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Ses yeux mélancoliques observaient la lettre à ses mains, dont le papier quelque peu abîmé et tâché soulignait l'ancienneté de celle-ci, rappelant de cette manière que tous ces mots écrits appartenaient non pas au présent mais à un passé dorénavant enterré.

L'inlassable tictac de l'horloge se fit étouffé par le grincement de la porte qui s'ouvrait. La jeune femme releva finalement ses iris vers le nouvel arrivé, ne s'agissant d'autre que de son cher époux.

- Oh, tu es rentré, lança-t-elle en remarquant depuis la fenêtre que le ciel rougit par les feuilles automnales s'était assombri sans même qu'elle ne le remarque.

- Bonsoir ma chérie, lui avait-il répondu, tout en dénouant l'écharpe autour de son cou.

Comme à son habitude, il l'avait enlacé, puis embrassé, avant de se diriger vers la cafetière en quête de boisson chaude pour la énième fois de sa journée.

Tout ses actes semblaient guidés d'une monotonie maladive, d'un automatisme qui le rapprochait bien plus d'un robot au programme tout tracé qu'à un humain.

Il suffisait de ressentir le touché qu'il offrait à sa femme, bien moins chaleureux, bien moins sincère qu'il y a encore quelques mois de cela, lorsqu'ils étaient encore de simples jeunes mariés pleins d'amour à se partager. Mais leur plus grande erreur fut de penser que seul l'amour suffisait à les rendre vivants, à les rendre heureux jusqu'à la fin de leurs jours.

Elle se souvenait encore de sa naiveté en tant que lycéenne, croyant sincèrement que leur amour perdurera « pour toujours » et à jamais.

Elle ne pouvait lui en vouloir. Lui aussi devait sûrement regretter la légèreté qu'il mettait à ce terme qu'était l'éternité ainsi que ce temps passé.

Tout en prenant place face à elle, il remarqua la lettre qu'elle gardait en main depuis son arrivée, remarquant alors qu'il s'agissait d'une vieille lettre. Il se doutait de ce dont il s'agissait, mais questionna tout de même.

-Qu'est-ce que c'est?

-La lettre d'amour que tu m'avais faite. Je l'ai retrouvé dans un carton où j'avais foutue tous mes anciens livres, fit-elle tout en laissant son visage tomber contre sa paume de main.

Le regard du jeune homme sembla scintiller d'une pointe de curiosité qu'il assouvit en attrapant l'enveloppe de ses mains, tout en lisant tout cela d'un rapide coup d'oeil.

Puis, il se rendit soudainement compte du temps passé et que, de la même façon que les feuilles se dégradent et se meurent, les sentiments qu'ils s'éprouvaient mutuellement se consumaient au fil du temps. Ils passaient cette année leur cinquième automne ensemble, ou peut-être même leur sixième, avaient vu défiler au travers de leurs fenêtres défiler les différentes saisons. Et pourtant, les deux jeunes adultes semblaient coincés vers la fin d'automne, à s'efforcer de garder cette minuscule flamme en eux, se faisant inutilement croire que tout redeviendra comme avant, que le cycle vicieux de la routine n'aura pas raison d'eux, et que leur relation n'atteindra pas l'hiver et donc la fin inévitable de leurs sentiments.

- Ça te manque? Demanda-t-il juste avant de siroter son café, ses yeux tristement vidé de toute étincelle pouvant faire croire que sa flamme à lui subsistait encore.

-De quoi?

-Le passé. Et notre naiveté aussi.

Les tictac de l'horloge reprirent, tandis que sans pouvoir s'en retenir, des larmes défilèrent au-travers de ses joues, et ses iris se perdirent au-travers des siennes.

Ce soir là encore, elle ne parla pas de sa douleur. Lui non plus. Pour seule solution, il s'était levé, l'avait prise dans ses bras, avant de se diriger ensemble en direction de leur chambre, déposant une multitude de baisers papillons au creux de son cou.

Ils avaient à nouveau préféré le silence à la dispute, voulant éviter tout ce qui pourrait briser leur relation fragilisée. Ainsi, il passèrent la nuit éveillés, leurs corps nus dansant l'un contre l'autre, tout en observant leurs sentiments mourir, mais toujours accrochés à leur éternel mutisme.

Le lendemain était le premier décembre. Le lendemain, l'hiver débuta.

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