai foiré, j'ai complètement foiré, je... »

Ainsi continua-t-il sa phrase très claire, désormais rythmée par des mots tout aussi intelligibles. Au bout de longues secondes de blocage, Kenny inspira profondément. Le spectacle était assez inédit pour le prendre de court. Le type était si lâche qu'il ne savait montrer que de la peur aux gens ; il le soupçonnait de n'avoir pas même le courage de dévoiler son désespoir.

Il se résigna enfin à le prendre par les épaules pour l'écarter. Là, il le força à le regarder directement. « Je suis pas un polochon », lâcha-t-il. « C'est quoi, ton problème ? » Le cadet serra les dents. Son visage fin était marqué par une désolation immesurable.

« Alice... s'étrangla-t-il. Tu sais...

— Non. Une petite amie, peut-être ?

— Elle est enceinte... »

Il fronça les sourcils.

« D'accord. Et du coup ?

— Depuis avril !

— Ça doit vraiment être une nouvelle émouvante, pour que tu chiales comme ça. »

Le plus jeune secoua la tête.

« Non, tu ne comprends pas. Elle ne peut plus avorter.

— Et alors ?

— Alors, je ne peux pas ! s'écria-t-il d'une voix déchirée. »

Son frère écarquilla les paupières.

« Je ne peux pas, pas avec notre sang !

— On est bien nés, nous, objecta-t-il.

— Et regarde comment on a tourné ! Je ne peux pas... Fabien, j'ai besoin de ton aide...

— J'ai des mouchoirs, si tu veux.

— Veille sur eux.

— Hein ?! »

Un silence. L'aîné finit par éclater de rire.

« Ton humour est toujours à se t...

— Je suis sérieux. Je... Je sais que tu vas revenir en France. Ils habitent pas loin de notre petite ville... Juste, prendre de ses nouvelles, voir s'il y a un problème... »

Il le regarda avec consternation ployer sous le poids d'une souffrance qu'il ne pouvait certainement pas imaginer. « Moi, je n'en suis pas capable... » Silence. Après ces dernières paroles, l'estomac de Kenny se serra brièvement.

« Tu veux quoi ? jeta-t-il.

— Que tu restes en contact avec elle. Voilà tout.

— ... Je peux faire ça, céda-t-il avec ennui. Et toi, tu comptes faire quoi ?

— Certainement se tailler comme un lâche, articula Marion. »

Le soldat se tourna vers elle avec stupeur... Pour rester bouche bée. Son regard, son expression, toute son aura étaient singulièrement effrayants. « Philippe Chaillot, hein ? » Elle s'approcha de lui, le scruta un long moment. Puis, elle leva une main... Et lui mit une claque qui manqua de retentir dans la rue.

« C'est comme ça que tu règles tes problèmes, hein. Et ton gosse, tu crois qu'il sera heureux ? Et sa mère, si elle meurt, tu fais comment ? T'engrosse une femme... Puis tu te dédouanes de toute responsabilité ? Ce n'est pas comme ça que ça marche, espèce de con », cracha-t-elle. « Je te préviens : si tu fais ça, t'auras de sérieuses représailles. »

Court silence, joliment ponctué par un vrombissement sourd. Hein ? Tous trois levèrent la tête. Le bruit se rapprochait à une vitesse fulgurante ; les tympans de Kenny vibrèrent d'une intensité croissante. Mais, au bout de quelques secondes, il n'y fit plus attention.

Un avion entra dans leur champ de vision en un éclair, et s'écrasa avec violence contre la haute tour sud du World Trade Center. La déflagration tonitruante qui suivit noya presque les hurlements terrorisés des passants. Toutefois, il n'y prêta aucune attention. Ses prunelles étaient trop bien fixées sur le building pour le lui permettre.

Un large nuage gris s'éleva en quelques secondes au-dessus du sommet du bâtiment ; des flammes le dépassèrent un instant plus tard ; il crut même voir quelques personnes chuter des étages touchés. Cauchemardesque. Même pour lui, c'était d'un affreux et d'une brutalité frappants.

On le bouscula une fois, deux fois. A la troisième, il se réveilla brusquement de son état de choc. Une marée tumultueuse de monde fuyait avec terreur dans le sens inverse. D'innombrables cris et pleurs en jaillirent, rebondirent cruellement sur les parois de son crâne, le foudroyèrent enfin. Il se tourna immédiatement vers Marion... Pour réaliser qu'elle n'était plus là.

Un sentiment atroce le heurta la seconde d'après. « Marion ! » cria-t-il. Il se retourna, chercha frénétiquement. Ses yeux analysèrent urgemment chaque tête qui filait autour de lui. « Fabien ! Cours ! » l'exhorta son frère, peut-être bien pour la dixième fois.

Il ne le fit pas. L'autre lui jeta un regard affolé, et le prit fermement par le poignet. « Bordel ! T'arriveras à rien si tu restes planté là ! Bouge ! » Il le tira avec force dans ce fleuve humain ; Kenny suivit machinalement, trop occupé à fouiller la foule. Où est-ce qu'elle est ? Il serra rageusement les dents. Putain ! Si je l'ai perdue...

A cette seule idée, son ventre se tordit avec violence. Non. Un blond, au loin. Je vais la retrouver. Un brun, une rousse. Elle est quelque part. Une métisse clopinant avec son bébé. Elle est quelque part !

Puis, là-bas. Des boucles châtaines.

Il se dégagea illico de l'emprise de Philippe, et s'élança à la suite de l'adolescente. Elle était devant, bloquée derrière un groupe, entraînée par un grand homme aux courts cheveux auburn.

Il poussa sans ménagement les deux jeunes filles qui se trouvaient sur son chemin. Encore une dizaine de mètres, et il y était. Il avança, avança, se démena dans cette masse dense d'inconnus apeurés. Deux mètres. Deux mètres les séparaient. « Marion ! » s'exclama-t-il. Elle tourna lentement son visage vers lui. Son souffle se coupa. Les yeux verts de l'adolescente étaient dévorés par une culpabilité incommensurable.

« Qu'est-ce que... » murmura-t-il. « Le monde peut très bien se passer de moi. » Ses paupières s'écarquillèrent : il la connaissait, cette expression. Il la connaissait, mais n'avait jamais observé une telle intensité chez elle. Alors, il s'élança de nouveau...

Et esquiva de justesse le poing qu'on lançait vers sa mâchoire.

Il regarda avec stupeur une femme blonde au visage rectangulaire se lancer de nouveau sur lui. « Dainsborth », cria-t-elle, « cours ! » Dainsborth ? Il lui tordit le poignet sans difficulté. Elle poussa un cri de douleur, que l'autre ne rata pas : ses yeux bleus se posèrent sur elle avec inquiétude. Puis, il remarqua Kenny, et poussa un hoquet de surprise.

« Elena, abandonne ! C'est Kenny ! » Il connaît mon nom de code ? « Et les ordres de Bern ? » rugit-elle. Et Stéphane aussi ?!

« Ça passe avant Hannes ? jeta-t-il.

— Il a deux mois, il s'en fout !

— T'es sa mère, putain !

—Tu peux parler ! Toi aussi, y a une gosse qui t'attend !

— On sait même pas si c'est une gonzesse !

— Cent pour cent, que c'est une gonzesse, fulmina-t-elle. Tu verras, je les aurai, mes trente euros !

— Vous allez la fermer ?! »

Les deux se tournèrent vers le petit japonais enrobé qui venait de débarquer. Bon... Le franco-américain inspira longuement, fit une brusque clef-de-bras à la jeune mère, lui mit un poignard sous la gorge.

« Lâchez Marion, ou je l'égorge, articula-t-il.

— On s'en fout, lâcha le nouveau venu. Dainsborth, taille-toi pendant que... »

Une explosion le coupa sèchement. Tous regardèrent avec horreur un second avion foncer sur l'autre tour. Il s'abattit dessus avec une brutalité redoublée ; de nouveaux hurlements, toujours plus horrifiés. « Putain... » souffla Elena. « Cheesy, c'était vraiment ta pire idée ! » Celui-ci serra les dents. « On court ! »

Le soldat lui-même lâcha son otage ; ils obtempérèrent.

Ce sont des Résistants. Le jeune homme rattrapa le châtain sans attendre, et tira Marion à lui. Le regard de celle-ci était toujours aussi vide... Et elle se faisait plus traîner qu'autre chose. L'inquiétude revint en maître chez lui : elle semblait se contrefoutre du danger qui l'entourait. Est-ce qu'elle était en état de choc ?

Non. Il entrouvrit les lèvres. Elle avait dit qu'elle avait oublié quelque chose... Elle vient du futur, elle devait savoir pour le World Trade Center. Et là, elle vient sûrement d'être ramenée à la réalité. Elle doit se sentir coupable à un point inimaginable... Et au vu de son terrain psychologiquement défavorable, ça ne sentait pas bon du tout.

Ils arrivèrent à une intersection qu'il ne prit pas le temps de reconnaître. Il n'aurait su dire s'ils étaient poussés ou tirés par la panique qui régnait. Et maintenant, que devait-il faire ? Il avait un pied dans chaque camp, et voilà que la Résistance 2.0 se pointait ! A qui devait-il donner la priorité : Rhys, ou Stéphane ?

Ils sont partis du principe que j'allais refuser de leur donner Marion, se souvint-il subitement. Marion. Je me tape bien de favoriser Bern ou les États-Unis : où est-ce qu'elle sera le mieux ? Qui pourra garantir sa sécurité au maximum ? Il contracta la mâchoire. Non... Je ne peux pas choisir à sa place.

Il jeta un œil à la jeune fille, puis aux bâtiments gris qui les entouraient. « Marion », lança-t-il par-dessus les cris affolés. « Il va y avoir une troisième attaque ? » Ses yeux se remplirent de larmes. Elle secoua frénétiquement la tête, manifestement la seule action à sa portée. Il inspira profondément.

« Ce sont des Résistants », lâcha-t-il de but en blanc. Les intéressés le regardèrent brièvement. « Ils s'opposent aux américains. Je suis un double-agent, donc à la fois chez eux et ici. En sachant ton transfert, Bern, le général de leur organisation, m'a demandé de ne pas résister s'ils venaient, et Rhys, de faire en sorte qu'ils ne posent pas le petit doigt sur toi. »

Elle acquiesça faiblement. Son visage était livide. « J'aurais pu leur défoncer la gueule et me tirer de là, ou retourner ma veste, ça aurait été à ma guise. Ils savent que je suis un électron libre... » Il déglutit. « Mais là, c'est de toi dont il est question. Les choses ont changé, je peux plus faire n'importe-quoi. » A ces mots, les paupières de l'adolescente s'écarquillèrent.

« Alors, à toi de choisir... » Un pompier leur rentra dedans, grimaça, continua sa course effrénée vers les tours jumelles. Kenny serra un peu plus ses doigts autour du poignet de Marion.

« La Résistance, ou les américains ? »

Fanart par AnoushkaTheBest sur Tumblr

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